Après avoir levé, au mois de février 1994, l’embargo imposé à la suite de la guerre, les Etats Unis ont placé le Vietnam, un an plus tard, sur la liste des 29 "pays producteurs ou de transit majeur" pour l’héroïne consommée dans leur pays. Au mois de juin, avant que l’administration Clinton ne reconnaisse officiellement le Vietnam et normalise compl"tement les relations diplomatiques entre les deux pays, les Américains ont engagé des négociations au plus haut niveau avec les autorités vietnamiennes. Elles ont pour objectif la réduction du trafic des drogues dans tout le sud - est asiatique. La production d’opium dans les montagnes (Son La, Lai Chau, Lao Cai, etc. ), mais surtout la place de transit que tient désormais ce pays pour les productions birmane et laotienne, ont été au coeur de ces pourparlers. Le probl"me de l’augmentation de la consommation à l’intérieur même du Vietnam, liée au narco-tourisme, a été également abordé. L’envoyé spécial de l’OGD a pu mesurer l’ampleur de ce phénom"ne, en particulier à Cholon. Le tourisme est en plein développement dans ce quartier chinois, comme dans l’ensemble de Hô Chi Minh - Ville. Les narco-touristes, dissimulés dans le flot des autres touristes, semblent y trouver des conditions d’accueil et de liberté digne des "coffee - shop" d’Amsterdam. Il est en effet très aisé de se procurer de la marijuana enveloppée dans du papier kraft, ou, comble de facilité, vendue prête à l’emploi dans des joints roulés, imitant parfaitement un paquet de cigarettes normales, avec filtre. Un paquet de vingt joints (bouddha), coûte au touriste l’équivalent du prix d’un paquet de blondes achetées dans son pays. Les Vietnamiens l’ach"tent à moitié prix. On peut d’ailleurs se rouler des joints et fumer en toute tranquillité dans les bars. Les vendeurs de marijuana proposent également de l’opium, qui s’ingère ou se "tartine" sur des cigarettes. On trouve également, toujours du côté de Cholon, des fumeries d’opium. En 1994, la police désireuse de réguler le marché a arrêté 2 750 patrons de ces établissements, pourtant généralement tolérés. Des pipes à opium neuves ou anciennes, dans ce dernier cas consciencieusement nettoyées, sont proposées par les commerçants de produits touristiques. Une partie de l’opium et de l’herbe est achetée à très bas prix au Cambodge et s’ajoute aux productions locales. Traverser la fronti"re entre ces deux pays, même quand on ne bénéficie pas de la bienveillante inattention des douaniers, est un jeux d’enfant. Le prix du kilo de cannabis se négocie chez les paysans cambodgiens pour une poignée de dollars et vaut de 30 à 100 dollars dans les villes. Cependant, c’est la poussée de la consommation d’héroïne qui semble surtout préoccuper les autorités vietnamiennes. Tous les matins, on retrouve des seringues sur les plages à la mode, comme celles de Nha Trang, de Vung Tau ou de Hoï An. Cela entra"ne la multiplication des cas de sida (La Dépêche Internationale des Drogues, n° 30). Ce phénom"ne s’est aujourd’hui répandu à travers tout le pays, mais les régions frontali"res avec le Laos et la Chine, comme Haiphong et Hanoi, sont les plus touchées. Partout, des panneaux d’information et de sensibilisation, peints à la main, mettent en garde la population contre l’utilisation de la seringue comme vecteur essentiel du VIH. D’apr"s les autorités viet - namiennes, on compte aujourd’hui pr"s de 20 000 drogués parmi lesquels se trouvent 80 % des quelque 2 000 séropositifs du pays. "La lutte contre les "vices sociaux" (drogue et prostitution) n’a pas eu de résultats significatifs" a récemment affirmé le vice - Premier ministre Nghyen Khanh. En effet, malgré plusieurs exécutions capitales de trafiquants (fait jusque là rarissime au Vietnam), suivies d’une dizaine de condamnations à mort cette année, le trafic se développe, alimenté aussi bien par le Triangle d’or que par la production locale et traditionnelle (envoyé spécial de l’OGD au Vietnam). D. I. D. @
(c) La Dépêche Internationale des Drogues n° 46
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