Rapport du Secrétaire général présenté en application du paragraphe 24 de la résolution 1483 (2003) et du paragraphe 12 de la résolution 1511 (2003) du Conseil de sécurité
I. Introduction
1. Le présent rapport est le deuxième à être présenté en application du paragraphe 24 de la résolution 1483 (2003) du Conseil de sécurité et le premier à être présenté en application du paragraphe 12 de la résolution 1511 (2003) du Conseil de sécurité. Il se propose de :
a) Décrire brièvement les activités des Nations Unies et les principaux faits nouveaux intervenus en Irak entre le 17 juillet 2003, date de publication de mon rapport précédent (S/2003/715), et le 19 août 2003 ;
b) Rendre compte des événements du 19 août 2003, au cours desquels les locaux du Bureau des Nations Unies à Bagdad ont fait l’objet d’une attaque qui a eu des conséquences et des incidences dévastatrices, et des mesures prises par la suite par les Nations Unies, y compris à terme l’évacuation de la majorité du personnel international ;
c) Décrire en détail les activités de secours, de relèvement et de planification de la reconstruction qui ont toutefois pu être assurées pendant la période considérée, en grande partie par le personnel national ;
d) Résumer les principaux faits nouveaux politiques qui se sont produits en Irak après le 19 août ;
e) Énoncer les grandes lignes d’un plan d’action concernant la sécurité, le déploiement de la Mission d’assistance des Nations Unies en Irak (MANUI) et la conduite des opérations de secours, de relèvement et de reconstruction des Nations Unies en Irak.
Les grands principes dont, à mon avis, devrait s’inspirer à l’avenir l’intervention des Nations Unies en Irak sont énoncés dans la section VII.
II. Résumé des activités des Nations Unies et des principaux faits nouveaux intervenus en Irak entre le 17 juillet et le 19 août 2003
2. Mon Représentant spécial pour l’Irak, feu Sergio Vieira de Mello, est venu à New York à la fin juillet 2003 pour faire un exposé sur la situation en Irak devant le Conseil de sécurité et présenter mon rapport (S/2003/715) dans lequel était décrit le contexte opérationnel proposé pour la MANUI. Dans son exposé, il a réaffirmé ce qu’il n’avait cessé de dire en Irak à savoir qu’il était impératif que les Irakiens reprennent aussi rapidement que possible l’entière direction des affaires de leur pays. M. Vieira de Mello a souligné que la démocratie ne pouvait pas être imposée de l’extérieur mais devait venir de l’intérieur. Il estimait qu’il importait de présenter aux Irakiens un calendrier précis des étapes à franchir jusqu’au plein rétablissement de la souveraineté nationale ; il a lancé un appel pour que, dans toute la mesure possible, les moyens nécessaires soient donnés au Conseil de gouvernement de l’Irak et aux institutions Irakiennes qui lui sont associées afin que la prise des décisions clefs devant conduire à la formation d’un gouvernement largement représentatif et souverain appartienne aux Irakiens (voir S/PV.4791).
3. Mon Représentant spécial m’a fait part de son intention d’intensifier le dialogue avec les États de la région conformément à la ferme conviction qui est la mienne que les pays voisins de l’Irak ont des intérêts et des préoccupations légitimes en ce qui concerne la suite des événements dans ce pays. Pour ce faire, il a effectué plusieurs visites dans la région, juste avant et après son exposé devant le Conseil de sécurité le 22 juillet, tenant des réunions de haut niveau en Arabie saoudite, en République arabe syrienne, en République islamique d’Iran, au Koweït, en Turquie, en Égypte et en Jordanie de même qu’avec la Ligue des États arabes.
4. M. Vieira de Mello a également indiqué son intention de tenir des consultations avec un large échantillon de la société Irakienne, y compris le Conseil de gouvernement de l’Irak et l’Autorité provisoire de la coalition, pour déterminer dans quelles conditions et à quelles échéances la MANUI pourrait apporter son assistance au peuple Irakien non seulement dans les domaines où les Nations Unies intervenaient déjà - l’assistance humanitaire, le retour des réfugiés et des déplacés, le relèvement d’urgence, la facilitation de la transition politique, les droits de l’homme et le soutien à la société civile - mais aussi dans toutes sortes de domaines supplémentaires, tel qu’indiqué au paragraphe 99 de mon rapport du 17 juillet 2003, à savoir : les processus électoraux et constitutionnels ; la réforme de l’appareil judiciaire et du système juridique ; la formation des forces de police ; la démobilisation et la réinsertion des anciens soldats ; l’administration publique et la réforme de la fonction publique ; l’élaboration de stratégies à long terme de relèvement économique et de bonne gestion des affaires publiques ; et l’assistance technique et la prestation de services consultatifs aux ministères Irakiens.
5. Le 30 juillet, à son retour en Irak, mon Représentant spécial a rencontré les membres du Conseil de gouvernement de l’Irak pour évoquer avec eux la situation des droits de l’homme dans le pays et les différents moyens par lesquels les Nations Unies pourraient apporter leur assistance notamment en fournissant des services d’experts aux Irakiens afin de lutter contre l’impunité pour les violations des droits de l’homme commises par le passé ; en créant une commission nationale des droits de l’homme ; et en élaborant un plan d’action national en faveur des droits de l’homme.
