Madame la Secrétaire d’Etat, chère Amélie,
Monsieur le Secrétaire d’Etat, cher Jean-Baptiste,
Madame et Messieurs les Présidents des commissions parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Secrétaire général, cher François Delattre, c’est une première pour vous, ici dans ces conditions, vous y étiez déjà un habitué historique,
Mesdames les Ambassadrices, Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
On dit souvent - et je l’ai parfois dit moi-même - que nous vivons une période caractérisée par l’incertitude et l’imprévisibilité. J’en suis toutefois venu à penser que, sur une chose au moins, nous savons à quoi nous en tenir : les desseins de nos partenaires, de nos adversaires, de nos alliés, de nos compétiteurs. Il suffit de prêter attention à ce qu’ils disent et d’observer ce qu’ils font. Il suffit de regarder le monde tel qu’il est pour entrevoir le monde qui se prépare, pour en deviner les lignes de failles, en saisir les opportunités et les menaces.
Cet effort de lucidité est aujourd’hui indispensable. Dans les relations internationales, les habitudes, les certitudes, les évidences se révèlent souvent être de bien mauvaises conseillères. Et comme tout discours qui se respecte doit faire l’état de citations, je ne vais pas m’en priver moi non plus ; il y en a qui en font plus que d’autres, mais moi, j’ai moins de lectures. Je voudrais vous citer Thomas Schelling qui écrivait, dans la préface d’un livre majeur sur Pearl Harbour, en 1962, à propos des évidences qui se révèlent bien souvent mauvaises conseillères, c’était après Pearl Harbour évidemment : " Nous avons tendance, dans nos plans, à tenir pour improbable ce qui n’est pas familier. L’éventualité que nous n’avons pas considérée sérieusement apparaît étrange ; ce qui apparaîtrait étrange est pensé comme improbable ; et ce qui est improbable n’a pas besoin d’être regardé sérieusement ".
Regarder le monde en face, le "regarder sérieusement", non pas seulement pour l’interpréter mais pour tenter de le transformer, regarder le monde sérieusement, c’est le voir bouleversé par trois grandes tendances, qui mettent en péril nos intérêts et nos valeurs.
Les grandes puissances semblent résolues à faire de l’Europe leur terrain de jeu.
Le système multilatéral, nous le savons bien, est aujourd’hui la cible d’attaques sans précédents.
Quant à la grande compétition mondiale dans laquelle nous sommes plongés, elle prend désormais des formes inédites et se joue sur des terrains nouveaux.
Consolider l’unité de l’Europe et déclencher son réveil stratégique, défendre le multilatéralisme pour prévenir les dérives d’une compétition sans règle et inventer des solutions collectives aux grands défis d’aujourd’hui, montrer que les démocraties sont de taille à livrer les batailles nouvelles de l’influence, voilà donc les trois tâches immenses qui vous incombent et qui nous incombent.
Cette tâche exige de nous que nous sachions, à chaque fois qu’il le faut, jouer du rapport de forces, sans jamais transiger sur nos principes : le respect du droit international, la promotion des droits de l’Homme, le choix du dialogue, de la coopération, de la solidarité. Car tourner le dos à ces principes, nous laisser emporter par la vague de cynisme et d’égoïsme qui déferle, ce serait renoncer à ce que nous sommes, renoncer à porter la voix de la France dans le monde, et finalement perdre notre âme.
Cette exigence, ce défi résument - je crois - assez bien le sens de la diplomatie que, sous l’autorité du président de la République, nous avons à mener ensemble. Je voudrais, sur chacun de ces trois enjeux auxquels nous devrons faire face, vous rappeler nos priorités et la méthode que nous devons suivre, avant de vous dire un mot de notre ministère et des chantiers de transformation interne sur lesquels je souhaiterais avancer.
Je commencerai par l’Europe, car je suis convaincu que c’est en tant qu’Européens que nous devons regarder le monde sérieusement et que c’est avec nos partenaires européens que nous devons y agir.
C’est au nom de cette conviction que je me bats ici chaque jour pour l’Europe, avec le soutien d’Amélie de Montchalin.
Le 11 novembre de l’année dernière, nous avons célébré avec la solennité qui s’imposait la fin de la Première guerre mondiale en Europe occidentale. Une guerre qui s’est d’ailleurs, encore faut-il le rappeler, poursuivie à l’Est de l’Europe bien après la signature de l’armistice de Rethondes.
Cette année, d’autres anniversaires, sinistres ou exaltants, nous rappellent le long chemin que notre continent dut encore parcourir pour arracher aux tragédies de l’Histoire la force de se réunifier et de devenir enfin lui-même. Ces anniversaires doivent aussi nous rappeler le prix, et en même temps la fragilité, de ce que nous avons su bâtir et que nous devons sans relâche travailler à protéger.
Permettez-moi de rappeler des dates, brièvement. Le 23 août 1939, il y a 80 ans, le pacte conclu au nom de l’Allemagne nazie et de l’URSS par Ribbentrop et Molotov partageait un pan entier de notre continent entre deux puissances. Cinquante ans plus tard, jour pour jour - et cela ne devait bien sûr rien au hasard -, le 23 août 1989, nous sommes en août 2019, près de deux millions de personnes formaient une immense chaine humaine à travers les pays baltes pour dire leur aspiration à l’indépendance. En ce même été 1989, se levait en Pologne et en Hongrie le vent de liberté qui devait, en novembre, faire tomber le Mur de Berlin. Un an après, au lendemain de la réunification allemande, la signature de la Charte de Paris pour une nouvelle Europe ouvrait la voie à l’édification d’une nouvelle architecture de sécurité, y compris avec la Russie - j’y reviendrai. C’était il y a trente ans.
Ces moments charnières du XXe siècle nous permettent de mesurer la valeur d’une Europe réunifiée, démocratique et libre. Les mots sont parfois trompeurs. Ce qu’on a appelé la réunification de l’Allemagne, ce qu’on a ensuite appelé l’élargissement de l’Europe, c’est en fait une seule et même chose : la réunification de l’Europe avec elle-même, avec sa géographie et avec son histoire.
Cette Europe enfin unie, qu’on aurait tort de prendre pour un refuge d’où l’on puisse contempler le monde sans en subir les soubresauts, cette Europe enfin unie qui en vérité n’a de sens que dans l’action et le mouvement, elle n’a jamais été aussi nécessaire, et jamais, peut-être, aussi frontalement remise en question.
Et parce qu’on ne peut pas bien construire aujourd’hui sans connaître notre histoire, toute notre histoire, je souhaite que nous réfléchissions ensemble dans l’année qui vient à ce bouleversement de 1989/1990, à ce que ce bouleversement nous a dit, à ce qu’il nous a dit de qui nous sommes. C’est pourquoi je souhaite, Monsieur le Secrétaire général, qu’avec le directeur politique, le directeur des archives et le CAPS, vous puissiez nous faire des propositions en ce sens pour l’automne et pour 2020, afin que nous retrouvions à la fois l’esprit et le sens d’Helsinki, l’esprit et le sens de 1989, et l’esprit et le sens de la Charte de Paris.
En mai dernier, des élections déterminantes pour l’avenir de notre Union se sont tenues. Nous avons évité le pire. Même si les forces anti-européennes sont loin d’avoir désarmé, l’Europe a tenu bon. La vague populiste annoncée n’a pas eu lieu. Les partis pro-européens se sont mobilisés et ont globalement bien résisté. La hausse de la participation a même montré que nos concitoyens ont pris la mesure des enjeux.
À la faveur de la recomposition des institutions européennes, la France va pouvoir augmenter son influence en Europe. Un nouvel agenda stratégique proche de nos vues a été défini. Il fixe le cap sur tous les sujets fondamentaux : la protection du climat, l’Europe sociale, la politique de concurrence, la politique industrielle, la gestion des frontières, la projection de l’Europe dans le monde. Il y a là une opportunité pour relever, avec nos partenaires, les défis de l’Europe.
