« L’Histoire ne pardonnera jamais »

Al Tarik La Yarham
Al-Safir (Liban)

[AUTEUR] Omar Karami est ancien Premier ministre du Liban.

[RESUME] Les États-Unis et la Grande-Bretagne ont lancé une offensive barbare contre l’Irak avec des armes nouvelles, sophistiquées et meurtrières. Persuadés par leur propre propagande que les différents groupes de population abandonneraient le régime de Saddam Hussein les uns après les autres et que les États voisins n’interviendraient pas, ils ont été surpris par la résistance qu’ils ont rencontré.
Leur premier objectif est de dissuader l’émergence de puissances rivales, en premier lieu l’Union européenne et la Chine. Leur second est de contrôler les ressources pétrolières. Ils veulent aussi détruire l’ONU et remodeler le Proche-orient selon les vues israéliennes.
La propagande de la Coalition a annoncé l’occupation de plusieurs villes et la fuite ou la mort de dirigeants. Mais les télévisions ont montré qu’il n’en était rien et les dirigeants irakiens se sont succédés sur les écrans pour montrer qu’ils n’avaient pas abandonné.
Le peuple irakien qui résiste est porteur d’une civilisation millénaire, tandis que ses féroces agresseurs incarnent la barbarie.

« Trop peu de choc, pas assez de crainte »

Too Little Shock, Not Enough Awe
Los Angeles Times (États-Unis)

[AUTEUR] William M. Arkin est analyste en questions militaires, rédacteur du site The U.S. Military Online. Il est chroniqueur du Los Angeles Times.

[RESUME] Les déclarations selon les quelles la guerre en Irak se passe comme prévu tendent à disparaître des discours officiels. En réalité, la véracité de cette affirmation dépend de quel plan préalable on parle.
Au départ, le plan du département de la Défense était le « Shock and Awe », mais Saddam Hussein tient son régime depuis 23 ans malgré les différentes tentatives de coups d’État ou d’assassinats et il n’a pas été pris de cours par l’offensive. L’échec du Plan A est aussi celui de la suffisance américaine. L’absence de bombardement et d’attaques contre certaines cibles ne sont pas un signe pitié, mais illustrent la certitude de l’administration Bush que le régime de Saddam Hussein était prêt de s’effondrer.
C’est ce qui nous fait arriver au plan B, beaucoup plus conventionnel, qui se passe à peu près comme cela était attendu. Même si les stratèges admettent avoir sous-estimé l’action des fedayins, la tactique de guérilla urbaine irakienne était prévisible. Aujourd’hui Bagdad est coupée du monde extérieur et a été frappée par plus de 7 000 bombes et missiles, plus qu’en 43 jours de Guerre du Golfe.
Si les Américains sont persuadés que la guerre se passe mal, c’est parce que les stratèges n’ont jamais expliqué leur plan, leur stratégie et leur planning. En fait, il semble que l’avancée rapide des troupes en Irak était prévue pour rassurer l’opposition irakienne sur l’implication américaine dans le conflit et pour empêcher Saddam Hussein d’employer les armes de destruction massive, pas pour prendre Bagdad immédiatement.
Toutefois, cela ne veut pas dire que tout va bien. Si l’armée états-unienne est supérieure à n’importe quelle armée dans le monde dans un conflit « régulier », ce n’est pas forcément le cas dans une guérilla urbaine. Plus le régime irakien utilisera les milices urbaines, plus l’avantage états-unien diminuera. Si l’administration dit être prête à attendre des mois pour affaiblir l’adversaire, Saddam Hussein pourrait la pousser à agir en s’en prenant à ses concitoyens.
Finalement, il est possible que la tactique du « Shock and Awe » aboutisse à plus de destruction.

« C’est la guerre - ce n’est pas le moment de faire des relations publiques »

This is war - it is no time for public relations
Daily Telegraph (Royaume-Uni)

[AUTEUR] Concepteur d’une théorie originale des relations internationales qui affirme la prééminence de la géoéconomie sur la géopolitique, Edward N. Luttwak est membre du National Security Study Group du département de la Défense états-unien. Il est également membre du Center for Strategic and International Studies.

