Présidence de M. Raymond FORNI, Président
L’adjudant Jean-Gilles Raymond, le gendarme Jean-Claude Landesse, le lieutenant-colonel Bonnin et le major Guillorit sont introduits.
M. le Président leur rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête leur ont été communiquées. A l’invitation du Président, l’adjudant Jean-Gilles Raymond, le gendarme Jean-Claude Landesse, le lieutenant-colonel Bonnin et le major Guillorit prêtent serment.
M. le Président : Quelles sont vos relations avec la population ?
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Elles sont relativement bonnes car dans le Fiumorbo, nous nous trouvons dans un environnement politique un peu particulier, à connotation nationaliste.
M. le Président : Y compris chez les personnes âgées ?
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Non. Eux ont une autre culture. Notre secteur comporte une partie de plaine où les gens ont une forte connotation nationaliste et une partie de montagne où la population est plus âgée. Notre secteur couvre 14 260 hectares. Les faits se produisent toujours dans le secteur de plaine.
M. le Président : Y compris les attentats ?
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Nous n’en avons que trois ou quatre par an. On en dénombre deux depuis le début de l’année : le plasticage d’une perception et, il y a deux jours, un attentat contre une société de travaux publics victime de racket ou de concurrence, dont deux gros camions ont été endommagés.
M. le Président : Vous n’avez aucun renseignement à ce sujet ?
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Peu. La population n’est pas hostile à collaborer mais comme ces individus sont souvent remis en liberté assez rapidement, les gens craignent des représailles. Dans l’histoire de la Corse, on a vu, pour des raisons diverses, les auteurs d’attentats ou de tentatives d’attentats retrouver la liberté peu de temps après leur arrestation. Cela crée un climat délétère. Les gens ont peur d’être victimes d’actes de malveillance ou pire.
M. le Président : Estimez-vous que la source du terrorisme se tarirait si l’on agissait avec une fermeté légitime à l’égard d’auteurs d’attentats ?
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Elle ne se tarirait peut-être pas mais la population coopérerait sans doute beaucoup plus.
M. le Président : Il n’y a pas de risque à commettre des attentats puisque nul n’est jamais arrêté. C’est un acte facile. Il vaut mieux faire un attentat que se livrer à des violences sur personnes.
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Certaines personnes auront toujours des idées nationalistes en Corse. On ne pourra pas l’empêcher. En revanche, la majorité de la population, qui n’est pas nationaliste, coopérerait dans la lutte contre des actes répréhensibles.
M. le Président : Les idées nationalistes ne conduisent pas forcément au terrorisme.
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : On a vu souvent dans l’histoire de la Corse des vitrines politiques. On dit d’untel qu’il est le bras armée de tel mouvement, comme la Cuncolta.
M. le Président : Quand 150 attentats sur 450 sont revendiqués, on peut penser qu’il existe un mélange entre l’action politique et l’action crapuleuse. Le terrorisme peut être un moyen d’intimider un concurrent. Si l’on est sûr de ne pas être pris, il est facile de faire peur à son voisin.
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Une de nos difficultés en Corse résulte de l’impossibilité de détenir des fichiers à caractère politique. Il serait intéressant de savoir qui fait partie de tel mouvement.
M. le Président : Les renseignements généraux disposent de ces informations.
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Ils ne les communiquent pas. Notre seul atout réside dans l’ancienneté du personnel qui permet, par la connaissance de la population, de savoir que tel individu est un poseur de bombes potentiel.
M. le Président : Dans votre ressort, à combien estimez-vous le pourcentage de nationalistes ?
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Les chiffres sont fournis par les élections : 20 à 22 %, dont beaucoup sont opposés à l’action violente. Les nationalistes ne sont pas tous violents.
M. le Président : 20 à 22 %, c’est la moyenne corse.
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Avec la particularité qu’ici, le nationalisme essaie de se regrouper. Une association, le Comité nationaliste du Fiumorbo, vise à rassembler tous les partis politiques autour de plusieurs thèmes, dont la non-agression entre eux.
M. le Président : Ils se réunissent dans ce secteur ?
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Presque toutes les réunions régionales, à l’exception des marches organisées à Ajaccio et à Bastia, ont lieu à Prunelli-di-Fiumorbo, dans la plaine.
