Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Recteur,
Mesdames et Messieurs les Présidents d’université,
Mesdames et Messieurs,
Je suis venu vous parler d’Europe. « Encore », diront certains. Ils devront s’habituer parce que je continuerai. Et parce que notre combat est bien là, c’est notre histoire, notre identité, notre horizon, ce qui nous protège et ce qui nous donne un avenir.
« Déjà ? Est-ce nécessaire ? », diront les autres. Parce que ce n’est pour eux jamais le bon moment pour parler d’Europe. C’est toujours trop tôt ou déjà trop tard. Ils se sont habitués à la tactique. Il est tellement plus simple de ne jamais expliquer où on veut aller, où nous voulons conduire nos peuples et de rester avec des arguments cachés, parce que simplement on a perdu l’objectif. Et il est tellement plus confortable de discuter à longueur de séances des instruments, sans savoir exactement où nous allons.
Chacun s’est donc habitué à ne plus dire ce qu’il pensait, ce qu’il voulait, en faisant croire que c’est de la tactique. L’expérience montre que cela ne conduit à rien.
Et venir en parler à La Sorbonne, Monsieur le Recteur, a beaucoup de sens. Tous, nous sommes sensibles au prestige de cet amphithéâtre. Mais La Sorbonne, ce ne fut pas d’abord ce bâtiment prestigieux. Ce fut d’abord une idée. Une idée portée par quelques érudits et leurs disciples qui construisaient leur avenir assis sur de la paille.
Ce n’est pas cet amphithéâtre qui fait que La Sorbonne existe. Si elle vit aujourd’hui, c’est de l’idée que ses professeurs et ses élèves se font du savoir : une idée dont la vigueur a déjà traversé huit siècles. L’Europe aussi est une idée. Une idée portée depuis des siècles par des pionniers, des optimistes, des visionnaires, et que sans cesse, il nous appartient de nous réapproprier. Car les plus belles idées, celles qui nous font avancer, qui améliorent le sort des hommes sont toujours fragiles. Et l’Europe ne vivra que par l’idée que nous nous en faisons. A nous de la vivifier, de la rendre toujours plus belle et plus forte, de ne pas nous laisser arrêter par la forme que lui donnent les circonstances historiques. Car cette forme passe, mais l’idée demeure, et son ambition doit être la nôtre.
Vivre collégialement, c’était l’idéal de Robert de SORBON. Et de partout affluaient les intellectuels et les érudits qui allaient forger la pensée européenne. A travers les guerres et les crises, à travers toutes ces péripéties de l’Histoire qui ont frappé l’Europe, cette pensée n’a cessé de grandir, de rayonner. Et là où le chaos aurait pu triompher, la civilisation, toujours, l’a emporté.
Nous sommes les héritiers de toute cette histoire. Nous sommes les héritiers de deux déflagrations qui auraient dû jeter la nuit sur notre Europe, celles du siècle passé, des deux guerres mondiales qui ont décimé l’Europe et auraient pu nous engloutir. Mais ensemble, nous avons surmonté l’épreuve sans jamais en oublier les leçons. L’idée a triomphé des ruines. Le désir de fraternité a été plus fort que la vengeance et la haine.
Ce fut la lucidité des pères fondateurs de transformer ce combat séculaire pour l’hégémonie européenne en coopérations fraternelles ou en rivalités pacifiques. Derrière la Communauté du Charbon et de l’Acier, ou le Marché commun, c’est la promesse de paix, de prospérité, de liberté que le projet forgeait.
Quand la Grèce, l’Espagne, le Portugal entraient dans le Marché commun une génération plus tard, ces mots n’étaient pas techniques. Ils étaient, pour chacun sortant de la dictature, l’écho de la liberté. Quand ce qu’on appelait alors l’Europe de l’Est, de la Pologne à la Bulgarie, a rejoint ce projet une génération après, c’est ce même souffle d’espoir qui nous animait. C’était réparer une histoire commencée en 1947, enfin. Pour nombre de pays qui avaient connu les pires oppressions, rejoindre l’Union européenne apparaissait comme une promesse inédite d’émancipation.
Sans doute alors, ne voyait-on pas assez que cette Europe rêvée grandissait à l’abri. A l’abri du reste du monde d’abord. Sa sécurité n’était pas son affaire : assurée par l’Amérique. Son économie connaissait déjà le chemin à suivre : rattraper l’Amérique. A l’abri des peuples aussi. Le projet européen, naissant, était la mission de quelques-uns, recousant les fils d’un continent déchiré en surmontant les passions populaires.
L’enjeu vital est toujours là. Mais les digues derrières lesquelles l’Europe pouvait s’épanouir ont disparu. La voici aujourd’hui plus fragile, exposée aux bourrasques de la mondialisation telle qu’elle va, et même ce qui sans doute est pire, à des idées qui se présentent comme des solutions préférables.
Ces idées ont un nom : nationalisme, identitarisme, protectionnisme, souverainisme de repli. Ces idées qui, tant de fois, ont allumé les brasiers où l’Europe aurait pu périr, les revoici sous des habits neufs encore ces derniers jours. Elles se disent légitimes parce qu’elles exploitent avec cynisme la peur des peuples. Trop longtemps, nous avons ignoré leur puissance. Trop longtemps, nous avons cru avec certitude que le passé ne reviendrait pas, nous avons pensé que la leçon était retenue, nous avons pensé que nous pouvions nous installer dans la langueur, l’habitude, abandonner un peu de cette ambition, de cet espoir que l’Europe devait porter puisqu’elle devenait comme une évidence dont nous aurions perdu le fil.
Mais les passions tristes de l’Europe sont bien là, qui se rappellent à nous, et elles fascinent. Elles savent faire oublier la cohorte de malheurs qui, dans l’Histoire, les a toujours suivies. Elles rassurent, et j’ose le dire, elles peuvent demain l’emporter, non parce que les peuples sont crédules ! Non parce que l’idée européenne est morte ! Mais parce que nous avons, par inconscience, faiblesse ou aveuglement, créé les conditions de leur victoire. Parce que nous avons oublié de vouloir le fil de cette ambition ! Parce que nous avons oublié de défendre l’Europe ! Parce que nous avons oublié de proposer pour l’Europe ! Parce que nous avons laissé s’installer le doute.
Que disent-ils à nos peuples ? Que, eux, ont la solution. Que, eux, protègeront. Mais face à quels défis ? Tous les défis qui nous attendent - du réchauffement climatique, à la transition numérique, en passant par les migrations, le terrorisme, tout cela, ce sont des défis mondiaux face auxquels une nation qui se rétrécit sur elle-même ne peut faire qu’à peu près et peu de chose.
Ils mentent aux peuples, mais nous avons laissé faire cela, parce que nous avons voulu installer l’idée que l’Europe était devenue une bureaucratie impuissante. Nous avons, partout en Europe, expliqué que quand la contrainte était là, elle était européenne ! Que quand l’impuissance était à la porte, ce n’était pas nous mais Bruxelles ! Oubliant, ce faisant, que Bruxelles, c’est nous, toujours, à chaque instant ! Nous n’avons plus proposé, nous n’avons plus voulu. Je ne laisserai rien, rien à toutes celles et ceux qui promettent la haine, la division ou le repli national. Je ne leur laisserai aucune proposition. C’est à l’Europe de les faire, c’est à nous de les porter, aujourd’hui et maintenant.
Parce que oui, nous ne pouvons pas nous permettre de garder les mêmes habitudes, les mêmes politiques, le même vocabulaire, les mêmes budgets. Nous ne pouvons pas davantage choisir la voie du repli national, qui serait un naufrage collectif. Nous ne devons pas nous laisser intimider par l’illusion du repli ! Et c’est en refusant ce mensonge que nous serons à la hauteur de notre époque, de son urgence, de sa gravité.
La seule voie qui assure notre avenir, celle dont je veux vous parler aujourd’hui, c’est à nous, à vous de la tracer. C’est la refondation d’une Europe souveraine, unie et démocratique. Ayons ensemble l’audace de frayer ce chemin. Comme je l’ai assumé à chaque instant devant les Français, je le dis aujourd’hui avec une conviction intacte : l’Europe que nous connaissons est trop faible, trop lente, trop inefficace, mais l’Europe seule peut nous donner une capacité d’action dans le monde, face aux grands défis contemporains.
L’Europe seule peut, en un mot, assurer une souveraineté réelle, c’est-à-dire notre capacité à exister dans le monde actuel pour y défendre nos valeurs et nos intérêts. Il y a une souveraineté européenne à construire, et il y a la nécessité de la construire. Pourquoi ? Parce que ce qui constitue, ce qui forge notre identité profonde, cet équilibre de valeur, ce rapport à la liberté, aux Droits de l’Homme, à la justice est inédit sur la Planète. Cet attachement à une économie de marché, mais à la justice sociale l’est tout autant. Ce que l’Europe représente, nous ne pouvons pas le confier aveuglement, ni de l’autre côté de l’Atlantique, ni aux confins de l’Asie. C’est à nous de le défendre et de le construire dans cette mondialisation.
Et donc au lieu de concentrer toute notre énergie sur nos divisions internes, comme nous le faisons maintenant depuis trop longtemps, au lieu de perdre nos débats dans une guerre civile européenne - car de débat budgétaire en débat financier, en débats politiques c’est bien de cela dont il s’agit - nous devons plutôt considérer comment faire une Europe forte, dans le monde tel qu’il va. Et comme construire, ainsi, les six clés de la souveraineté indispensables pour y réussir.
