Le 2 août 2019, soit six mois après que Washington a initié la procédure de retrait du Traité entre l’URSS et les États-Unis sur les forces nucléaires à portée intermédiaire signé en 1987, ce dernier a cessé d’être effectif pour ses parties - les États-Unis, la Russie, le Belarus, le Kazakhstan et l’Ukraine.
Ce Traité, qui avait une signification clé pour la construction de l’architecture régionale et mondiale de sécurité, n’existe plus. Dans le cadre de la mise en œuvre du Traité FNI, les arsenaux des deux parties ont recyclé deux classes entières d’armements nucléaires : les missiles balistiques et les missiles de croisière terrestres à courte et moyenne portées. Leurs vecteurs et leurs équipements et dispositifs auxiliaires ont également été détruits.
La destruction du Traité FNI par Washington a porté un coup dur au système de contrôle des armements mis en place pendant des décennies. Des conséquences négatives majeures sont inévitables pour toute l’architecture de sécurité internationale et la stabilité stratégique.
Les autorités américaines en sont entièrement responsables. Les États-Unis sont devenus les "fossoyeurs" du Traité FNI en lançant et en achevant la procédure de leur retrait unilatéral. Pour sa part, la Russie a prôné continuellement et jusqu’au bout sa préservation. Par conséquent, affirmer que notre pays s’est également retiré du Traité et partage la responsabilité avec les Américains - comme le font certains représentants officiels à l’étranger, ainsi que certains médias - est absolument incorrect.
La Russie a tout fait pour sauver le Traité FNI. Ces dernières années, dès que s’établissait dans la politique américaine une tendance à l’éloignement de cet accord, nous avons tenté d’avoir une conversation constructive avec les Américains. Pour régler les réclamations réciproques nous avons proposé plusieurs initiatives, dont la réalisation aurait permis de préserver le Traité. Sachant que les autorités russes ont fait preuve d’une transparence allant au-delà du cadre des exigences de ce texte.
Cependant, tous nos efforts ont été ignorés ou bloqués par Washington. Malheureusement, le véritable objectif des États-Unis ne consistait pas du tout à préserver le Traité FNI mais à se débarrasser des interdictions et des restrictions établies par ce dernier pour limiter le potentiel balistique américain. Les Américains ont agi intentionnellement pour se délier les mains au maximum afin d’avancer vers la possibilité d’utiliser un éventail illimité d’instruments militaires pour exercer une pression par la force sur tout adversaire et opposant partout dans le monde.
Afin de couvrir ses actions, initialement orientées sur la dénonciation du Traité FNI, les États-Unis ont intentionnellement créé autour de lui une crise pratiquement impossible à résoudre. Au lieu d’une discussion professionnelle et substantielle sur les problèmes, chose sur laquelle nous insistions, ils ont choisi d’aggraver brusquement la situation. A titre d’écran de fumée, une campagne de propagande irresponsable et infondée a été lancée contre nous. Washington a cherché à tout déformer et à retourner les choses pour donner l’impression que les États-Unis renonçaient au Traité à cause des actions de la Russie.
A la veille de la rupture du Traité FNI, les Américains ont entrepris une nouvelle tentative maladroite de se justifier en publiant le 30 juillet sur le site du Département d’État américain une "note factuelle" avec des "faits" complètement déformés. C’est devenu une nouvelle intox propagandiste, un mensonge flagrant qui n’a rien à voir avec la réalité.
Mais la réalité est telle que pendant toutes ces années de discussions sur le Traité FNI les Américains n’ont présenté aucune preuve des infractions russes au Traité. Néanmoins, les États-Unis ont déclaré par ultimatum qu’ils reviendraient à son application et y resteraient seulement si la Russie détruisait de manière vérifiable tous ses missiles portant l’indice 9M729, qui tombent soi-disant sous l’interdiction, leurs vecteurs et équipements auxiliaires, tout en acceptant des inspections ultérieures. Il est évident qu’une telle formulation était inadmissible pour nous.
Je voudrais déclarer une nouvelle fois que le missile de croisière terrestre 9M729, dont nous n’avons jamais caché l’existence, n’a pas été conçu ni testé pour une portée interdite. Depuis l’entrée en vigueur du Traité FNI la Russie est restée entièrement attachée à sa lettre. Nous rejetions et rejetons résolument les accusations américaines absolument infondées, qui sont des allégations complètement gratuites.
En réalité, ce sont les États-Unis qui n’ont jamais entrepris les actions nécessaires pour remédier à leurs propres transgressions des engagements dans le cadre du Traité. Il est avant tout question du déploiement au sol de vecteurs Mk-41 capables de lancer des missiles de croisière offensifs, ce qui est interdit par le Traité. Aucun progrès n’a non plus été réalisé sur les "missiles-cibles" lancés par les Américains depuis le sol pour tester leur système ABM, mais ayant les mêmes caractéristiques balistiques de missiles à portée intermédiaire. La même chose concerne les drones d’attaque utilisés par le Pentagone, qui tombent entièrement sous la définition du "missile de croisière terrestre" du Traité.
Cela fait longtemps que Washington s’est engagé sur la voie de la destruction du Traité FNI, et il a finalement atteint son objectif. Nous voyons que les États-Unis cherchent à détruire tous les accords internationaux qui ne leur conviennent pas.
La destruction du Traité FNI, dont les conséquences destructives sont comparables à celles du retrait des États-Unis du Traité ABM, signifie que le démantèlement du système actuel de contrôle des missiles nucléaires par Washington se poursuit et s’accélère.
Cette tendance dangereuse s’accompagne de déclarations de représentants américains officiels sur leur disposition à accroître les armements nucléaires. Dans la même lignée s’inscrit l’indétermination créée par l’administration américaine autour du sort du dernier mécanisme russo-américain de restriction et de vérification dans le domaine nucléaire, le Traité START, qui expire en février 2021.
Dans le contexte des nouvelles menaces générées par les États-Unis, bien évidemment, nous prendrons des mesures exhaustives pour assurer notre propre sécurité. Sachant que, comme cela a été annoncé par le Président russe Vladimir Poutine le 2 février, notre pays ne déploiera pas de missiles terrestres à portée intermédiaire en Europe et dans d’autres régions tant que n’y apparaîtront pas d’armes américaines de cette classe.
Nous appelons Washington à faire preuve de responsabilité et, en suivant l’exemple de la Russie, à renoncer au déploiement des systèmes américains à portée intermédiaire dont parle activement le Pentagone. Nous restons disposés à un dialogue d’égal-à-égal et constructif avec les États-Unis sur le dossier FNI et d’autres questions de stabilité stratégique dans le respect mutuel et en tenant compte de nos intérêts réciproques. Les consultations russo-américaines au format interministériel, qui ont repris à Genève le 17 juillet sur le contrôle des armements en mettant l’accent sur les missiles nucléaires, doivent se poursuivre.
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