« L’avenir de l’Irak »
The Future of Iraq
Services de presse de la Maison-Blanche (États-Unis)
Version française intégrale disponible sur notre site
[AUTEUR] George W. Bush est président des États-Unis. Ce texte est celui de son discours du 26 février devant l’American Enterprise Institute, un think tank créé par la CIA pendant la Guerre froide et dont sont issus une vingtaine de membres du cabinet Bush. Le président intervenait en clôture d’un colloque consacré à l’œuvre de l’économiste monétariste Allan H. Meltzer.
[RESUME] Nous vivons une période décisive de l’histoire de notre pays et du monde civilisé. Depuis les attentats du 11 septembre, nous devons envisager la sécurité sous un angle nouveau car notre pays est un champ de bataille de la première guerre du XXIème siècle. Nous avons retenu cette leçon et cela ne se reproduira plus. Dans notre guerre au terrorisme, notre coalition, composée de 90 pays, a déjà eu de grands succès en arrêtant de nombreux dirigeants d’Al Qaïda ou en prenant d’autres mesures à leur égard. Nous l’emportons en leur montrant la définition de la justice américaine.
Aujourd’hui, nous faisons face au plus grave danger de la guerre contre le terrorisme : les gouvernement hors-la-loi qui possèdent des armes de destruction massive. L’Irak produit et cache ce type d’armes et est susceptibles de les donner à des terroristes. C’est pourquoi nous désarmerons ce pays, par la force s’il le faut pour la sécurité des États-Unis, du monde et la stabilité du Proche-Orient, mais surtout pour le plus grand bénéfice des Irakiens eux-mêmes qui pourront enfin vivre en liberté.
Avec l’aide du Royaume-Uni, nous sommes en train de nous préparer à répondre aux besoins humanitaires en aidant le HCR, l’UNICEF et la Banque alimentaire mondiale. Nous nous tenons également prêts à affronter tous ceux qui voudront installer le chaos ou menacer l’intégrité territoriale de l’Irak ou ses ressources naturelles. Nous ne déterminerons pas la forme exacte du futur gouvernement en Irak. Nous nous contenterons d’empêcher l’émergence d’un nouveau dictateur. Nous resterons en Irak aussi longtemps que cela sera nécessaire, mais pas un jour de plus. Comme nous l’avons fait pour l’Allemagne et le Japon nous allons amener la démocratie dans un pays qui est tout à fait capable de vivre en liberté, comme toute la région du reste. Du Maroc au Bahrein, on assiste d’ailleurs à un grand courant de réforme politique.
Le succès en Irak permettra également, en privant les mouvements terroristes de leur parrain financier, de déclencher le processus qui conduira à la création d’un État palestinien réellement démocratique et donc à la paix. Nous encourageons d’ailleurs le nouveau gouvernement israélien à soutenir cette initiative dès que le terrorisme se dissipera, suivant ainsi le plan de paix que nous avons mis au point.
En affrontant l’Irak, les États-Unis renforcent le poids du Conseil de sécurité et des instances internationales dont l’existence est vitale pour faire face ensemble au terrorisme et à la prolifération des armes de destruction massive. L’ONU ne sera efficace que si les nations les plus fortes prennent leurs responsabilités et font respecter le droit. Nous sommes prêts à payer le prix de la guerre et si elle doit avoir lieu nous y sommes préparés.
« L’heure du choix sonne pour Paris »
L’heure du choix sonne pour Paris
Le Monde (France)
[AUTEUR] Howard H. Leach est ambassadeur des États-Unis en France.
[RESUME] La résolution 1441 précise clairement qu’il s’agit de la « dernière chance » de Saddam Hussein de se soumettre à ses obligations après s’être dérobé au désarmement qu’il doit appliquer depuis douze ans et avoir harcelé les inspecteurs jusqu’à ce qu’ils soient contraint de quitter le pays. Aujourd’hui, en refusant de collaborer, l’Irak s’expose à « de graves conséquences ».
Envoyer plus d’inspecteurs est inutile sans coopération irakienne, ce qu’Hans Blix a reconnu dans son rapport. La déclaration complète de l’armement irakien a été elle aussi incomplète et imprécise. Les États-Unis estiment donc que l’Irak viole la résolution 1441 et que son attitude porte atteinte à l’autorité de l’ONU, encourageant ainsi d’autres États voyous à imiter cette attitude.
Malgré nos divergences de vues sur cette question, la France et les États-Unis restent amis et alliés, mais la position française pourrait avoir des répercussions pour longtemps. Nous étions en harmonie lorsque la résolution 1441 a été rédigée et nous espérons retrouver cette union et concilier nos vues aujourd’hui.