Face à chacun de ces enjeux, nous devons désormais engager des actions concrètes. La première clé, le fondement de toute communauté politique, c’est la sécurité. Nous vivons en Europe un double mouvement : un désengagement progressif et inéluctable des Etats-Unis, et un phénomène terroriste durable qui a pour projet assumé de fracturer nos sociétés libres. L’Europe, dans ces domaines, a enfin pris conscience de ses fragilités et de la nécessité d’agit ensemble. Nous devons amplifier les travaux engagés pour lutter contre le financement du terrorisme, et la propagande terroriste sur Internet. Nous avons commencé à le faire, à quelques-uns. Nous devons renforcer notre cybersécurité et créer un espace de sécurité et de justice commun.
En matière de défense, notre objectif doit être la capacité d’action autonome de l’Europe, en complément de l’OTAN. Le socle de cette autonomie a été posé, avec des progrès historiques intervenus ces derniers mois. En juin dernier, nous avons posé les bases de cette Europe de la Défense ; une coopération structurée permanente, permettant de prendre des engagements accrus, d’avancer ensemble et de mieux nous coordonner ; mais aussi un Fonds européen de défense afin de financer nos capacités et notre recherche. Ce socle indispensable, nous sommes en train de lui donner un contenu, à travers les échanges des différents Etats-membres qui souhaitent avancer en cette direction.
Mais il nous faut aller plus loin. Ce qui manque le plus à l’Europe aujourd’hui, cette Europe de la Défense, c’est une culture stratégique commune. Notre incapacité à agir ensemble de façon convaincante met en cause notre crédibilité en tant qu’Européens. Nous n’avons pas les mêmes cultures, parlementaires, historiques, politiques ni les mêmes sensibilités. Et nous ne changerons pas cela en un jour. Mais je propose dès à présent d’essayer de construire cette culture en commun, en proposant une initiative européenne d’intervention visant à développer cette culture stratégique partagée.
Pour créer ce rapprochement, nous avons besoin d’un changement profond. Je propose ainsi à nos partenaires d’accueillir dans nos armées nationales – et j’ouvre cette initiative dans les armées françaises – des militaires venant de tous les pays européens volontaires pour participer, le plus en amont possible, à nos travaux d’anticipation, de renseignement, de planification et de soutien aux opérations. Au début de la prochaine décennie, l’Europe devra ainsi être dotée d’une Force commune d’intervention, d’un budget de défense commun et d’une doctrine commune pour agir.
Je veux que cette culture commune s’étende, dans la lutte contre le terrorisme, à nos services de renseignement. Je souhaite ainsi la création d’une Académie européenne du renseignement pour renforcer les liens entre nos pays, par des actions de formation et d’échanges.
Face à l’internationale du terrorisme, l’Europe de la sécurité doit être notre bouclier. Ils s’infiltrent partout en Europe, leurs ramifications sont là ; c’est donc ensemble que nous nous devons d’agir. De la prévention à la répression. C’est pourquoi nous devons instituer un Parquet européen contre la criminalité organisée et le terrorisme, au-delà des compétences actuelles qui viennent d’être établies.
La sécurité, nous l’avons tragiquement perçu ces derniers jours, ce ne sont pas seulement les bombes et les kalachnikovs. Les bouleversements climatiques menacent eux aussi comme jamais notre sécurité, et chaque semaine en Europe volent des vies humaines. C’est pourquoi je souhaite que nous puissions créer une Force européenne de protection civile qui mettra en commun nos moyens de secours et d’intervention, qui permettra ainsi de répondre aux catastrophes de moins en moins naturelles, des incendies aux ouragans, des inondations aux séismes.
Une Europe qui s’unit pour protéger, intervenir, sauver des vies, c’est une Europe qui retrouve le sens de cette fraternité que nous avons placée en son centre, qui sort de l’incantation pour agir concrètement et démontrer la force de l’action collective.
Assurer notre souveraineté, c’est la deuxième clé, à l’échelle européenne, c’est maîtriser nos frontières en préservant nos valeurs. La crise migratoire n’est pas une crise, c’est un défi qui durera pour longtemps. Il s’est installé sur les inégalités profondes de la mondialisation. Et l’Europe n’est pas une île. Nous sommes là, et notre destin est lié à celui du Proche et Moyen Orient comme à celui de l’Afrique. Face à ce défi, c’est là aussi, au niveau européen, que nous devons répondre. Ca n’est qu’avec l’Europe que nous pourrons efficacement protéger nos frontières, accueillir dignement ceux qui ont droit à l’asile, les intégrer réellement, et dans le même temps renvoyer rapidement ceux qui ne sont pas éligibles à cette protection.
Tant que nous laisserons certains de nos partenaires submergés par des arrivées massives, sans les aider à gérer leurs frontières, tant que nos procédures d’asile resteront lentes et disparates, tant que nous serons incapables d’organiser ensemble le retour des migrants qui n’ont pas le droit d’asile, nous manquerons tout à la fois d’efficacité et d’humanité.
Dans les années qui viennent, l’Europe doit assumer qu’il y a là son défi majeur. Et nous n’avons qu’un choix, qu’une alternative : le repli sur nous frontières, qui serait à la fois illusoire et inefficace, ou la construction d’un espace commun des frontières, de l’asile et de l’immigration.
C’est pourquoi je souhaite que soient adoptés dans l’année qui vient les différents textes en discussion qui réforment notre politique migratoire. Je souhaite que soit créé un véritable Office européen de l’asile, qui accélère et harmonise nos procédures, que l’on ait enfin des fichiers connectés et des documents d’identité biométriques sécurisés, car on traite aujourd’hui en France des dizaines de milliers de demandes d’asile que nos partenaires européens ont déjà refusées ; que l’on établisse progressivement une police des frontières européennes qui garantisse partout en Europe une gestion rigoureuse des frontières et assure le retour de ceux qui ne peuvent rester. Que l’on finance de manière solidaire un large programme de formation et d’intégration pour les réfugiés, car faire une place aux réfugiés qui ont risqué leur vie, chez eux et sur leur chemin, c’est notre devoir commun d’Européen et nous ne devons pas le perdre de vue.
Mais nous devons le faire sans laisser le fardeau à quelques-uns, qu’ils soient pays d’arrivée ou pays d’accueil final. En construisant les termes d’une véritable solidarité, choisie, organisée et concertée. Et c’est à travers ce socle, cet espace commun que je propose que nous y parviendrons.
Cette solidarité, ce souci d’efficacité commence par le travail de chacun. C’est pourquoi j’ai engagé en France un vaste travail de réforme pour mieux accueillir les réfugiés, augmenter les relocalisations dans notre pays, accélérer les procédures d’asile en nous inspirant du modèle allemand, être plus efficaces dans les reconduites indispensables. Ce que je souhaite pour l’Europe, la France commence dès à présent à le faire elle-même.
Il faut aussi voir plus loin et je vous le dis clairement, les plus robustes des frontières, les politiques de sécurité les plus ambitieuses ne pourront pas endiguer les migrations qui durent. Seuls la stabilisation et le développement des pays d’origine les tariront. Ce qui nourrit les grandes migrations contemporaines, ce sont les inégalités qui se sont installées et les crises qui en découlent. Si l’Europe doit avoir une frontière que nous devons protéger et faire respecter, l’Europe se doit avant tout d’avoir un horizon et cet horizon, c’est celui de sa politique étrangère qui se doit d’avoir des priorités claires : la Méditerranée d’abord, le cœur de notre civilisation. Nous lui avons tourné le dos n’osant pas voir les crises. Or, aujourd’hui, elles jalonnent cet espace.
Notre politique commune en Méditerranée et en Afrique doit aujourd’hui se consolider. C’est ce que ces dernières semaines nous avons cherché à faire à quelques-uns en associant constamment l’Union européenne dans les initiatives prises pour la Libye, pour le Sahel. Mais plus largement, notre politique européenne ne doit plus voir l’Afrique comme un voisin menaçant mais comme le partenaire stratégique avec lequel nous avons à affronter les défis de demain : l’emploi de la jeunesse, la mobilité, la lutte contre le changement climatique, les révolutions technologiques.
Je souhaite que notre partenariat avec l’Afrique soit un élément de la refonte du projet européen. L’aide au développement doit augmenter, je m’y suis engagé pour la France et, année après année, nous l’augmenterons à chaque fois, nous l’augmenterons aussi pour faire mieux parce qu’un chiffre à lui seul ne signifie pas une politique et nous avons sur ce sujet bien souvent l’obsession des symboles. Et on pense qu’une politique du développement se réduit à un chiffre. Nous ferons mieux avec les sociétés civiles.
Mais cette aide publique au développement, elle doit aussi être européenne, avec une ambition refondée et je suis prêt à ce titre, je souhaite à ce titre relancer sur de nouvelles bases le projet de taxe sur les transactions financières européennes afin de financer cette politique.
Nous connaissons par cœur le débat. Pourquoi à chaque fois ces initiatives se traduisent-elles par un échec ? Parce que les modalités techniques que nous finissons par retenir pénalisent un pays plutôt que l’autre. J’ai donc une proposition simple. Il y a deux pays en Europe qui ont une taxe sur les transactions financières : la France – et je le dis avec d’autant plus d’humilité que c’est un de mes prédécesseurs qui l’a choisie. Prenons cette taxe, généralisons-la au niveau de l’Europe et je suis prêt, je suis même volontaire pour en donner l’intégralité des ressources à l’aide publique au développement européenne.
