La présence des réseaux nigérians sur tous les continents où ils ont pris une place non négligeable dans le trafic de cocaïne et celui d’héroïne, amène d’abord à s’interroger sur les causes de ce phénomène qui a débuté il y a une dizaine d’années. Le Nigeria est également le premier exportateur de marijuana de l’Afrique sub-saharienne et le un important distributeur de drogues de synthèse dans la région, en particulier en Afrique du Sud (où les Nigérians sont également très actifs dans la distribution d’héroïne et surtout de cocaïne et de crack). Selon l’Organisation mondiale des douanes (OMD), les trafiquants de drogues nigérians ont été impliqués dans 1 200 affaires dans le monde entre 1991 et 1995.
Aujourd’hui, le général Sani Abacha, dont le gouvernement est mis en quasi quarantaine par la communauté internationale, s’efforce d’effacer l’image d’un pays liée au trafic des drogues qui était celui du Nigeria sous les gouvernements militaires précédents, en particulier celui du général Babangida. Les autorités nigérianes vont jusqu’à affirmer, comme l’a fait le responsable gouvernemental de la lutte antidrogues lors d’une visite aux Etats-Unis, en juillet 1995, que la dictature militaire, "qui peut agir sans les freins traditionnels des institutions démocratiques" est un moyen de lutter plus efficacement contre le trafic. Les autorités nigérianes s’estiment donc mal récompensées de leurs efforts dans ce domaine, en particulier par la "décertification" que leur inflige les Etats-Unis depuis 1994. Le sentiment de cette "injustice" a certainement été un des motifs pour que le gouvernement du général Abacha refuse de céder aux pressions internationales dans le cas des militants de la minorité ogoni, exécutés en novembre 1995. Il est incontestable que le major-général Musa Bamaiyi, placé à la tête de la Nigerian Drug Law Enforcement Agency (NDLEA) en 1994, a montré qu’il désirait réellement s’attaquer au trafic, comme en témoigne par exemple le fait que 28 de ses agents ont été tués en opération depuis deux ans. Il a en particulier obtenu des résultats dans le contrôle des aéroports et des ports et, surtout, dans le domaine du blanchiment. Mais les liens anciens existant entre certains militaires et les trafiquants ont imposé des limites à ses efforts. Dans la ville de Kano, des militaires ont été accusés, en 1996, d’avoir escorté un envoi de drogues "destiné à un pays d’Europe de l’Ouest". Par ailleurs, les saisies de drogues dures sont en chute libre durant l’année 1996, ce qui ne s’explique pas seulement par le fait qu’un certain nombre de réseaux nigérians opèrent désormais à partir de pays étrangers.
En 1996, comme les années précédentes, quelques affaires spectaculaires ont mis en évidence l’ampleur des organisations nigérianes de la cocaïne et de l’héroïne. En particulier, au mois d’octobre, un important réseau de distribution d’héroïne, dirigé par des femmes nigérianes, a été démantelé dans le cadre de l’Opération Global Sea, à laquelle ont participé les polices des Etats-Unis, de France, des Pays-Bas, de Singapour, de Thaïlande et du Pakistan. 34 personnes, dont 15 Nigérianes, ont été arrêtées à Chicago, New York, Detroit, Bangkok et au Pakistan et 55 kilogrammes d’héroïne saisis. L’organisation, qui se dissimulait à Chicago derrière une boutique de vêtements, importait de l’héroïne de Thaïlande et du Cambodge. Elle utilisait deux routes principales : l’une qui menait directement à Boston ; l’autre jusqu’à des gangs de rue de Milwaukee, Detroit et Boston, via Paris ou Amsterdam, le Guatemala et le Mexique. Au Brésil, on a observé qu’en 1996 les Nigérians utilisaient de plus en plus de passeurs appartenant à des milieux défavorisés européens. Le 27 mars 1997, un réseau nigérian qui existait depuis cinq ans et dont la police estime qu’il a envoyé une tonne de cocaïne en Europe a été démantelé. Une vingtaine de mules blanches ont été arrêtées.