[RESUME] Les dirigeants militaires et civils se félicitent des précautions prises pour éviter de toucher les civils. Ainsi ils ne visent que les cibles strictement militaires et pas les installations pouvant servir à un double usage civilo-militaire. C’est pourquoi l’électricité n’a pas été coupée à Bagdad, contrairement à 1991, ce qui permet à Saddam Hussein de mieux tenir son régime et d’éviter les soulèvements. L’anormale normalité irakienne est donc maintenue. Hitler est resté au pouvoir pendant 12 ans, Saddam, lui, par les différentes fonctions qu’il a occupées, exerce le pouvoir de vie et de mort sur les Irakiens depuis 35 ans. De plus, certaines cibles purement militaires ne sont pas visées en raison de leur proximité avec des installations civiles et de la crainte de dommages collatéraux. En outre, les juristes ont fait enlever des cibles potentielles, comme les ponts, car elles peuvent être utiles à la vie quotidienne des civils.
Cette logique de guerre en demi-mesure prolonge le conflit et finalement entraîne la mort de plus de civils et de conscrits irakiens. L’administration Bush doit aller aussi vite que possible pour renverser Saddam Hussein, quoi qu’en disent sur le moment les commentateurs de la télévision. Ce rallongement du conflit le rend aussi plus difficile pour les troupes de la Coalition engagées dans les combats au sol en les poussant à entamer un combat urbain dans un espace ayant très peu souffert des frappes aériennes. On peut pourtant diminuer l’avantage du terrain pour les milices de Saddam Hussein en s’attaquant aux installations qui leur sont favorables, comme les hauts buildings, et en coupant l’électricité.
Si l’administration Bush n’a pas l’estomac pour mener à bien cette guerre et continue à mettre en danger ses troupes (y compris le capitaine Jonathan Luttwak de l’US Army), elle aurait mieux fait de ne pas la commencer. Les troupes au sol ne peuvent pas bénéficier d’un soutien aérien suffisant car il ne faut pas toucher nos futurs amis démocrates irakiens alors que cela pourrait empêcher la mort de nos troupes. Ce ne sont pas les images télévisées qui choquent la population, c’est la perte de troupe, élément renforcé par notre démographie qui concentre toute l’affection des familles sur un seul enfant mâle. C’est ce phénomène qu’on avait pu observer en URSS, en Afghanistan, bien que cette guerre n’ait fait que 14 000 morts en dix ans et qu’il n’y ait pas eu d’images télévisées.
La Coalition doit cesser de limiter sa propre puissance et assumer ce qu’est la guerre en utilisant toutes les possibilités.

« Ramener nos gars à la maison »

Bring our lads home
The Sunday Mirror (Royaume-Uni)

[AUTEUR] Robin Cook est ministre travailliste démissionnaire des relations avec le Parlement britannique.

[RESUME] Nous sommes censés mener une guerre courte et facile. J’espère que ce sera le cas, car même si je considère que ce conflit est sanglant et inutile, je veux que nos troupes reviennent le plus vite possible.
Il est facile pour George W. Bush de dire depuis Camp David que la guerre prendra le temps qu’il faudra. Nos troupes ont à subir les mauvais calculs des politiciens états-uniens Dick Cheney, Donald Rumsfeld et Paul Wolfowitz qui ont cru que l’ennemi n’allait pas se défendre et allait accueillir les envahisseurs comme des libérateurs.
Saddam était censé s’être effondré alors que nous approchions de Bagdad ou être renversé par les militaires irakiens. Cette tactique n’a pas fonctionné. Aujourd’hui Rumsfeld veut assiéger Bagdad alors qu’il n’y a rien de plus terribles pour les civils. Cela suscitera une haine terrible des Irakiens contre l’Occident.
Nous sommes en train d’observer les premiers désaccords entre Londres et Washington sur le futur de l’Irak. L’administration Bush veut avant tout que cela profite aux compagnies proche du Parti républicain. Alors que les corps des premiers soldats britanniques tués reviennent au pays, nous devons rappeler que nous n’aurions jamais dû nous engager dans cette guerre.