M. le Rapporteur : Pourquoi historiquement, le nationalisme s’est-il développé ici ?
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Le Fiumorbo a toujours été un secteur de retranchement et de résistance. Certains leaders politiques ont leur famille dans le Fiumorbo.
M. le Président : Les Santoni, par exemple ?
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Non, eux ont leurs racines plus au sud.
M. le Rapporteur : Talamoni ?
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Oui.
M. le Rapporteur : C’est lui qui essaie d’agiter le Fiumorbo, avec certaines difficultés.
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Il semble occuper le terrain politique.
M. le Rapporteur : Mais l’attentat contre Savelli a déstabilisé le comité.
Gendarme Jean-Claude LANDESSE : Ce sont deux choses différentes. Le Comité nationaliste du Fiumorbo est en passe de réussir l’union non-violente des nationalistes.
M. le Rapporteur : Ils n’ont pas été capables de dénoncer l’attentat d’Armata Corsa.
Gendarme Jean-Claude LANDESSE : Vous ne verrez jamais un nationaliste dénoncer quelqu’un. C’est viscéral.
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Dans ce groupe de treize, des gens sont plus ou moins contre la violence. Ils cherchent à obtenir un consensus de paix. Ils essaient de concilier les extrêmes.
Gendarme Jean-Claude LANDESSE : Dans l’avenir, ils changeront de thèmes. Ils s’orienteront davantage vers l’économie.
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Comme le jeune assassiné avait mauvaise réputation, c’est un peu particulier. Ce n’est pas une victime innocente.
Major GUILLORIT : Il avait déjà été condamné pour assassinat.
M. le Président : Il avait 27 ans. Il n’a pas été condamné sévèrement pour assassinat.
Major GUILLORIT : Il a fait sept ou huit ans de prison pour complicité d’assassinat.
Gendarme Jean-Claude LANDESSE : S’il avait été condamné à douze ans de prison, il aurait pu être libéré au bout de sept années.
Major GUILLORIT : Il avait été condamné pour braquage.
M. le Président : Effectuez-vous des contrôles de véhicules pour les détentions d’armes ?
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Nous effectuons de nombreux contrôles routiers, avec ou sans réquisitions, mais ils sont rarement fructueux. Il faudrait pouvoir déployer des moyens importants sur le terrain pour contrôler tout le monde. Pour éviter les barrages, les Corses, dont certains connaissent mieux la région que nous, peuvent emprunter des routes parallèles.
M. le Président : Pour monter à Prunelli-di-Fiumorbo, il n’y a qu’une seule route. Si une réunion de ce mouvement est organisée, vous pouvez effectuer un contrôle sur cette route.
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Les réunions clandestines n’ont pas lieu chez nous mais au nord de Ghisonaccia.
M. Didier QUENTIN : Vous est-il arrivé de trouver des armes en faisant ouvrir un coffre de voiture ?
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Non, jamais. D’ailleurs, nous n’avons pas le droit d’obliger quelqu’un à ouvrir son coffre.
M. le Président : Sauf si vous avez une réquisition du parquet ?
Major GUILLORIT : Même sur réquisition, nous ne le pouvons pas. Cela nous permet seulement de contrôler l’identité des occupants du véhicule.
Gendarme Jean-Claude LANDESSE : Nous pouvons appeler le service des douanes qui a seul le pouvoir de faire ouvrir les coffres. Mais il lui faut trois heures pour venir de Bastia.
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : En droit, nous en avons le droit dans les zones où ont été commis des attentats. Mais le procureur de la République de Bastia ne veut pas englober l’ouverture des coffres dans ses réquisitions de recherche d’infractions dans le cadre de la législation sur les armes, car cela pose ensuite des problèmes de droit devant le tribunal.
Lieutenant-colonel BONNIN : Le travail des gendarmes comme celui des magistrats du parquet ou de l’instruction va jusqu’à l’audience. Si à l’audience, il y a une erreur initiée par un gendarme ou par le parquet, la procédure ne tient pas.
M. Roger FRANZONI : Dans un rayon restreint, immédiatement après un attentat, en procédure de flagrant délit, on a le droit.
Lieutenant-colonel BONNIN : Tout à fait.
M. le Président : Après un attentat comme celui de lundi, mettez-vous en place un dispositif particulier ?
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : L’attentat contre les deux camions a été commis à une heure quinze mais personne ne nous a prévenus. Nous l’avons appris seulement à sept heures du matin. Des gens ont entendu la déflagration, mais la banalisation des attentats les a conduits à ne rien faire.