Ces défis - vous avez entendu le président de la République mardi - se résument à une ambition, une ambition que nous devons porter dans le temps long mais qui doit dès à présent mobiliser notre énergie : bâtir une véritable souveraineté européenne qui nous permette, en cette période troublée, de défendre ce qui fait la singularité de notre continent, cet humanisme européen, fondé sur une manière unique de penser le monde, sur un attachement aux libertés fondamentales, sur un rapport si particulier à la culture et à la pensée. Un humanisme qui - je le crois profondément - nous donne aujourd’hui de précieux repères pour faire face aux bouleversements technologiques et aux menaces qui pèsent sur notre environnement.
Cette souveraineté européenne, portée par le président de la République, qui contribue à ce que notre propre nation renforce en même temps la pleine maîtrise de son destin tout en restant ouverte. Cette souveraineté européenne doit prendre plusieurs visages, c’est d’abord une réponse commune au défi des migrations.
Nous ne sommes plus, comme en 2015 et en 2016, au pic de la crise. La baisse des flux en atteste.
Mais le sujet est loin d’être derrière nous et les drames humains continuent. Des gens meurent encore en tentant de gagner l’Europe : les navires des ONG toujours présents en Méditerranée sont là pour nous le rappeler. Et c’est une question qui continue à peser lourd dans le débat européen.
Car la défense de nos valeurs et de nos principes, qui nous font un devoir d’accueillir les personnes en besoin de protection et qui demandent l’asile, est au coeur de notre action et doit le rester. Mais cela suppose, parallèlement, de lutter sans faiblesse contre l’immigration illégale, les passeurs, les marchands de sommeil et tous ceux qui exploitent la misère humaine.
Il n’y aura de réponse vraiment européenne et, pour tout dire, de vraie réponse à ce défi que si nous parvenons à nous accorder avec nos partenaires sur une politique fondée sur le respect de l’équilibre entre responsabilité et solidarité. Nous devons mettre en place un mécanisme de sauvetage en mer et de débarquement efficace, harmoniser, enfin, notre politique d’asile et garantir dans la dignité le retour et la réadmission de ceux qui n’y sont pas éligibles. Et cela, nous ne pouvons le faire qu’ensemble. Et nous devons y arriver au nom même de ce bien si précieux qu’est l’espace Schengen, qui, à défaut, sera alors menacé dans son existence-même par ceux qui, si prompts à jouer les Cassandre, ne cherchent qu’à détricoter l’Europe.
Relever les défis des migrations, cela suppose aussi de continuer avec les pays du Sud un dialogue ferme, exigeant, mais dans le respect de l’esprit de coopération qui préside à nos relations. Nous devons pour ce faire mieux articuler notre aide au développement, qui est en train d’augmenter - j’y reviendrai - de manière substantielle, avec les enjeux migratoires.
Le deuxième défi de la construction d’une souveraineté européenne, qui doit nous mobiliser, c’est l’Europe de la défense. Le président de la République en a parlé longuement mardi. Elle repose sur trois piliers :
– les nouveaux instruments dont l’Union européenne s’est dotée, je pense en particulier au fonds européen de défense et à la coopération structurée permanente pour l’ambition desquels la France a tant oeuvré ;
– nos diverses coopérations de défense en Europe, je pense en particulier à l’initiative européenne d’intervention, dont les pays ont défilé pour la première fois sur les Champs Elysées ce 14 juillet ;
– l’article 5 et l’engagement de sécurité collective dans l’OTAN, où les Européens doivent peser davantage et assumer davantage leurs responsabilités pour poursuivre le renforcement équilibré de la posture de dissuasion et défense alliée. Nous y prenons toute notre place. Car pour nous, le " partage du fardeau ", ce n’est pas une prime d’assurance que le citoyen paye dans une logique exclusivement mercantiliste, mais c’est un engagement collectif de solidarité.
Nous ne devons pas tenir cette nouvelle Europe de la défense pour un acquis et nous ne devons pas relâcher nos efforts. La France doit rester motrice. Nous devons nous fixer à cet égard, des objectifs concrets sur le court terme : la mise en oeuvre du fonds européen de défense d’ici la fin de l’année, un cadre financier pluriannuel qui reflète nos niveaux d’ambition, la réussite de projets capacitaires et opérationnels, qui devront servir, à la fois, à combler nos lacunes et à développer les équipements du futur, la poursuite de nos efforts pour mieux rendre mobilisable l’article 42.7 du Traité incarnant la solidarité européenne dont nous avons bénéficié après les attentats en 2015.
Nous devons aussi, entre Européens, avancer sur des initiatives concrètes telles que la sécurité maritime dans le Golfe - initiative à laquelle la France est disposée à prendre part entre Européens - ou les opérations que nous menons conjointement au Sahel, dans l’esprit de l’Initiative européenne d’intervention.
S’agissant de notre troisième défi - celui de la souveraineté économique et technologique européenne - il faut rendre justice à l’Europe : elle est en train, un peu, de sortir de l’innocence et de la naïveté. Des premiers jalons fondamentaux ont été posés. Je pense notamment au mécanisme de protection de nos investissements stratégiques, c’est désormais une réalité. Mais il faut maintenant aller beaucoup plus loin et faire preuve d’audace, comme nous y a invités le président de la République.
L’Europe doit bien sûr continuer à montrer au monde entier qu’elle est une grande puissance normative. D’abord parce que, pour nous Européens, le droit reste l’instrument principal de régulation de l’ordre du monde, mais aussi parce que les normes dont nous nous dotons nous-mêmes, pour nous-mêmes, sur le territoire de l’Union européenne peuvent aussi faire école pour le reste du monde. C’est ce qui est en train de se passer avec le RGPD, qui commence à être repris par d’autres pays sur la planète.
Mais être une puissance normative ne suffit pas. Il faut aussi que l’Europe s’affirme au plan industriel et technologique. Ma conviction est claire : sans la norme, la technologie est aveugle, et sans la technologie, la norme est impuissante. L’Europe doit donc aussi se décider à accomplir un saut technologique et industriel massif. Cela vaut pour le numérique, cela pour la 5G, pour l’Intelligence artificielle, pour le spatial, pour toutes les grandes technologies d’avenir. À défaut, l’Europe sera condamnée à n’être qu’un marché de consommateurs de services et de produits fabriqués ailleurs. Dans ces conditions, elle continuera sans doute à être un endroit où il fera bon vivre,- mais, pour combien de temps encore ? - Mais bientôt d’ailleurs, dans ces conditions, elle perdrait toute capacité à dire qui elle est et à écrire sa propre histoire.
Et pour ne pas rester captive de la technologie des autres, il faut que l’Europe soit une force productive disposant d’une capacité d’offre industrielle propre. C’est l’une des clefs de notre souveraineté.
Mais notre souveraineté passe aussi par l’affirmation d’une Europe qui exige la réciprocité, d’une Europe qui se protège de toutes les formes de dumping, d’une Europe qui assure des conditions de concurrence loyale, d’une Europe qui préserve les règles du multilatéralisme commercial et se donne les moyens de répondre à l’unilatéralisme et à l’extraterritorialité. Car, comme les débats que nous avons eus hier et avant-hier l’ont mis en lumière, certaines mesures extraterritoriales prises par des pays étrangers sont manifestement contraires au droit international et appellent une stratégie adaptée pour garantir la souveraineté européenne et pour protéger nos compatriotes et nos entreprises.
J’évoquais l’importance de l’unité européenne : de ce point de vue, le Brexit - qui est aussi l’un des grands défis auxquels l’Europe doit faire face aujourd’hui - est bien sûr une déception, un regret amer.
Nous l’avons souvent dit : nous n’avons jamais souhaité le retrait britannique de l’Union européenne et nous déplorons profondément cette décision. Mais il s’agit d’une décision souveraine du peuple britannique et nous devons donc la respecter.
Aujourd’hui, nous agissons pour défendre nos intérêts et l’autonomie de décision de l’Union Européenne. Nous ne cherchons pas à accuser ou à punir nos amis britanniques - ce serait une idée saugrenue ! - Nous cherchons simplement à protéger l’intégrité de l’Union.