« Les erreurs états-uniennes ont transformé Saddam de démon en héros »

US miscalculation changes Saddam from devil to hero
The Observer (Royaume-Uni)

[AUTEUR] Abdel Bari Atwan est rédacteur en chef du journal arabe édité à Londres al Quds.

[RESUME] George W. Bush est parvenu à transformer Saddam en héros et il deviendra même une figure mythologique s’il parvient à transformer Bagdad en Stalingrad islamique.
Il est évident aujourd’hui que rien ne se passe comme l’avaient prévu les stratèges états-uniens et britanniques. Saddam a surpris tout le monde par sa gestion des frappes aériennes, de la guerre psychologiques, et en manipulant la supériorité militaire de son adversaire en sa faveur. Pendant que les Américains et les Britanniques étaient intoxiqués par l’opposition irakienne qui prétendait que le régime était extrêmement faible, les militaires irakiens et Saddam Hussein étudiaient les techniques de défenses utilisées durant la seconde Guerre mondiale et au Vietnam et les adaptaient à la stratégie utilisée par les États-Unis pendant la première Guerre du Golfe et en Afghanistan. Saddam parie sur un prolongement du conflit, sur des conditions climatiques favorables, et sur un renversement de l’opinion publique.
La victoire la plus éclatante de Saddam sur le plan psychologique est d’avoir réussi à changer son image de tyran en celle d’un héros. Il pense que cela augmente considérablement ses chances de survie. Ainsi, il peut désormais compter sur l’appui implicite des autorités religieuses chiites qui interdisent la coopération avec la coalition anglo-américaine. Il est, en outre, grandement aidé par l’annonce de l’installation d’un gouverneur militaire pour diriger le pays après la guerre. Le fait d’avoir planté un drapeau américain sur Umm Qasr a achevé de convaincre les Irakiens qu’il s’agissait d’une guerre d’occupation. Enfin, de nombreux éléments laissent penser que l’Irak post-Saddam ne serait pas un modèle de stabilité. Même les Kurdes pourraient combattre les Américains s’ils estiment qu’on les a donnés aux Turcs.
La popularité de Saddam a encouragé des volontaires arabes à entrer en Irak pour s’engager dans les milices irakiennes. Il faut craindre que des groupes comme Al Qaïda n’en profitent pour s’installer en Irak et étendent leur influence après la chute du pouvoir central. La guerre d’Irak post-Saddam pourrait encore être plus difficile que l’actuelle.
Les victoires irakiennes ont remonté le moral des Arabes. Elles ont réussi à construire un mariage historique entre le régime laïc de Saddam et le fondamentalisme de Ben Laden.

« Seconde déclaration sur l’avenir de l’Irak »

Second Statement on Post-War Iraq
Lettre ouverte diffusée dans les espaces publicitaires des principaux journaux états-uniens par le Project for the New American Century (États-Unis).

