Chers collègues,
Se félicitant de l’initiative de la France d’avoir convoqué cette réunion pour discuter de la fourniture de l’aide internationale à la République d’Irak, afin de permettre au pays de surmonter de sérieux défis pour la sécurité et la stabilité, ce matin, nous avons écouté avec beaucoup d’attention les discours du président François Hollande et du président Fuad Masum.
La Russie a toujours plaidé en faveur de la préservation de l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Irak. Nous soutenons fermement la promotion d’un processus politique inclusif en vue d’assurer l’entente entre tous les groupes politiques, ethniques et religieux dans le pays.
Aujourd’hui, l’avenir de l’Irak est menacé par des actions agressives de l’organisation terroriste qui se fait appeler "Etat islamique" ou EIIL. Les extrémistes sèment la mort et la destruction également dans la Syrie voisine. De plus, ils proclament ouvertement l’intention de pousser l’ensemble de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord dans l’abîme des guerres de religion. On tente d’imposer aux musulmans des approches inconciliables avec d’autres religions et avec le monde extérieur. Ils tuent et humilient les chrétiens et exécutent les journalistes de façon atroce. Ce n’est absolument pas compatible avec les valeurs authentiques de l’Islam comme une des grandes religions du monde. Je pense que les dirigeants de l’"Etat islamique" ne devraient avoir aucune illusion : ils ne représentent pas l’islam et on ne leur permettra jamais de créer leur propre Etat.
Afin de répondre efficacement aux défis du terrorisme, il faut comprendre ses origines et son ampleur réelle, et élaborer une stratégie intégrée appropriée.
Depuis toujours, au cœur des efforts internationaux de lutte contre le terrorisme, s’est trouvée une détermination de répondre à toutes les formes et manifestations du terrorisme, sans diviser les terroristes en « mauvais » et « bons ». Malheureusement, dans la région MENA, ce principe fondamental a commencé à vaciller et il a été maintes fois sacrifié pour faire place aux aspirations de la chute du régime dans un pays donné.
Tel était le cas en Libye, alors que certains des pays ici présents se sont voilés la face devant le renforcement des extrémistes au cours de la lutte pour renverser Mouammar Kadhafi et même leur ont fourni des armes et ont mené la guerre à leurs côtés. Nous voyons en quoi cette politique inhumaine s’est soldée pour la Libye, ainsi que pour son voisin, le Mali, et de nombreux autres pays.
Une déclaration hâtive d’"illégitimité" de Bachar al-Assad, il y a plus de trois ans, a empêché de donner la riposte en temps opportun et de manière adéquate à des groupes terroristes en Syrie. La situation aurait pu changer à l’issue du sommet du G8 dans le Loch Erne en juin de l’année dernière, où a été lancé un appel au gouvernement syrien et à l’opposition de s’unir dans la lutte contre les terroristes et de les expulser du pays. Mais cet appel est resté lettre morte et notre proposition de faire approuver l’approche émanant du sommet de Loch Erne par le Conseil de Sécurité de l’ONU n’a pas reçu de soutien. En conséquence, de nombreux événements ont eu lieu, notamment, le fait que l’EIIL a réussi de renforcer leurs forces et de consolider ses activités en Irak et en Syrie.
En Irak même, les interventions qui ont suivi le renversement de Saddam Hussein ont été très mal conçues, en ignorant complètement les réalités et les traditions de ce pays ancien, ce qui l’a entraîné dans le chaos d’une guerre civile prolongée et a renforcé la perspective de son effondrement. Nous nous félicitons de l’engagement fort des dirigeants irakiens visant à surmonter les conséquences d’une telle influence et à parvenir à la réconciliation et l’unité nationales.
Nous sommes réunis ici aujourd’hui, non pas pour savoir qui est à blâmer et pour quels motifs. J’ai évoqué tout cela seulement parce que je pense qu’il est extrêmement important de prendre les bonnes conclusions à partir des erreurs du passé. Personne n’est parfait. Mais si nous voulons réussir, toutes nos actions doivent être fondées sur une prise de conscience solide et claire par rapport au fait que la montée d’une vague d’extrémisme est une menace majeure pour la région. Casser cette vague devrait être une priorité, quels que soient les autres projets nationaux d’un pays ou d’un autre de la région. Nous devons unir, dans l’action, et non pas en paroles, tous les Etats, à la fois dans la région et au-delà, qui sont réellement déterminés à lutter contre les terroristes.
