L’affaiblissement du traité ABM et ses conséquences

La mise en oeuvre du programme NMD engendrerait incontestablement un affaiblissement du traité ABM, que les Etats-Unis s’en retirent et le rendent donc caduc ou qu’ils en obtiennent la modification. En effet, si l’approche graduée, tendant à ne proposer que les amendements strictement nécessaires à la première phase du programme, ne constitue pas en elle-même un remise en cause de cet accord, la logique américaine consiste bien à modifier étape après étape le traité qui se trouverait au final très éloigné du texte d’origine.

Régulièrement présenté comme un des " piliers de la stabilité stratégique ", le traité ABM a été un élément important dans la limitation des armements nucléaires, si ce n’est pour les deux superpuissances, du moins pour les autres puissances reconnues. L’affaiblissement du traité, ouvrant la brèche à un développement des systèmes de défenses antimissiles, serait un encouragement à se détourner du mouvement de réduction des armements. Il serait également ressenti comme un relâchement des disciplines internationales inspiré par les Etats-Unis et influerait négativement sur l’ensemble des instruments multilatéraux, que ce soit au regard de la ratification et de l’entrée en vigueur des instruments existants (convention contre les armes chimiques, traité d’interdiction complète des essais nucléaires,...) ou des discussions sur des traités en projet, comme celui sur l’interdiction de la production de matières fissiles pour des armes nucléaires.

L’impact sur la non-prolifération

En se fondant sur la conviction d’une inévitable montée en puissance, durant la prochaine décennie, des capacités balistiques de pays tels que la Corée du Nord ou l’Iran, la NMD témoigne, en premier lieu, de ce qui pourrait apparaître comme du fatalisme face à la prolifération. Ce manque de confiance dans les instruments et les contrôles internationaux en matière de non-prolifération pourrait directement affecter leur crédibilité.

Les pays proliférants, constatant que la communauté internationale tient pour acquis le développement de leur programme balistique, ne seraient aucunement encouragés à le stopper. La mise en place de systèmes de défenses pourrait même, selon certains commentateurs, les inciter à perfectionner leurs équipements et à les adapter aux parades déployées pour les contrer.

Le développement de systèmes de défense antimissiles pourrait ainsi encourager le perfectionnement des capacités balistiques, en matière de furtivité, d’emport de têtes multiples ou de renforcement de contre-mesures, et l’intensification des exportations de ces missiles et des technologies qui y sont liées.

Cette problématique rejoint plus généralement celle, toujours controversée, de la contre-prolifération, qui apparaît à certains comme le complément indispensable à la non-prolifération alors que pour d’autres, elle revient à postuler l’échec de la non-prolifération.


Source : Sénat (France) : http://www.senat.fr