Le "boss" de ce groupe, Peter Christopher Onwumere, appartenant à l’ethnie ibo, a été arrêté à São Paulo en compagnie de quatre de ses hommes. Lui-même résidait depuis 7 ans dans cette ville. Ses complices nigérians achetaient la drogue (entre 1 000 et 2 000 dollars le kg) à la frontière bolivienne. Ce sont des Brésiliens qui la transportaient, par lot de 10 kg à 15 kg, jusqu’à São Paulo où elle était conditionnée avant d’être remise aux mules européennes. Onwumere possédait deux Mercedes importées, une propriété dans l’Etat de São Paulo et une autre au Nigeria. On a trouvé sur lui des reçus d’importantes sommes d’argent virées de l’étranger au Brésil, un chèque de 360 000 dollars... ainsi qu’une photographie de lui à Singapour. Il appelait fréquemment par téléphone les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Outre les Blancs incarcérés, ces arrestations portent à plus de 200 le nombre des mules africaines, principalement nigérianes, même si elles ont été arrêtées avec des passeports d’autres nationalités, incarcérées dans les prisons brésiliennes.
Durant la première moitié de 1996, une vingtaine d’Africains "anglophones" ont été arrêtés en Colombie et autant en Equateur. En République tchèque, une affaire d’échange de matière nucléaire contre de la drogue a été jugée au début de l’année. Le combustible enrichi devait être expédié au Nigeria, via l’Allemagne où une organisation nigériane l’aurait payé avec de l’héroïne et de la cocaïne. La drogue devait être distribuée sur les marchés d’Europe de l’Ouest par la mafia russe.
Ces affaires, parmi tant d’autres, confirment que les réseaux nigérians, depuis une dizaine d’années, ont pris un rôle important, dans le trafic des trois des principales drogues sur le marché mondial - dérivés du cannabis, cocaïne et héroïne -, que l’on peut comparer à celui, non des producteurs, mais des distributeurs colombiens dans le monde. Si les trafiquants nigérians appartiennent à des structures ethniques et participent traditionnellement à des réseaux commerciaux et de contrebande, pas plus que celles des Colombiens, leurs organisations criminelles n’ont de tradition mafieuse à proprement parler comme peut l’être celle de la Cosa Nostra sicilienne, des triades chinoises ou des yakuza japonais. Cependant, si l’on compare les réseaux nigérians aux "cartels" colombiens, les premiers doivent surmonter de sérieux handicaps par rapport aux seconds : mis à part le cannabis, le Nigeria n’est pas jusqu’ici un pays producteur de drogues, alors que la Colombie l’est de cannabis, de feuilles de coca et depuis quelques années, de pavot. Ce n’est pas non plus un pays transformateur, au moins sur une échelle significative, alors que la Colombie produit de la cocaïne et de l’héroïne. Ses sources d’approvisionnement sont relativement éloignées (l’Asie du Sud-Ouest, du Sud-Est et l’Amérique latine).
Si le marché européen est nettement plus proche de l’Afrique occidentale que des Andes, celui des Etats-Unis, où pourtant les Nigérians sont bien implantés, est beaucoup plus accessible pour les cartels colombiens. Le poids démographique et économique du Nigeria est certes un avantage, mais il n’est pas suffisant pour expliquer la part qu’a pris ce pays dans le trafic international des drogues. Car, si l’on s’en tenait à cette explication, c’est le Brésil et non la Colombie qui aurait dû assumer en Amérique latine, le leadership en matière d’exportation de drogues. Pour tenter de comprendre ce rôle pris par le Nigeria dans le commerce des drogues, il est donc nécessaire de se pencher sur l’héritage de la colonisation britannique d’une part, et de l’histoire économique du pays depuis 20 ans, d’autre part.
L’héritage de la situation coloniale
Le Nigeria, devenu colonie britannique en 1903, a hérité, comme le Ghana, des courants commerciaux de l’opium instaurés avec l’Asie par le Royaume-Uni. L’appartenance au Commonwealth lui a permis ensuite de développer des relations commerciales étroites avec le sous-continent indien, producteur de drogues, et le monde anglo-saxon, qui en est consommateur. Les premières colonies nigérianes s’établissent à Londres dès le début du siècle, ainsi que dans les principales villes de l’Empire comme Bombay, Karachi, etc. Durant la deuxième guerre mondiale, les soldats nigérians et ghanéens, après avoir transité dans des campements en Inde, combattent dans les troupes anglaises en Birmanie et ce sont eux qui rapportent en Afrique de l’Ouest les graines de cannabis qui sont à l’origine des productions de cette plante, d’abord chez eux puis, par contamination, dans la plupart des pays de la région. Leur présence en Inde et en Birmanie a créé des liens avec les pays de l’Asie du Sud-Est, où de surcroît, l’anglais est une des langues véhiculaires. Ainsi, il existe aujourd’hui un quartier nigérian à Bangkok.