Mais il y a un autre pays qui a aussi sa taxe sur les transactions financières, c’est la Grande-Bretagne, bien avant nous, ce qu’on appelle le Stamp Duty. Si d’aucuns craignent une concurrence déloyale parce qu’en effet, si nous venions à mettre une taxe sur les transactions financières incommensurable – ce qui avait été prévu par certains prédécesseurs pour les autres – et qui vient briser votre capacité même à créer de l’activité économique, ça n’est pas soutenable. Mais si nous décidions collectivement d’adopter la taxe britannique, personne ne pourrait nous dire que cela viendrait créer des désagréments ou des biais à la compétitivité de l’Union européenne. Non ! Alors, retenons l’un ou l’autre de ces schémas simples, avec une assiette large, mais enfin, faisons-le. En tout cas, je ferai tout pour.
Vous l’avez compris, la troisième clé de notre souveraineté, c’est cette politique étrangère, ce partenariat avec l’Afrique, cette politique de développement qui doit nous conduire à fonder un vaste projet reposant sur des investissements croisés, sur l’éducation, la santé, l’énergie. Si l’Europe ne saisit pas cette chance, d’autres le feront et si nul ne le fait, l’Europe seule en subira toutes les conséquences.
La quatrième clé de notre souveraineté, c’est d’être capable de répondre à la première des grandes transformations du monde, la transition écologique. Cette transformation complète révolutionne notre manière de produire, de redistribuer, de nous comporter. L’Europe, aujourd’hui, est dans un entre-deux mais notre choix est simple : voulons-nous continuer à produire comme hier et défendre une compétitivité face à des puissances qui sont en train de faire ce choix ou l’ont fait ou souhaitons-nous accélérer et devenir les leaders d’un nouveau modèle productif qui ne sera pas qu’un modèle économique mais qui sera un modèle de société, de civilisation qui permettra aussi de repenser les inégalités, les externalités d’une société dont les principales victimes des déséquilibres sont les plus faibles et les plus fragiles ?
J’ai fait mon choix, je crois très profondément que l’Europe doit être à l’avant-garde de la transition écologique efficace et équitable. Pour cela, il nous faut transformer nos transports, nos logements, nos industries. Pour cela, il faut investir et inciter puissamment à cette transformation. Il faut d’abord donner un juste prix au carbone, suffisamment élevé pour assurer cette transition. Là aussi, ce sera un combat. Là aussi, il y aura des lobbies, des résistances pour dire que c’est une bonne idée mais quelques euros seulement. Si nous n’avons pas, dans les années qui viennent, un prix du carbone à la tonne significatif pour permettre des réorientations profondes de nos économies, alors ce sera inutile.
Les études sont là qui montrent qu’en dessous de 25 à 30 euros la tonne, ça n’est pas efficace. C’est vers cet horizon que nous devons nous destiner et, dès aujourd’hui, nous devons nous organiser pour le faire, c’est indispensable. Un prix plancher significatif, un vrai prix unique, une vraie transition pour engager cette transformation de nos économies, accompagner les secteurs qui en auront besoin, accompagner les territoires qui seront les victimes de ces changements par des contrats pensés au plus près du terrain qui permettront de favoriser les territoires où les modèles productifs passés étaient les plus présents afin de leur faire bénéficier des créations d’emplois nouvelles.
Cette transition, elle impose aussi d’avoir un marché européen de l’énergie qui fonctionne vraiment et donc de vouloir enfin et de favoriser les interconnexions. Longtemps, nous les avons freinées, là aussi, parce que ce n’était pas forcément le cœur de nos intérêts corporatistes. Nous avons besoin, avec l’Espagne, avec le Portugal, avec l’ensemble de nos voisins, de développer ces interconnexions. Pourquoi ? Parce qu’à certaines saisons, là où le renouvelable se produit en masse, nous devons en faire bénéficier toute l’Europe. À d’autres moments, là où l’énergie nucléaire est indispensable, peu carbonée, pas carbonée et à bas coût, nous devons aussi la mutualiser. Nous aurons un marché européen de l’énergie qui fonctionne mieux si nous développons enfin de manière accélérée ces interconnexions.
Il nous faut aussi, pour réussir cette stratégie, assurer pour nos industriels les plus exposés à la mondialisation d’être sur un pied d’égalité avec les entreprises, les industries concurrentes venant d’autres régions du monde qui n’ont pas les mêmes exigences environnementales. C’est pour cela qu’il nous faut une taxe aux frontières de l’Europe sur le carbone, c’est indispensable.
Prix plancher, interconnexions, contrat de transition de territoire, taxe aux frontières sur le carbone, ce sont les quatre piliers de cette ambition énergétique pour l’Europe. Cela ne se fera pas en un jour, je sais les résistances de certains, mais si nous refusons d’en parler ou d’avancer dans cette direction, je sais une chose, cela ne se fera jamais. Alors, donnons-nous un objectif ferme : à cinq ans, à dix ans, construisons les transitions pour le faire mais, dès aujourd’hui, avançons. L’Europe doit être le fer de lance de cette transition énergétique et elle a besoin de cette ambition, de ce marché unifié pour construire ce modèle.
Cette ambition européenne ne doit bien évidemment pas être seulement défensive. C’est la raison pour laquelle je propose aussi la mise en place d’un programme industriel européen de soutien aux véhicules propres et de déploiement d’infrastructures communes afin qu’il soit possible de traverser l’Europe sans l’abîmer. Nous avons besoin de nouveaux grands projets, celui-ci en est un qui réconciliera le cœur de nos ambitions industrielles en la matière.
Une Europe qui garantit notre vision exigeante du développement durable, c’est aussi une Europe de la sécurité et de la souveraineté alimentaires et c’est à dessein que je place ici cette ambition. Nous devons sans tabou nous poser les bonnes questions : est-ce que notre Politique agricole commune protège bien nos agriculteurs et nos consommateurs ? Je regarde les dernières années, je n’en ai pas totalement le sentiment et nous sommes arrivés à cette forme de paradoxe où la PAC est devenue un tabou français alors que nos agriculteurs ne cessent d’en dénoncer le fonctionnement.
La politique agricole ne doit pas être une politique de suradministration de tous les territoires de l’Union européenne, de toutes les filières et, bien souvent, une politique de revenus accompagnant approximativement les transitions, produisant parfois des schémas complexes que nous avons bien du mal à expliquer à nos peuples.
La politique agricole européenne doit permettre de faire vivre dignement les agriculteurs de leurs revenus en les protégeant face aux aléas du marché et aux grandes crises, elle doit les aider à évoluer pour construire une agriculture plus responsable. Il y aura toujours en Europe plusieurs modèles agricoles et je souhaite que chaque pays puisse accompagner cette transformation selon ses ambitions et ses préférences. Et cette nouvelle politique agricole commune, pour ne pas être bureaucratique et injuste, doit être l’instrument de la transition agricole, de notre souveraineté face aux grands défis de la mondialisation. Elle doit redonner une vitalité, une ambition à nos territoires ruraux.
En d’autres termes, je souhaite que nous puissions ouvrir de manière décomplexée et inédite une Politique agricole commune qui se pense d’abord avec deux objectifs : nous protéger face à ces grands aléas, à la volatilité des marchés mondiaux qui pourrait mettre en péril la souveraineté alimentaire de l’Europe ; favoriser la grande transition agricole européenne et laisser plus de flexibilité au niveau des pays pour organiser la vie des territoires et des filières, mettre moins de bureaucratie, laisser au niveau régional, accompagner de manière plus souple les filières partout où des choix qui restent des choix collectifs de terrains sont nécessaires.
L’exigence des Européens, c’est d’avoir confiance dans les aliments et les produits qu’ils utilisent au quotidien et cela participe de cette sécurité alimentaire que j’évoquais. Et on voit là aussi que l’échelle européenne est incontournable. Nous l’avons vécu l’été dernier avec ce qu’il convient d’appeler désormais la crise des œufs. Nous avons vu que les dysfonctionnements à un endroit de l’Europe, parce que nous sommes un marché intégré, ont des conséquences partout en Europe qui peuvent jeter le doute sur notre sécurité alimentaire, avec une demande parfaitement légitime de nos concitoyens qui est d’avoir la vérité en temps réel sur tous ces sujets.
Il nous faut donc établir une force européenne d’enquête et de contrôle pour lutter contre les fraudes, garantir la sécurité alimentaire, assurer le respect des standards de qualité partout en Europe. Cette transformation, nous devons aussi la conduire. Et à cet égard, je soutiens le choix du président JUNCKER de mettre fin partout en Europe au double standard alimentaire et de faire que cette force puisse être le garant de cette convergence légitime.
L’exigence des Européens, c’est d’avoir aussi confiance dans les experts qui nous éclairent. Nos récents débats sur le glyphosate, les perturbateurs endocriniens montrent la nécessité d’évaluation scientifique européenne plus transparente, plus indépendante, d’une recherche mieux financée qui permet d’identifier les risques et de proposer des alternatives. C’est indispensable. Nous avons aujourd’hui des débats politiques qui, parfois, cherchent à se substituer au débat scientifique. C’est la science qui doit éclairer la dangerosité mais qui doit ensuite, de manière indépendante, transparente, indiquer les alternatives possibles scientifiquement démontrées. En aucun cas cette science ne doit s’effacer au profit d’engagements politiques qui deviennent à ce moment des paroles de sachants ou des paroles d’autorité ni a fortiori ne doivent accepter de laisser la place à une parole publique qui est celle de lobbies, d’intérêts industriels et qui construisent l’opacité sur des décisions collectives qu’attendent nos concitoyens.
