Prise en tenaille par la glaciation des rapports franco - néerlandais en matière de lutte antidrogues, la Belgique a manifesté ouvertement sa réprobation à l’égard des hésitations du gouvernement français à s’engager dans l’espace de Schengen (La Dépêche Internationale des Drogues n°49). Ce mécontentement, relayé par le ministre belge de l’Intérieur, pourrait n’être qu’un signe avant-coureur de soubresauts d’une toute autre amplitude. Pour Bruxelles, qui parvenait jusqu’ici à intégrer dans sa politique nationale en matière de drogues les divergences entre ses voisins du nord et du sud, le fossé creusé par le président Chirac est de nature à relancer un débat interne et amener l’Etat belge à s’interroger sur la manière dont il peut continuer à concilier la ligne répressive qu’il partage traditionnellement avec la France et le souci de l’ensemble des pays du Benelux de se montrer ouverts et prospectifs dans le traitement des toxicomanies. Il semble que le gouvernement ne pourra éluder très longtemps le débat. Déjà, deux figures politiques isolées, des sénateurs francophones socialiste et social chrétien, ont adopté ces derniers mois des positions favorables à une remise à plat de l’approche prohibitionniste belge, mais sans engager leurs mouvements. Les jeunes socialistes francophones de la capitale se sont quant à eux déclarés partisans d’une dépénalisation des dérivés du cannabis. Mais le Parti socialiste francophone, composante de la coalition au pouvoir aux niveaux fédéral et régional, n’a pas avalisé leur position. Surtout, dans un document interne, en possession de l’OGD, qui ne devrait être rendu public qu’au début 1996, le parti d’opposition écologiste ECOLO, quatrième formation politique du pays, susceptible de participer à toute coalition à venir, propose à ses membres une plateforme consensuelle se fondant sur "l’échec du régime prohibitionniste". Le texte appelle la base du parti à se prononcer sur une "autre voie" : dépénalisation partielle ou totale ; légalisation partielle ou totale, soit des dérivés du cannabis, soit de l’ensemble des drogues. ECOLO tient pour acquis que le principe d’une escalade des produits doux vers les produits durs est "éminemment contestable". Rendue publique, la position des écologistes, qui représentent un partenaire politique crédible et assument un rôle de leader d’opinion, pourrait provoquer l’ouverture d’un débat parlementaire et recueillir des échos favorables dans la population. Mais au cabinet du ministre de la Justice, fief social-chrétien d’alternance wallonne et flamande et bastion du prohibitionnisme dur, on réaffirme l’attachement du gouvernement à une politique de répression des drogues et on demande que les moyens soient donnés pour (enfin) tester effectivement les effets de cette politique. Signe politique majeur : l’attachement à la prohibition a été rappelé dans la déclaration gouvernementale de l’équipe Dehaene II. Cependant, le cabinet du ministère de la Justice reconnaît qu’il ne peut garantir que ce cap sera maintenu d’ici à la fin du siècle. Paradoxalement, l’inscription expresse de l’option prohibitionniste dans la déclaration gouvernementale a souligné la pertinence du débat (correspondant de l’OGD en Belgique).
(c) La Dépêche Internationale des Drogues n° 50
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