Les routes entre les pays sous le contrôle de l’Empire britannique ont d’autant mieux été mises à profit qu’il existait également la tradition d’un commerce transfrontalier africain très ancien, contrôlé par les principales ethnies du pays : Houassas, Ibos et Yorubas. Au début du XIXème siècle, c’est-à-dire avant la colonisation britannique, des villes comme Kano, Katsina, Bornu, Sokoto et Gummel, dans le nord du pays, sont décrites par des voyageurs occidentaux comme de grands centres commerciaux bouillonnant d’activité. A l’est, le développement des villes fut étroitement lié avec le colonialisme britannique et la traite des Noirs. A l’ouest, les cités yorubas étaient à l’origine d’un intense négoce interrégional.
Avec le boom pétrolier des années 1970, les contacts entre le sous-continent indien et le Nigeria ont été renforcés par l’arrivée de nombreux travailleurs indo-pakistanais. Au bout de quelques années, certains d’entre eux se sont naturellement reconvertis dans des activités commerciales. Il existe par ailleurs un groupe d’étudiants nigérians musulmans à l’université de Karachi, à l’intérieur duquel se recrutent des passeurs.
En 1991, le pétrole et le gaz ont représenté 96 % des exportations licites du pays (11,7 milliards de dollars). Mais les ressources fournies par les hydrocarbures ont été gaspillées dans des investissements à la rentabilité douteuse, responsables du très lourd endettement du pays, ou ont alimenté la corruption. La chute des prix du pétrole, à la fin des années 1970 et au début des années 1980, a mis un terme à la vague de l’enrichissement facile et de la spéculation et a rendu insupportable à la population les effets de la crise économique et sociale qui ne cesse de s’approfondir depuis dix ans. Selon les statistiques de la Banque mondiale, le revenu par tête est passé de 1 000 dollars en 1980 à 280 dollars en 1990. La contrebande, qu’il serait naïf d’assimiler à une pratique marginale , figure parmi les principales sources de revenus, non seulement des milieux populaires mais de la classe politique. A travers le trafic de drogues, certains - les commanditaires du trafic et les blanchisseurs - tentent de conserver l’aisance à laquelle ils avaient accédé ; d’autres - les passeurs - essaient tout simplement de survivre dans le contexte d’une paupérisation généralisée. Il ne restait plus aux trafiquants qu’à mettre à profit le fait que les Yorubas sont l’ethnie la plus nombreuse au sein de la communauté africaine récemment installée aux Etats-Unis et sont également très présents au Royaume-Uni, ainsi que les liens historiques entre eux et le Brésil. Il existe en particulier à São Paulo, un quartier où vivent des colonies nigérianes.
Selon le Département d’Etat des Etats-Unis, c’est au début des années 1980 qu’un groupe d’officiers de marines nigérians qui suivaient un stage de perfectionnement en Inde, a monté le premier réseau de trafic d’héroïne avec l’Asie du Sud-Ouest, d’abord à destination de l’Europe, puis des Etats-Unis. Mais, très vite, les Nigérians se sont interessés au marché international de la cocaïne qui était en plein développement dans la seconde moitié des années 1980. Contrairement à ce qui est souvent affirmé, les réseaux nigérians de la cocaïne ne sont pas un phénomène récent, ni même postérieur à celui de l’héroïne. Entre janvier et octobre 1984, 102 personnes ont été arrêtées au Nigeria pour trafic de drogues dures, principalement à l’aéroport international de Lagos : la majorité d’entre d’elles transportait de la cocaïne. De même, une étude menée dans les prisons nigérianes au début des années 1980 montre que, parmi les détenus pour affaires de drogues, 41,9 % l’étaient pour trafic de cocaïne et 22,5 % d’héroïne. C’est dans les années 1986-1987 que les passeurs d’héroïne devinrent de plus en plus nombreux, car cette drogue, valant trois ou quatre fois plus que la cocaïne, était plus rentable, surtout en petites quantités.
