"La toxicomanie de guerre" est une des causes des atrocités commises au cours des conflits qui se déroulent au Libéria et chez son voisin, la Sierra Leone. Les massacres de femmes et d’enfants ont souvent été le fait de soldats et d’enfants-soldats drogués pour aller au combat. Une infirmière a raconté au chef de la brigade des stups de la capitale de la Sierra Leone, Freetown, qu’elle devait injecter une substance, dont elle ignorait la nature (probablement de l’héroïne), à des combattants sur le point de monter au front. Pour rendre inconscient du danger les enfants-soldats, âgés de sept à quinze ans, leurs chefs les ont systématiquement bourrés de psychotropes ou de marijuana. Après une formation militaire d’une semaine à six mois, ils étaient employés d’abord comme gardes du corps, cuisiniers, sentinelles et, le plus souvent, envoyés ensuite au combat. Ces gosses, qui étaient en outre animés d’un fort désir de venger leur famille massacrée, en arrivaient à consommer de la poudre extraite des balles mélangée à du thé ou de la bière quand les "vraies" drogues venaient à manquer. Et tout continue encore quand les affrontements se calment, car les soldats démobilisés, devenus "accrocs", sont maintenant prêts à tout pour se procurer des drogues : les meurtres, les vols et la délinquance en général sont en pleine expansion actuellement dans les quartiers populaires de Freetown. Bien que l’armée de la Sierra Leone ait réussi aujourd’hui à repousser les rebelles venus du Libéria pour attaquer l’est du pays en 1991, des combats sporadiques et violents, comme en novembre 1993, obligent encore des milliers de personnes à quitter leurs villages. La persistance de la guerre tient avant tout au fait que les factions qui s’affrontent au Libéria appuient chacune leurs alliés en Sierra Leone. L’armée du gouvernement de Freetown est soutenue par les troupes (ULIMO) de feu le dictateur du Libéria, Samuel Dú, et les rebelles du Front révolutionnaire uni (FRU) par le Front national patriotique du Libéria (FNPL) de Charles Taylor. Le 31 mai, le gouvernement de Sierra Leone, sous la pression de la communauté internationale, a annoncé la démobilisation des enfants de moins de quinze ans. Deux semaines plus tard, l’UNICEF, qui a mis en place un programme pour leur réinsertion, prenait en charge 240 d’entre eux, dont huit filles. La guerre a provoqué l’exode de populations rurales qui se sont entassées dans les villes de province comme Kenema, Bo, Makeni, etc., y provoquant un accroissement des problèmes liés à la pauvreté et la criminalité. Mais les membres du gouvernement et les chefs de l’armée sont d’autant plus indifférents aux problèmes posés par les drogues, qu’ils en sont eux-mêmes des consommateurs avérés. L’influence de la guerre se reflète dans la proportion de toxicomanes en traitement au Kissy Mental Hospital de Freetown : alors qu’avant le conflit ils ne représentaient que 20% des patients, ils sont 80% aujourd’hui (correspondant de l’OGD en Sierra Leone).
(c) La Dépêche Internationale des Drogues n° 27
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