« Les derniers soubresauts du terrorisme islamiste »

Last gasp of the monster of Islamist terrorism
The Times (Royaume-Uni)

[AUTEUR] Amir Taheri est journaliste iranien et rédacteur en chef du journal français Politique Internationale. Il est expert du cabinet Benador Associates à New York.

[RESUME] Les attentats au Maroc et en Arabie saoudite, malgré leur impact, pourraient bien être les derniers soubresauts d’un terrorisme international dont les exactions en 2002 ont été ramenées aux chiffres connus en 1969. En 2002, il y a eu 199 actes de « terrorisme global » et aucun aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie, pourtant cibles désignées d’Al Qaïda. Les attaques contre les États-Unis n’ont augmenté qu’en Colombie et il n’y a eu que deux attentats spectaculaires, un à Bali et l’autre en Tunisie.
Les récentes attaques terroristes peuvent faire craindre une renaissance d’Al Qaïda, mais il ne faut pas oublier que cette organisation n’a pas inventé les attentats suicide et nous ne sommes pas encore sûrs qu’il s’agisse d’elle. Après tout, ce mouvement est en état de désagrégation même si ce n’est pas le cas des autres organisations islamistes.
Les victoires contre le terrorisme ont été obtenues en bonne partie grâce à davantage de vigilance. Or, ni le Maroc, qui a laissé les groupes islamistes opérer en Algérie depuis son sol parfois avec l’aide des services secrets, ni l’Arabie saoudite, qui a cru que Ben Laden ne frapperait jamais sa terre natale, n’ont été vigilants. C’est la preuve que le terrorisme ne peut être compris en termes théologiques, ni ne peut s’expliquer par la présence des troupes états-uniennes en Arabie, ou par la Palestine ou la pauvreté. Le seule moyen de traiter les terroristes est de le faire comme on traiterait des criminels.

« Observer le terrorisme saoudien »

Saudi terror watch
Washington Times (États-Unis)

[AUTEUR] Frank J. Gaffney Jr est président du Center for Security Policy, le think tank qui rassemble les principaux « faucons » états-uniens. Le Réseau Voltaire lui a consacré une enquête : « Le Centre pour la politique de sécurité : les marionnettistes de Washington ».

[RESUME] À la suite des attentats de Riyad, on a vu le responsable des relations publiques saoudiennes, Adel Al-Jubair, tout faire pour présenter son pays comme une victime du terrorisme islamiste et non comme sa principale source. Il a eu cependant bien du mal à répondre aux questions qui lui sont posées sur le soutien de l’Arabie saoudite à la secte wahhabite qui soutient le terrorisme et y incite.
Il est difficile de savoir exactement ce qui se passe dans le royaume, mais certaines mesures pourrait être prises pour combattre réellement le terrorisme :
 Cesser les efforts organisés pour recruter les prisonniers états-uniens dans le jihad wahhabite.
 Cesser d’envoyer le clergé wahhabite dans l’armée états-unienne pour retourner des militaires contre leur pays.
 Cesser de tenter de prendre le contrôle de la communauté musulmane.
 Cesser les efforts d’endoctrinement dans les campus.
 Cesser de financer des organisations qui sont censées représenter tous les musulmans, mais qui défendent le wahhabisme.

« Combattons le terrorisme en offrant de l’espoir »

Let’s fight terror by offering hope
International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEUR] Frederick Vreeland est ancien vice sous-secrétaire d’État pour le Proche-Orient et ambassadeur au Maroc.

[RESUME] Les attentats à la bombe de vendredi à Casablanca ont tué ou blessé plus de 100 personnes. Mais sur le long terme, ils ont touchés tous les Marocains. 30 millions de personnes innocentes vont voir leur vie et leur économie affectées en raison des conséquences sur l’activité touristique.
Même si les terroristes sont Marocains ou Arabes, les Marocains n’ont rien fait pour mériter ça et ils sont les victimes collatérales de la politique menée par les États-Unis dans la guerre au terrorisme. Les États-Unis sont en train de suivre l’exemple d’Israël et d’entrer dans une spirale de violence et de répression contre-productive telle que les gouvernements du Likoud l’ont créée. Cette stratégie permet au parti au pouvoir de s’y maintenir en jouant sur la fibre patriotique, mais ne sert pas l’intérêt du pays et développe encore plus le terrorisme.
Le Maroc n’est pas l’Irak, l’Afghanistan ou l’Arabie saoudite et a une tradition de tolérance et de pluralisme. Il est en train de développer des institutions démocratiques. Les Américains doivent combattre le terrorisme en analysant les arguments que les terroristes vont pouvoir utiliser pour recruter et les contrer par avance en démontrant l’attachement de l’Amérique à la justice, au travail et à la dignité et en offrant de l’espoir aux populations.