6. Les membres du Conseil de gouvernement de l’Irak et l’Autorité provisoire de la coalition ont fait part officieusement de l’intérêt que suscitaient chez eux à des degrés divers une intervention des Nations Unies dans les domaines des droits de l’homme et de l’assistance électorale. Ils ont exprimé un intérêt moindre pour une intervention des Nations Unies dans les autres domaines indiqués au paragraphe 99 de mon rapport au Conseil de sécurité en date du 17 juillet 2003. Ils n’ont présenté à mon Représentant spécial aucune demande officielle portant sur l’un de ces domaines. Ce fut la dernière rencontre de Sergio Vieira de Mello avec le Conseil de gouvernement de l’Irak, avant sa mort dans des conditions tragiques.
7. Mon Représentant spécial aujourd’hui disparu avait entrepris plusieurs activités pour promouvoir les normes relatives aux droits de l’homme en Irak. Il mettait la dernière main à un projet de centre de documentation sur les droits de l’homme à l’Université de Bagdad auquel il travaillait avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) et le PNUD envisagent toujours d’ouvrir ce centre. De même, des conseillers de mon Représentant spécial ont surveillé les premières élections nationales de l’Association du barreau Irakien entre le 14 et le 17 août. Ils ont déclaré que le processus s’était déroulé calmement, librement et équitablement. Les 23 et 24 août, le bureau de mon Représentant spécial a organisé avec le HCDH et le PNUD un stage de formation aux droits de l’homme à Erbil.
8. Une équipe de la Division de l’assistance électorale du Département des affaires politiques a effectué une visite en Irak du 31 juillet au 13 août 2003. Elle a tenu des consultations avec un large éventail d’acteurs Irakiens, le Conseil de gouvernement de l’Irak, l’Autorité provisoire de la coalition, des représentants de la communauté internationale et d’autres organismes des Nations Unies au sujet de la nature et du calendrier des élections provisoires en Irak et des problèmes que posait leur organisation. Elle a pris note de plusieurs défis majeurs à relever tels que la définition de critères visant à inclure un maximum d’électeurs potentiels, y compris les Irakiens vivant à l’étranger ; l’adoption d’une loi sur les partis politiques pour définir les conditions de la participation politique ; et la mise en place d’une commission électorale respectée et indépendante pour préparer et organiser les élections. L’équipe a insisté sur les problèmes logistiques que posait une opération aussi complexe menée dans des conditions précaires sur le plan de la sécurité.
9. Au début du mois d’août 2003, les Nations Unies étaient arrivées à un stade critique pour la définition de leur rôle en Irak, leur intervention dans la région par rapport aux événements en Irak.
10. D’une part, les organismes, fonds et programmes des Nations Unies jouaient un rôle crucial dans toutes sortes de domaines tels que l’assistance alimentaire et nutritionnelle, l’approvisionnement en fournitures médicales et scolaires et l’alimentation en eau, et les réparations d’urgence aux installations essentielles - usines de traitement de l’eau et des effluents. Il était évident que, grâce en partie à l’appui des Nations Unies aux efforts de l’Autorité provisoire de la coalition et des ministères Irakiens et autorités locales, la fourniture des services de base était en train de s’améliorer.
11. Les efforts de l’Autorité provisoire de la coalition pour rétablir l’ordre et le respect du droit commençaient à porter leurs fruits, ce qui était un préalable à la création des conditions nécessaires à la reconstruction future. Les Nations Unies et la Banque mondiale étaient en train de procéder à une évaluation approfondie des besoins liés à la reconstruction avec le personnel des ministères compétents, l’Autorité provisoire de la coalition et différentes organisations non gouvernementales. Cette évaluation portait sur 14 secteurs prioritaires comme convenu lors de la réunion technique sur la reconstruction tenue à New York le 24 juin 2003.
12. Par ailleurs, la formation du Conseil de gouvernement de l’Irak le 13 juillet pouvait être pour les Nations Unies l’occasion de trouver un interlocuteur Irakien crédible et représentatif avec lequel elles pourraient mettre au point un vaste programme d’action couvrant toutes sortes d’activités et visant notamment à soutenir le processus de transition politique. Le Conseil de gouvernement de l’Irak a dépêché une délégation à une séance du Conseil de sécurité consacrée à l’Irak le 22 juillet. Le 29 juillet, il a nommé un comité de direction où siégeaient à tour de rôle neuf de ses 25 membres et le 11 août il a formé une commission constitutionnelle préparatoire composé de 25 membres. Le 14 août, au paragraphe 1 de sa résolution 1500 (2003), le Conseil de sécurité s’est félicité de l’établissement du Conseil de gouvernement de l’Irak, largement représentatif, qui marquait une étape importante vers la formation par le peuple Irakien d’un gouvernement représentatif internationalement reconnu qui exercerait la souveraineté de l’Irak.