Mais à partir de la fin des années 1980, le trafic de cocaïne a fait un retour en force en prenant une autre dimension, celle du commerce de gros, comme tend à le suggérer l’arrestation à Rio, en 1992, de ressortissants nigérians et israéliens qui supervisaient l’expédition de cette drogue en Europe, via l’Afrique. L’offre sur le marché local et les prises sur le marché mondial n’ont fait ensuite que croître. Parallèlement, les liens avec le Brésil se sont renforcés. Selon Interpol, durant le dernier trimestre 1992 et le premier trimestre 1993, les autorités brésiliennes ont arrêté 15 Nigérians et 3 Ghanéens, principalement dans les aéroports de São Paulo et Rio, en possession de 270 kg de cocaïne qu’ils s’apprêtaient à convoyer ou à expédier en Afrique. Jusqu’en 1993 environ, le principal modus operandi consistait à importer au Nigeria des quantités importantes de cocaïne et d’héroïne et de conditionner ces drogues sur place afin de les expédier par des passeurs en Europe et aux Etats-Unis. Aujourd’hui, les réseaux nigérians évitent de passer par le territoire national. Ils utilisent soit des passeurs appartenant à d’autres nationalités africaines qui reconditionnent la drogue dans leur pays ; soit des passeurs nigérians ou africains qui convoient la drogue des pays producteurs aux pays consommateurs, en empruntant parfois les itinéraires les plus inattendus.
Cela contribue à expliquer pourquoi les quantités de drogues dures saisies au Nigeria ont considérablement diminué depuis trois ans. Le fait que Balkan Bulgarian Airlines ne désserve plus le Nigeria a également détourné les trafiquants de ce pays de la traditionnelle route des Balkans. Cependant, l’existence d’une ligne Beyrouth-Lagos par Middle East Airlines et la récente ouverture de la ligne Beyrouth-Abidjan-São Paulo, a offert de nouvelles possibilités au transit de la cocaïne et de l’héroïne.
Jusqu’ici, on pensait que les filières nigérianes avaient surtout des bases familiales ou claniques. Mais, selon un enquêteur du journal belge Le Soir, qui s’appuie sur des sources policières internationales, il existerait au Nigeria ce que l’on peut appeler une véritable mafia : des "barons de la drogue", soutenus par des "sous-barons", lesquels disposeraient à leur tour de leur propre cercle de passeurs. Dans ce schéma, trois têtes dirigeantes chapeauteraient 85 cellules d’une quarantaine de membres. Dans ces cellules, un "lieutenant" nigérian commanderait de 6 à 20 "soldats". Toujours selon la même enquête, "l’existence d’une connexion entre criminalité italienne et nigériane - entre Turin et Lagos - semble acquise". L’Opération Tonga, menée par les polices européennes en 1995 et 1996, a montré qu’il existe des liens entre les mafias colombiennes, la Camorra napolitaine et des réseaux nigérians. De même, les Nigérians sont bien implantés dans la plupart des pays de l’Est.
L’opération main propre de la NDLEA
Le général Abacha a nommé à la tête de NDLEA, en 1994, le général Musa Bamaiyi, un chrétien que les observateurs estiment n’être pas corrompu, contrairement à ses prédécesseurs. En 1995, le général Bamaiyi s’est attaqué au blanchiment d’argent. Pour cela, il s’est appuyé sur un nouvel organisme inter-agences, créé par le gouvernement en avril 1995, la Ministerial Task Force on Narcotics, Money Laundering and Advanced Fee Fraud. Après avoir fermé les bureaux d’importateurs de voiture en juillet, il s’en est pris aux opérateurs des bureaux de changes. Le jeudi 3 août, des agents armés ont fait irruption dans les bureaux de l’un d’entre eux, situé dans la zone des vols nationaux de l’aéroport Murtala Mohammed de Lagos. Ils ont arrêté trois personnes et saisi une somme importante en devises ainsi qu’une Toyota Supra (évaluée à 40 000 dollars), appartenant à l’un des détenus. Les observateurs ont cependant remarqué que la NDLEA n’est pas intervenue en 1995 contre une autre catégorie de changeurs qui opèrent dans les deux ailes de l’aéroport : les arrangees. Leur seule différence avec les "changeurs", c’est que les arrangees appartiennent tous à la puissante ethnie commerçante des Haoussas, dont font partie le général Abacha et ses proches collaborateurs. Le général Bamaiyi a déclaré qu’ils "ne représentaient aucune menace". Interrogé par des journalistes, il a ajouté : "On voudrait que Bamaiyi fasse tout. Nous soldats, nous voulons nous battre...et vivre pour continuer à nous battre. Je ne veux pas me battre et mourir. C’est la Banque centrale du Nigeria qui est concernée par les arrangees." Certains blanchisseurs travaillant pour les barons de la drogue sont propriétaires de bureaux de change légaux, mais la plupart s’adressent aux arrangees qui sont capables de faire circuler d’importantes sommes d’argent sans laisser de traces et en tournant les nouvelles dispositions anti-blanchiment prises par le gouvernement. Cependant, en 1996, la lutte anti-blanchiment a touché certains arrangees dont les bureaux ont été fermés. Les opérateurs financiers, pour ouvrir un compte courant, doivent désormais montrer leur feuille d’impôt, leur facture de téléphone et d’électricité, ainsi qu’une photocopie de leur passeport. Au dessus de 500 000 nairas (135 000 francs) pour les particuliers et d’un million de nairas pour les entreprises, les transactions doivent être déclarées à la NDLEA. Bamaiyi voulait aller plus loin en demandant que les ressources des hommes politiques soient contrôlées. Mais la Commission nationale des élections (NECON) a rejeté cette proposition.