La cinquième clé de notre souveraineté passe par le numérique. Ce défi est aussi celui d’une transformation profonde de nos économies, de nos sociétés, de nos imaginaires même. La transformation numérique, ce n’est pas un secteur d’activité, ça n’est pas une anecdote contemporaine et l’Europe a beaucoup à y perdre comme à y gagner. L’Europe a cet attachement unique à l’équilibre permanent entre la liberté, la solidarité et la sécurité et c’est bien cela qui est en jeu dans la révolution numérique. L’Europe, qui a construit après-guerre un modèle économique de rattrapage, doit prendre la tête de cette révolution par l’innovation radicale. Et donc, oui, partout en Europe, nous devons tout faire pour avoir ces champions du numérique, attirer les talents scientifiques et entrepreneuriaux.
Je sais bien que ça contrarie parfois certains. C’est la politique que je souhaite mener en France sur le plan économique. Le temps n’est plus où nos économies peuvent se construire comme si elles étaient fermées, comme si les talents ne bougeaient plus et comme si les entrepreneurs étaient attachés à un piquet. On peut le déplorer mais c’est là. Cette révolution du numérique est celle des talents et les attirer, c’est en attirer d’autres et c’est bien le sens de ce que le gouvernement conduit, ce que le Premier ministre, le ministre de l’Économie et des Finances et la ministre de l’Innovation, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche entre autres mènent au sein du gouvernement.
Nous continuerons à poursuivre ces réformes mais l’Europe a aussi besoin d’une ambition sur ce point. Je souhaite que l’Europe prenne la tête de cette révolution par l’innovation radicale. Créons dans les deux ans qui viennent une Agence européenne pour l’innovation de rupture, à l’instar de ce qu’ont su faire les États-Unis avec la DARPA au moment de la conquête spatiale. Cette ambition doit être la nôtre. Nous avons aujourd’hui une fenêtre unique pour le faire. Prenons cette ambition, finançons les recherches dans les domaines nouveaux comme l’intelligence artificielle, acceptons la prise de risque. Cette agence mettrait l’Europe en situation d’innovateur et non de suiveur.
Et plutôt que de déplorer que les grands champions du numérique soient aujourd’hui américains, demain chinois, mettons-nous en situation de créer des champions européens, sachons inventer dans ce bouleversement global les sécurités justes et les régulations efficaces. Je veux une Europe qui réussisse dans cette transition numérique mais elle bouscule à la fois nos repères et nos organisations économiques et sociales. Et aujourd’hui, ce continent du numérique n’a pas de normes ou, plus exactement, il a une loi, la loi du plus fort. C’est à l’Europe d’en définir le cadre de régulation pour ne pas subir de fait la loi du plus fort qui s’importe chez nous.
Le projet du marché unique du numérique est à ce titre une occasion unique que nous devons saisir pour construire les modalités qui nous permettront de défendre les règles qui protégeront les libertés individuelles et le respect du secret auquel chacun a droit, qui permettra de protéger les données économiques de nos entreprises et qui permettra de créer précisément la régulation européenne qui toute à la fois protégera les personnes, les entreprises de manière légitime, qui permettra aux acteurs européens d’émerger dans un marché loyal et qui permettra aussi de compenser les profondes désorganisations sur l’économie traditionnelle que cette transformation parfois crée. Les grandes plateformes numériques, la protection des données sont au cœur de notre souveraineté à cet égard.
Et il en est de même pour la taxation, nous devons avoir ce débat, pourquoi ? Parce que je crois très profondément dans cette économie de l’innovation, je crois très profondément dans un monde ouvert mais le monde ouvert ne vaut que si la concurrence qui s’y joue est loyale ! Et nous ne pouvons pas accepter d’avoir des acteurs européens qui sont taxés et des acteurs internationaux qui ne le sont pas, des acteurs du numérique qui n’ont aucune taxe et qui viennent concurrencer des acteurs de l’économie traditionnelle qui eux la paient !
A ce titre, la France a commencé avec ses partenaires à pousser au niveau des ministres de l’Economie et des Finances une initiative que je souhaite voir reprendre au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement, celle de la taxation de la valeur créée, là où elle est produite, qui nous permettra de revoir profondément nos systèmes fiscaux, de taxer sans complaisance les entreprises qui s’implantent hors d’Europe dans le seul but d’échapper à l’impôt. Cette taxe est juste parce qu’elle taxe partout pour la valeur qui est créée dans un pays et elle rappelle simplement un élément fondamental de nos philosophies communes et démocratiques, c’est qu’il y a des biens communs à financer et que tous les acteurs économiques doivent y contribuer. Il ne peut pas y avoir des acteurs de la nouvelle économie qui sont les passagers clandestins du monde contemporain parce que cette nouvelle économie, on le sait, elle crée aussi des désorganisations, elle crée des inégalités, elle perturbe des territoires et donc elle crée des situations qui supposent des compensations et des accompagnements que la puissance publique doit justement permettre de résoudre. Il est donc juste et légitime qu’accumulant des profits par ailleurs elle participe à cette solidarité là où elle crée de la valeur.
Vous le voyez, ce que je veux pour l’Europe ça n’est pas simplement réussir dans cette transition du numérique mais c’est construire un cadre juste de celle-ci, un cadre qui nous permettra de défendre nos valeurs, les fondamentaux civilisationnels qui sont les nôtres et les équilibres économiques indispensables. C’est pourquoi dans cette Europe du numérique nous devons aussi défendre nos droits d’auteur, nous devons défendre partout où elle existe la valeur créée par celui qui crée vraiment. Ça n’est pas un débat d’un autre âge, ça n’est pas un débat, pardon de cette familiarité, ringard, le droit d’auteur. On stigmatise la France en disant « on sait bien ce que vous allez nous dire, vous allez nous parler de vos droits d’auteur ». Des réalisateurs de talent qui viennent de partout en Europe le savent, si nous n’avons pas l’imaginaire européen, et j’y reviendrai dans quelques instants, l’Europe n’est plus elle-même, mais c’est là aussi un élément de justice.
Le numérique serait donc le seul continent où la valeur créée n’est pas chez celui qui la crée vraiment mais celui qui la transporte, chez celui qui l’achemine jusqu’à son consommateur final ? Allons, si nous sommes là aujourd’hui, si nous avons relevé tous les défis que j’évoquais tout à l’heure, si nous nous tenons droit c’est bien parce que nous avons eu des émotions, une culture commune, parce que ceux qui sont les porteurs étymologiquement de ce qui nous tient vraiment, de la véritable autorité en Europe ce sont les auteurs. Les droits d’auteur doivent donc être défendus dans cet espace numérique contemporain. Et c’est la dignité de l’Europe, c’est sa capacité même à exister et à ne pas se dissoudre dans un continent de semblables qui fait que, pour réussir cette transition, nous devons défendre la juste rémunération de l’ensemble des auteurs et de toutes les formes de création dans le numérique.
La souveraineté, enfin, c’est la puissance économique industrielle et monétaire. Faire du cœur de l’Europe une puissance économique et industrielle, cela passe bien entendu par la politique énergétique et la politique du numérique que je viens d’évoquer. C’est aussi la poursuite d’une politique spatiale ambitieuse et de la consolidation d’une industrie européenne compétitive à l’échelle mondiale. Mais une puissance économique durable ne peut se construire qu’autour d’une même monnaie, c’est pourquoi je suis profondément attaché à l’ambition de la zone euro. Je n’ai pas la zone euro honteuse, je suis désolé de cela et je pense d’ailleurs que ça ne soulage ni ne fait plaisir à aucun membre de l’Union européenne hors de la zone euro que celles et ceux qui partagent cette monnaie n’osent pas dire qu’ils la partagent pour en faire quelque chose.
Parce que c’est à partir de cette Union économique et monétaire, en son sein, que nous pouvons créer le cœur d’une Europe intégrée. J’entends les questions et les préoccupations sur ce sujet et je veux être clair : l’enjeu fondamental ce n’est pas un mécanisme qui par magie résoudrait tous les problèmes, s’il existait nous l’aurions déjà créé. Ce n’est pas de mutualiser nos dettes du passé, ce n’est pas de régler les problèmes de finances publiques d’un Etat ou de l’autre, l’enjeu c’est de réduire le chômage qui frappe encore un jeune sur cinq dans la zone euro. C’est donc une stratégie économique et politique dans la durée dont nous avons besoin, l’enjeu qui est le nôtre au cœur de la zone euro c’est de savoir comment nous arrivons à faire de cette zone une puissance économique concurrente de la Chine et des Etats-Unis et c’est comment nous arrivons à résoudre ce que depuis dix ans nous échouons à faire, de créer de l’emploi et de faire qu’une génération, celle de la jeunesse actuelle, ne soit pas une génération vouée au chômage par nos dysfonctionnements, par nos déséquilibres !
Alors pour ce faire chacun doit prendre dans son pays ses responsabilités, c’est pour cela qu’en France nous avons engagé des réformes inédites, je les avais annoncées, le gouvernement les met en œuvre. Les réformes du marché du travail, de la formation professionnelle, du financement de l’économie permettront justement de créer la croissance, l’emploi et de faire ce que nous devons faire chez nous. Car nous ne serions pas écoutés une seule seconde si nos ambitions européennes n’étaient là que pour régler nos problèmes internes, ça n’est pas de cela dont il s’agit, et je ne permets à personne en Europe compte tenu de ce que nous sommes en train de faire en France d’essayer d’expliquer que la France aujourd’hui n’est pas légitime pour proposer. Nous faisons les réformes, nous transformons notre pays mais nous le faisons aussi avec une ambition européenne. Moi je n’ai pas de ligne rouge, je n’ai que des horizons.