13. Ces événements positifs auraient pu créer des conditions favorables au passage à une nouvelle étape de l’intervention des Nations Unies en Irak. Malheureusement, des incertitudes de taille subsistaient quant au rôle futur des Nations Unies. Premièrement, le Conseil de gouvernement de l’Irak et l’Autorité provisoire de la coalition n’avaient pas de vision claire ou commune du rôle que pouvaient jouer les Nations Unies dans les phases à venir du processus de transition politique et les autres domaines d’activité proposés dans mon rapport du 17 juillet. Deuxièmement, sur cette question et sur d’autres points encore, des divergences étaient apparues entre les Irakiens au sein du Conseil de gouvernement de l’Irak aussi bien qu’à l’extérieur du Conseil. Troisièmement, les attaques armées contre les forces de la coalition, les institutions Irakiennes et d’autres cibles civiles et internationales avaient gagné en complexité, en ampleur et en gravité, provoquant une brutale détérioration de la situation sur le plan de la sécurité.
14. La dégradation de la situation a été cruellement ressentie par les Nations Unies et les autres organisations internationales avant même l’attentat contre le Bureau des Nations Unies de Bagdad, le 19 août. Le personnel du Programme alimentaire mondial (PAM) en poste à Mossoul par exemple a rapporté des attaques contre ses locaux les 11, 12 et 13 juillet, y compris un incident au cours duquel une grenade a explosé à l’intérieur de ses locaux. Le 20 juillet, un chauffeur Irakien a été tué et deux agents humanitaires ont été blessés lorsque des inconnus ont ouvert le feu sur un véhicule de l’Organisation internationale pour les migrations à 50 kilomètres au sud de Bagdad. Le 22 juillet, des inconnus ont attaqué et tué un fonctionnaire de la Croix-Rouge et un chauffeur Irakien près de Hilla. Le 28 juillet, les services de police surveillant le bureau des Nations Unies à Mossoul ont trouvé une roquette dans une zone à découvert située à 80 mètres derrière les locaux des Nations Unies. Suite à ces incidents, les Nations Unies ont renforcé les contrôles et la surveillance des déplacements routiers dans tout l’Irak, notamment dans les zones dangereuses. En outre, les membres du personnel international en poste à Mossoul ont été évacués vers Erbil où les conditions de sécurité étaient meilleures.
15. Un changement majeur au niveau de la nature et de l’ampleur de ces attaques s’est produit le 7 août lorsqu’un camion piégé a explosé devant l’ambassade jordanienne à Bagdad faisant au moins 17 morts et des douzaines de blessés, dont deux fonctionnaires nationaux de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
16. En résumé, lorsque le Conseil de sécurité a adopté sa résolution 1500 (2003), du 14 août 2003, autorisant la création de la MANUI, la situation avait déjà beaucoup changé par rapport à celle envisagée un mois auparavant lors de la présentation du contexte opérationnel proposé pour la mission dans mon rapport du 17 juillet 2003.
III. L’attaque du 19 août 2003 contre le siège de l’ONU à Bagdad et les mesures prises immédiatement après
A. Les événements du 19 août 2003
17. À environ 16 h 30, heure locale, le mardi 19 août, un camion à plateau transportant une quantité d’explosifs de haute puissance estimée à 1 000 kg a explosé sur la voie de service adjacente au coin sud-ouest du Canal Hotel, Siège de l’Organisation des Nations Unies à Bagdad. Cette attaque avait été soigneusement planifiée et était dirigée délibérément contre le point le plus faible de l’enceinte, avec un effet dévastateur. Elle a entraîné la mort de 22 personnes (dont 15 fonctionnaires des Nations Unies), et a blessé plus de 150 personnes, dont certaines très grièvement. Mon Représentant spécial en Irak et Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Sergio Vieira de Mello, était au nombre des morts.
18. S’il n’y avait pas eu l’assistance immédiate et hautement professionnelle fournie par l’Organisme suédois de services de secours sur les lieux, par les services d’urgence Irakiens et le personnel médical dans toute la ville de Bagdad et par les forces de la Coalition dirigée par les États-Unis qui ont fait intervenir tous leurs énormes moyens pour procéder à l’évacuation médicale et au traitement des blessés - le nombre de morts aurait probablement été beaucoup plus élevé. Je tiens à exprimer mes profonds remerciements à eux tous ainsi qu’au Gouvernement jordanien et au Gouvernement koweïtien pour avoir accueilli et soigné le personnel des Nations Unies évacué.
19. Des agents du Federal Bureau of Investigation des États-Unis sont arrivés sur les lieux à peine 40 minutes après l’attaque et ont commencé une enquête criminelle. Cette enquête suit son cours, avec l’assistance de la police Irakienne.
20. Il y a toujours des incertitudes quant à la responsabilité de cette attaque. Bien que les Brigades Abou-Hafs al-Masri, un groupe affilié à Al-Qaida, en ait revendiqué, parmi d’autres, la responsabilité dans un message publié sur l’Internet et dans les journaux arabes, l’authenticité du message n’a pas encore pu être établie.