M. Roger FRANZONI : Quel genre de travaux réalise cette entreprise ?
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Des marchés publics, des réfections de routes.
M. Roger FRANZONI : Des marchés publics. On en revient toujours à l’argent public.
M. le Président : En tout cas, il paraît évident que le maintien d’une brigade comme celle-ci n’a plus de raison d’être.
Lieutenant-colonel BONNIN : C’est pourquoi son dossier de dissolution a été proposé et approuvé par la direction générale. Il nous faut maintenant le soutien des élus qui nous fait parfois défaut.
M. le Président : Dans ma circonscription, on envisage de supprimer une brigade de gendarmerie qui effectue une quarantaine de sorties par an. Je suis d’accord pour qu’on la ferme.
Lieutenant-colonel BONNIN : Monsieur le président, quand j’étais commandant de compagnie en Charente, j’avais une brigade deuxième de canton. Depuis quinze ans, le commandant de compagnie, le commandant de groupement et la hiérarchie de la gendarmerie, se battaient pour la faire disparaître. Dix ans après mon passage, elle est toujours ouverte.
M. le Président : Le soutien des élus est un problème qui relève de la responsabilité de la direction nationale.
Lieutenant-colonel BONNIN : Lorsque le ministre de la défense reçoit un courrier du député, du conseiller général ou du maire faisant valoir que la fermeture serait contraire à l’intérêt de sa circonscription, de son canton ou de sa commune, celle-ci est rarement réalisée.
M. le Président : Il est légitime que le maire réagisse, ne serait-ce que parce qu’il a un problème immobilier puisque la gendarmerie appartient à la commune. Qu’en faire ?
Gendarme Jean-Claude LANDESSE : Un gîte !
Lieutenant-colonel BONNIN : Si depuis vingt ans, la direction générale de la gendarmerie avait réorganisé son dispositif comme elle l’avait souhaité, à l’approche de l’an 2000, des aberrations auraient depuis longtemps disparu. Lorsqu’une demande parvient au ministre de la défense et que celui-ci décide de ne pas dissoudre, le directeur général est aux ordres.
M. Roger FRANZONI : Je ne pensais pas que les élus avaient autant de pouvoir.
M. le Président : Dans certains endroits, cela peut se comprendre. Ici, cela paraît indiscutable.
Lieutenant-colonel BONNIN : Je ne dis pas que les difficultés seront insurmontables.
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Surtout compte tenu du rapport population/gendarmes. Le village compte quarante et un habitants permanents, gendarmes non compris, tandis qu’il y en a 2 660 dans la plaine. Ici, il y a six gendarmes pour quarante et une personnes.
M. le Président : Il n’y a même plus d’école ici ?
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Ni de commerce.
M. Roger FRANZONI : Puisque vous êtes six gendarmes pour quarante et une personnes, vous devez bien vous en occuper.
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Contrairement à ce que l’on pourrait penser, nous passons moins de temps dans le village que si nous étions installés en plaine et si nous montions au village régulièrement. Plus de 95 % de notre travail s’effectuant en plaine, nous ne faisons qu’y passer. Sur cinq heures de service, nous passons plus d’une heure sur la route.
Major GUILLORIT : Les gens ne veulent même pas monter ici. Ils préfèrent aller à Ghisonaccia.
M. Roger FRANZONI : Le problème ne me paraît pas très compliqué. Il faut expliquer aux gens que vous viendrez. C’est un problème de communication.
Lieutenant-colonel BONNIN : Les gendarmes doivent aussi trouver leur place. A Ghisonaccia, les logements libres ne sont guère nombreux. Après la phase administrative vient la phase de concrétisation. Que faire des personnels ici présents ? Nous avons besoin d’eux sur la frange littorale de leur circonscription. Il faut trouver des locaux pour le service et pour les familles. Or dans ce secteur, ce n’est pas du tout évident.
M. le Président : Combien de temps les gendarmes restent-ils ici ?
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Nous sommes une brigade défavorisée, de sorte que dans le cadre de la circulaire organique, depuis 1999, les gens doivent assurer un temps de présence minimum de trois ans. Jusqu’en 1998, ils ne devaient faire que deux ans. Après deux ans, ils pouvaient faire une demande pour convenance personnelle et rejoindre une unité de leur choix. Vous avez ainsi devant vous un commandant de brigade qui est le plus ancien de l’unité avec seulement deux ans et huit mois de présence.