Et cette responsabilité que nous avons dans notre pays, je l’assume et je l’assumerai car c’est l’intérêt de la France et de l’Europe mais nous avons aussi besoin de règles et d’instruments communs. Nous avons besoin de convergence et de stabilité par les réformes nationales, mais aussi par une coordination de nos politiques économiques et un budget commun. Si l’on veut réduire les divergences et développer nos biens communs - tout ce que je viens d’évoquer, la sécurité, la protection face aux migrations, la transition numérique, la transition écologique, une vraie politique de développement et de partenariat - ces biens communs avec le premier d’entre eux la monnaie, nous nous devons de les financer. Et donc nous avons besoin de davantage d’investissements, il nous faut des moyens de stabilisation face aux chocs économiques, un Etat ne peut pas seul faire face à une crise lorsqu’il ne décide plus de sa politique monétaire. Et donc pour toutes ces raisons, oui, nous avons besoin d’un budget plus fort au cœur de l’Europe, au cœur de la zone euro.
Les ressources de ce budget devront refléter cette ambition. Les taxes européennes dans le domaine numérique ou environnemental pourront ainsi constituer une vraie ressource européenne finançant des dépenses communes. Et au-delà nous devons réfléchir à affecter en partie au moins un impôt à ce budget, par exemple l’impôt sur les sociétés une fois son harmonisation réalisée.
La solidarité qu’implique un budget ne peut aller qu’avec une responsabilité accrue qui commence par le respect des règles que nous nous sommes donnés et la mise en œuvre des réformes indispensables.
Un budget ne peut aller aussi qu’avec un pilotage politique fort par un ministre commun et un contrôle parlementaire exigeant au niveau européen. Seule la zone euro avec une monnaie forte et internationale peut offrir à l’Europe le cadre d’une puissance économique mondiale.
Alors prenons le problème dans le bon sens : si l’euro a vocation à devenir la monnaie de tous les Etats de l’Union lorsqu’ils remplissent les critères, construisons sans tarder une zone euro forte, efficace, solidaire et cette puissance bénéficiera demain à tous ceux qui la rejoindront.
C’est au fond la question de l’unité qui est ici posée. Cette unité européenne de la réconciliation franco‑allemande à la réunification entre l’Est et l’Ouest, c’est notre plus belle réussite et notre atout le plus précieux. Aussi, à côté de ces six batailles pour la souveraineté, c’est la bataille pour l’unité que je veux conduire. Nous n’aurons pas d’Europe forte et souveraine si elle n’est pas unie, tenue en elle‑même, cohérente. Perdre cette unité c’est prendre le risque de revenir à nos déchirements mortifères et à l’hégémonie destructrice. Assurer l’unité sans chercher l’uniformité, voilà notre défi.
L’Europe des Vingt-huit ne peut fonctionner comme l’Europe des Six et notre projet, l’avenir de nos peuples ne peut consister à rechercher le plus grand dénominateur commun. C’est en articulant constamment l’ambition motrice de quelques-uns et le respect du rythme de chacun que nous créerons le désir d’avancer et que l’Europe progressera au bénéfice de tous. Pour forger cette unité sans craindre l’avancée des précurseurs nous avons deux ciments, la solidarité et la culture. La solidarité je veux y insister parce que depuis dix ans en Europe nous avons beaucoup parlé de responsabilité, mais nous avons oublié la solidarité entre nous.
L’Europe et même le marché unique qui en est le socle, ce n’est pas la course au moins disant ; ça c’est que nous avons cru au tournant des années 1990 en dénaturant l’ambition du marché commun, en laissant croire que le marché commun c’était la règle du moins disant, c’était la dictature d’un marché qui ne savait plus où il allait ! Non, le marché commun, l’esprit même de l’Europe, c’est, comme le disait Jacques DELORS, « la concurrence qui stimule, la coopération qui renforce et la solidarité qui unit ». En même temps. Il nous faut donc retrouver le sel de cet équilibre, sans quoi la compétition sans règles deviendra la division sans retour.
C’est le sens du combat que je mène aujourd’hui pour réviser la directive sur le travail détaché, elle n’est pas anecdotique au moment où la France se bat pour réformer son marché du travail. Nous devons nous donner plus de vitalité au dialogue social, mais jamais je ne ferai cela en ne sachant pas défendre celles et ceux qui travaillent face au dumping social. Or, aujourd’hui l’Europe ne protège pas face au dumping social, aujourd’hui nous avons laissé s’installer un marché européen contournant la philosophie même de l’unité de notre marché du travail. Nul n’est heureux de cette situation et partout où je me suis déplacé en Europe, j’ai constaté cela.
Et donc ce combat pour revoir cette directive, c’est un combat pour plus de justice et de convergence sociale en Europe. A ce titre, je salue la proposition de Jean-Claude JUNCKER de créer une Autorité européenne de contrôle pour vérifier le respect des règles, c’est une nécessité, mais il faut aller plus loin et construire un véritable projet de convergence fiscale et sociale.
A ce titre, j’ai deux propositions concrètes. La première sur l’impôt sur les sociétés : nous avons commencé, mais nous devons accélérer l’harmonisation des bases de cet impôt ; et entre la France et l’Allemagne les quatre prochaines années doivent permettre de la finaliser. Nous avons l’opportunité d’une mandature claire, achevons-la. Mais au-delà, dans l’Union européenne, nous ne pouvons pas avoir une telle divergence des taux d’impôt sur les sociétés. Cette divergence fiscale elle aussi nourrit une forme de désunion, désagrège nos propres modèles et fragilise toute l’Europe.
C’est pourquoi je souhaite que nous puissions définir d’ici le prochain budget européen en 2020 une fourchette de taux qui engagerait les Etats membres. Le respect de cette fourchette conditionnerait l’accès aux fonds européens de cohésion, car on ne peut pas bénéficier de la solidarité européenne et jouer contre les autres. A cet égard, je salue la Commission européenne qui a commencé ces derniers mois à bouger et qui, par le travail de Margrethe VESTAGER et de Pierre MOSCOVICI, a commencé à bousculer certains acteurs ou certains pays. Nous devons aller plus loin, on ne peut pas avoir des fonds structurels qui financent la baisse des taux d’impôt sur les sociétés. C’est l’Europe qui marche à l’envers, c’est l’Europe qui se désunit.
La deuxième proposition, c’est que nous puissions définir une vraie convergence sociale et rapprocher progressivement nos modèles sociaux, c’est profondément compatible avec notre compétitivité mondiale. Je ne veux pas que nous opposions ces ambitions, pourquoi ? Parce que regardez le monde tel qu’il va, certains il y a quelques années disaient « vous savez, avoir une ambition européenne pour nous c’est une mauvaise idée, nous c’est la compétitivité notre priorité » ; ceux qui l’ont essayé ont perdu leur peuple. Qu’a dit le peuple britannique au moment du Brexit ? Les classes moyennes britanniques ont dit « j’aime bien votre compétitivité mais elle ne me concerne pas, l’attractivité de la place de Londres n’est pas faite pour moi ». Qu’a dit le peuple américain quand on écoute bien ? Cette Amérique ouverte à tous les vents, cette compétitivité que vous nous avez expliquée, elle n’est pas faite pour nous classes moyennes ». Un repli s’opère, qui vient de là, partout où les démocraties ont été au bout de cette ambition unique pour une compétitivité sans justice, elles en ont touché les limites.
Donc en Europe nous avons besoin de reconstruire la grammaire d’un modèle social rénové, pas celui du XXème siècle, pas celui d’une économie de rattrapage, non. Mais nous devons en penser les termes et les construire au niveau européen, c’est pour cela que c’est la bonne échelle pour mener ce combat. Je souhaite donc dès le mois de novembre prochain que nous ayons une discussion concrète sur ce qu’est ce socle social européen et pour le bâtir je souhaite que nous construisions là aussi des règles de convergence. Nous devrions définir un salaire minimum adapté à la réalité économique de chaque pays, mais progressivement rentrer dans cette logique pour les faire converger.
Nos niveaux de cotisations sociales sont aujourd’hui trop disparates ; quand un travailleur est détaché dans un autre pays, aujourd’hui la principale source d’inégalité sont les cotisations. C’est pourquoi, au‑delà de la réforme sur le travail détaché que je souhaite que nous puissions conduire d’ici la fin de l’année, je propose que le niveau le plus élevé de cotisations soit payé, mais au profit du pays d’origine. Cet argent alimentera un fonds de solidarité qui bénéficiera aux pays les moins riches pour les aider à converger.
Nous devons dans les prochains mois définir de manière simple, adaptée, des critères d’une convergence sociale qui permettra d’une part de structurer le débat budgétaire de 2020 pour construire plus de cohérence dans les fonds structurels et, d’autre part, de structurer l’accès au marché et à ce budget du cœur de l’Europe car c’est avec cette convergence que nous devons conjuguer la solidarité que j’évoquais tout à l’heure.
C’est cela la solidarité qui unit : l’Europe juste, protectrice et ambitieuse. « Unir les hommes », disait sobrement MONNET. « Vivre collégialement », disait SORBON. C’est toujours le même objectif. C’est à toujours cela qu’il nous faut revenir.