Les États-Unis n’ont pas sollicités les lettres des huit et du groupe de Vilnius, mais nous les avons accueillies avec satisfaction. Nous respectons le droit de la France à suivre son propre chemin, mais nous nous tenons au texte de la résolution 1441. Compte tenu de l’importance du Conseil de sécurité pour les intérêts français, n’est il pas important que ce texte soit appliqué par une communauté internationale unifiée ?
Je suis un ami de la France et en tant que tel, j’espère que la France fera face aux réalités et que, si Saddam Hussein ne saisit pas sa « dernière possibilité », elle comprendra qu’il faut le désarmer par la force.
« La France ne peut se déjuger »
La France ne peut se déjuger
Le Figaro (France)
[AUTEUR] Lionel Jospin est ancien Premier ministre socialiste français (1997-2002).
[RESUME] Il faut maintenir notre opposition à la guerre en Irak car la possession par ce pays d’armes de destruction massive n’a pas été prouvée, pas plus que les liens entre Bagdad et Al Qaïda. L’Irak est aujourd’hui incapable de menacer ses voisins ou ses adversaires sans risquer la destruction. En outre, cette guerre creuserait le fossé entre le monde arabe et l’Occident.
Oui, l’Irak est une dictature, mais l’argument en faveur de la démocratie serait plus fort si la dictature irakienne n’avait pas été soutenue par les Occidentaux pendant si longtemps et si on pouvait disposer d’assurance qu’elle ne sera pas remplacée par une autre dictature. De plus, nous ne pouvons accorder un droit de guerre sur ce seul motif. Il est historiquement démontré que les démocraties émergent surtout de mouvements nationaux et c’est pour cela que nous devons plutôt appuyer l’opposition irakienne et organiser une conférence internationale sur l’Irak ayant pour but le départ de Saddam Hussein. Nous ne pouvons pas non plus laisser les États-Unis agir unilatéralement au nom de leur interprétation de la légitime défense.
Il n’est pas question ici de choisir entre les États-Unis et l’Irak -les États-Unis sont notre allié-, mais de déterminer si nous jugeons justifiée une action unilatérale de Washington. La crise actuelle nous donne l’occasion d’affirmer qu’il ne suffit pas qu’un pays soit puissant pour que son action soit juste et approuvée.
La position française est pertinente, mais elle conserve une ambiguïté voulue afin de maintenir la pression sur Saddam Hussein : l’affirmation que la guerre reste une option en « derniers recours ». Il va nous falloir tôt ou tard lever cette ambiguïté en posant notre veto à une résolution proposée par les États-Unis pour mener la guerre et, si les États-Unis la mènent quand même sans l’accord de l’ONU, nous ne devrons pas y participer, mais agir politiquement pour en minimiser les conséquences.
La guerre est probable car aujourd’hui l’administration Bush croît être en mesure de modifier le monde selon ses vues et de remodeler la carte politique du Proche-Orient. Militairement, les États-Unis parviendront à « libérer » l’Irak de Saddam Hussein. Politiquement, c’est une autre histoire car malgré l’attrait que pourra avoir la démocratisation dans un premier temps, nous ne sommes plus dans l’époque des protectorats. Les problèmes de l’Irak et du Proche-Orient seront nombreux après la guerre et il faut que l’Europe, certes divisée, agisse dans la région. Dans cette optique, Jacques Chirac n’aurait pas dû tancer les pays de l’Est et encore moins faire du chantage à l’adhésion.
« Mettre du muscle dans le multilatéralisme »
Put some muscle into multilateralism
National Post (Canada)
[AUTEUR] Thomas S. Axworthy est professeur à l’université d’Harvard et ancien secrétaire de cabinet de Pierre Trudeau (1981-1984). Cette tribune est tirée d’un discours prononcé devant la Conference of Defence Associations à Ottawa aujourd’hui.
[RESUME] Le Canada a pour tradition de ne jamais être prêt à faire la guerre alors qu’il dispose de troupes remarquables. Il faut en finir avec cette tradition schizophrénique et face aux menaces du terrorisme et des armes de destruction massive, nous devons être prêts à l’action.
Il nous faut changer nos comportements et augmenter notre budget militaire, ce que nous avons commencé à faire, mais de façon insuffisante puisque nous ne sommes revenus qu’au niveau de 1993 alors que le matériel militaire a vu son prix augmenter. C’est notre état d’esprit qu’il convient de changer surtout.
En 1945, nous avions la quatrième armée du monde, mais la fin de la guerre nous a poussé à la démobilisation et nous avons été surpris par la guerre de Corée. À cette occasion nous avons réagi en triplant notre budget et nous avions parmi les meilleures troupes du monde. Nous pratiquions alors un multilatéralisme musclé, mettant notre force au service des instances internationales.