B. Mesures prises immédiatement après l’attentat
21. Le 21 août, j’ai envoyé en Irak une équipe d’enquêteurs dirigée par le responsable de la sécurité du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et comprenant des membres du Bureau du Coordonnateur des Nations Unies pour les questions de sécurité, du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et du Bureau des services de contrôle interne. Ils avaient pour mission de déterminer et de prendre note des événements qui avaient eu lieu avant l’explosion et immédiatement après, d’évaluer l’efficacité des mesures de prévention définies dans les politiques et procédures actuelles en matière de sécurité, et de faire des recommandations sur les ajustements requis pour permettre au personnel des Nations Unies d’opérer dans de meilleures conditions de sécurité à l’avenir. J’ai également donné pour instruction à Tun Myat, le Coordonnateur des Nations Unies pour les questions de sécurité, de se rendre en Irak du 23 au 30 août 2003 afin d’examiner la situation en matière de sécurité sous tous ses aspects et de me communiquer des recommandations sur les réductions du nombre de fonctionnaires des Nations Unies dans le pays qui pourraient être nécessaires pour des raisons de sécurité.
22. Alors que ces enquêtes étaient en cours, un engin explosif improvisé de forte puissance dans la ville sainte de Najaf a causé le vendredi 29 août des centaines de victimes et la mort de l’un des dirigeants chiites les plus importants du pays, l’ayatollah Muhammad Baqer al-Hakim. J’ai fermement condamné cet attentat terroriste sacrilège.
23. Le Coordonnateur pour les questions de sécurité a noté dans son rapport, qu’il m’a soumis le 2 septembre, que la situation générale en matière de sécurité en Irak s’était gravement détériorée au mois d’août. L’Irak était entré dans une nouvelle phase où toutes les organisations étrangères, ainsi que les Irakiens coopérant avec l’Autorité provisoire de la Coalition, étaient des cibles potentielles pour des attaques délibérées, directes et hostiles. Ce type de menace contre la sécurité, n’avait pas été prévu. L’Organisation des Nations Unies avait choisi des bureaux dont l’emplacement faciliterait les contacts avec les partenaires et bénéficiaires Irakiens et leur accès. Par conséquent, les plus de 800 fonctionnaires internationaux des Nations Unies déployés dans tout le pays étaient extrêmement vulnérables face à de nouvelles attaques. Les forces de la Coalition n’étaient pas en mesure de fournir une protection spéciale à tous ces fonctionnaires. Par conséquent, la réduction des effectifs internationaux, qui avait déjà commencé avant le 2 septembre, s’est poursuivie après la présentation du rapport du Coordonnateur pour les questions de sécurité.
24. Le 5 septembre, le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, Kieran Prendergast, a informé le Conseil de sécurité lors de consultations officieuses de la décision que j’avais prise dans ces circonstances de retirer tous les membres du personnel international autres que ceux dont la présence était nécessaire pour les activités essentielles d’assistance humanitaire et l’appui en matière de sécurité et de logistique. Sur la base de ces critères, j’avais décidé de faire passer le nombre de fonctionnaires internationaux à Bagdad de 400 à une cinquantaine et, dans les trois gouvernorats du nord, de 400 à une trentaine, et d’évacuer les bureaux des Nations Unies à Basra, Hilla et Mosoul.
25. En informant le Conseil de sécurité de ma décision, le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques a souligné que le Conseil devait trouver des réponses à un certain nombre de questions fondamentales avant de prendre une décision sur le rôle futur de l’Organisation des Nations Unies en Irak. Qui était derrière cette attaque et pourquoi ? Est-ce qu’on considérait dorénavant qu’il n’y avait pas de distinction entre l’ONU et la Coalition dirigée par les États-Unis et que l’Organisation était soumise aux mêmes menaces que la Coalition ? Ou bien, est-ce que l’ONU avait toujours une identité indépendante dans l’esprit de la majorité des Irakiens, mais avait néanmoins été attaquée par ceux qui essayent d’affaiblir la Coalition et de rendre le pays ingouvernable ? Ou bien, s’agissait-il d’une attaque contre le nouveau pouvoir représenté par le Conseil de gouvernement et le rôle politique joué par l’ONU pour obtenir la reconnaissance du Conseil au niveau international ? Que fallait-il faire pour permettre au personnel des Nations Unies de revenir dans le pays et d’y opérer dans des conditions de sécurité ? Les tâches que l’on demandait aux fonctionnaires des Nations Unies d’exécuter étaient-elles suffisamment importantes pour qu’ils risquent leur vie ? Et est-ce que les menaces contre le personnel des Nations Unies et autre personnel international étaient la principale difficulté que le Conseil de sécurité rencontrait en Irak, ou bien est-ce qu’elles étaient un symptôme d’un problème beaucoup plus profond ayant de graves implications pour l’avenir du pays et de la région en général ?
26. En examinant ces questions, j’étais également conscient de la réalité, à savoir que les relations entre l’ONU et le peuple Irakien ont de nombreuses facettes. Treize années de sanctions et d’inspections d’armes imposées à l’Irak peuvent avoir produit des sentiments ambivalents envers l’Organisation des Nations Unies. Il reste beaucoup à faire pour modifier ce sentiment général, même s’il est mal avisé, pour obtenir la confiance et la bonne volonté des Irakiens.