[AUTEURS]
 Ron Asmus est ancien assistant du vice-secrétaire d’État sous l’administration Clinton.
 Max Boot est membre du Council on Foreign Relations. Journaliste réputé dans les milieux économiques, il dirige la page éditoriale du Wall Street Journal. Il a publié The Savage Wars of Peace : Small Wars and the Rise of American Power. Il est expert du cabinet de relations publiques Benador Associates.
 Eliot Cohen est professeur à la School of Advanced International Studies. Il était membre de l’équipe de planning politique du département de la Défense pendant la première Guerre du Golfe.
 Ivo H. Daalder est chercheur à la Brookings Institution et ancien directeur des affaires européenne du National Security Council (1995-1996).
 James Dobbins est directeur de la Rand Corporation.
 Thomas Donnelly est ancien directeur exécutif du Project for the New American Century (1999-2002) et actuel directeur de la communication de Lockheed Martin. Il est membre de l’American Enterprise Institute.
 Lee Feinstein est membre du Carnegie Endowment for International Peace. Il est ancien directeur de l’équipe de planning politique du département d’État.
 Peter Galbraith est ancien négociateur des accords de Dayton et il a été le premier ambassadeur des États-Unis en Croatie.
 Robert S. Gelbard est ancien assistant secrétaire d’État et ambassadeur en Indonésie.
 Reuel Marc Gerecht est un ancien officier de la CIA. Il est membre de l’American Enterprise Institute.
 Philip H. Gordon est chercheur à la Brookings Institution à Washington. Il est ancien directeur des affaires européennes du National Security Council et consultant à la Rand Corporation.
 Charles Hill est ancien assistant au département d’État sous l’administration Reagan.
 Martin Indyk est ancien assistant sur les questions du Proche-Orient au département d’État et ancien ambassadeur en Israël sous l’administration Clinton. Il est directeur du Saban Center for Middle East Policy de la Brookings Institution et directeur exécutif du Washington Institute for Near East Policy.
 Bruce P. Jackson a été vice-président en charge de la stratégie et de la planification de Lockheed Martin et est désormais responsable de l’intégration des nouveaux pays membres de l’OTAN.
 Robert Kagan est membre de la Carnegie Endowment for International Peace. Il est analyste sur les questions de stratégie militaire et écrit une tribune mensuelle dans le Washington Post.
 Craig Kennedy.
 William Kristol est rédacteur en chef de Weekly Standard. Il est président du Project for the New American Century
 Tod Lindberg est rédacteur de Policy Review.
 James Lindsay est vice-directeur à la Brookings Institution.
 Will Marshall.
 Christopher Makins.
 Joshua Muravchik est membre de l’American Enterprise Institute.
 Michael O’Hanlon est membre de la Brookings Institution.
 Danielle Pletka est membre de l’American Enterprise Institute.
 Dennis Ross a été directeur de la planification politique au département d’État sous la présidence de Bush père. Il a été coordinateur pour le Proche-Orient sous l’administration Clinton. Il est directeur du Washington Institute for Near East Policy.
 Randy Scheunemann est membre du Project on Transitional Democracies.
 Gary Schmitt est directeur exécutif du Project for the New American Century, le think-tank qui a rédigé le programme militaire de George W. Bush pour l’élection présidentielle et organisé la campagne contre l’Irak. Il a été directeur exécutif du Foreign Intelligence Advisory Board sous la seconde présidence de Ronald Reagan (1984-1988).
 Helmut Sonnenfeldt est chercheur à la Brookings Institution.
 James B. Steinberg est chercheur à la Brookings Institution.

[RESUME] Nous apportons notre soutien déterminé à Tony Blair dans ses efforts pour maintenir la coopération entre l’Europe et l’Amérique alors que certains veulent accroître le fossé qui nous sépare aujourd’hui. Il est temps d’ouvrir une nouvelle ère dans les relations transatlantiques en commençant par l’Irak de l’après-guerre.
Nous devons construire un Irak pacifique, stable, uni, prospère, démocratique et sans armes de destruction massive, qui sera une force pour le développement démocratique de la région. Les Irakiens seront impliqués le plus tôt possible dans le processus de décision et ce sont eux qui devront prendre les décisions politiques et économiques sur l’avenir de l’Irak.
Il faut impliquer les organisations internationales (les agences de l’ONU, la Banque mondiale, le FMI) qui pourront apporter les ressources et le talent nécessaire au succès de la reconstruction. Celle-ci sera l’occasion de renforcer les liens transatlantiques en impliquant l’OTAN dans l’après-guerre pour détruire les armes de destruction massive de l’Irak et leur centres de production. L’administration de l’Irak après-guerre ne devra pas être composée uniquement d’Américains, mais aussi de responsables d’États qui partagent nos buts en Irak, ce qui nous permettra de bénéficier de l’expertise de plusieurs pays. Cette administration internationale sera plus facile à mettre en place avec l’aide du Conseil de sécurité et c’est pourquoi les États-Unis doivent obtenir une résolution sur l’avenir du pays.