Cela n’enlève rien à notre attachement historique au Royaume-Uni et, bien sûr, à notre volonté de préserver l’avenir d’une relation bilatérale. Nous espérons que les Britanniques seront au rendez-vous, car il est essentiel que nous puissions préparer ensemble les dix ans des accords de Lancaster House et conserver notre capacité à travailler conjointement, de façon pragmatique, sur la sécurité de l’Europe. Après le 31 octobre, tout restera à faire. Notre intérêt collectif, de part et d’autre de la Manche, sera de ne pas oublier cette vérité factuelle, fondée sur notre géographie et notre histoire commune : nous restons tous des Européens. Et les îles britanniques resteront toujours au même endroit : en Europe.
Cette unité européenne est essentielle, car les crises pour lesquelles une réponse concertée des Européens est fondamentale ne manquent pas.
À commencer par la crise iranienne. L’unité du groupe E3, que nous formons avec les Britanniques et les Allemands, et au-delà l’unité des Européens, est essentielle ; essentielle pour préserver l’accord nucléaire de Vienne, pour réunir les conditions d’une désescalade dans le Golfe, pour assurer la sécurité maritime et la liberté de navigation dans le Golfe pour préparer les conditions d’une future négociation élargie avec l’Iran.
Notre force, , celle de la France, c’est notre capacité à parler à tous les acteurs de la région. C’est ce qui fait que nous avons un rôle central sur ce dossier, comme nous l’avons montré à Biarritz, en étant en agilité et en mouvement.
Notre action à l’égard de la crise iranienne illustre parfaitement la méthode du président de la République : être à l’initiative, proposer, rassembler autour de nous, construire des coalitions d’entraînement politique dans le cadre des Nations unies et de l’AIEA. Tout cela sans jamais oublier ce que sont nos intérêts : pas de prolifération nucléaire et balistique, la sécurité maritime, la stabilité dans la région et aucun soutien à des mouvements terroristes.
Au Sahel aussi, les Européens doivent poursuivre leurs efforts collectifs. Dans cette région, située dans notre voisinage, se déploie une menace importante pour notre sécurité : celle du terrorisme, qui se nourrit de la pauvreté, de la faiblesse des Etats et qui attise les conflits communautaires.
C’est pourquoi il était essentiel que nos partenaires européens nous y rejoignent, pour oeuvrer avec nous sur le terrain du développement, avec l’Alliance Sahel, mais aussi sur le terrain de la sécurité, avec le lancement, au sommet du G7 de Biarritz, avec la coopération très forte de l’Allemagne, d’un partenariat pour la stabilité et la sécurité du Sahel qui vise à élargir le périmètre des interventions de sécurité et à renforcer les soutiens internationaux.
Troisième enjeu que nous devons relever ensemble, comme Européens, ainsi que le président de la République nous l’a indiqué, et qui constitue aussi l’un des défis de notre souveraineté : la relation de l’Europe avec la Russie. Il y a là aussi une évidence géographique, - j’y faisais référence en commençant - évidence géographique, évidence historique, évidence culturelle, qu’on perd trop souvent de vue : la Russie est en Europe.
Le président de la République a détaillé dans son discours de mardi, et à plusieurs reprises au cours des derniers mois, les difficultés auxquelles nous étions confrontés dans cette relation avec la Russie : les attaques chimiques, les attaques cyber, l’intervention militaire en Syrie, l’annexion d’une partie de l’Ukraine, la violation des traités... Mais cette dérive-là est-elle dans notre intérêt et devons-nous nous y résoudre, comme une fatalité d’un pays qui s’éloigne de l’Europe ? Evidemment non ! Le dialogue, un dialogue lucide, exigeant, inscrit dans le long terme, tenace, mené dans le souci de protéger nos intérêts et ceux de nos alliés, ce dialogue doit se renforcer et viser au rapprochement progressif de la Russie avec les principes européens.
C’est la raison de notre action au Conseil de l’Europe, en tant que Présidence et en étroite coordination avec la Finlande, car les citoyens russes, comme citoyens de ce vaste ensemble qu’est l’Europe, ont aussi droit à la protection de leurs droits que leur confère la Cour européenne des droits de l’Homme.
C’est aussi le sens du Dialogue de Trianon, qui permet à nos sociétés de dialoguer et de se rapprocher. C’est le sens des liens économiques que nous maintenons avec la Russie, dans le respect des sanctions, dans le respect de nos intérêts. Mais pourquoi faudrait-il pousser la Russie toujours plus dans les bras de la Chine ?
Dans quelques jours, j’aurai l’occasion de me rendre à Moscou avec la ministre des armées Florence Parly pour commencer à évoquer ce qui pourrait redevenir une architecture de sécurité et de confiance. Il y faudra du temps. L’anniversaire en 2020, j’y faisais référence tout à l’heure, des trente ans de la Charte de Paris doit être un guide, car les dix principes d’Helsinki, réaffirmés alors, me semblent, si l’on veut bien prendre la peine de les relire, toujours adaptés à notre temps et à notre identité européenne.
Nous devrons aussi faire en sorte que la compétition militaire que se livrent les grandes puissances au-dessus de nos têtes, en Europe, demeure régulée par des instruments multilatéraux. En effet, la fin du traité FNI, le risque de voir le traité New Start connaître le même sort en 2021 peuvent nous ramener à une situation d’absence totale de régulation de la compétition nucléaire américano-russe, telle que nous n’en avons plus connue depuis les années 1960, alors que par ailleurs, la Chine revendique ouvertement l’augmentation quantitative et qualitative de son arsenal.
À cet égard, nous devons oeuvrer dans trois directions complémentaires.
Premièrement, il nous faut bien sûr assumer les moyens de notre défense et de la dissuasion, de façon robuste mais non escalatoire.
Il le faut, car la politique de l’autruche ou du passager clandestin ne peut conduire qu’à la sortie de l’Europe de l’histoire, ou pire, à sa transformation en terrain de jeu et d’affrontement. Pour l’éviter, il faut que nous soyons les acteurs de notre propre sécurité. Nous devons éviter, à cet égard, à la fois la naïveté, l’angélisme, et d’un autre côté, l’agressivité gratuite.
Deuxièmement, parce que cela ne suffit pas, parallèlement, nous devons conduire une réflexion entre Européens sur les conditions des équilibres militaires et stratégiques sur notre continent, à la fois dans le domaine conventionnel et dans le domaine nucléaire, dans une logique de réduction des risques stratégiques, de réduction de la défiance.
Enfin, nous devrons sur cette base promouvoir et construire cette nouvelle architecture de sécurité et de confiance qui est in fine notre intérêt bien compris. Nous allons nous atteler à cette tâche considérable dans les semaines à venir.
Face à tous ces défis - vous le voyez -, l’Europe c’est une méthode : ne pas se satisfaire des blocages, créer des coalitions ad hoc pour entraîner les institutions, être dans le mouvement et les propositions, refuser les divisions factices. Car soyons lucides : il y a du populisme à l’Ouest, comme il y a de la démocratie à l’Est. Partout, nous pouvons trouver des partenaires potentiels, que nous devons engager sujet par sujet. Nous devrons redoubler d’efforts en vue de la présidence française du Conseil de l’Union en 2022, que nous devons déjà commencer à préparer ensemble.
Dans les temps de compétition mondiale débridée que nous vivons actuellement, la lucidité et le pragmatisme nous commandent aussi, avec nos partenaires, d’inventer un nouveau multilatéralisme.
Par son histoire et son statut, la France doit être à l’initiative pour préserver ce qui est - disons-le clairement - le seul instrument capable de réguler la compétition internationale et d’enrayer ce que le président de la République a appelé mardi "l’ensauvagement" du monde, en citant le livre prémonitoire de Thérèse Delpech qui, en 2005, déjà nous mettait en garde contre "le retour de la barbarie au XXIe siècle". La France doit être une puissance d’équilibre.