C. Groupe d’enquête indépendant sur la sécurité et la sûreté du personnel des Nations Unies en Irak
27. En reconnaissant que l’attaque du 19 août était un moment crucial dans l’histoire de l’Organisation des Nations Unies, et qu’elle soulevait des questions au sujet de l’ampleur de la présence des Nations Unies en Irak dans l’avenir prévisible, j’ai nommé le 22 septembre un Groupe d’enquête indépendant sur la sécurité et la sûreté du personnel des Nations Unies en Irak. Sous la direction de Martti Ahtisaari, ex-Président finlandais, le Groupe avait notamment pour tâche d’examiner l’efficacité de la sécurité, de la gestion et des pratiques des Nations Unies avant l’attaque, les circonstances de l’attaque elle-même et les mesures prises par différentes parties immédiatement après. Le Groupe a fait des recommandations en vue d’améliorer la sécurité et la sûreté du personnel des Nations Unies en Irak et dans d’autres théâtres d’opérations similaires.
28. Le Groupe a soumis son rapport le 20 octobre. Il a conclu qu’il n’y avait aucun endroit sans risques en Irak et qu’une nouvelle approche en matière de sécurité était nécessaire pour assurer la sécurité du personnel dans un tel environnement à haut risque. Il a également estimé que le système de gestion de la sécurité des Nations Unies avait besoin d’une réforme radicale, surtout si l’on tient compte du nouveau type de menace qui est posé en Irak - et peut-être ailleurs. Il a recommandé qu’il y ait une vérification séparée et indépendante et une procédure de responsabilisation afin d’examiner les responsabilités des principaux fonctionnaires dans les processus de décision sur les questions de sécurité avant l’attaque du 19 août. Par conséquent, j’ai créé le 4 novembre une équipe dirigée par Gerald Walzer, ancien Haut Commissaire adjoint pour les réfugiés, afin de déterminer les responsabilités à tous les niveaux de direction au Siège et sur le terrain en ce qui concerne les décisions pertinentes prises avant l’attaque du 19 août. L’équipe a été priée de me présenter ses conclusions dans les délais les plus brefs possible.
D. Autres événements ayant entraîné une nouvelle réduction du personnel international
29. Entre-temps, le 22 septembre également, une deuxième attaque-suicide a été lancée contre le siège des Nations Unies au Canal Hotel à Bagdad, provoquant la mort d’un policier Irakien et blessant plusieurs autres personnes qui assuraient la protection de l’enceinte. Deux membres du personnel national des Nations Unies étaient au nombre des blessés.
30. Le mois d’octobre a été marqué par une série de nouvelles attaques bien planifiées et efficaces. Le 9 octobre, un diplomate espagnol a été assassiné devant sa résidence. Le 12 octobre, une voiture piégée a explosé près du Bagdad Hotel, à deux kilomètres à peine des bâtiments de l’UNICEF et du PNUD à Bagdad. Le 14 octobre, une bombe a explosé près de la mission diplomatique turque à Bagdad. Le 26 octobre, l’hôtel Al-Rashid, situé à l’intérieur de la " Zone verte " a été la cible de roquettes. Le lendemain, qui était le premier jour du ramadan, Bagdad a été secouée par une série d’explosions de bombes pratiquement simultanées qui ont fait plus de 30 morts et plus de 200 blessés. La première et la plus importante, un attentat-suicide, visait le siège du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Deux employés Irakiens du CICR ont été tués. Dix personnes qui se trouvaient dans les environs auraient également été tuées et 22 autres blessées. L’explosion a causé des dégâts importants à l’intérieur du bâtiment du CICR.
31. Ces incidents, ainsi que d’autres dirigés contres des organisations civiles étrangères, venant s’ajouter aux conclusions du Groupe dirigé par l’ex-Président finlandais Ahtisaari, m’ont incité à réduire davantage la présence internationale des Nations Unies en Irak au cours des mois de septembre et d’octobre, y compris le retrait de Bagdad du personnel chargé du programme international à la suite de l’attaque du 22 septembre. Cette période de repli a abouti à ma décision, prise le 4 novembre 2003, de retirer temporairement tout le personnel international des Nations Unies de Bagdad, en attendant les résultats d’une étude détaillée sur les opérations des Nations Unies en Irak et leurs implications en matière de sécurité, avec uniquement une petite équipe essentielle de personnel international à Erbil.
32. Une série d’attaques récentes bien orchestrées contre les forces de la Coalition et des membres de la communauté diplomatique montrent que les insurgés ont diversifié leurs cibles. Dix-neuf Italiens, dont 12 carabinieri, ont été tués lors d’un attentat-suicide à la bombe à Nassiriya le 12 novembre, sept officiers du renseignement espagnols ont été tués le 19 novembre, deux diplomates japonais et un entrepreneur colombien ont été tués le 29 novembre, et deux entrepreneurs de la République de Corée ont été tués le 30 novembre.
IV. Poursuite après le 19 août des opérations de secours et de relèvement des Nations Unies et planification de la reconstruction
33. Malgré la destruction du bureau du Représentant spécial lors de l’attentat du 19 août et malgré la réinstallation du personnel international de l’Organisation à l’extérieur du pays, une bonne partie des activités prévues se sont poursuivies, et cela surtout dans les domaines a) de l’aide humanitaire et des travaux urgents de relèvement ; b) du travail d’évaluation des besoins de restauration et de la Conférence de Madrid, et c) de l’achèvement du programme " pétrole contre nourriture ". Ces trois domaines sont examinés ci-dessous.