Gendarme Jean-Claude LANDESSE : Le commandant de brigade et le gendarme officier de police judiciaire partant l’année prochaine, mon camarade qui a un an et demi de présence et moi allons nous retrouver les plus anciens de l’unité. Cela provoque des difficultés dans la connaissance de la population. De plus, il faut savoir que deux logements ont une surface de cinquante-deux mètres carrés.
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Jusqu’à présent, l’effectif de la brigade était renouvelé de moitié chaque année.
Major GUILLORIT : Si on supprime la brigade de Prunelli-di-Fiumorbo, il faudra absolument agrandir les infrastructures de Ghisonaccia. C’est la volonté de tout le monde.
M. Roger FRANZONI : Qu’en pense le docteur Pieri ?
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Nous l’avons rencontré avec le major à la demande du lieutenant-colonel. Il est favorable à ce projet. A la décharge de la mairie, il convient de préciser qu’à la suite d’une délibération du conseil municipal, un terrain avait été mis à la disposition de la gendarmerie. Pour diverses raisons, cela n’avait pas abouti.
M. le Président : Dans ces conditions, vous ne faites pas ici de travail de renseignement ?
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Peu.
M. le Président : Cela occupe pourtant une place très importante dans la mission de la gendarmerie. Quand on est en place sur le continent, on connaît qui est qui, qui fait quoi, qui possède quoi.
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Nous ne pouvons pas avoir la confiance de la population en restant si peu de temps.
M. le Président : Même si vous restez un certain temps, le fait que vous ne soyez pas corse rend la mission difficile.
Gendarme Jean-Claude LANDESSE : Pour s’intégrer dans la population, il faut avoir une possibilité de contact avec elle, par le truchement des enfants ou en faisant partie d’associations, par exemple. Ici, aucun gendarme ne fait partie d’aucune association. Pour aller faire du sport ou pour participer aux activités d’association, le soir après le service, il faut compter au minimum une heure de trajet. Dans le Fiumorbo, la région la plus nationaliste de Corse, nous sommes les gendarmes qui ont le moins de contacts avec les gens à cause de notre éloignement. Si la brigade était en bas ou si les gendarmes étaient répartis dans d’autres brigades, certains resteraient.
M. le Président : Que fait-on ici à partir de dix-neuf heures ?
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Rien. Le village est un cul-de-sac. C’est joli, il y a une belle vue mais il n’y a rien. Comme nous n’avons pas accès au système associatif, nous ne pouvons pas avoir de contacts avec les gens et nous ne pouvons donc pas obtenir de renseignements. Quand on a passé six mois ici, on ne pense plus qu’à obtenir une mutation pour s’en aller.
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Nous sommes dans une région où il est mal vu de fréquenter les gendarmes. Les gens qui prennent position en notre faveur se mettent en porte-à-faux à l’égard des autres.
M. le Président : Est-ce que vous recevez des Corses chez vous ?
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Bien entendu. Mais les gens qui nous fréquentent font l’objet d’une suspicion. Ils sont mis au ban de leur société.
Gendarme Jean-Claude LANDESSE : Si quelqu’un vient de la plaine pour voir un gendarme dans le village, on le sait immédiatement. Nous ne partons pas la nuit sans que le village le sache.
M. Bernard DEROSIER : Donc, la plaine.
M. Roger FRANZONI : Vous êtes trop peu nombreux pour avoir une vie normale. A Bastia, des gendarmes font partie des chorales, chantent à l’église, font du sport.
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : C’est l’éloignement qui est en cause. Sinon, nous pourrions nous fondre dans la population.
M. Roger FRANZONI : S’il y avait une vraie population, nombreuse aussi.
M. le Président : Comment avez-vous réagi aux événements liés à l’affaire de la paillote ?
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Dans un premier temps, nous avons accusé le coup. Nous n’avons pas cru que des gendarmes pouvaient être impliqués dans une telle affaire. Nous avons pensé à beaucoup de choses, sauf à cela. Nous ne pouvions pas imaginer que nos collègues du GPS pouvaient être impliqués. Ensuite, nous avons été accablés. Depuis, nous avons repris le dessus.
