Le Rassemblement a précisé progressivement son attitude face à l’extrême droite, d’abord pour dégager une stratégie électorale, puis en élaborant un contre-argumentaire.
Sur le plan électoral, à court et moyen terme le RPR ne craint pas la concurrence du FN dans les scrutins majoritaires, mais exclusivement dans les scrutins proportionnels : municipales dans les petites communes, régionales et européennes. D’éventuelles modifications de ces consultations diminueraient encore le danger (regroupement des régionales avec les législatives, division en dix circonscriptions pour les européennes). La difficulté réside plutôt dans la tentation éprouvée par certains cadres du Rassemblement, selon les données locales, de faire implicitement alliance avec le Front, voire de le rallier avec armes et bagages.
Sur le plan programmatique, le RPR évalue l’étroite marge de manœuvre dont il dispose pour chasser sur les mêmes terres que le Front, tout en se distinguant idéologiquement de lui. Elle se limite au refus de l’antisémitisme et à l’affirmation péremptoire selon laquelle son action contre l’immigration clandestine aurait pour finalité de favoriser l’intégration des immigrés réguliers. Elle est mise en valeur par des références appuyées au passé des deux camps : les "valeurs [victorieuses] du gaullisme" opposées à "la caricature du fascisme et de la capitulation".
Dans ce contexte, Jean-François Mancel, secrétaire général du Rassemblement, estime que "l’agitation " autour du FN est contre-productive ". Selon lui, elle " [donne] argument aux extrémistes pour accréditer l’idée d’un complot de tous contre eux, et [laisse] croire que le FN constitue le pivot de notre vie politique ". Il estime que l’enjeu primordial des élections de 1998 réside dans l’issue de la confrontation majorité/PS. C’est pourquoi les gaullistes doivent " mener un double combat. Un combat contre le Parti socialiste, qui a gardé toute sa nocivité. Et un combat contre le Front national, en affirmant nos valeurs gaullistes et républicaines, incompatibles avec l’idéologie de haine qu’il propage, et en dénonçant ses propositions, absurdes autant qu’abjectes. "
Le RPR doit alors centrer sa lutte sur la dénonciation de " l’ineptie des propositions " et la " vacuité " du programme frontiste. À cet effet, il diffuse largement un tract en deux volets. Le premier, intitulé " Il y a ceux qui disent n’importe quoi... " se présente comme un contre-argumentaire face à certaines thèses plus ou moins indûment prêtées au FN. Ainsi, à l’affirmation " Renvoyer les femmes chez elles permettrait de résorber le chômage ! ", le RPR répond que " Deux salaires sont indispensables dans de nombreuses familles", etc. Le deuxième volet, intitulé " ... Et il y a ceux qui agissent concrètement ", énumère des " actions " du gouvernement propres à séduire l’électorat lepéniste : " En deux ans, la délinquance a baissé de près de 10 % ", " Les expulsions d’étrangers en situation irrégulière ont augmenté de 25 % ", " L "impôt sur le revenu baisse de 25 milliards dès cette année. ", " 28 millions de formulaires administratifs ont été ou vont être supprimés pour soulager les PME, les commerçants et les artisans ", etc.
Ce positionnement se fonde notamment sur l’analyse contradictoire des partielles de Dreux (victoire du Front républicain soutenant le RPR Gérard Hamel) et de Vitrolles (défaite du Front républicain soutenant le socialiste Jean-Jacques Anglade) effectuée par Jean-Pierre Delalande, député-maire RPR de Deuil-la-Barre. En définitive, le RPR rejette le principe du Front républicain et donne pour consigne, en cas de triangulaire, le maintien, tant que faire se peut, de ses candidats, et le cas échéant le désistement, sans consigne de vote.
En ce qui concerne l’attitude face aux ralliements, deux lignes continuent à s’opposer. Jean-François Mancel est favorable au recyclage sans conditions d’élus FN au RPR, comme il l’a fait avec Jacques Peyrat à Nice, tandis que Jean-Pierre Delalande considère que ces transfuges brouillent l’image du Rassemblement et laissent entendre que le RPR et le FN sont de même nature.
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