Derrière ceux qui prônent l’unilatéralisme, ceux qui défendent le révisionnisme, ceux encore qui, sous couvert de promotion du multilatéralisme, promeuvent en fait une mondialisation alternative fondée sur leurs seuls intérêts, derrière tout cela, ce qui se dessine, c’est un monde sans foi ni loi. Sans foi, parce qu’on ne croirait plus aux vertus de la coopération et que la parole donnée n’aurait plus de valeur. Sans loi, parce que les règles seraient contournées ou même sacrifiées sur l’autel du pur rapport de forces.
Le multilatéralisme, ce n’est pas un dogme, ce n’est pas une idéologie. C’est une méthode efficace, et c’est une méthode qui marche. Sans le multilatéralisme, pas d’Accord de Paris. Sans le multilatéralisme, pas de convention de l’UNESCO sur la protection de la diversité culturelle. Pas de fonds mondial pour sauver des vies humaines en luttant contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Pas d’interdiction des armes chimiques. Je pourrais continuer la liste. À nous de nous concentrer sur ce que j’appellerais le multilatéralisme par la preuve.
Dire cela, ce n’est pas faire preuve d’angélisme. Le multilatéralisme, en effet, n’exclut pas le rapport de forces, il ne le supprime pas : il l’encadre, il lui donne des règles, un cadre de justice et de droit.
Oui, il y a urgence à réinventer le multilatéralisme.
Cela ne signifie pas que nous devions délaisser ses enceintes historiques : au contraire, nous devons les renforcer et chercher à y accroître notre influence, mais de façon méthodique. À cet égard, je voudrais faire une remarque qui est un peu interne : à vouloir tout avoir, parfois on perd partout. C’est pourquoi je souhaite mettre en place un pilotage stratégique pour définir et proposer au président de la République les combats que nous devons privilégier pour préserver le rôle de la France dans les grandes organisations multilatérales.
Mais ce que nous pouvons et devons inventer, c’est une nouvelle méthode, associant les Etats et les organisations internationales mais aussi les collectivités territoriales, les ONG, les entreprises privées.
C’est ce que le président de la République a souhaité faire lors du G7 en associant largement la société civile et en y conviant d’autres pays. Vous connaissez les résultats.
Cette méthode, nous l’avions déjà mise en oeuvre l’an dernier avec le Forum de Paris pour la Paix. La seconde édition cette année va encore vous mobiliser, nous mobiliser pour faire vivre dans la durée cette belle idée.
Et c’est pour défendre cette vision du monde et ces priorités que nous avons lancé cette année, avec Heiko Maas, le ministre allemand des affaires étrangères, une Alliance pour le multilatéralisme qui se réunira pour la première fois à New York à niveau ministériel fin septembre, autour d’une triple ambition : compenser, réformer, impulser. Compenser l’engagement insuffisant des Etats ; réformer et moderniser les institutions - car les Nations unies sont perfectibles et nous devons adapter nos outils multilatéraux aux défis contemporains ; et impulser des initiatives fortes, notamment là où la gouvernance est absente ou insuffisante.
L’Alliance compte un "noyau dur" autour de la France et de l’Allemagne qui sont à l’initiative, mais avec le Japon, le Canada, le Ghana, le Chili, d’autres, elle a vocation à porter des initiatives sur la base de coalitions modulaires, ouvertes aux partenaires non-étatiques. Cela fait des années, dans les faits, que nous avons appris à travailler avec les partenaires de bonne volonté, avec de véritables résultats. Avec l’Alliance, nous voulons affirmer que cette manière de travailler ensemble n’est pas seulement une méthode de travail mais aussi, évidemment, un choix éminemment politique : le choix de la coopération, de l’humanisme et du progrès.
Ce multilatéralisme réinventé, ce multilatéralisme de coalition réunissant toutes les puissances et les démocraties de bonne volonté est indispensable pour nous donner les moyens de répondre aux grandes problématiques d’aujourd’hui.
Nous devons d’abord agir pour préserver l’OMC, c’est-à-dire pour la réformer.
Vous le savez, cette organisation n’est pas outillée pour répondre aux distorsions de la concurrence mondiale actuelles, elle n’est plus qu’à quelques mois de la paralysie totale de son fonctionnement en raison de la non existence à ce moment-là de son organe d’appel. Vous savez, comme moi, que la guerre commerciale s’est installée dans un échange de mesures unilatérales qui s’étendent désormais au champ technologique et aussi au champ monétaire. Et sur ce point nous sommes confrontés à un triple défi.
D’abord, démontrer à nos concitoyens que notre politique commerciale est capable de répondre à l’ensemble de leurs aspirations, en termes d’équité et de prise en compte des enjeux de développement durable. Et les débats sur le CETA ont montré que cette question était essentielle. Si on ne le fait pas, le risque de repli sur soi, le risque de la fermeture des uns aux autres deviendra une réalité.
Le deuxième défi, à cet égard, c’est le fait que défendre nos intérêts face aux mesures unilatérales et aux pratiques commerciales déloyales est indispensable, qu’il s’agisse des droits de douane illégalement imposés, ou des protections et subventions accordées aux concurrents de nos entreprises. Ici encore, c’est avant tout l’unité européenne que nous devons assurer chaque jour sans négliger le fait que le rapport de forces fait aussi partie de notre arsenal.
Et puis, le troisième défi concernant la nécessaire réforme de l’OMC, c’est de moderniser le système commercial pour prendre en compte les enjeux du XXIème siècle, au premier rang desquels la lutte contre le changement climatique et toutes les formes de pratiques déloyales. C’est aussi sans doute le seul moyen de convaincre, à terme, les Etats-Unis et la Chine qu’une solution multilatérale aux différends commerciaux est dans l’intérêt de tous, ce qui leur permettrait de régler leurs tensions dans un système multilatéral rénové.
L’autre défi qui nécessite l’impulsion de nouveaux multilatéralismes concerne le climat et l’environnement. Nous avons des échéances proches : la réunion du sommet climat qui se tiendra le 23 septembre à New York à l’initiative du Secrétaire général des Nations unies. Nous avons d’autres échéances : la COP25, puis le congrès pour la nature que nous accueillerons à Marseille en 2020, avant la COP15 qui se tiendra en Chine. Nous devons nous mobiliser et l’ensemble du ministère doit considérer que ce sont des nécessités fortes, essentielles pour nous. En tout cas j’ai l’intention pour ma part de m’y impliquer personnellement. Je rajoute aussi que, au cours du G7 qui vient de s’achever vous avez montré, nous avons montré que ce ministère savait se mobiliser en urgence pour permettre au président de la République d’entraîner une vaste coalition des bonnes volontés internationales afin de soutenir nos partenaires dans le sauvetage de l’Amazonie.
Autre priorité du nouveau multilatéralisme, les biens communs que sont la santé et l’éducation.
La Conférence de reconstitution du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme va se constituer à Lyon en octobre prochain. Ce sera un moment extrêmement important pour nous, comme le président de la République vous l’a dit mardi.
Quant à l’éducation, c’est un sujet qui est au coeur des enjeux de développement et la France a retrouvé à cet égard toute sa crédibilité, avec notamment, lors de la rencontre de Dakar, le réinvestissement majeur de 200 millions d’euros voulu par le président de la République dans le partenariat mondial pour l’éducation. La meilleure preuve, c’est que le partenariat mondial pour l’éducation a décidé de transférer une partie significative de ses bureaux opérationnels à Paris.
Enfin, autre enjeu majeur pour le multilatéralisme du XXIème siècle : nous devons construire un univers numérique mieux régulé.
La transformation numérique est aujourd’hui un des déterminants clés du nouvel ordre mondial. Qu’il s’agisse des menaces sur la stabilité et la sécurité du cyberespace, des nouvelles stratégies des terroristes, de la course à l’hégémonie sur l’intelligence artificielle, des prétentions de certaines entreprises à créer une monnaie mondiale, des nouvelles capacités d’ingérences, mais aussi des aspirations de la société civile, de l’accès à l’éducation et la culture ou de la souveraineté économique, jamais les défis n’ont été aussi nombreux, les rapports de force si déséquilibrés et les acteurs aussi divers.