A. Assistance humanitaire et travaux urgents de relèvement
34. Après avoir substantiellement réduit leur effectif international à la suite de l’attentat du 19 août, les organismes des Nations Unies ont tout fait pour maintenir l’assistance la plus immédiatement indispensable tout en réduisant les risques que courait leur personnel resté sur place. Les difficultés se sont aggravées quand le personnel international restant a dû quitter Bagdad après l’attentat du 22 septembre. Certaines activités ont dû être réduites ou reportées et beaucoup d’initiatives nouvelles prévues pour l’été mises en attente.
35. Malgré la réduction très prononcée de la présence internationale en Irak, les organismes et programmes des Nations Unies ont réussi à poursuivre des activités essentielles très diverses dans toutes les régions du pays. Ils n’ont pu le faire que grâce surtout au dévouement et au courage indéfectibles de notre personnel national dans les 18 provinces Irakiennes. Ce personnel a poursuivi l’exécution et le contrôle de la réalisation des programmes, travaillé en étroite collaboration avec les partenaires Irakiens et internationaux et est resté en étroites relations avec les fonctionnaires internationaux des Nations Unies installés dans les pays voisins. Beaucoup d’organismes ont remis en usage les procédures et les méthodes de travail qu’ils avaient adoptées quand le personnel international, évacué d’Irak, se trouvait à l’extérieur du pays dans la deuxième moitié de mars et d’avril. Ils ont tiré profit de l’expérience acquise dans d’autres situations d’urgence dans le monde, pour lesquelles il avait fallu soutenir de l’extérieur, les opérations de secours à cause des conditions de sécurité qui régnaient dans le pays concerné et cela souvent pendant de longues périodes.
36. Après les attentats des 19 août et 22 septembre, le personnel international a quitté Bagdad, Bassorah et les autres bureaux régionaux pour s’installer dans les pays voisins, notamment en Jordanie et au Koweït, d’où il a pu continuer de soutenir les opérations d’assistance en Irak même. Plusieurs organismes des Nations Unies ont agi à travers les frontières à partir de la République islamique d’Iran, du Koweït, de l’Arabie saoudite, de la Jordanie et de la République arabe syrienne, et livré des fournitures essentielles à leurs homologues Irakiens dans tout le pays. Le personnel international a pu assurer la logistique et le soutien administratif, ainsi que la direction au jour le jour du travail du personnel national. Organismes et programmes ont rencontré régulièrement l’Autorité et des hauts fonctionnaires Irakiens, soit dans la région, soit à leurs propres sièges, rencontres qui couvraient notamment des entretiens approfondis à propos de l’achèvement du programme " pétrole contre nourriture ", des stages de formation et d’autres réunions techniques qui visaient à doter des ministères et les autres institutions Irakiennes de nouvelles capacités. Il y a eu ainsi des tables rondes avec des fonctionnaires, des universitaires et d’autres représentants de la société civile sur les thèmes de l’égalité des sexes et de l’environnement.
37. Pendant toute la période, l’appui au système public de distribution, qui est le moyen de subsistance de millions d’Irakiens, est resté prioritaire. L’importance des distributions dans les circonstances actuelles a été confirmée par l’évaluation des récoltes, des approvisionnements alimentaires et de l’état nutritionnel à laquelle ont procédé l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le PAM. Leur rapport, publié le 23 septembre, indique bien que la production vivrière a augmenté dans le pays mais il montre aussi clairement que des millions d’Irakiens n’ont pas d’autre source de nourriture que les rations du système public de distribution. Pour soutenir celui-ci, le PAM a livré depuis le début de ses opérations en avril plus de 2 millions de tonnes de denrées aux entrepôts du Ministère du commerce de tout le pays, ce qui constitue un appoint vivrier suffisant pour l’ensemble de la population Irakienne.
38. Les distributions de rations resteront un apport vital à court et moyen terme, mais les organismes ont aussi concentré leurs efforts sur l’aide à l’agriculture et à la production vivrière interne. Grâce aux fonds du programme " pétrole contre nourriture ", la FAO a fourni des volumes importants d’intrants agricoles nécessaires d’urgence et a contrôlé l’achat de semences de blé et d’orge de grande qualité destinées aux cultivateurs Irakiens. À Bassorah, son intervention a consisté à répondre aux besoins des foyers d’agriculteurs vulnérables, notamment ceux où le chef de ménage est une femme, et à remettre en état les réseaux d’irrigation dans les zones touchées par la guerre.
39. Parmi les autres domaines prioritaires visés dans la version révisée de l’appel humanitaire du 23 juin, il y avait celui de la santé et celui de l’eau et de l’assainissement. L’une des grandes priorités après le 19 août, surtout pour l’UNICEF et l’OMS, a été la poursuite des opérations essentielles dans ces deux domaines. L’UNICEF a continué de livrer en moyenne 15 millions de litres d’eau par jour et de participer à la remise en état des stations de traitement de l’eau et d’épuration des eaux usées, des stations de pompage et des réseaux d’adduction. Elle a également fourni des carburants, du chlorure gazeux et d’autres fournitures aux services de distribution et d’assainissement de Bagdad et des autres régions. Dans le cadre du programme " pétrole contre nourriture ", le Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets est chargé de l’amélioration des réseaux d’adduction d’eau et d’assainissement des trois principaux centres urbains des gouvernorats du nord. À la fin du programme, le 21 novembre 2003, le Bureau avait achevé l’élaboration des plans directeurs et réalisé six projets urgents de distribution d’eau.