« Le champ de bataille européen »

Battlefield Europe
Los Angeles Times (États-Unis)

[AUTEUR] Walter Russell Mead est l’auteur de Special Providence : American Foreign Policy and How It Changed the World.

[RESUME] Pour la France et l’Allemagne, la bataille d’Irak est finie et c’est la bataille de l’Europe qui commence. La récente découverte d’un système d’écoute dans les bureaux de l’Union européenne n’a rien fait pour calmer les tensions entre les anciens alliés de la Guerre froide en raison de la suspicion qui pèsent sur les États-Unis dans cette affaire.
Après plus d’un siècle de rivalité, la France et l’Allemagne, soutenus par les États-Unis qui voulaient la création d’une Europe unie pour contenir l’URSS, ont construit ce qui est aujourd’hui l’Union européenne. Toutefois, la France et l’Allemagne ont des visions différentes de ce que doit être l’UE. La France veut faire de l’Europe une superpuissance dirigée par Paris contre les États-Unis, tandis que l’Allemagne ne croit pas au concept de « puissance » et rêve d’une Europe qui pousserait l’humanité à accepter la loi internationale et l’environnement. L’Allemagne avait jusqu’ici empêché la France d’utiliser l’UE pour satisfaire ses ambitions.
Toutefois, l’été dernier, Gerhard Schroeder a dû s’attaquer à l’unilatéralisme de l’administration Bush pour gagner les élections et la France en a profité pour réaliser ses ambitions. En réaction, Donald Rumsfeld a remis en cause l’idée que la France et l’Allemagne dirigent l’Europe. En effet, cinq pays européens soutiennent la position de la France et de l’Allemagne (en incluant ses deux pays), quatre sont neutres et vingt soutiennent les États-Unis. L’Allemagne et la France n’ont donc pas les moyens de contrôler la future politique étrangère de l’UE élargie.
Une UE pro-américaine est le pire cauchemar de la France qui considère qu’il faut prendre ses distances avec les États-Unis pour être un vrai Européen. L’Allemagne est dans une situation difficile car elle a besoin que les États d’Europe centrale et orientale intègrent l’UE, même si cela rend le club moins anti-états-unien. Si Berlin peut éventuellement choisir Paris contre Washington, il ne peut pas choisir Paris à la fois contre Washington et contre Varsovie. L’administration Bush doit donc s’appuyer sur les pays d’Europe centrale et orientale puis reconstruire ses relations avec l’Allemagne.

« L’ONU doit retrouver des objectifs communs »

U.N. must rediscover unity of purpose
The Toronto Star (Canada)

[AUTEUR] Kofi Annan est secrétaire général de l’ONU.

[RESUME] Nous pouvons observer aujourd’hui le terrible impact des armes modernes sur l’Irak et son peuple. Nous n’avons pas que des regrets pour les morts, nous nous inquiétons aussi pour les vivants et regrettons que nos efforts pour obtenir une solution pacifique aient échoués.
Beaucoup se demandent pourquoi le gouvernement irakien n’a pas saisi pleinement sa dernière chance de coopérer avec les inspecteurs, mais en même temps beaucoup s’interrogent sur la légitimité dont disposent les États qui emploient la force militaire sans une décision collective du Conseil de sécurité. Tant que la guerre continue, il faut faire le maximum pour protéger les populations civiles, les blessés et les prisonniers de guerre des deux camps. Cela nécessite un effort humanitaire très coûteux alors qu’il nous faut continuer à traiter d’autres conflits dans le monde.
L’image de l’ONU s’est dégradée. Il faut la restaurer en retrouvant une unité du Conseil de sécurité sur des enjeux spécifiques. Nous vivons une époque de division qui met gravement en péril le système international.

