Compte tenu de l’organisation, les 9 et 10 décembre 2021, dudit "sommet pour la démocratie" à l’initiative de l’administration américaine, nous jugeons nécessaire de déclarer ce qui suit.
Les organisateurs et les partisans de cette activité étrange revendiquent le leadership dans la promotion de la démocratie et des droits de l’homme à l’échelle mondiale. Cependant, le "palmarès" et la réputation des États-Unis, du Royaume-Uni et des États membres de l’UE en matière de garantie des droits et des libertés démocratiques chez eux ainsi que sur la scène internationale sont loin d’être parfaits.
Les faits montrent que les États-Unis et leurs alliés ne peuvent pas et ne doivent pas revendiquer le statut de "phare" de la démocratie, car eux-mêmes souffrent de problèmes chroniques en matière de liberté d’expression, de système électoral, de corruption et de droits de l’homme.
La ligne éditoriale des plus grands médias occidentaux est dirigée de facto par des élites de parti et d’entreprise. Des mécanismes bien huilés de censure, d’autocensure et de suppression de contenu et de pages indésirables des plateformes en ligne sont utilisés pour réprimer la dissidence dans le milieu de l’information. C’est une grossière violation du droit à la liberté d’expression revendiqué par l’Occident. Les réseaux sociaux contrôlés par les compagnies américaines sont largement utilisés pour la désinformation, la propagande et la manipulation de l’opinion publique. La surveillance électronique massive par les renseignements et les compagnies numériques qui travaillent avec eux est devenue la réalité de la vie quotidienne des citoyens des pays occidentaux.
Il y a environ un an, pendant la campagne électorale aux États-Unis, le monde entier a vu que le système électoral archaïque de ce pays commençait à s’effondrer. Le mécanisme actuel de comptage des voix a mis en évidence de nombreux maillons faibles. Des millions d’Américains doutent de l’honnêteté et de la transparence de la présidentielle de 2020. Et c’est normal, car son déroulement et ses résultats se sont accompagnés de pratiques douteuses telles que le "découpage" artificiel des circonscriptions électorales, le vote par la poste pendant plusieurs semaines, ou encore le refus de laisser entrer des observateurs, notamment internationaux, dans les bureaux de vote.
De sérieuses questions sont suscitées par les répressions continues exercées par les autorités américaines contre les participants aux manifestations devant le Capitole le 6 janvier 2021, qui sont ouvertement qualifiés par l’administration américaine et les médias affiliés de "terroristes intérieurs". Des dizaines de personnes qui contestaient les résultats de la présidentielle ont écopé de peines de prison disproportionnées par rapport à leur activité d’opposition.
Les États-Unis, qui tentent de s’essayer au rôle de "leader démocratique mondial", sont depuis longtemps le pays comptant le plus de détenus (plus de 2 millions de prisonniers). Les conditions de détention dans la plupart des établissements pénitentiaires portent atteinte à la dignité humaine. Washington continue de taire les cas de torture dans la prison spéciale de Guantanamo. Les renseignements américains ont inauguré la pratique, sans précédent pour le monde contemporain, des prisons secrètes sur le territoire de pays alliés.
Le lobbysme aux États-Unis est de facto une forme de corruption légalisée. Les représentants des organes législatifs du pouvoir sont de facto contrôlés par les grandes entreprises. Aussi bien dans le pays qu’à l’extérieur, ils défendent avant tout les intérêts de leurs "sponsors", en général des corporations privées - pas le peuple ou les électeurs.
Dans cette optique, la rhétorique démocratisatrice de Washington n’est pas seulement complètement détachée de la réalité, mais également très hypocrite. Avant d’"exporter la démocratie", nous appelons les partenaires nord-américains à régler d’abord leurs problèmes intérieurs, à essayer de surmonter la division qui grandit au sein de la société au sujet de l’éthique, des valeurs, de la vision de son passé et de son avenir. La reconnaissance modeste que la démocratie américaine est imparfaite ne suffit manifestement pas.
Le Royaume-Uni n’est pas non plus en droit de se positionner comme une démocratie progressiste. Des organisations néonazies agissent sans encombres dans ce pays où l’on constate une montée du racisme et de la discrimination des minorités ethnoculturelles dans de nombreux secteurs de la vie sociale. Il a été révélé que les renseignements britanniques recueillaient illégalement des informations personnelles sur leurs propres citoyens, que la violence policière devenait anodine, notamment envers des manifestants pacifiques.
La situation dans l’espace de l’UE n’est pas meilleure. Bruxelles ignore systématiquement les droits et les intérêts légitimes des habitants russes et russophones dans les pays baltes, en Ukraine et en Moldavie. Il ferme les yeux sur la fabrication de mythes par les jeunes États européens en matière d’histoire politique, quand des collaborateurs nazis ayant commis des crimes de guerre sont hissés au rang de héros nationaux. La répression administrative de la dissidence, l’imposition agressive des valeurs et pratiques ultralibérales détruisant les fondements chrétiens de la civilisation européenne, sont devenues la norme quotidienne pour plusieurs pays de l’UE.