40. Dans le domaine de la santé, l’OMS a poursuivi son étroite collaboration avec le Ministère de la santé dans des domaines très variés, notamment la veille sanitaire, la lutte contre les maladies contagieuses, le diagnostic sanitaire des populations et de l’environnement, la création de capacités et la livraison de fournitures médicales. On peut citer plus précisément le soutien apporté aux postes de veille sanitaire du Ministère de la santé et la production d’une liste de points à vérifier en matière de santé publique, qui aborde les questions qui pourraient se poser et dont l’évolution pourrait être suivie de concert avec le Ministère de la santé. Pour lutter contre les maladies contagieuses, l’OMS a fourni des médicaments et des appareils de diagnostic, traité les moustiquaires et soutenu les opérations de pulvérisation et de brumisage pour combattre les vecteurs de la leishmaniose et du paludisme.
41. L’UNICEF a joué un rôle décisif par son soutien à la campagne nationale de vaccination menée par le Ministère de la santé, qui a atteint environ un million d’enfants dans le seul mois de septembre. Il a également aidé le Ministère à renforcer les services de soins de santé maternelle et infantile en restaurant les dispensaires, en reconstruisant les salles d’accouchement et en poursuivant la formation des agents sanitaires. Le programme de nutrition spécifique a été relancé dans les dispensaires et les services communautaires de puériculture. L’UNICEF a également repris la surveillance à grande échelle de l’état nutritionnel des enfants.
42. L’ONU a fait aussi porter son action sur la restauration d’urgence des infrastructures et la création d’emplois. Le PNUD en particulier a procédé aux réparations urgentes sur les ouvrages électriques, à la remise en état des infrastructures exigeant beaucoup de main-d’oeuvre et au dragage et à l’enlèvement des épaves des cours d’eau Irakiens. Il a également accordé des microcrédits à des familles vulnérables.
43. Comme le prévoyait expressément la résolution 1483 (2003) du Conseil, l’ONU a aidé les réfugiés et les déplacés à revenir dans leurs foyers et à se réintégrer. Dans les circonstances qui prévalent actuellement, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) n’encourage pas les réfugiés à retourner spontanément en Irak. Il continue cependant, en coordination étroite avec les gouvernements d’accueil, de prodiguer son aide aux personnes qui insistent pour rentrer chez elles malgré la situation actuelle et dont le retour n’est pas litigieux. Il a aidé, par exemple, à rapatrier un groupe de 3 000 à 5 000 réfugiés du camp de Rafha en Arabie saoudite. Trois groupes de plus sont rentrés du Liban et, le 19 novembre, la première opération organisée de rapatriement librement consenti a commencé à partir de la République islamique d’Iran. L’aide au retour se limite pour l’instant à la présentation des demandes d’autorisation à l’Autorité et, en outre, à la fourniture de moyens de transport et d’articles de première nécessité non alimentaires.
44. Pendant l’été et l’automne, une bonne proportion des déplacés Irakiens, qui se comptent par centaines de milliers, a décidé de retourner dans ses foyers. À l’heure actuelle, certains déplacés vivent dans des tentes dressées près de leur maison détruite, d’autres ont réussi à se réinstaller dans leurs anciens logements, ce qui dans certains cas cause des tensions ou provoque de nouveaux déplacements. Depuis le début de l’été, le HCR aide les déplacés à rentrer dans les villages où la propriété des biens ne fait pas l’objet de litige. L’aide aux déplacés et l’évaluation constante de leurs besoins ainsi que le contrôle des mouvements internes de populations ont été entièrement assurés par l’Organisation internationale des migrations (OIM) et plusieurs ONG qui concentrent leurs activités sur les gouvernorats prioritaires.
45. Le soutien des réfugiés à l’intérieur même de l’Irak a été également prioritaire. Les réfugiés syriens sont actuellement enregistrés à Bagdad et ceux qui sont dans le besoin reçoivent une aide. Le HCR a eu des entretiens avec le Gouvernement turc et les autorités Irakiennes à propos de l’éventuel retour librement consenti des réfugiés turcs du nord de l’Irak, notamment du camp de Makhmour et de la région de Dohouk. On compte environ 80 000 réfugiés palestiniens en Irak, qui vivent pour la plupart à Bagdad. L’enregistrement de ces réfugiés, qui rencontrent de nouveaux problèmes par suite de la chute du régime antérieur, se poursuit. Quelque 400 familles palestiniennes chassées de leurs logements et qui vivent sous la tente dans un club sportif de la capitale reçoivent une aide. Plus d’une centaine de ces familles sont actuellement installées dans des locaux loués et l’on s’occupe de trouver des solutions convenables pour les autres familles évincées.