« Irak : premières leçons »

Irak : premières leçons
Le Monde (France)

[AUTEUR] Laurent Fabius est ancien Premier ministre français (1984-1986) et député socialiste.

[RESUME] Personne ne peut dire comment évoluera la guerre d’Irak et un embrasement général reste malheureusement possible. Les responsables politiques doivent donc d’ores et déjà tracer les conditions d’une paix durable. Il y a trois leçons à tirer du conflit actuel :
 Il faut établir un « nouvel internationalisme » capable de maîtriser la mondialisation si nous voulons bâtir un monde plus stable de progrès et de paix. Cela pourrait passer par la création d’un nouveau Conseil de sécurité économique et social, d’une organisation mondiale de l’environnement ou de Fonds mondiaux pour l’accès à l’eau et à l’éducation. Il faut également que l’après-guerre respecte l’intégrité territoriale de l’Irak et que l’administration du pays soit confiée à l’ONU.
 Il faut renforcer la construction de l’Europe unie et créer rapidement une défense européenne. Les divergences entre gouvernements sur la question irakienne nous montrent l’importance de construire une Europe fédérale plus démocratique. Il faut créer une « avant-garde », composée d’États qui voudraient avancer plus vite, qui construira une défense européenne. Elle permettra aux pays de l’Est de ne plus chercher la protection de Washington pour assurer leur défense.
 Il ne peut y avoir de sécurité globale sans générosité et solidarité et elles doivent s’appliquer à tous les domaines. Ce n’est pas la guerre, mais la solidarité qui évitera le choc des civilisations. Il est important de créer les conditions d’un rapprochement indispensable entre l’Occident et l’Orient.

« Déclaration de Louise Fréchette à l’occasion de l’appel de l’ONU pour l’aide humanitaire au peuple irakien »

Déclaration de Louise Fréchette à l’occasion de l’appel de l’ONU pour l’aide humanitaire au peuple irakien
Réseau Voltaire (France)

[AUTEUR] Louise Fréchette est vice-secrétaire générale de l’ONU. Cette tribune est adaptée de son discours prononcé lors de la conférence de presse relative à l’appel pour l’aide humanitaire au peuple irakien, New York, 28 mars 2003.

[RESUME] Comme nous l’avions annoncé avant la guerre, quand nous avions demandé des fonds pour permettre aux agences humanitaires de l’ONU de se préparer à un éventuel conflit, nous devons en demander à nouveau pour financer les opérations de secours effectives.
La nature des besoins reste très difficile à évaluer car nous n’avons que des informations fragmentaires et nous ignorons comment évolueront les combats. Aujourd’hui, une réunion du Conseil de sécurité doit autoriser le secrétaire général à adapter le programme « pétrole contre nourriture » pour que le maximum de fourniture parvienne aux Irakiens. Nous ignorons encore combien de fournitures pourront être livrées dans les 45 jours d’application de la nouvelle résolution et donc quelle quantité de nourriture sera livrée en Irak. Nous avons besoin de 2,2 milliards de dollars, dont 1,3 milliard pour l’aide alimentaire, même si ce chiffre pourrait évoluer en fonction des résultats du programme « pétrole contre nourriture ». En plus de la nourriture, il faudra :
 Fournir de l’eau à la population.
 Répondre aux besoins en matière de santé et de nutrition des enfants, des mères qui allaitent, des personnes âgées et handicapées.
 Fournir des abris.
 Mener des activités de déminage.
 Effectuer les réparations d’urgence sur les infrastructures irakiennes.
Pour mener à bien ces tâches nous travaillerons en collaboration avec la Croix rouge et le Croissant rouge ainsi qu’avec les ONG, qui ont elles aussi besoin de fonds.
Pour conclure, je préciserai que l’ONU ne néglige pas les autres crises internationales, moins médiatisées que l’Irak, et que si nous avons évacués notre personnel international en Irak, nous conservons plus de 3 000 personnels locaux et nous gardons le contact avec eux.