Nous avons commencé à en jeter les bases avec la revue stratégique de cyberdéfense, la stratégie internationale numérique de la France, l’appel de Paris sur la stabilité dans le cyber espace, l’appel de Christchurch et les initiatives sur l’Intelligence artificielle. Tout cela est tout à fait déterminant car le numérique est devenu un nouvel espace d’affrontement mais aussi un nouvel espace d’opportunités.
Notre objectif est clair : ne pas se laisser enfermer dans une logique purement binaire où il faudrait choisir entre un modèle libertaire fondé sur la seule apologie de la dérégulation, qui cache mal la loi de la jungle, et un modèle autoritaire où le seul impératif serait d’attaquer, de surveiller, de punir, au mépris des libertés publiques. Une troisième voie est possible, qu’il nous faut construire ensemble, dans ce nouveau multilatéralisme, avec les Nations unies, les Etats, les entreprises, la société civile, en établissant là aussi des coalitions ad hoc pour créer le mouvement.
Et bien sûr, sans oublier au passage les enjeux d’attractivité de la France pour les décideurs économiques internationaux concernés par ces enjeux.
Le même raisonnement, au-delà des grands défis, vaut aussi sur les crises qui secouent le monde d’aujourd’hui, notamment au Moyen-Orient, qui toutes nécessitent une action déterminée dans le cadre d’un multilatéralisme qui sait prendre des risques et trouver l’audace du mouvement.
Nous ne pouvons pas être de simples spectateurs : parce que l’Europe est aux avant-postes de ces crises, qui menacent directement ses intérêts de sécurité ; parce que la France a une responsabilité particulière à agir, en particulier du fait de notre siège de membre permanent au Conseil de sécurité ; et puis aussi au nom du principe d’humanité, de cet humanisme européen que j’évoquais en commençant.
À cet égard, sur des multilatéralismes de coalition à propos des crises, la stabilisation de la Libye est ainsi essentielle pour contenir le risque terroriste et gérer au mieux, et avec humanité, les phénomènes migratoires en Méditerranée. La France a été en première ligne dans les efforts qui ont conduit à la trêve de l’Aïd al-Adha en août dernier, après des mois d’affrontements continus. Cette trêve a été brève mais nous n’entendons pas nous arrêter là car le G7 a tracé la route des prochaines semaines.
D’abord il faut que la trêve puisse donner lieu à un cessez-le feu durable. C’est nécessaire pour ouvrir l’espace à une solution politique qui, seule, pourra garantir la stabilité. La meilleure façon d’avancer, c’est de réunir rapidement une conférence internationale qui associe toutes les parties prenantes et les acteurs régionaux concernés, et d’avancer sur une conférence inter-libyenne. Ce plan global réuni en quatre points autour de la réunion du G7 est porté par le représentant spécial des Nations unies et il est soutenu très largement par l’Union africaine. Il importe donc désormais qu’un multilatéralisme spécifique puisse pousser dans cette logique, seule permettant d’aboutir à une solution pacifiée.
En Syrie, notre priorité reste la lutte contre le terrorisme : car, je le rappelle ici, la menace que représente Daech n’a pas disparu, elle est devenue plus diffuse, plus insaisissable mais elle est toujours là, et c’est pourquoi nous poursuivons notre présence militaire. Nous devons aussi, pour inscrire nos succès militaires dans la durée, agir pour stabiliser les territoires libérés de l’emprise de Daech, relancer le processus politique et régler la question d’Idlib. Les opérations militaires en cours à Idlib sont particulièrement préoccupantes en ce moment, et je voulais rappeler ici l’exigence de protection des civils et des travailleurs humanitaires qui doit s’imposer à tous. Le président de la République a évoqué ces questions avec le président Poutine, il a rappelé aussi à cette occasion qu’il ne peut pas y avoir d’impunité en la matière. Les Nations unies, son Secrétaire général et surtout son envoyé spécial ont un rôle clé à jouer pour que le processus politique soit relancé selon les exigences posées par la résolution 2254 du Conseil de sécurité. Et ces initiatives-là ont toute notre confiance.
Enfin, au Yémen, le conflit qui se poursuit n’a aucune chance d’apporter une réponse aux préoccupations des belligérants. Les attaques inacceptables contre le territoire saoudien sont, d’ailleurs, désormais quasi quotidiennes. Mais la poursuite des hostilités aggrave le désastre humanitaire que subit la population civile, tout en contribuant à l’éclatement du pays - comme le montrent les combats récents à Aden et les tendances sécessionnistes au sud du pays.
Pour la première fois depuis longtemps, l’annonce d’un retrait militaire émirien ouvre une fenêtre en vue d’une sortie de crise. Nous devons utiliser cette opportunité pour relancer le processus politique. La démarche d’apaisement régional que j’ai mentionnée s’agissant de l’Iran passe aussi par le Yémen. La priorité doit aller à une reprise du processus politique conduit sous l’égide des Nations unies, et impliquant l’ensemble des composantes de la société yéménite.
Sur l’Ukraine, il existe une fenêtre d’opportunité inédite, avec un président ukrainien qui veut la paix, qui a l’assise politique nécessaire pour imposer des décisions difficiles, qui a fait des gestes, et un Vladimir Poutine qui a fait part de son côté d’un "optimisme prudent" au président de la République à Brégançon la semaine dernière. Nous sommes aujourd’hui dans une situation qui nous permettra d’organiser dans les prochaines semaines un sommet en format Normandie car nous ne devons pas laisser passer notre chance d’obtenir des avancées concrètes.
Au titre des crises majeures du moment, je n’oublie pas celles qui se déroulent en Afrique et qui mobilisent une grande partie de mon attention et une grande partie de l’attention du président de la République. J’ai parlé du Sahel, mais il faut aussi parler de la Centrafrique où le défi est de mettre en oeuvre l’accord de paix conclu il y a un peu plus de six mois ; de la RDC où la situation reste fragile malgré certaines avancées comme la transition démocratique avec l’élection du président Tshisekedi. Je pense aussi au Soudan, où la voie d’une sortie de crise est engagée après la chute d’Omar el Béchir, la mise en place de nouvelles autorités politiques, en particulier celle d’un Premier ministre civil en attendant celle d’un gouvernement. La France devra être présente pour accompagner cette évolution positive. Elle le fait d’abord en s’appuyant sur les organisations africaines, et naturellement au premier rang d’entre elles, l’Union africaine avec qui la France a signé, par mon intermédiaire, il y a quelques semaines, pour la première fois, un partenariat stratégique.
Je voudrais aussi dire un mot sur l’Algérie. Le seul souhait de la France, compte tenu des liens profonds qui nous rattachent à ce pays, c’est que les Algériens trouvent ensemble les chemins d’une transition démocratique. Je l’ai dit à mon homologue algérien, en marge du Sommet des deux Rives. Nous sommes confiants dans l’esprit de responsabilité, de civisme et de dignité qui prévaut depuis le début des manifestations. Et nous sommes attentifs à ce que cet esprit puisse continuer de s’exprimer pacifiquement, dans le respect de la liberté d’expression et de manifestation. La solution, c’est le dialogue démocratique. Dans ces moments historiques, nous continuerons de nous tenir aux côté de l’Algérie et des Algériens, dans le respect et l’amitié qui président à nos relations.
Ce pragmatisme que nous revendiquons dans la construction du multilatéralisme se décline aussi dans l’Indopacifique.
Il s’agit bien, là aussi, de réguler la compétition : la compétition politique, économique, la compétition d’influence, en particulier de la Chine. J’ai participé en avril dernier à la deuxième conférence sur les Routes de la soie. J’ai rappelé que ces routes, comme toutes les routes, doivent être à double sens, j’ai rappelé que les projets doivent être transparents, que les règles sociales, environnementales et de soutenabilité financière doivent être pleinement respectées. Peut-être avons-nous été entendus. En tout cas, la France souhaite que dans ce cadre nous puissions continuer à dialoguer de manière constructive, exigeante mais confiante, nous avons pu le démontrer à Osaka par un engagement commun spécifique sur le climat.
