Les agences fédérales américaines chargées de la lutte anti-drogue s’inquiètent de la quantité et de la qualité de l’héroïne en provenance de Colombie disponible dans les rues des grandes villes des États-Unis. Les "mules" qui assurent le trafic, essentiellement des Colombiens pauvres, ont été baptisées swallowers parce qu’elles avalent des dizaines de boulettes en plastique remplies de drogue à chaque voyage. Ces passeurs prennent l’avion à Bogota, Cali ou Baranquilla, font parfois un détour par la Jamaïque, Haïti ou la République dominicaine et débarquent aux aéroports de Miami ou New York. Les douaniers avouent leur impuissance devant cette forme de trafic très dangereuse à cause du risque de voir les boulettes éclater sous l’effet du suc gastrique, mais constatent que les candidats sont légion. Selon la Drug Enforcement Administration, les trafiquants colombiens utilisent leurs réseaux de distribution de la cocaïne pour vendre le nouveau produit. La Colombian White, à en croire la DEA, serait d’une très grande pureté (90%) et les surfaces de pavot passées de 4 000 hectares en 1991 à 38 000 hectares l’année suivante. Mais le ton alarmiste adopté par l’agence anti-drogue et relayé par la presse, n’est peut-être pas dénué d’arrière-pensées, alors que la nouvelle administration Clinton est en train de revoir la politique anti-drogue des années républicaines. La DEA pourrait vouloir convaincre le président de ne pas réduire son budget et sa présence en Amérique latine, comme certains observateurs lui en prêtent l’intention, en particulier à la suite de l’échec de la "guerre à la drogue" menée par les administrations précédentes. Le représentant d’une agence anti-drogue européenne en poste à Washington a déclaré à l’envoyé spécial de l’OGD que la DEA n’a apporté aucune preuve qu’il s’agit bien d’une héroïne raffinée en Colombie. Cet agent, qui coordonne la lutte anti-drogue de son pays en Amérique du Nord et dans les Caraïbes, soupçonne les cartels colombiens d’avoir apposé leur label sur de l’héroïne asiatique de première qualité. Une excellente méthode de marketing pour s’ouvrir un nouveau marché en attendant d’être capable de produire à leur tour une héroïne "de qualité". Les informations provenant de Colombie et qui font état des difficultés des trafiquants pour produire une héroïne acceptable, ainsi que les saisies qui concernent de la drogue d’une qualité extrêmement rudimentaire, paraissent appuyer cette hypothèse. Il n’en reste pas moins vrai que la Colombia White, vraie ou fausse, arrive en quantité de plus en plus importantes. Selon les statistiques de la DEA et du service des Douanes, 68 mules colombiennes, ayant avalé au total plus de 49 kilos d’héroïne, ont été arrêtées entre octobre l991 et octobre l992, à l’aéroport de Miami. Si on y ajoute les saisies provenant d’autres formes de transport, environ 100 kilos avaient été saisies dans le sud de la Floride. Un chiffre déjà dépassé pour la période d’octobre l992 à mars l993. Durant ces six mois, 52 mules ont été détenues, convoyant 37 kilos sur un total dépassant 103 kilos pour le sud de la Floride. Une tendance similaire a été relevée à l’aéroport Kennedy de New York (envoyé spécial de l’OGD aux États-Unis, Miami Herald, New York Post).
(c) La Dépêche Internationale des Drogues n° 20
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