Au début de l’année 1996, le général Bamaiyi a présenté à la presse le bilan annuel de la lutte antidrogues. Sans doute pour redorer l’image du Nigeria, bien ternie par le maintien au pouvoir des militaires et surtout l’exécution d’opposants ogoni en novembre 1995, il s’est montré résolument optimiste. Il a ainsi affirmé que le nombre de "barons de la drogue" (dénomination utilisée pour la première fois à côté de celle de "courriers" sans qu’ait été expliquée quelle réalité elle recouvre) qui avaient été une dizaine à être arrêtés au cours des deux années précédentes, s’était élevé à 27 en 1995. Sur les 798 suspects détenus, 47 l’avaient été pour trafic de cocaïne, 68 pour trafic d’héroïne et les autres pour trafic de marijuana. Bien que les quantités d’herbe saisies ne représentent qu’une goutte d’eau dans la mesure où la répression se concentre dans les deux principales villes commerciales du pays, Lagos et Kano, ce dernier chiffre traduit une véritable explosion du commerce de cette drogue. 60 hectares de cannabis ont été détruits dans le sud de l’Etat de Ondo et dans la région centrale des Etats de Taraba et de Delta. Dans ce dernier, où le cannabis se cultive sur de vastes terrasses, le correspondant de l’OGD a enquêté sur la corruption policière. Chaque policier de district est non seulement régulièrement rétribué par les cultivateurs, mais il reçoit, à chaque saison, une prime spéciale représentée par le montant de la récolte d’une parcelle. De même, un rapport de l’Organisation mondiale des douanes (OMD), publié en décembre 1995, montre une augmentation du trafic entre le Nigeria et le Niger à partir de l’Etat de Sokoto. Bien que le marché interne absorbe une partie de la production, l’augmentation des saisies en Europe en provenance du Nigeria, montre que les exportations représentent également un débouché lucratif.
Les réseaux internationaux du trafic
En 1996, le général Musa Bamaiyi ayant, semble-t-il, réussi a verrouiller l’aéroport de Lagos, les trafiquants utilisent de plus en plus les facilités portuaires du pays. Mais de nouvelles dispositions permettent aux agents de la NDLEA d’inspecter les vaisseaux à quai avant le chargement comme à la suite de celui-ci et même de les accompagner en haute mer grâce à des vedettes achetées par le gouvernement. Cela afin d’éviter les transbordements de drogues à partir de bâteaux de pêche. En cas d’infraction, le bateau peut être saisi. La relative efficacité de ces contrôles, après ceux qui ont été mis en place dans les aéroports, a fait que les trafiquants utilisent de plus en plus les voies terrestres à partir des pays voisins. A la demande des Etats-Unis, neuf barons nigérians ont été extradés du Liberia mais aussitôt relâchés par les militaires nigérians au lieu d’être remis aux autorités américaines. Cela n’a fait que renforcer les tensions entre les deux pays et a contribué à la décertification du Nigeria par le président Clinton en 1997.
Cela d’autant plus que les saisies des drogues ont été en chute libre en 1996 : entre janvier et la première semaine de décembre, 22,194 kg d’héroïne, 6,155 kg de cocaïne, 15,864 t de marijuana ont été saisis et l’équivalent de 200 t détruites sur pied, ce qui est dérisoire étant donné la production potentielle sur des milliers d’hectares. Cela fait dire au responsable local du PNUCID : "...l’engagement positif de la NDLEA ne fait pas de doute, mais il est tout aussi clair qu’il y a encore bien plus de choses qui restent à faire."
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