Actuellement, l’Allemagne, la Belgique, la Hollande, l’Italie et la Turquie, peut-être demain la Pologne, violent l’article 2 du Traité de non-prolifération nucléaire en stockant sur leur sol des bombes atomiques de l’Otan. Or, en cas de guerre nucléaire entre les deux Grands, les premiers États touchés seraient précisément ceux qui abritent ces stocks. C’est pourquoi, indépendamment de la question morale de l’usage de ces armes, l’instinct de survie voudrait que l’on refuse leur présence et que l’on respecte le Traité.
Tandis que le mot « sécurité » nous assourdit les oreilles, amplifié par les mégaphones politico-médiatiques, les paroles du ministre de la Défense russe Sergueï Choïgou sur la toujours plus périlleuse confrontation nucléaire en Europe sont tombées dans le silence. Aucune alarme, aucune réaction gouvernementale en Italie à l’égard de ce qu’il a dit : « Environ 200 bombes nucléaires états-uniennes sont stockées en Italie, Belgique, Hollande, Allemagne et Turquie, et cet arsenal nucléaire est l’objet d’un programme de rénovation ».
Pour cette raison, « les forces missilistiques stratégiques russes tiennent plus des 95 % des lanceurs prêts à tout moment au combat ». Et tandis qu’un sous-marin russe lance depuis la Méditerranée contre des objectifs de Daesh en Syrie des missiles de croisière Kalibr (qui parcourent environ 3 000 km à basse altitude en accélérant dans leur phase finale à trois fois la vitesse du son), le président Poutine avertit : « les missiles Kalibr peuvent être armés aussi bien avec des têtes conventionnelles qu’avec des têtes nucléaires », ajoutant que « cela n’est certainement pas nécessaire dans la lutte contre les terroristes, et j’espère que cela ne sera jamais nécessaire ».
Ce message clair adressé en réalité à l’Otan, en particulier aux États européens dans lesquels sont stockées les armes nucléaires états-uniennes, se trouve présenté par les médias comme la « boutade » d’un Poutine qui « montre ses muscles ». Ainsi n’alarme-t-on pas la population, en la laissant dans l’ignorance du danger auquel elle est exposée. Les environ 70 bombes nucléaires USA B-61, prêtes à l’emploi dans les bases d’Aviano et de Ghedi-Torre, sont sur le point d’être remplacées par les B61-12. Dans ce but —documente la Fédération des scientifiques américains (Fas) avec des photos satellitaires— a été effectué la mise à jour des deux bases, où en 2013 et 2014 s’est déroulé le Steadfast Noon, l’exercice Otan de guerre nucléaire avec la participation aussi de chasseurs F-16 de la Pologne, qui s’est offerte pour accueillir de nouvelles bombes nucléaires des USA. La B61-12 est une nouvelle arme nucléaire qui, larguée à environ 100 km de l’objectif, est projetée pour « décapiter » le pays ennemi lors d’une première frappe nucléaire. On efface ainsi la différence entre armes nucléaires stratégiques de longue portée et armes tactiques de courte portée. On ne sait pas combien de B61-12 seront stockées en Italie mais, avec une estimation par défaut, on calcule que leur puissance destructrice équivaudra à celle d’environ 300 bombes de Hiroshima.
Selon les règles du Groupe de planification nucléaire de l’Otan, dont fait partie l’Italie, les pays qui hébergent les armes nucléaires US « mettent à disposition des avions équipés pour transporter des bombes nucléaires et du personnel entraîné à cet effet », mais « les États Unis conservent le contrôle absolu et la surveillance de ces armes nucléaires ». La Fas confirme qu’à Ghedi Torre sont stockées les bombes nucléaires états-uniennes « pour les Tornado italiens » et que des pilotes italiens sont entraînés à leur utilisation. Comme on prévoit de remplacer les Tornado par les F-35, les premiers pilotes italiens, qui ont complété en novembre l’entraînement sur les F-35 dans la base Luke de l’US Air Force en Arizona, sont entraînés aussi à l’utilisation des B61-12.
L’Italie viole de ce fait le Traité de non-prolifération ratifié en 1975, qui l’ « engage à ne pas recevoir de quiconque des armes nucléaires, ni le contrôle sur de telles armes, directement ou indirectement » (Article 2). Elle est devenue par conséquent une base avancée de la stratégie nucléaire des USA et de l’Otan et, donc, une cible de représailles nucléaires. Vitale est la bataille pour la dénucléarisation de l’Italie, sans laquelle la requête générique de l’abolition des armes nucléaires devient une couverture démagogique pour qui ne veut pas affronter la question nodale. Preuve que l’assoupissement des consciences a amené aussi à la perte de l’instinct de survie.
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