M. le Président : Quelle a été la réaction de la population vis-à-vis de vous ?
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : La population fait la différence entre les forces de police traditionnelles, dont les brigades territoriales, et les services spécialisés comme le GPS. En Corse, les gens savent ce qu’est un gendarme départemental et ce qu’est un gendarme mobile.
M. le Président : Aviez-vous des relations avec le GPS ?
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Pratiquement pas. Sauf après les difficultés rencontrées par notre capitaine, le commandant Roux, à Ghisonaccia, qui était gardé par des militaires du GPS parce qu’il était l’objet de menaces.
Major GUILLORIT : A la suite des événements qui s’étaient produits, le commandant de légion avait tenu à ce qu’il soit suivi dans ses déplacements.
Il est de tradition de sortir les fusils et les pistolets à l’occasion d’événements, comme une naissance...
M. Roger FRANZONI : ... ou un décès !
Major GUILLORIT : ... ou la victoire à certaines élections. Ce soir-là, ils sont arrivés dans une trentaine de voiture et ont tiré des coups de feu en l’air. Nous avons été assaillis. Le capitaine Roux a cru bien faire en allant les voir seul en civil, les mains dans les poches, pour les ramener à la raison, mais il a été agressé. Il a reçu plusieurs coups de poing. Cela s’est passé devant le portail d’entrée de la compagnie de Ghisonaccia. Ils étaient disposés en arc de cercle, au bord de la route et sur le terrain vague. Le colonel a ensuite exigé qu’il soit gardé par le GPS.
M. Bernard DEROSIER : Quelle suite judiciaire a été donnée à l’agression dont il a été l’objet ?
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Le principal intéressé a été appréhendé et incarcéré. Il a été condamné à dix-huit mois de prison ferme.
Lieutenant-colonel BONNIN : Un coauteur a été condamné à trois mois.
Major GUILLORIT : Ils habitent tous deux à Prunelli-di-Fiumorbo.
M. le Président : Je pense que ceux-là ne recommenceront pas de sitôt.
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Ce n’est pas du tout certain. L’auteur était récidiviste de faits comparables sur le précédent commandant de compagnie, le capitaine Hotelier. Il avait fait l’objet d’une condamnation pour coups et blessures volontaires sur agent de la force publique.
M. le Président : Et il n’a été condamné qu’à dix-huit mois.
Gendarme Jean-Claude LANDESSE : Les nationalistes purs et durs ne représentent pas grand chose. Quand nous ne sommes pas en service, nous ne sortons pas avec notre pistolet pour nous protéger. Nous ne sommes pas du tout agressés. Il nous faut peut-être essayer d’établir davantage le contact avec les gens car certaines opinions changent. Mais il existera toujours un noyau irréductible qui refusera toute avancée, même économique alors que c’est le nœud du problème. S’il y a du travail, le climat s’apaisera, mais s’il n’y en a pas, l’action reprendra. Les jeunes de vingt à vingt-cinq ans seront poussés par les anciens purs et durs. Comme ils n’ont pas de travail, ils n’ont rien à perdre. Ils n’ont connu que cela. Dans certains milieux nationalistes, les jeunes n’ont jamais vu leurs parents travailler. Si le problème économique n’est pas résolu dans la plaine orientale, la situation risque de se dégrader à nouveau.
Major GUILLORIT : Malheureusement, hors l’agriculture et le tourisme, il n’y a rien.
Gendarme Jean-Claude LANDESSE : D’où la démarche du comité nationaliste du Fiumorbo : les subventions doivent être accordées pour un travail fourni et non pour un travail à fournir qui ne sera jamais fait. D’après les contacts que nous avons eus il semble que le comité va orienter davantage son action sur les questions économiques.
Lieutenant-colonel BONNIN : Des informations sont tout de même recueillies et des analyses effectuées par la brigade locale.
Gendarme Jean-Claude LANDESSE : Si nous étions en plaine, nous serions une brigade performante pour le recueil du renseignement.
M. le Rapporteur : Comment les femmes de gendarmes vivent-elles cette situation d’isolement ?
Adjudant Jean-Gilles RAYMOND : Assez difficilement à leur arrivée. Elles entrent dans un appartement assez vétuste. Les bureaux ont été refaits car la brigade a été victime d’un attentat en 1994 mais les appartements sont beaucoup moins agréables.
Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr
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