« Orient-Occident : une communauté culturelle historique »

Orient-Occident : une communauté culturelle historique
Le Monde (France)

[AUTEUR] Kjell Magne Bondevik est le Premier ministre norvégien.

[RESUME] Le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord et les Balkans représentent un défi en matière de politique étrangère et de sécurité qui ne concerne pas que les pays immédiatement voisins, mais l’Europe toute entière. La Norvège était opposée à la guerre en Irak, mais elle se réjouit de la chute du régime de Saddam Hussein. Néanmoins, le désir de changer de régime ne justifie pas en soit le recours à l’action militaire.
Je ne partage pas les craintes de ceux qui prétendent que le conflit entre l’Occident et l’Orient sera une nouvelle Guerre froide. J’estime que les conflits en Tchétchénie, en Afghanistan, en Irak ou en Yougoslavie ont peut-être l’apparence de « chocs des civilisations », mais ne sont pas des guerres de religion. L’histoire nous prouve que les affrontements entre l’Orient et l’Occident n’ont pas été plus nombreux que les conflits entre pays de ces régions et que ce sont les nations qui ont le plus puisés dans le savoir des autres qui ont le plus progressé.
Aujourd’hui, la peur de l’autre est exploitée par les populistes et les extrémistes des deux bords qui utilisent la religion pour diviser et qui doivent être combattus par les instances religieuses. Dans le monde arabe, c’est le conflit israélo-palestinien qui accentue le fossé entre l’Occident et l’Orient et l’Europe doit contribuer au processus de paix. L’Occident doit aussi reconnaître qu’il a soutenu des régimes qui ont bafoué les Droits de l’homme, même si cela n’excuse pas la violence islamiste.
Il faut développer les échanges entre l’Orient et l’Occident et c’est pourquoi la Norvège soutient le partenariat euro-méditerranéen.

« L’effet CNN »

L’effet CNN
Réseau Voltaire (France)

[AUTEUR] Thierry Meyssan est journaliste, écrivain et président du Réseau Voltaire. Cette tribune est adaptée d’une conférence donnée à l’Accademia Nazionale della Politica dans le cadre de son cinquième cycle d’études politiques intitulé : « Pouvoir et communication : totem et tabou » sous le haut patronage de la Présidence de la République Italienne, de la Présidence du Sénat, de la Présidence de la Chambre des Députés et de la Présidence du Conseil des Ministres.

[RESUME] La première Guerre du Golfe a transformé CNN en chaîne à l’audience mondiale et a imposé au monde son concept d’« information continue ». Le dispositif de propagande mis en place par les États-Unis pendant la Guerre froide s’étendit alors à toute la planète. Vu le caractère biaisé des informations fournies, de nombreux États se dotèrent de chaînes d’information en continue dans l’espoir que la maîtrise des médias audiovisuels garantirait l’objectivité mais cette multiplication des chaînes d’information continue a, au contraire, rendu les opinions encore plus vulnérables car le caractère immédiat rend plus sensible aux apparences et aux préjugés. L’information n’est alors plus un outil de connaissance, mais un spectacle.
Les règles de bases du journalisme que sont le recoupement de l’information et la vérification des sources ont été oubliées. C’est ce qui a permis à l’administration Bush senior d’intoxiquer le Congrès et l’opinion publique mondiale avec l’affaire des couveuses des maternités koweïtiennes, orchestrées par Victoria Clarke, puis avec la marée noire du Golfe persique, imputée à Saddam Hussein par Colin Powell et Dick Cheney. Une information n’a pas besoin d’être crédible pour bénéficier de l’« effet CNN » comme l’a prouvé Dick Cheney en 1990 en affirmant que l’Irak s’était dotée de la quatrième armée du monde.
Dix ans après la naissance de cet « effet CNN », il est aujourd’hui démultiplié par les diverses chaînes nationales d’information continue tandis que l’équipe Cheney, Powell, Clarke et consort est de retour au pouvoir. Cet effet a été particulièrement évident le 11 septembre 2001. Toutes les chaînes d’information continue ont alors relayé les informations de CNN, sans recul. Il a alors été affirmé que d’après une source officielle anonyme il s’agissait d’un attentat commandité par Oussama Ben Laden et ce avant même que le second avion n’ait percuté la tour Sud du World Trade Center. Les chaînes relayèrent alors les déclarations de Victoria Clarke affirmant qu’un avion avait percuté le Pentagone malgré les incohérence de cette thèse, mais elles occultèrent les images d’ABC montrant une aile de la Maison Blanche en feu. De même, CNN prépara l’opinion publique aux attaques à l’anthrax, en diffusant un message d’alerte, et aux bombardements en Afghanistan, en montrant de fausses images de bombardement sur Kaboul prétendument en direct, dès le 11 septembre alors qu’ils n’eurent lieu qu’en octobre.
L’effet CNN fonctionne parce que la chaîne couvre tous les évènements mondiaux et dispose d’une sorte de monopole ; C’est ce qui explique les bombardements contre les stations concurrentes Al-Jazira et Abu-Dabi TV ainsi que les attaques contre le site internet de la chaîne d’information du Qatar. Aujourd’hui CNN distingue ses émissions à destination du public américain, où la propagande est encore plus appuyée, et celles destinées à l’étranger. Les interviews ne servent plus à prendre connaissance des propos de l’invité, mais à le désigner comme ami ou ennemi en fonction du traitement qui lui est réservé. La grossièreté et la répétition des mensonges n’ont pas affecté l’effet CNN car la chaîne joue sur l’immédiateté pour augmenter la labilité de la mémoire des téléspectateurs.
CNN a renforcé les leçons de propagande apprise par le général Colin Powell après le Vietnam. La chute de l’empire soviétique a ainsi eu pour effet d’entraîner le développement sans contrôle du système de propagande états-unien. CNN a transformé l’information en spectacle et empêche toute analyse. Il s’agit d’une perte de liberté, mais nous nous complaisons dans cette manipulation.