Et le ciment le plus fort de l’Union sera toujours la culture et le savoir. Car cette Europe où chaque Européen reconnaît son destin dans le profil d’un temple grec ou le sourire de Mona Lisa, qui a pu connaître des émotions à travers toute l’Europe en lisant MUSIL ou PROUST, cette Europe des cafés, dont parle STEINER, cette Europe dont SUARES disait qu’elle est « une loi, un esprit, une coutume », cette Europe des paysages et des folklores, cette Europe dont ERASME, dont on disait qu’il en était le précepteur, disait qu’il fallait demander à chaque jeune, déjà, de « parcourir le continent pour apprendre d’autres langues » et « se défaire de son naturel sauvage », cette Europe, parcourue par tant de guerres, de conflits : ce qui la tient, c’est sa culture.
Notre fragmentation n’est que superficielle. Elle est en fait notre meilleure chance. Et au lieu de déplorer le foisonnement de nos langues, nous devons en faire un atout ! L’Europe doit être cet espace où chaque étudiant devra parler au moins deux langues européennes d’ici 2024. Au lieu de regretter le morcellement de nos contrées, renforçons les échanges ! En 2024, la moitié d’une classe d’âge doit avoir passé, avant ses 25 ans, au moins six mois dans un autre pays européen. Qu’il soit étudiant ou apprenti. Et ici même où quelques pionniers, comme à Bologne, Montpellier, Oxford ou Salamanque ont cru dans le pouvoir de l’apprentissage, de l’esprit critique et de la culture, je veux que nous soyons à la hauteur de ce grand dessein.
Je propose la création d’universités européennes qui seront un réseau d’universités de plusieurs pays d’Europe, mettant en place un parcours où chacun de leurs étudiants étudiera à l’étranger et suivra des cours dans deux langues au moins. Des universités européennes qui seront aussi des lieux d’innovation pédagogique, de recherche d’excellence. Nous devons nous fixer, d’ici à 2024, en construire au moins une vingtaine. Mais nous devons, dès la prochaine rentrée universitaire, structurer les premières, avec de véritables semestres européens et de véritables diplômes européens.
Et ces liens doivent être tissés dès le lycée. Je souhaite que nous engagions un processus d’harmonisation ou de reconnaissance mutuelle de diplômes de l’enseignement secondaire. Comme nous l’avons fait, justement, pour les étudiants avec le processus de Bologne, lançons dès aujourd’hui, un processus de la Sorbonne qui permettra de parachever un vrai cursus permettant les échanges, les changements et les transitions dans tout le système secondaire européen.
Parce que comme le rappelait MOUNIER, « l’universel se parle aux hommes en plusieurs langues, qui chacune en révèle un aspect singulier ». A travers ces initiatives, ce ne sont pas des actes de résistance que je vous propose. Ce sont des actes de conquête pour les générations à venir. Parce que ce qu’il reste à la fin, c’est ce qui unit les hommes ! C’est cette vie collégiale que vous aurez vécue à Paris, à Milan, à Berlin ou à Gdansk ! C’est cela qui compte, ce qui fera ce ciment européen, ce fil insécable qui tient l’Europe, qui fait que quand les gouvernements se brouillent, quand les politiques parfois ne sont plus les mêmes, il y a des femmes et des hommes qui portent les histoires communes.
Mais je veux surtout vous faire toucher du doigt que vos générations ont à conjuguer cette Europe en plusieurs langues ! L’Europe du multilinguisme est une chance inédite. L’Europe, ça n’est pas une homogénéité dans laquelle chacune et chacun devraient se dissoudre. Cette sophistication européenne, c’est cette capacité à penser les fragments d’Europe sans lesquels l’Europe n’est jamais tout à fait elle-même. Mais c’est ce qui fait que partout, quand un Européen voyage, il est un peu plus qu’un Français, qu’un Grec, qu’un Allemand ou qu’un Néerlandais. Il est un Européen parce qu’il a déjà en lui cette part d’universel que recèlent l’Europe et son multilinguisme.
Et l’Europe doit être faite de ces langues et elle sera toujours faite d’intraduisible. Et cela, il faut le porter. Le débat politique et journalistique est nourri de ces intraduisibles. Vous savez, je vais vous faire une confidence : demain, les uns et les autres souhaiteront voir les petites divergences, les discussions qu’il y aura sur ce discours, et ceux qui n’ont pas d’idées essaieront de voir tous les blocages, en disant « regardez, là » … Ces blocages, je l’ai constaté bien souvent, parfois cela existe, mais bien souvent, ce ne sont pas des blocages fondamentaux. Ce sont des parts de cet intraduisible. C’est une différence de langue, de culture. C’est ce qui fait que quand on prononce le mot « dette », il n’a pas tout à fait le même sens et les mêmes implications en France et en Allemagne ! Il faut prendre cela en compte lorsqu’on se parle.
Nos débats politiques sont toujours plus compliqués en Europe que dans le reste du monde. Parce que, en quelque sorte, le Sisyphe européen a toujours son intraduisible à rouler. Mais cet intraduisible, c’est notre chance ! C’est la part de mystère qu’il y a dans chacune et chacun, et c’est la part de confiance qu’il y a dans le projet européen. C’est le fait que, à un moment donné, ne parlant pas la même langue et ayant cette part d’inconnu et d’irréductible différence, nous décidons de faire ensemble, alors que nous aurions dû nous séparer. Je revendique cette part d’intraduisible, d’irréductible différence, parce que je veux imaginer Sisyphe heureux.
Et parce qu’au fond, la circulation des idées et des hommes, ce que la jeunesse européenne aura à porter, à vouloir pour l’Europe, c’est ce qui nous a toujours unis, bien plus que la raideur des règles ou des frontières. C’est pourquoi nous devons faire confiance à l’Europe, à ce que nous avons appris les uns des autres au fil des siècles, pour trouver le chemin de cette unité.
Enfin, l’essence du projet européen, c’est la démocratie. Je dis même que c’est sa force la plus grande, son aliment véritable. A l’instar des années 1930, la démocratie est accusée de faiblesse. Il y a aujourd’hui en Europe, une fascination pour les démocraties « illibérales ». Il y a une fascination pour un unilatéralisme brutal parce que l’Europe serait devenue inefficace et avec elle, la démocratie. C’est le contraire que je défendrai sans relâche.
Souveraineté, unité et démocratie sont, pour l’Europe, indissociables. Et ceux qui pensent qu’on pourrait choisir la souveraineté sans la démocratie se trompent ! Ceux qui pensent qu’on pourrait simplement, de manière anecdotique, donner des « gadgets » démocratiques, sans vouloir un projet de souveraineté et d’unité se trompent tout autant ! C’est ce triptyque indissociable que nous devons porter.
Mais, je vous le dis avec beaucoup de force en cet après-midi, nous avons tourné la page d’une forme de construction européenne. Les pères fondateurs ont construit l’Europe à l’abri des peuples, parce qu’ils étaient une avant-garde éclairée, parce qu’on pouvait peut-être le faire, et ils ont avancé prouvant ensuite que cela fonctionnait. Ils jouissaient peut-être d’une confiance dont les gouvernants n’ont plus l’exclusive, c’est ainsi. Ils vivaient dans d’autres temps où les moyens de communication n’étaient pas les mêmes.
Cette page s’est fracassée sur le doute démocratique européen, celui que les « non » aux referendums français et néerlandais nous ont fait vivre. Et je pense que nous n’avons pas eu raison de faire avancer l’Europe malgré les peuples. Il y a eu un moment où on a pensé qu’on devait, en quelque sorte, bousculer nos démocraties en faisant avancer l’Europe malgré tout. C’était une erreur, et cette erreur s’est doublée d’une absence de propositions : on a forcé la main et on a dit « mais attention, on ne proposera plus et on ne viendra plus vous demander votre avis ». Et nous sommes rentrés dans cette « glaciation » où la France, comme beaucoup d’autres, avait peur de proposer parce qu’elle avait peur d’un indicible, de quelque chose d’affreux : le changement de traité.
L’indicible allemand, c’est le transfert de financement ; l’indicible français, c’est le changement de traité. Si nous voulons l’Europe à terme, nous viendrons aux deux, je veux rassurer tout le monde, mais n’ayons plus peur des peuples. Simplement, en méthode, nous ne devons plus faire notre Europe à l’abri de ces derniers. Mais nous ne devons pas tomber dans le piège des populistes ou des extrêmes qui consistent à dire « allons poser directement la question de manière simpliste : oui ou non ? ». La réponse est connue, c’est toujours « non », quelle que soit la question. Nous devons refonder le projet européen, par et avec le peuple, avec une exigence démocratique beaucoup plus forte qu’une simple question binaire.
C’est pourquoi, si nous voulons avancer à nouveau, je souhaite que nous passions par des conventions démocratiques qui feront partie intégrante de la refondation européenne. Je souhaite qu’une fois que nous aurons défini des termes simples d’une feuille de route partagée par les principaux gouvernements qui seront prêts à aller dans ce sens, nous puissions, pendant six mois, l’année prochaine, dans tous les pays qui le souhaitent, organiser autour des mêmes questions un vaste débat pour identifier les priorités, les préoccupations, les idées qui nourriront notre feuille de route pour l’Europe de demain. Remettre les choses dans le bon ordre, au lieu de demander, en fin de course, perclus de fantasmes et d’incompréhension, si c’est oui ou si c’est non, sur un texte illisible, écrit dans le secret, organisons un débat ouvert, libre, transparent, européen pour construire ce projet qui donner enfin un contenu et un enjeu à nos élections européennes de 2019.