Notre vision de l’Indopacifique est inclusive. Lors des derniers déplacements effectués par le président de la République ou par moi-même en Inde, au Japon, et ceux à venir en Australie, nous devons renforcer nos partenariats stratégiques et mettre en avant la convergence de nos stratégies sur l’Indopacifique. Et nous devons avancer résolument sur trois piliers prioritaires, qui sont d’ailleurs dans les priorités évoqués par le président de la République mardi : à la fois la sécurité maritime, l’environnement et le climat, et le développement d’infrastructures de qualité. Je vous encourage à poursuivre vos réflexions, vos travaux et vos propositions pour élargir ce champ et identifier des projets concrets, y compris jusqu’au Pacifique Sud où le président de la République se rendra en 2020.
Je pense qu’il faut que nous puissions mettre en oeuvre au cours de l’année qui s’ouvre la stratégie de la France dans l’axe indopacifique dans sa globalité mais aussi dans sa diversité.
Enfin - et c’est mon troisième point - face à une compétition généralisée qui est en train de reconfigurer notre monde et qui ne se résume plus à ses dimensions politiques, stratégiques et économiques, nous devons aussi prendre en compte ce que j’appelle les nouveaux attributs de la puissance.
Quelles sont-elles, ces nouvelles batailles que nous avons à livrer ? La bataille de la culture, la bataille de l’information et la bataille du développement.
Oui, j’en suis de plus en plus convaincu : la culture, l’information et le développement sont bien les nouveaux attributs de la puissance et c’est comme cela que nous devons les représenter et les manier si nous voulons continuer à peser sur la scène internationale. Il n’y a plus aujourd’hui de "soft power", on est partout, si vous me permettez l’expression, " dans le hard ". Et chaque fois que nous devons nous poser cette question - on se la posait hier dans le huis-clos -, comment transformer le "désir de France" que l’on constate, en avantage compétitif ?
Ce qui se joue aujourd’hui, c’est en effet une lutte qui oppose des valeurs et des modèles. Ce qui se fait jour, c’est une contestation parfois brutale de ce qui fonde nos sociétés depuis les Lumières, avec le risque d’un relativisme généralisé et, partant, d’une remise en cause des principes fondamentaux des normes de droit. Avec évidemment le risque de voir proliférer la radicalisation, l’instrumentalisation de la culture et de la religion, le repli sur soi.
Face à cela, nous devons avoir l’audace de continuer à croire en ce que nous sommes et à promouvoir sur la scène internationale nos principes. J’aime beaucoup cette phrase, on la prête à Edgar Faure, je n’en suis pas sûr et il n’est pas là pour témoigner, disant : "affirmer que les droits de l’Homme sont une invention occidentale, c’est nier l’unité du genre humain". En tout cas, cette phrase rejoint ce que disait le président de la République mardi en rappelant que l’esprit français, c’était, avec l’esprit de résistance, l’aspiration à l’universel. Cet humanisme européen est notre boussole dans la tempête.
C’est pourquoi nous devons consolider nos instruments de diplomatie d’influence, qui font partie intégrante de notre politique étrangère.
Je pense d’abord à la réforme de l’enseignement français à l’étranger. Le président de la République l’a rappelé avec force mardi : ce sujet, parce qu’il est au confluent de nos politiques de développement et de rayonnement culturel et linguistique, est au coeur de notre politique d’influence. Et c’est un service public essentiel pour nos compatriotes de l’étranger. Je le dis devant plusieurs parlementaires qui les représentent et savent mieux que personne l’importance stratégique pour notre pays de disposer d’un enseignement français à l’étranger performant, dans un contexte de concurrence exacerbée.
Le président de la République a fixé le cap : doubler le nombre d’élèves accueillis dans les lycées et écoles d’ici à 2030, c’est-à-dire aller au-delà de 700.000 ! Cet objectif très ambitieux, nous allons le tenir, tout en préservant ce qui fait l’excellence du système français, le socle sur lequel il est fondé : les valeurs de l’enseignement "à la française", son capital humain et son modèle pédagogique. C’est dans cet esprit que nous avons travaillé, avec Jean-Michel Blanquer au plan de développement de l’enseignement français à l’étranger.
Nous aurons l’occasion d’y revenir en détail publiquement dans les prochains jours avec Jean-Baptiste Lemoyne. Mais je voudrais d’ores et déjà attirer votre attention sur trois dimensions majeures de ce plan de développement.
D’abord, accueillir davantage d’élèves dans des conditions attractives et, pour ce faire, nous allons élargir le cercle des partenaires, au-delà des établissements actuellement homologués.
Pour cela, je souhaite que vous puissiez mobiliser, dans la diversité des situations que vous rencontrez, les investisseurs, les associations, les établissements qui vous aideront à consolider l’offre française. Sachant que, même si ses procédures seront simplifiées, l’homologation délivrée par le ministère de l’éducation nationale restera exigeante pour préserver l’excellence qui est la marque de l’enseignement français à l’étranger. Il y a déjà des expériences qui se sont organisées dans certains pays, même au Brésil. Je me suis rendu au Brésil il y a quelques jours et nous avons lancé sous le parrainage de Rai, chacun d’entre vous connait l’ancien footballeur du Paris Saint Germain, qui est le parrain de ce grand projet qui nous permettra à Sao Paulo de doubler le nombre d’élèves que nous allons pouvoir accueillir et c’est une belle réussite pour montrer qu’il arrive que nous mettions en exergue la valeur du Brésil.
Ensuite, nous allons accroître le nombre de professeurs.
Je salue la décision de Jean-Michel Blanquer de détacher dans les prochaines années 1000 titulaires supplémentaires pour l’enseignement du français à l’étranger. Mais les ressources locales devront également être mobilisées, en lien avec les établissements de formation et d’enseignement supérieur. De tels cercles vertueux ont déjà été enclenchés, je l’ai dit il y a un instant, dans certains pays mais je pense aussi au Maroc, au Liban, au Mexique et bien d’autres. Et la qualité sera bien sûr pleinement au rendez-vous. Le président de la République l’a rappelé : la formation des enseignants est la clé. La mise en place d’un master spécialisé y contribuera.
Enfin, à cet égard, nous nous donnerons les moyens de nos ambitions.
Comme je l’ai demandé, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, colonne vertébrale de notre offre d’enseignement dans le monde, disposera de 25 millions d’euros supplémentaires dès 2020.
S’agissant de la réforme de l’AEFE, je tiens aussi à dire que, comme l’Etat s’y était engagé, le niveau de participation des familles aux frais de scolarité, qui avait dû être augmenté en 2017, reviendra à son niveau de 2016.
Sur ces questions, je veux également rendre hommage à votre mobilisation grâce à laquelle nous allons pouvoir ouvrir dans plusieurs pays à la rentrée prochaine des campus universitaires, en lien avec les universités locales. Je pense notamment au campus universitaire franco-sénégalais à Dakar, qui répond à un engagement pris par le président de la République à Ouagadougou, je pense au hub franco-ivoirien pour l’éducation, dont j’ai pu mesurer la réalité sur le terrain en octobre dernier, ou à l’université franco-tunisienne pour l’Afrique et la Méditerranée à Tunis. Parce qu’ils permettent de projeter l’excellence française en direction des étudiants de ces pays, ces établissements s’inscrivent parfaitement dans la logique de la stratégie que le Premier ministre a rappelée hier.
Parmi les outils dont nous disposons pour livrer la bataille de l’influence, je pense aussi à tous les moyens d’encourager les échanges culturels, avec les saisons croisées et la saison Africa 2020. Nous avons voulu que cette saison Africa 2020 soit une occasion de changer les regards et, pour reprendre une formule que le président de la République a employée le 15 août dernier, de mieux comprendre "la part d’Afrique qui est en nous". Ce sera, j’en suis convaincu, l’un des temps forts de l’année prochaine.