Aujourd’hui, nous devons recommencer ce que nous avons fait en 1950 et former une force de 85 000 hommes bien équipée afin d’ordonner enfin ce monde chaotique.
« Comment gagner des amis en influençant les diplomates »
How to Win Friends, Influence Diplomats
Los Angeles Times (États-Unis)
[AUTEUR] Allan Gerson était membre de la délégation des États-Unis à l’ONU sous l’administration Reagan. Il est coauteur de The Price of Terror.
[RESUME] L’ONU, comme Washington, n’est pas un lieu d’amitiés, mais de froides réalités politiques. C’est pourquoi l’opinion publique ne doit pas être choqué que les États-Unis offrent des « assistances économiques » à différents pays en échange de leur soutien. Par exemple, la Turquie est en train de négocier une subvention de 30 milliards de dollars en échange de son aide dans la guerre en Irak, ce qu’on peut comprendre vus les dommages économiques que causerait une intervention.
Les Américains sont tourmentés par cette façon d’obtenir un soutien ou un vote favorable, mais ce n’est qu’une des façons d’influencer un État. La plupart du temps, nous préférons argumenter et tenter de faire partager nos valeurs, mais quand cela échoue, il faut payer.
De nombreux pays peuvent s’appuyer sur des coalitions à l’ONU : la France et le Royaume-Uni s’appuient sur leurs anciennes colonies, les pays arabes sur le monde musulman, les pays africains sur l’Union Africaine, il y a aussi les pays non-alignés et, depuis la chute de son bloc, la Russie s’aligne sur les Européens. Les États-Unis, eux, sont seuls et ils doivent payer le prix de ne jamais avoir été une puissance impériale. C’est pour cela qu’en 1982, le Royaume-Uni pu prendre les Malouines sans protestation internationale, mais que les États-Unis eurent contre eux un vote de l’ONU après l’intervention à Grenade, un an plus tard.
Aujourd’hui, une fois de plus, la France s’attaque aux États-Unis, quelle surprise ! On oublie trop souvent que notre dernier affrontement avec les Français ne remonte qu’à 1942, en Afrique du Nord, quand la France de Vichy était alignée sur l’Allemagne nazie.
Aujourd’hui, ce pays nous menace d’utiliser son droit de veto et, dans cette situation, nous sommes obligés d’utiliser tous les moyens pour influencer les votes. C’est de notre sécurité menacée par l’Irak dont il est question.
« Comment nier le choc Islam-Occident ? »
Comment nier le choc Islam-Occident ?
Le Monde (France)
[AUTEUR] Hubert Védrine est ancien ministre des Affaires étrangères français (1997-2002).
[RESUME] Il faut cesser de s’offusquer de la théorie du « choc des civilisations », cesser de voir Huntington comme quelqu’un la préconisant, mais comme quelqu’un qui constate le fossé entre le monde musulman et le monde occidental. Aujourd’hui ce clash est sous nos yeux, il est le fruit du cocktail de rancœur et d’ignorance croisées et de la disparition du remords colonial de l’Occident alors que les musulmans n’ont rien oublié des ingérences étrangères.
On peut faire des reproches aux Arabes et la faillite de leurs régimes pour se dédouaner, mais cela ne change rien au problème. Les fondamentalistes américains qui influencent le Parti républicain et rêvent avec l’extrême droite israélienne de re-découper le Proche-Orient sont peut-être minoritaires, mais l’Occident continue de croire à l’universalité de ses valeurs et à leur supériorité. En outre, le 11 septembre a fait tomber les inhibitions et une partie de l’Occident s’est remise à croire à sa « mission civilisatrice » et à replonger dans l’Islamophobie.
Pourtant les deux mondes vont continuer à coexister et l’Occident a beau être plus fort, il est incapable de soumettre les musulmans, même s’il peut dominer leurs gouvernements. Il nous faut donc éviter la confrontation entre les deux mondes et établir un dialogue entre politiques, artistes et intellectuels des deux rives, tout en évitant un retour chez nous de l’esprit colonial. Il nous faut également :
– Imposer la création d’un État palestinien, c’est vital.
– Réussir l’après Saddam s’il y a lieu.
– Soutenir les Musulmans modernes et réformateurs
– Mieux intégrer les musulmans d’Europe.
Si ces propositions n’ont rien d’originales, on constatera quand même qu’elles ne sont toujours pas mises en œuvre. Or rien ne prédispose les États-Unis à concevoir, et donc à mener cette politique. C’est à l’Europe de mener cette politique en partenariat avec les réformateurs musulmans.
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