Et je le dis clairement : tous ceux qui ont peur de cela se sont trop habitués à l’idée qu’on construit les projets intelligents dans la complexité et l’opacité : ce n’est pas vrai. Tous ceux qui sont tombés dans le piège de ceux qui détestent l’Europe, allez interroger nombre des agriculteurs qui souffrent aujourd’hui, ils pourront vous dire : « L’Europe, je n’en veux plus ». Le Front national, en France, est nourri de cela ! Mais commencez à rentrer dans la discussion, « d’accord, alors qu’est-ce que tu veux ? Qu’est-ce qui va mieux te protéger ? ». Il veut parfois une autre Europe ! Mais il viendra lui-même à l’idée que l’Europe le protégerait mieux qu’une politique nationale absurde.
Ce débat exigeant est celui qui permettra aussi de retrouver le fil et l’exigence de nombre de nos politiques communes ! N’ayons pas peur de celui-ci. Mais surtout, n’ayons pas peur d’avoir, pour les élections de 2019, un débat européen ! Et j’entends déjà toutes celles et ceux, frileux, qui se sont habitués à l’idée que les élections européennes, ce serait uniquement un agrégat de débats nationaux, ce serait de petites habitudes où l’on place nos pions, où l’on ne parle jamais d’Europe, mais toutes nos postures. Alimentons les élections européennes d’un projet et voyons qui est pour et qui est contre ! Et ayons un débat démocratique sur celui-ci.
C’est aussi pour construire cet espace démocratique inachevé que je défends, pour 2019, des listes transnationales qui permettront aux Européens de voter pour un projet cohérent et commun. Comment ? Et je rends ici la paternité de cette idée à quelques-uns et quelques-unes dans cette salle… Les Britanniques ont décidé de nous quitter, libérant 73 postes de députés européens. Nous avons un choix simple : nous répartir les dépouilles, avec élégance et dignité ; et décider que l’Europe, à défaut d’avoir un souffle commun, c’est un syndic de copropriété ; avec une clé de répartition savamment étudiée, nous nous répartirons les postes de députés laissés vacants. Ou vous décidez que ces 73 députés doivent être la réponse européenne au Brexit. Et ce sera une liste transnationale où l’on vote pour les mêmes parlementaires européens partout en Europe. Chiche !
Et à tous les grands partis européens qui nous ont expliqué que ce serait formidable d’avoir un « Spitzenkandidat » pour la Commission européenne, qui voulaient communautariser, européaniser ces élections, je leur dis : « Allez jusqu’au bout du raisonnement ! N’ayez pas peur ! Ayez des vraies élections européennes ! N’ayez pas des calculs au trébuchet pour vos intérêts d’hier ! Allons ! » Mais vous verrez ainsi, les uns et les autres au niveau européen, ce qui est apparu clairement en France en mai dernier, c’est que ce qui vous tient parfois dans des partis communs n’existe plus. C’est que votre rapport à l’Europe n’est plus le même, au sein des mêmes grands partis. C’est que vous ne croyez plus dans les mêmes choses.
Je ne laisserai pas à ces grands partis européens, le monopole du débat sur l’Europe et les élections européennes ! Parce qu’il faut que les citoyens le refondent, par la base, par le bas, par le vrai. Et je souhaite qu’aux élections suivantes, le vrai pas en avant puisse être que la moitié du Parlement européen soit élue sur ces listes transnationales.
Ce Parlement, la France l’a souvent vu comme la seconde division de la politique nationale, et je le dis ici devant plusieurs parlementaires français et parlementaires européens. C’est une faute grave. Si l’on veut construire une Europe souveraine, mettre en commun des compétences pour être plus forts, rendre notre politique commerciale plus transparente, contrôler le budget qu’il nous faut pour la zone euro, ce Parlement des européens doit être le creuset de notre projet commun.
Cette ambition, ce doit être notre projet politique avec un horizon : 2024, en tenant ensemble l’urgence d’agir et le sens du temps long.
En 2019, les Européens éliront leurs députés. Ce sera le moment du Brexit. Ce sera aussi, si nous lançons maintenant la refondation de l’Europe, un moment de confiance retrouvée dans notre avenir. Avec un mandat clair, nos députés européens doivent agir pour transformer l’Europe. Et cinq ans plus tard, c’est une Europe nouvelle qu’ils devront laisser à 500 millions d’Européens.
Quelques semaines après les élections européennes, Paris accueillera les Jeux olympiques. Mais ce n’est pas Paris qui reçoit. C’est la France et avec elle, l’Europe qui feront vivre l’esprit olympique né sur ce continent. Ce sera un moment de rassemblement unique, une occasion magnifique de célébrer l’unité européenne. En 2024, l’Hymne à la joie retentira, et le drapeau européen pourra être fièrement arboré aux côtés de nos emblèmes nationaux.
C’est pour cela que ce débat, cette ambition doivent être portés maintenant. C’est le bon moment. Qu’il doit construit pour les élections européennes de 2019. C’est le bon moment ! Et ce mandat de 2019 à 2024, c’est celui de la transformation européenne. Ceux qui vous disent qu’il faut attendre, disent qu’il faut attendre depuis des années ou des décennies. La procrastination, c’est le cousin de cette langueur que j’évoquais tout à l’heure. Ils veulent encore passer une occasion ! Nous sommes bousculés ! Il y a des menaces ! L’audace est notre seule réponse. L’ambition renouvelée, c’est la seule opposition. N’ayons pas peur, avançons.
A quoi ressemblera cette Europe de 2024 ? Je l’ai dit : l’unité de l’Europe, c’est le socle de cette refondation. L’Union européenne en 2024 sera rassemblée autour de deux piliers à mes yeux. Le premier : les valeurs de la démocratie et de l’Etat de droit. Elles ne sont pas négociables, elles ne sont pas « à la carte ». Sur les valeurs, il ne peut pas y avoir une Europe à deux vitesses. Elles sont le ferment de notre unité et de notre liberté. Et à ce titre, je veux saluer le travail constant de la Commission ces derniers mois, et en particulier de Frans TIMMERMANS.
Le deuxième pilier, c’est le marché unique qui reste la meilleure garantie de notre puissance, de notre prospérité, de notre attractivité. Le travail de simplification engagé depuis trois ans par l’actuelle Commission doit être poursuivi et amplifié. Je souhaite que nous reprenions le débat européen que nous avions lancé avant le vote britannique.
Nous avons besoin à 28, d’une Europe plus simple, plus transparente, moins bureaucratique ! Si la vigueur du droit fait la force de l’Europe, la profusion des normes en précipite le rejet. Avec des chefs d’entreprise, des ONG, des panels de citoyens, passons en revue progressivement les règles européennes pour vérifier qu’elles sont adaptées, comprise, utiles.
Simple, efficace, protecteur, le marché unique doit redevenir cet espace de convergence plus que de concurrence. Et il en est de même pour son miroir extérieur qu’est la politique commerciale. J’entends les ambitions portées par certains, mais je leur dis : « Attention, je suis prêt à vous suivre, mais à condition que cette politique commerciale soit profondément renouvelée, profondément changée. Je ne veux pas de nouvelles discussions commerciales avec les règles d’hier, qui nous ont conduits à ces situations absurdes que nous avons aujourd’hui sur l’accord entre l’Europe et le Canada ». Nous avons besoin d’avoir une transparence des négociations et de la mise en œuvre des accords commerciaux. Nous avons besoin d’une exigence sociale et environnementale dans nos débats commerciaux. Et nous avons besoin d’une réciprocité en créant un procureur commercial européen, chargé de vérifier le respect des règles, par nos concurrents, et de sanctionner sans délais toute pratique déloyale.
Pour fonctionner mieux, cette Union européenne ne pourra échapper à la question de ses institutions. Nous ne pourrons pas continuer avec une Commission à près de 30 membres, comme si chacun devait veiller aux intérêts de son pays. Ce n’est ni le sens, ni l’esprit du projet européen. Une Commission de 15 membres devra être notre horizon et pour avancer, soyons simples : que les grands pays fondateurs renoncent à leurs commissaires pour commencer ! Nous donnerons l’exemple. Cela permettra de rassembler les compétences, plutôt que de les fragmenter.
Cette Union du marché et du droit a vocation à accueillir dans quelques années plus largement. Pourquoi ? Parce que cette Union européenne, fondée sur ces valeurs et ce marché unique, ainsi simplifiée, refondée, plus proche de nos citoyens, plus exigeante en matière commerciale, c’est une Europe dont les frontières ne sont pas parachevées.
Cette Union, lorsqu’ils respecteront pleinement l’acquis et les exigences démocratiques, devra s’ouvrir aux pays des Balkans. Car notre Union reste attractive et son aura est un facteur essentiel de paix et de stabilité sur notre continent. Ils devront respecter les conditions prévues, mais les arrimer à l’Union européenne ainsi repensée, c’est une condition pour qu’ils ne tournent pas le dos à l’Europe pour aller ou vers la Russie, ou vers la Turquie, ou vers des puissances autoritaires qui ne défendent pas aujourd’hui nos valeurs.
De la même façon, dans cette Union recentrée sur des valeurs intransigeantes, un marché efficace, dans quelques années, s’il le souhaite, le Royaume-Uni pourra trouver la place qui est la sienne. C’est pourquoi vous ne m’avez pas entendu parler du Brexit cet après-midi. Les discussions sont en cours qui ne définissent pas le futur de l’Europe. Mais dans cette Union européenne repensée, simplifiée que je propose, je ne m’imagine pas que le Royaume-Uni ne puisse trouver sa place.