Mais je pense de manière plus générale à tous les moyens d’encourager le dialogue avec les sociétés civiles. Jamais un site Internet ne remplacera la richesse des échanges que vous et vos équipes parviennent à tisser avec elles et qui nous permettent, qui vous permettent de capter, au plus près du terrain, les tendances nouvelles qui parcourent les sociétés et de saisir, aux quatre coins de la planète grâce à l’universalité de notre réseau, un peu de l’humeur changeante du monde. Je souhaite que vous puissiez continuer à vous engager pleinement dans ces contacts avec la société civile en mettant un accent particulier - et cela ressortait pour moi des échanges que nous avons eus hier dans le huis clos - en direction de la jeunesse.
Je pense bien sûr, nous en avons parlé ce matin, à la nécessité d’accompagner nos industries culturelles et créatives dans la grande aventure de l’exportation, ce sera l’une de nos grandes priorités de l’année.
Je ne vais pas revenir sur la réforme de notre dispositif de soutien à l’exportation, j’en avais beaucoup parlé l’année dernière, sauf pour vous dire qu’elle se met pleinement en oeuvre, en France comme dans vos pays. Le Premier ministre l’a rappelé hier et même s’il est encore trop tôt pour tirer un bilan exhaustif, les premiers résultats sont déjà là, +6% d’exportations au premier semestre 2019, je me tourne vers Jean-Baptiste Lemoyne qui me confirme, par rapport au premier semestre 2018, et nous vous encourageons à poursuivre cette action et je voudrais saluer tous ceux qui ont permis que cette réforme qui était peut-être un peu appréhendée puisse se dérouler dans les meilleures conditions, en particulier l’action de Business France et de BPI.
Autre bataille de l’influence qui doit mobiliser nos efforts : la bataille de l’information, dont les manipulations en tout genre constituent une manifestation dévoyée de cette compétition culturelle, qui fausse les règles, tord les faits et mine le travail de la diplomatie. Face à ces dérives, nous ne sommes pas condamnés à l’impuissance. Le temps de réagir et de nous armer à cet égard est venu.
D’abord en nous professionnalisant. Sous l’égide de l’ambassadeur pour le numérique, avec l’aide de la DSI, nous devons concevoir et mettre en oeuvre des solutions agiles de détection des campagnes de manipulation. Nous devons aussi mettre en place une organisation de la riposte à l’international qui soit plus réactive, en lien avec nos partenaires interministériels. Je souhaite en particulier que soit développée une stratégie de communication ambitieuse vis-à-vis de l’Afrique, à la fois pour mieux valoriser nos actions et, pour mieux lutter contre les fausses nouvelles. Face aux campagnes de dénigrement, face à ce contre-narratif français, nous ne pouvons pas nous permettre de rester les bras croisés.
Et nous devons aussi nous battre sur la même logique d’influence pour disposer d’un audiovisuel extérieur puissant au service d’une information objective et de qualité. J’ai porté cette préoccupation au plan interministériel dans le cadre de la réforme en cours de l’audiovisuel public. En faisant valoir que l’audiovisuel extérieur est un sujet stratégique qu’il nous faut pleinement prendre en compte dans notre politique étrangère.
Enfin, troisième bataille de la compétition internationale : la bataille du développement.
L’an dernier, nous avons annoncé une loi de programmation sur le développement. Nous maintenons le cap, comme l’a rappelé le président de la République. Le développement est essentiel pour accompagner principalement nos partenaires africains. C’est aussi un puissant levier d’influence. C’est aussi un élément de la compétition mondiale. Nous voyons d’ailleurs de plus en plus d’acteurs mondiaux s’y impliquer, avec, vous le savez, des normes variables et des exigences en termes de corruption, différentes des nôtres, quand il ne s’agit pas d’attitudes de prédation.
Notre politique de développement est une politique qui répond très directement aux intérêts de la France, comme le montrent les priorités que nous nous sommes fixées : sur la prévention des crises, la lutte contre les effets du changement climatique, la promotion de l’égalité femmes/hommes, la lutte contre les épidémies - Mais il faut que nous puissions gagner en efficacité et pour cela nous avons choisi de consacrer nos efforts là où ils sont les plus utiles : les pays prioritaires, notamment d’Afrique, et les zones fragiles.
Pour cela, nous devons disposer de moyens suffisants. Depuis deux ans, nous remontons la pente. Nous sommes repartis sur une tendance haussière continue. Cette tendance se poursuivra avec l’objectif pour l’Aide publique au développement d’atteindre 0,55% du RNB en 2022, et dans cette ambition de développement, l’Agence française de développement, qui dispose cette année de plus d’1,5 milliards d’euros d’autorisation d’engagement, continuera d’avoir toute sa place, en mettant l’accent - ce qui avait été demandé - sur le bilatéral et sur les dons qui sont tout à fait indispensables dans les 18 pays prioritaires que nous avons sélectionnés en 2018. Et je souhaite que vous puissiez vous impliquer personnellement dans le suivi des projets que l’AFD met en oeuvre, en gardant bien à l’esprit que l’AFD est, aussi, un outil d’influence.
Je veille aussi au renforcement des moyens du ministère dans des domaines essentiels pour des actions qui ont démontré leur valeur ajoutée. Je pense à l’aide humanitaire avec le respect, dès l’an prochain, de l’engagement présidentiel d’une hausse de 100 millions d’euros sur l’aide humanitaire. Je pense aussi aux moyens accrus que nous donnons aux postes via les FSPi, qui vont poursuivre leur hausse jusqu’à 60 millions d’euros l’an prochain, contre 36 millions d’euros cette année. Je sais que ces programmes sont efficaces pour votre action. Ils sont tout à fait en conformité avec les engagements de Ouagadougou, et parfaitement complémentaires des actions de l’AFD. Ils sont directement placés à votre main : j’attends donc de vous que vous puissiez vous en emparer pleinement.
Je voudrais conclure sur ce point en précisant, par rapport aux échanges que nous avons eus hier, que bien évidemment il faut que l’organisation locale de l’aide au développement soit améliorée sous le pilotage des ambassadeurs. Il ne doit y avoir qu’une seule stratégie française de développement par pays. Des mesures importantes seront prises à cet égard, conformément aux recommandations de la mission d’inspection demandée par le Premier ministre.
Dans toute cette bataille de l’influence, derrière chaque action, derrière chaque outil que nous mettons en oeuvre, nous devons nous poser une question simple : préparons-nous la prochaine génération de ceux qui aimeront et seront attachés à la France ? Car dans ce domaine, comme dans d’autres, nous contenter de reproduire les mêmes recettes, c’est nous condamner au déclin : ce que j’appelais un "désir de France" tout à l’heure risque alors de se transformer, on l’évoquait hier, en une "fatigue de France". Il faut préparer la relève. Dans beaucoup de pays, nous avons une longueur d’avance mais nous avons d’une certaine manière nos habitués. Mais demain, qu’en sera-t-il ? Parfois, déjà l’imaginaire des nouvelles générations n’est déjà plus français. C’est pourquoi, je le redisais il y a un instant, il est crucial, dès à présent, que nous allions au-devant de la jeunesse, quitte à faire du hors les murs et à repenser certaines de nos habitudes.
Vous voyez donc l’importance que j’attache à ces enjeux, ma détermination à faire évoluer notre modèle. C’est pourquoi je voudrais que nous puissions mettre au point une feuille de route globale sur notre politique d’influence. C’est là ma responsabilité.
Mesdames les ambassadrices, Messieurs les ambassadeurs,
Face à l’ensemble de ces défis, notre ministère doit continuer à faire preuve d’agilité, d’imagination et, comme dirait le président de la République, d’audace.
La question est simple : comment pouvons-nous nous organiser pour gagner en agilité et en efficacité ?
D’abord, il faut des moyens. Nous en aurons en 2020. S’agissant de la mission relative à l’action extérieure de l’Etat, les crédits sont reconduits et voire même augmentés.