« Côte d’Ivoire : l’espoir est permis »

Côte d’Ivoire : l’espoir est permis
Le Figaro (France)

[AUTEUR] Paul Antoine Bouabré Bohoun est ministre d’État, ministre de l’Économie et des Finances de Côte d’Ivoire.

[RESUME] Il faut se féliciter des efforts de la France pour faciliter la réconciliation en Côte d’Ivoire initiée par la poursuite du processus engagé avec l’accord de Linas Marcoussis. Dans la même logique, nous avons proposé la création d’une mission économique regroupant le FMI, la Banque mondiale, la Banque Africaine de développement et l’Union Européenne et qui aurait pour objectif l’évaluation des besoins du pays. Toutefois, tant que l’ONU estimera que la Côte d’Ivoire n’est pas sûre, les fonctionnaires de cette mission ne travailleront pas.
Il faut que tous ceux qui ont aidé à la fin de la rébellion convainquent l’ONU de reconsidérer sa position dans l’intérêt des populations. Cela permettrait également de restaurer la confiance et de faire revenir les investisseurs privés. Sans l’aide de nos partenaires nous ne pouvons pas honorer l’ensemble de nos engagements vis-à-vis de nos créanciers nationaux et internationaux.
Grâce au plan développé dans mon ministère, les conditions d’un rapide redémarrage de notre économie existent et les infrastructures ont été épargnées lors du conflit de septembre 2002. La France doit, comme elle l’avait promis, prendre la tête de l’alliance des donateurs pour la reconstruction de la Côte d’Ivoire.

« C’est la pire guerre du monde »

This is the worst war in the world
The Guardian (Royaume-Uni)

[AUTEUR] Patrick Smith est rédacteur en chef d’Africa Confidential

[RESUME] Cette semaine, le Conseil de sécurité va devoir choisir entre envoyer une force d’intervention robuste pour protéger des dizaines de milliers de civils en Ituri (République démocratique du Congo) ou autoriser un retrait des troupes actuelles en cas de début des combats.
Dans cette région, lors des quatre dernières années, 50 000 personnes ont été tuées et 500 000 ont été contraintes de fuir d’après Human Right Watch. Ces combats viennent de l’instrumentalisation des tensions entre les ethnies Hema et Lendu par l’Ouganda, le Rwanda et Kinshasa pour contrôler cette région aux portes de la plus importante réserve d’or du monde, la réserve de Kilo Moto, convoitée entre autres par l’entreprise canadienne Barrick Gold. On y trouve aussi du pétrole exploité par Heritage Oil de Tony Buckingham.
L’actuelle force d’interposition de l’ONU ne comprend pas assez d’hommes et n’a pas le matériel nécessaire pour faire face aux milices. Il faut donc développer les troupes d’interposition et si l’offre d’intervention française est accompagnée d’un envoi des troupes britanniques, canadiennes et sud-africaines, des vies peuvent être sauvées. L’Union Européenne doit s’investir dans cette question, ce qui lui permettrait de retrouver un poids diplomatique.