Les États-Unis et un groupe réduit de leurs alliés, revendiquant la justesse idéologique et morale, ont sapé la confiance qui pouvait leur être accordée par des actions agressives sur la scène mondiale sous le slogan de la "promotion de la démocratie". Les interventions militaires et les tentatives de "changement de régime" - il y en a eu plus d’une dizaine en trente ans - et les actions provocatrices dans le secteur militaro-politique violent souvent grossièrement le droit international, génèrent le chaos et la destruction.
L’histoire contemporaine montre que les aventures militaires pour la "démocratisation" forcée ont conduit à des guerres sanglantes et se sont soldées par des tragédies nationales pour les pays qui ont été victimes d’une telle politique - l’ex-Yougoslavie, l’Afghanistan, l’Irak, la Libye, la Syrie et bien d’autres. Tous les prétextes étaient utilisés pour déclencher des guerres : la lutte contre le terrorisme, la prolifération d’armes de destruction massive, ou encore la "protection de la population civile".
Tout le monde se souvient qu’en 2003, après l’intervention en Irak, le président George W. Bush avait annoncé à la "coalition de volontaires" depuis le porte-avions Abraham Lincoln la "victoire de la démocratie" dans ce pays. La suite est bien connue : il n’y a toujours pas de statistiques des morts. Selon certaines estimations, des centaines de milliers d’Irakiens ont perdu la vie pendant cette opération.
Malgré des dépenses colossales de milliers de milliards de dollars, la mission américaine en Afghanistan s’est soldée par un échec cuisant. Le départ précipité des Américains et d’autres membres de leur coalition de Kaboul en août dernier a été le triste résultat de la "guerre contre le terrorisme" qui a duré plus de 20 ans.
La Libye n’arrive toujours pas à se remettre après l’opération de l’Otan pour "protéger la population civile", alors qu’avant cela ce pays, avec toutes les particularités de l’ordre sociopolitique de l’ancienne Jamahiriya, maintenait la stabilité et garantissait des conditions de vie dignes pour la population. Cette action de force mal calculée a entraîné, parmi d’autres conséquences néfastes, une prolifération incontrôlée d’armes et de terroristes dans toute la région du Sahara-Sahel.
On pourrait continuer à citer des exemples témoignant de la duplicité des instigateurs du "sommet pour la démocratie". Mais le faut-il ?
La Russie, accusée dernièrement par nos collègues occidentaux pratiquement de tous les péchés capitaux, construit autrement sa ligne de politique étrangère. Nous n’imposons à personne notre propre modèle de développement. Nous respectons l’identité culturelle et religieuse et les particularités du système politique de tout État, le droit de chaque nation à déterminer elle-même sa propre voie. Nous n’avons l’intention de dicter à personne notre propre vision de la vie. Sur la scène internationale, c’est #NosRèglesCharteOnu.
La Russie cherche à jouer un rôle équilibrant et stabilisant dans la politique mondiale. Nous défendons l’égalité souveraine des États, la non-ingérence dans leurs affaires intérieures, le non-usage de la force ou de la menace d’en faire usage, le règlement pacifique des litiges. Nous prônons des relations internationales basées sur une coexistence pacifique, la coopération et la solidarité, une sécurité globale égale et une juste répartition des bienfaits de la mondialisation.
La Russie est une puissance mondiale ayant à la base de son identité des racines eurasiatiques et européennes et n’associant pas la trajectoire de son développement uniquement aux modèles politiques, économiques et culturels transatlantiques. Nous ne sommes pas d’accord avec l’imposition agressive d’une "nouvelle éthique" détruisant les normes morales établies par les religions traditionnelles et respectées par l’humanité depuis des siècles.
En menant une ligne équilibrée et non conflictuelle en politique étrangère, nous cherchons à créer des possibilités pour un développement sans obstacles de tous les acteurs de la vie internationale. Nous ne copions pas l’exemple de l’Occident et ne nous ingérons pas dans leur agenda intérieur : si les gens qui y vivent ou une partie d’entre eux sont d’accord pour suivre la ligne de destruction des valeurs morales et spirituelles traditionnelles, nous trouvons cela regrettable, mais sans plus.
Nous prônons le dialogue interculturel, interreligieux et intercivilisationnel comme étant un instrument important pour la création d’un ordre du jour fédérateur et l’élargissement de l’espace de confiance dans les relations entre les États et les sociétés.
Afin de régler les problèmes actuels, nous appelons tous les partenaires étrangers à ne pas s’adonner à la "démocratisation", à ne pas tracer de nouvelles lignes de démarcation, mais à revenir au respect des normes du droit international et à reconnaitre en pratique le principe d’égalité souveraine des États fixé dans la Charte de l’Onu. Il incarne la base de l’ordre mondial démocratique que les États-Unis et leurs alliés rejettent.
Aujourd’hui, à l’heure où l’humanité se bat contre la pandémie de Covid-19 et ses conséquences, la coopération entre tous les États est plus demandée que jamais, dans le respect inconditionnel des principes fixés dans la Charte de l’Onu.
Nous suivrons attentivement le déroulement du "sommet pour la démocratie".
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