Quelques évolutions positives sont également à souligner, avec une intégration renforcée des effets de l’inflation mondiale sur la rémunération de nos agents et sur les dépenses de fonctionnement des postes dans la programmation budgétaire, ainsi qu’une mobilisation automatique de la réserve de précaution pour la couverture des éventuelles pertes de change.
En ce qui concerne l’Aide publique au développement, les moyens du programme 209 augmenteront d’au moins 130 millions d’euros en 2020, avec notamment un effort conséquent réalisé en faveur des ONG. L’orientation que j’ai définie d’un rééquilibrage de nos outils d’Aide publique au développement en faveur des instruments directement disponibles pour le réseau diplomatique se traduira par une l’augmentation de l’aide humanitaire et des FSPI dont j’ai parlé tout à l’heure.
Ensuite, il nous faut une meilleure responsabilisation des acteurs clés de notre ministère.
Je suis attaché au pilotage par le COMEX, qui me permet d’être pleinement informé par les directeurs concernés et d’arbitrer ensuite sur les grands sujets et de fixer la ligne. J’ai toute confiance dans le nouveau Secrétaire général pour continuer, en lien avec mon cabinet, à rendre cette enceinte efficace et opérationnelle.
Je souhaite aussi assurer un pilotage étroit de nos opérateurs. Vous le ferez en poste, comme je l’ai dit. Je le ferai à Paris. C’est cohérent avec le volume important des moyens accordés et notre volonté de renforcer la cohérence de nos interventions.
Ce qu’il nous faut aussi, en interne, c’est plus de parité, plus de justice et plus de clarté.
Nous devons aller plus loin dans la mise en oeuvre, au sein même du ministère, de l’engagement que j’ai pris en faveur d’une diplomatie résolument féministe. C’est pourquoi je compte lancer un plan complet pour la parité. Agnès von der Muhll a accepté d’être notre nouvelle haute fonctionnaire à l’égalité. Elle sera assistée d’une chargée de mission à plein temps, afin de préparer, suivre, mettre en oeuvre et évaluer annuellement ce plan.
Il y a eu des efforts importants qui ont déjà été faits depuis quelques années. Nous avons doublé le nombre d’ambassadrices en 5 ans. Vous êtes aujourd’hui 45 à l’issue du mouvement de 2019, y compris dans les plus grands postes. Nous avons encore du terrain à parcourir mais la marche vers la parité est engagée et j’y veillerai personnellement dans un état d’esprit apaisé puisqu’autrement ça n’avance pas.
Nous ne réussirons pas cet engagement en nous concentrant uniquement sur les promotions aux seuls postes d’ambassadrices et de directrices. Nous devons nous attacher à favoriser l’égalité à chaque étape de la chaine de recrutement et de promotion, notamment en veillant à ce que des candidats des deux sexes soient bien représentés aux panels de sélection, afin de renforcer la parité des viviers dès l’entrée au Quai et tout au long de la carrière.
Je compte également renforcer nos actions contre le harcèlement sexuel et élargir notre dispositif au harcèlement moral, question difficile sur laquelle nous avons encore des progrès à faire. Une cellule joignable à un numéro unique a été mise en place. Je souhaite que ses moyens soient amplifiés, et je procèderai rapidement à un premier audit.
Sur la question de la gestion des carrières, je souhaite que la Directrice générale de l’administration et de la modernisation, sous l’autorité du Secrétaire général, propose des pistes de travail ambitieuses pour améliorer la situation : en particulier la constitution de viviers de primo-ambassadeurs, la professionnalisation des panels, des bilans de compétences plus systématiques, la prise en compte des évaluations à 360° dans la gestion des carrières et des nominations, la mise en place d’un vrai outil de reconversion des cadres et une politique volontariste de mobilités croisées. La nouvelle directrice aura du travail.
Sur le numérique, enjeu majeur de notre diplomatie, j’ai évoqué cet enjeu au niveau du multilatéralisme tout à l’heure, je souhaite que nous soyons nous-même au rendez-vous et que la poursuite de notre montée en puissance s’effectue sur quatre axes. D’abord, Les grandes directions concernées doivent mieux s’organiser pour répondre à l’importance des enjeux numériques. Ensuite, nous devons disposer d’une filière d’excellence dans ce domaine pour attirer, former et conserver de vrais cyber-diplomates, ce qui devra passer par des échanges de personnels avec d’autres ministères. Je souhaite également que soit créé un comité directeur du numérique, présidé par vous-même, Monsieur le Secrétaire général, et dont le secrétariat sera assuré par l’ambassadeur pour le numérique. Enfin nous devons mieux nous organiser pour piloter les grands chantiers de notre propre transformation numérique, et c’est pourquoi j’ai décidé la transformation de notre DSI en direction du numérique dès cette année.
Autre chantier important à mes yeux : la réforme de la fonction juridique et la modernisation consulaire.
La judiciarisation croissante des relations internationales et de l’ensemble de nos activités conduit à une interaction constante entre le droit et l’action diplomatique, mais aussi entre le droit et la gestion de ce ministère. J’avais annoncé il y a un an un effort de renforcement de la fonction juridique au ministère. Ainsi, un comité directeur des affaires juridiques se réunit désormais mensuellement et contribue utilement à la coordination du traitement de ces questions. Mais je souhaite que nous allions plus loin, en renforçant encore davantage la coordination de nos services à cet égard.
Enfin, la mise en oeuvre de la loi pour un Etat au service d’une société de confiance (la loi ESSOC) fixe un cadre pour nos efforts de modernisation tendant à améliorer les services rendus aux usagers et favoriser leur accessibilité. À ce titre, je suivrai avec une grande attention quatre projets phare : le vote par internet pour les élections consulaires et législatives, la mise en place de France-visas, la dématérialisation de l’état-civil des Français nés à l’étranger et l’expérimentation en vue du lancement de la plateforme mondiale de réponse téléphonique et courriel, qui inclura un centre d’appel consulaire unique. Je sais que ces projets ne sont pas dénués de risques mais nous essaierons de les maîtriser pleinement car ils sont indispensables pour nous adapter aux besoins de nos concitoyens dont la mobilité internationale continue de s’accroître.
Enfin pour mieux faire connaitre aux Français la réalité de notre métier, je dis notre parce que je me sens partie prenante, j’ai aussi souhaité que notre ministère s’ouvre davantage à l’extérieur. C’est le sens de la création d’un Collège des hautes études de l’institut diplomatique [CHEID], dont chaque promotion comptera des personnalités issues du journalisme, du monde politique, des sphères économiques ou encore d’autres administrations. Je suis particulièrement attaché à cette initiative, parce que l’efficacité et la légitimité de notre action dépendent aussi de la manière dont nous parvenons à les faire connaitre au grand public. C’est plus difficile pour nous en raison de nos missions mais il n’y a pas de distinction à faire entre la scène nationale et la scène internationale, le Premier ministre nous l’a rappelé hier.
Voilà Mesdames les Ambassadrices, Messieurs les Ambassadeurs,
Ce que je voulais vous dire. Nous sommes plongés dans une époque qui n’est ni celle de l’incertitude, ni celle de la fatalité. Nous vivons une recomposition du monde et la France, puissance d’équilibre, doit y prendre toute sa part. De par vos fonctions, vous êtes en première ligne pour y contribuer. Vous l’aurez compris, c’est le coeur du message que je suis venu vous adresser aujourd’hui.
Je veux vous dire aussi la fierté qui est la mienne de conduire cette grande maison, avec Amélie de Montchalin et Jean-Baptiste Lemoyne. Vous dire aussi ma reconnaissance : sur tous les continents, vous êtes les visages de la France et vous défendez ses intérêts avec un degré de compétence et de dévouement qui fait honneur à notre pays et à nos concitoyens.
Soyez assurés que vous pourrez toujours compter sur mon soutien dans l’exercice des fonctions exigeantes qui sont les vôtres.
Et, comme je ne peux pas m’empêcher de terminer par une citation, j’ose solliciter Danton : "de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace !".
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