Si nous pouvons accepter cet élargissement exigeant, c’est aussi parce que le socle renforcé de l’Union européenne permettra des différenciations plus grandes. Et j’assume pleinement cette philosophie. L’Europe est déjà à plusieurs vitesses alors, n’ayons pas peur de le dire et de le vouloir ! C’est parce que ceux qui vont plus vite n’osent plus aller de l’avant que le goût même de cette ambition s’est perdu, que les autres les ont regardés avancer pour finir par se dire : « ça n’a pas l’air d’être si bien cette avant-garde de l’Europe, ils n’osent même plus se réunir, ils n’osent plus proposer, ils n’osent plus avancer ».
Non, allons vers ces différenciations, vers cette avant-garde, ce cœur de l’Europe dont je parlais tout à l’heure. Sur tous nos grands défis, nous devons avancer en accélérant le rythme et en élevant nos ambitions. Aucun État ne doit être exclu de cette dynamique, mais aucun pays ne doit pouvoir bloquer ceux qui veulent avancer plus vite ou plus loin.
Je le dis ici, reprenant les propositions de Mario MONTI et Sylvie GOULARD faites il y a quelques années, l’idée que celui qui veut le moins peut bloquer les autres est une hérésie. Acceptons ces différences multiples et, comme à chaque moment clé de son histoire, l’Europe avancera d’abord par la détermination de quelques-uns. Cette ambition n’est jamais une source d’exclusion, elle est le ferment de l’unité et de la souveraineté européennes.
Le temps où la France décidait pour l’Europe n’a jamais existé, si ce n’est dans les fantasmes de quelques nationalistes égarés. Le temps où la France prétendait décider pour l’Europe a pu exister, ce n’est pas ce que je souhaite faire. Mais le temps où la France propose pour avancer avec l’Europe et avec tous les Européens qui le souhaitent, ce temps-là est revenu, et je pense à cet instant à Robert SCHUMAN le 9 mai 1950, à Paris, osant proposer de construire l’Europe. Je pense à ses mots saisissants lorsqu’il dit : « L’Europe n’a pas été faite et nous avons eu la guerre. »
Alors, aujourd’hui, je prends la responsabilité de proposer, d’aller plus loin, d’oser parler d’Europe et de retrouver pour elle des mots d’affection et d’ambition. Non pas d’imposer, de forcer, de prétendre tout réinventer – beaucoup de choses ont déjà été dites, mais de prendre le risque de proposer une vision cohérente, ambitieuse, de proposer un chemin, un horizon plutôt que de débattre sur des instruments, de prendre le risque indispensable de l’initiative.
Deux jours après les élections chez notre principal partenaire, je veux féliciter à nouveau la chancelière Angela MERKEL avec laquelle je me réjouis de continuer à travailler car nous partageons le même engagement européen et je sais son engagement européen. Je sais aussi pour elle la blessure de voir des discours nationalistes et haineux avoir emporté tant de suffrages. Mais je sais que sa réponse ne sera ni le repli ni la timidité. Je sais que, comme à chaque fois que son pays a été face à des défis historiques, elle aura la même réaction : l’audace et le sens de l’histoire. Et c’est cela ce que je lui propose.
Aussi je propose en premier lieu à l’Allemagne un partenariat nouveau. Nous ne serons pas d’accord sur tout, ou pas tout de suite, mais nous discuterons de tout. À ceux qui disent que la tâche est impossible, je réponds : vous vous êtes habitués à la résignation, pas moi. À ceux qui disent que c’est trop dur, je dis : pensez à Robert SCHUMAN, cinq ans après une guerre dont le sang séchait à peine. Sur tous les sujets que j’ai évoqués, nous pouvons donner une impulsion franco-allemande décisive et concrète. Pourquoi ne pas commencer ensemble l’Agence de l’innovation de rupture, lancer un programme commun d’intelligence artificielle qui ferait de l’Europe le moteur de la croissance mondiale ? Pourquoi ne pas se donner d’ici à 2024 l’objectif d’intégrer totalement nos marchés en appliquant les mêmes règles à nos entreprises, du droit des affaires au droit des faillites ?
Cet esprit pionnier et concret, c’est celui du Traité de l’Élysée. Alors, travaillons et consignons ces engagements communs dans un nouveau traité de coopération que nous pourrons signer ensemble pour le 55e anniversaire du traité fondateur le 22 janvier 2018. Refaisons un Traité de l’Élysée le 22 janvier prochain.
Cette ambition, nous la partageons aussi avec l’Italie. Dès demain, je serai avec le président du Conseil, Paolo GENTILONI, et nous prendrons ensemble des premiers engagements allant dans ce sens. Mais cette vision, c’est avec l’Espagne, le Portugal, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et tant d’autres partenaires que nous la partageons. J’ai rencontré 22 de mes homologues depuis ces quelques mois, je veux travailler avec chacun d’entre eux, avec humilité mais détermination, parce que c’est notre moment.
Le temps où la France propose est revenu et, au-delà, je proposerai donc à tous ceux qui adhèrent à cette volonté d’une Europe souveraine, autour des axes que j’ai tracés, d’une Europe unie et différenciée, d’une Europe démocratique, en adhérant à la démarche des conventions, de lancer dans les prochaines semaines un groupe de la refondation européenne. Il accueillera les représentants de chaque État membre volontaire et associera les institutions européennes.
Avançons dès maintenant. D’ici l’été 2018, il travaillera pour préciser et proposer les mesures qui mettront en œuvre les six clés de la souveraineté en se nourrissant des débats issus des conventions démocratiques.
Vous le voyez, j’arrive à la fin de mon propos et vous ne m’avez presque pas entendu parler d’outils. Car l’obsession de l’Europe a été de parler de traité, de budget, de capacité, de mécanisme plutôt que de parler de projet. Cette méthode ne permet plus d’avancer. Changer un traité n’est pas une fin en soi, c’est un instrument au service d’une ambition. Et prenons là encore les choses dans le bon sens, thème par thème.
Le groupe pour la refondation européenne identifiera les changements nécessaires, sans tabou. Selon les cas, une coopération renforcée, un accord ad hoc, une nouvelle législation sera requise et, si le projet le nécessite, un changement de traité. Je suis prêt à l’assumer.
De la même façon, ne définissons pas le club fermé de celles et ceux qui pourraient y participer, définissons le chemin, la méthode et toutes celles et ceux qui en auront l’ambition, la volonté, la force en seront, sans bloquer les autres, sans les arrêter.
Ces propositions d’actions que je viens de formuler, ces initiatives que je propose aux partenaires qui le souhaitent, ce cap que j’ai voulu tracer devant vous n’ont qu’une ambition, rendre l’Europe à elle‑même et la rendre aux citoyens européens. Nous devons les convaincre que les 70 années que nous venons de vivre ne sont pas le fruit du hasard mais d’une volonté inflexible ancrée dans un optimisme sans partage.
Cette Europe qui a permis de tourner le dos à la guerre, nous devons en retrouver l’ambition. Nous ne savons presque plus rien aujourd’hui des villes détruites, de ces fils qui séparaient, de ces barbelés au cœur de l’Europe, de ces pères, de ces sœurs, de ces enfants qu’on enterre la gorge serrée par le malheur. Nous ne croisons plus dans nos rues les êtres que la guerre a laissés dans un deuil inconsolable parce que le fanatisme et le nationalisme avaient un temps pris le dessus sur la conscience des peuples.
Mais, déjà, nous voyons poindre de nouveau ce qui pourrait détruire cette paix qui nous berce. Alors je vous le dis, toute cette ambition que nous portons, c’est le sursaut des consciences que nous devons assumer au moment où cet obscurantisme se réveille en Europe un peu partout. Posons-nous sérieusement la question de l’avenir que nous voulons et ayons tous ensemble le courage de le construire.
Et je le dis à tous les dirigeants européens, je le dis à tous les parlementaires en Europe, je le dis à tous les peuples européens : regardez notre époque, regardez-la en face et vous verrez que vous n’avez pas le choix, vous n’avez pas le luxe de la génération qui nous a précédés et qui a pu gérer ce qui était acquis et à peine construit. Vous n’avez pas le luxe de celle-ci. Vous n’avez qu’un choix simple, celui de choisir de laisser un peu plus de place à chaque élection aux nationalistes, à ceux qui détestent l’Europe et, dans cinq ans, dans dix ans, dans quinze ans, ils seront là. Nous les avons déjà vus gagner ici !
Ou vous avez le choix de prendre vos responsabilités, partout, et de vouloir cette Europe en prenant tous les risques, chacun dans nos pays, parce que cet attachement au cœur, nous devons l’avoir, parce que les cicatrices qui ont balafré notre Europe, ce sont nos cicatrices !
Alors cette ambition, nous devons la porter maintenant. Maintenant, parce que c’est ce temps-là qui est venu, celui du sursaut de nos concitoyens, mais parce que c’est surtout notre responsabilité pour notre jeunesse partout en Europe. La responsabilité que prennent aujourd’hui les gestionnaires, c’est de laisser notre jeunesse dans la main de tous les extrêmes, c’est d’offrir à notre jeunesse un avenir qui n’aura pas notre luxe, celui de choisir son propre destin, c’est de promettre notre jeunesse à tous les bégaiements de l’Histoire.
Alors je le dis à tous les dirigeants d’Europe, quelles que soient nos difficultés, quels que soient les soubresauts, nous n’avons qu’une responsabilité, celle à laquelle notre jeunesse nous oblige, celle pour les générations qui viennent, celle de gagner leur gratitude sinon nous mériterons leur mépris. J’ai choisi.
Je vous remercie.
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