Je viens de passer dix mois et demi dans une oubliette syrienne où j’ai été battu et torturé, où j’ai vécu dans la terreur de ne jamais sortir. Or, je ne sais toujours exactement pourquoi cela m’est arrivé. Je ne suis qu’un ingénieur en télécommunication canadien d’origine syrienne qui n’avait jamais eu affaire à la police. Je suis un bon citoyen.
Mes épreuves ont commencé le 26 septembre 2002 au retour de vacances en Tunisie quand j’ai fait escale à New York. Là, on m’a demandé de répondre à quelques questions et j’ai cru qu’il s’agissait de formalités, mais quand l’interrogatoire a duré et qu’on m’a présenté le bail de mon appartement d’Ottawa de 1997, j’ai compris que je me trompais. Mon interrogatoire a duré des jours sans avocats ou appel téléphonique car je n’étais pas états-unien. Après des jours d’interrogatoires dégradants et insultants, j’ai eu le droit d’appeler ma famille. Immédiatement après, on m’annonçait que j’allais être expulsé en Syrie pour des motifs secrets. Depuis ce jour, des responsables anonymes me présentent comme un membre d’Al Qaïda, bien que je n’aie été inculpé d’aucun crime.
J’ai vainement affirmé à mes gardiens à New York que je n’avais pas de liens avec la Syrie, pays que j’avais quitté quand j’avais 17 ans. Je leur ai expliqué qu’en raison de ma religion sunnite, de la peine de prison de neuf ans subie par un cousin de ma mère accusé d’être membre des Frères musulmans et parce que j’avais quitté le pays sans avoir fait mon service militaire, je serais sans doute torturé là-bas. Cela ne changea rien. Je fus envoyé enchaîné en Jordanie, puis en Syrie et battu pendant le voyage. J’ai été enfermé dans une cellule ressemblant à une tombe, sans lumière, j’ai été torturé, j’ai perdu vingt kilos en dix mois et j’ai entendu l’agonie des autres prisonniers. Tellement terrifié que j’ai uriné sur moi deux fois, j’ai signé toutes les déclarations qu’on m’a présentées. Après quoi, j’ai pu rentrer chez moi.
Aujourd’hui, je veux savoir pourquoi les États-Unis m’ont envoyé dans un des sept pays qu’ils classent eux-mêmes comme un soutien du terrorisme, pourquoi le Canada a fourni des informations me concernant aux États-Unis et je veux laver mon nom.
« Delivered Into Hell by U.S. War on Terror », par Maher Arar, Los Angeles Times, 10 décembre 2003.
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