Pour le gaulliste Nicolas Dupont-Aignan, le bombardement de la Syrie annoncé par le président François Hollande est non seulement infondé, mais contre-productif. Quelque soit la manière dont on se situe dans ce conflit, nul ne peut raisonnablement souhaiter les conséquences d’une intervention internationale. Il regrette donc le temps où la France, au Conseil de sécurité, s’opposait au bellicisme US en Irak.
La Syrie brûle. Sous le feu des armes, des forces nébuleuses et multiformes se déchirent dans une guerre civile qui ne dit pas son nom. Quoi de pire pour une nation que de voir ses hommes s’entretuer menaçant à jamais son unité ?
Depuis de longs mois, nous assistons aux balais des chiffres de victimes. Les images insoutenables fournies par le régime syrien comme par ceux que les médias occidentaux appellent les « rebelles », et diffusées en continu, attestent de l’horreur d’un côté comme de l’autre. Une chose est sûre : aujourd’hui Homs, joyau de la Syrie, est défigurée par cette guerre civile. Une chose est sûre : des centaines de milliers de familles ont quitté le théâtre des combats pour ne pas payer de leur vie cette lutte pour le pouvoir. Car oui. Il s’agit bien d’un combat pour le pouvoir.
Beaucoup en France semblent oublier que pour mener une guerre, il faut être deux. Arrêtons ce manichéisme de superproduction hollywoodienne par lequel les Américains voudraient nous endormir. Il a toujours été de l’honneur de la France que de refuser de faire parler les armes sans justification. Alors aujourd’hui je pose la question à laquelle personne ne semble pouvoir ou vouloir donner de réponse : où sont les preuves ?
Le recours à des armes chimiques est bien évidement insupportable. Mais est-on si certain de savoir qui les utilise ? Nous devons en avoir la certitude si nous nous arrogeons le droit d’ajouter aux guérillas urbaines le fracas des bombes « chirurgicales ». Les conclusions des enquêteurs de l’ONU officialisées au mois de mai par Carla del Ponte ont révélé que l’opposition syrienne avait utilisé des armes chimiques à Khan Al-Aassal. Pourtant nos médias comme notre gouvernement n’en tiennent compte à aucun moment et la France part du principe que seul le gouvernement de Bachar el-Assad est susceptible d’utiliser de telles armes...
Tout récemment la Russie a apporté les images satellites semblant prouver que les deux engins chimiques ont été tirés de la région de Douma qui est contrôlée par l’opposition. Là encore, aucun commentaire de Laurent Fabius. Enfin la concomitance de cette attaque chimique avec l’arrivée des enquêteurs de l’ONU interroge. On imagine mal le régime en place perpétrer une telle folie contre son peuple au moment même où l’ONU arrive pour évaluer la situation. Tous ces éléments doivent nous imposer à la plus grande prudence. L’ingérence dans une guerre civile ne supporte aucun doute raisonnable.
Dès que les premières bombes françaises toucheront le sol syrien, nous deviendrons les alliés objectifs de ceux qui convoitent le pouvoir de Bachar el-Assad. Nous serons alors les co-responsables des actes à venir et les garants moraux des futurs maîtres de Damas. L’exemple encore frais de la Libye devrait nous garder de tout angélisme. A-t-on déjà oublié que l’intervention franco-anglaise a certes permis d’en finir avec le tyran Kadhafi mais elle a aussi installé au pouvoir des islamistes loin d’être modérés. Qui sont ces prétendus rebelles syriens ? Pourquoi les pétromonarchies du Golfe persique participent activement à la déstabilisation du pays ? Ceux qu’on dit victimes aujourd’hui ne seront-ils pas demain pire que le prétendu bourreau d’aujourd’hui ? Est-on conscient qu’un effondrement du régime syrien provoquerait un massacre des minorités dont les 12 % de chrétiens locaux ?
En vérité on ne sait rien de ceux qui prétendent déboulonner le régime d’Assad et un jour prendre le pouvoir. L’opposition est protéiforme, et au fil des mois, il semble bien que ce soient les éléments les plus radicaux qui aient pris l’ascendant. En revanche une chose est certaine. Il n’est pas nécessaire d’être spécialiste géopolitique pour comprendre qu’une intervention ferait passer toute la région du désordre au chaos. Avec la Lybie nous avons mis le doigt dans un engrenage incontrôlable. Avec la Syrie nous serons pris jusqu’au cou. La nébuleuse terroriste, dont Al-Qaïda, qui menace les intérêts occidentaux, risque de bénéficier d’une tête de pont pour des attentats sur notre sol. Les éléments les plus radicaux n’attendent que ça. Intervenir ce serait tomber encore un peu plus dans leur piège. Depuis l’Irak on sait qu’il est impossible de stabiliser un tel pays par la force, même avec la présence pendant des années de centaines de milliers de soldats.
Le scénario du pire semble écrit d’avance si aucune voix raisonnable ne trouve d’autre issue. C’est pourquoi le monde attend de la France qu’elle joue son rôle et fasse entendre sa voix. Non pas la voix de son maître mais celle de l’indépendance et de la raison. Au moment de l’intervention en Irak, chacun se souvient de la fierté d’être Français quand Jacques Chirac et Dominique de Villepin ont opposé à nos amis américains le « Non » d’un sage et vieux pays.
À l’époque Colin Powell avait tendu une fiole d’anthrax irakien au Conseil de sécurité de l’ONU pour justifier de l’usage de la force. Nul n’a oublié ces images saisissantes qui semblaient être autant de preuves accablantes pour Saddam Hussein. On sait maintenant que tout ça n’était que du cinéma. Aujourd’hui les Américains ne semblent même pas vouloir se donner la peine de ce simulacre de procès international. Pourquoi le feraient-ils puisque la France est couchée ?
Or la France n’est la France que lorsqu’elle est debout face à l’Histoire et aux événements. Entre la Russie, soutien indéfectible du régime de Bachar el-Assad, et les États-Unis influencés par les pétromonarchies voisines, la France doit se faire entendre. Le lien historique particulier qui nous unit à la Syrie nous impose de ne pas abandonner ce peuple ami. La fermeture de notre ambassade à Damas en mars 2012 fut une erreur tactique doublée d’une trahison pour nos amis syriens.
Ne reproduisons pas cette erreur. C’est à la France qu’incombe le devoir de montrer un autre chemin.
Aujourd’hui comme député de la nation et membre de la Commission des Affaires étrangères, je veux voir la France tenir sa place au Conseil de Sécurité de l’ONU. Je veux voir Laurent Fabius y faire entendre notre voix et non pas ânonner les poncifs de Washington dans nos médias. Je veux voir la France être la France, tout simplement.
Si demain nous intervenons en vassal dans une coalition emmenée par les États-Unis, c’est notre place dans le concert des nations qui sera durablement discréditée. Je refuse, sans preuves, d’abimer ce que plus de 50 ans de politique étrangère indépendante depuis Charles de Gaulle nous ont permis de construire. Ce serait nous trahir nous-mêmes. Ce serait devenir complices de ceux qui espèrent le chaos.
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