Les intentions de déclencher des frappes sur des sites de l’EIIL en Syrie, sans aucune coopération avec le gouvernement syrien, ne peuvent que susciter des inquiétudes. Je tiens à souligner que la menace terroriste est beaucoup trop grave que pour pouvoir se permettre de fonder sa réaction sur telle ou telle autre considération idéologique et de mépriser le droit international. La Syrie et l’Iran sont nos alliés naturels dans la lutte contre l’Etat islamique et leur participation à notre réunion d’aujourd’hui pourrait enrichir considérablement notre travail. Les normes morales qui sous-tendent la lutte contre le terrorisme ne doivent pas être flouées.
Les succès obtenus par l’Etat islamique et de nombreux autres groupes terroristes en Irak, en Syrie et dans d’autres pays, auraient été impossibles sans le soutien financier et matériel venant de l’extérieur, y compris la fourniture d’armes et des achats du pétrole brut en provenance des gisements contrôlés par les terroristes. Par conséquent, couper tous les canaux de tels apports devrait devenir une priorité.Les pays membres de la coalition antiterroriste doivent démontrer une véritable unité, ne permettant pas à leurs différends sur d’autres questions de porter préjudice à l’efficacité des actions communes pour lutter contre le terrorisme. Les extrémistes vont essayer d’exploiter le moindre désaccord entre nous pour saper le front uni des États agissant contre eux. Par conséquent, il convient à développer une approche véritablement collaborative, en unissant nos esprits et nos ressources. Personne ne peut déterminer mieux que les autres, quel genre de stratégie devrait être la nôtre pour aider la région. Et il va de soi que nos actions conjointes devraient être fondées sur une base solide de la Charte des Nations Unies et d’autres instruments et mécanismes de lutte contre le terrorisme de l’ONU. Et en Irak, en Syrie et ailleurs, nous avons à faire à un seul et même ennemi, et sur ce point, il ne peut pas y avoir de place pour deux poids, deux mesures.
La Russie est prête à participer à l’élaboration de mesures générales supplémentaires visant à lutter contre le terrorisme. Nous fournissons déjà une assistance militaire significative nécessaire pour renforcer les capacités de lutte contre le terrorisme de l’Irak, de la Syrie et d’autres pays de la région qui sont situés sur la ligne de front dans la lutte contre l’Etat islamique et d’autres groupes.
La menace du terrorisme est beaucoup plus complexe que l’ordre du jour d’aujourd’hui et est beaucoup plus large en termes de géographie. Se félicitant de l’initiative de la France, nous soumettons à tous les acteurs régionaux et internationaux l’idée de lancer, avec l’intermédiaire du Conseil de Sécurité des Nations Unies, une étude profonde et cohérente des problèmes de l’extrémisme et du terrorisme dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord dans leur intégralité.
Nous pensons qu’il est nécessaire d’examiner les causes sous-jacentes et non pas seulement les symptômes de la montée de l’extrémisme. Nous devrions être en mesure de discuter de façon honnête des conséquences des guerres et des incursions du passé, des raisons pour lesquelles les négociations de longue date sur le règlement d’un conflit aboutissaient dans une impasse, y compris le manque de progrès sur l’Initiative de paix arabe. Par exemple, tous partagent la conviction que la non-résolution de la question palestinienne aide les radicaux à laver le cerveau des enfants et des jeunes et à recruter davantage de nouveaux membres en faveur de l’Etat islamique, d’un-Nusra, d’Al-Qaïda et d’autres groupes terroristes.
Nous espérons que la réunion d’aujourd’hui sera utile pour examiner les besoins urgents du gouvernement irakien et contribuera à la mobilisation d’un soutien pratique pour une plus grande concertation des efforts internationaux de lutte contre le terrorisme sous les auspices de l’Organisation des Nations Unies.
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