46. Pendant la période à l’examen, l’assistance de l’ONU s’est étendue aux domaines de l’éducation et de la culture. L’UNICEF soutient la distribution de fournitures scolaires à 3,3 millions d’élèves et à leurs enseignants dans plus de 8 700 écoles et appuie les travaux de restauration avant la fin de l’année d’environ 300 établissements. Trente-trois millions de manuels imprimés dans les pays voisins en voie d’être livrés aux Directions de l’éducation et 11 millions de manuels, en cours d’impression en Irak, devraient l’être pendant le premier trimestre de 2004. L’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a procédé à une étude générale des établissements d’enseignement secondaire, technique, professionnel et supérieur et des écoles normales du pays pour déterminer la hiérarchie des besoins et établir à l’intention des Ministères Irakiens de l’éducation et de l’enseignement supérieur une base de données scolaires qui permettra de reconstituer les dossiers d’information et les statistiques perdus pendant le conflit. Le personnel national a achevé l’inventaire numérisé de la collection du Muséum Irakien et participé à la restauration de l’Institut du patrimoine national.
47. L’Équipe des Nations Unies pour la coordination de l’action antimines, créée à Bagdad avec la participation de représentants du Service de la lutte antimines du secrétariat, du PNUD, de l’UNICEF et du PAM, a dirigé les activités des Nations Unies dans ce domaine particulier. En collaboration avec l’Équipe antimines de l’Autorité, l’ONU a aidé à mettre en place la Direction nationale de l’action antimines et le Centre Irakien de l’action antimines à Bagdad, ainsi que des centres régionaux à Erbil et Bassorah. À la fin d’octobre, 281 785 mines ou munitions non explosées avaient été détruites. Une campagne de sensibilisation aux dangers des mines a été entreprise dans les gouvernorats du sud et dans trois gouvernorats du nord.
B. Évaluation des besoins en matière de reconstruction et Conférence de Madrid
48. Le 23 octobre, j’ai assisté à l’ouverture de la Conférence internationale des donateurs pour la reconstruction de l’Irak à Madrid. Le document principal dont la Conférence était saisie était le rapport d’évaluation présenté conjointement par le Groupe des Nations Unies pour le développement et la Banque mondiale, avec l’assistance du Fonds monétaire international. Les consultations déjà engagées ou prévues avec les fonctionnaires Irakiens et les parties intéressées de la société civile à propos de l’évaluation des besoins ont été interrompues par l’attentat du 19 août, mais des entretiens approfondis ont eu lieu à la fin de septembre 2003 à Doubaï à propos d’un avant-projet d’évaluation avec des membres du Conseil de gouvernement, plusieurs ministres intérimaires et le Gouverneur de la Banque centrale Irakienne. Cet avant-projet couvrait 14 secteurs prioritaires où les besoins d’aide à la reconstruction étaient les plus urgents ; ils représenteraient 36 milliards de dollars pour la période 2004-2007.
49. La Conférence des donateurs de Madrid s’est tenue à l’invitation du Gouvernement espagnol agissant au nom de l’Union européenne, du Japon, des Émirats arabes unis et des États-Unis d’Amérique. Les représentants de 73 pays et de 20 institutions internationales y ont participé. À la fin de la Conférence, les participants ont annoncé des contributions sous forme de dons et de prêts dont le total s’élève à plus de 33 milliards de dollars jusqu’à la fin de 2007, dont 20 milliards annoncés par les États-Unis d’Amérique, 5,5 milliards de dons et de prêts de la Banque mondiale et du FMI et 5 milliards annoncés par le Japon.
50. Afin que ces versements soient coordonnés et que les contributions parviennent aux projets de reconstruction et de développement, l’ONU et la Banque mondiale ont été priées à Madrid de proposer les modalités de fonctionnement d’un fonds international pour la reconstruction de l’Irak. La facilité envisagée, qui tire profit des points forts et des avantages respectifs de l’Organisation et de la Banque mondiale, comprendra deux fonds d’affectation spéciale qui devraient être mis en place avant la fin de l’année, l’un par la Banque mondiale, l’autre par le Groupe des Nations Unies pour le développement. Le premier concentrera essentiellement ses moyens sur l’assistance technique, les études de faisabilité et l’infrastructure, alors que le second sera axé sur l’assistance technique dans certains secteurs, les projets à effet rapide et les activités de transition à lancer rapidement mais avec souplesse. Les commissions de surveillance de la facilité travailleront en étroite collaboration avec les autorités Irakiennes compétentes, afin que les activités financées soient réalisées autant que possible par les Irakiens eux-mêmes, ce qui permettrait de mettre en valeur durablement les capacités locales.
C. Achèvement du programme " pétrole contre nourriture "
51. Au paragraphe 16 de sa résolution 1483 (2003), le Conseil de sécurité m’a prié de mettre fin, suivant les modalités les plus économiques, avant le 21 novembre 2003, aux opérations actuelles du programme " pétrole contre nourriture ", au Siège et sur le terrain, en remettant la responsabilité de l’administration des activités restantes à l’Autorité.
52. Le Conseil de sécurité a reçu périodiquement du Bureau du Programme Irak des informations à jour sur l’achèvement progressif du Programme, la dernière étant datée du 19 novembre. Comme je l’ai dit le lendemain au Conseil de sécurité, l’Organisation peut être fière d’avoir rendu ce programme, l’une des tâches les plus vastes et les plus complexes jamais confiées au Secrétariat, de façon ordonnée, dans les délais et malgré les circonstances difficiles qui ont fait suite aux attentats lancés contre l’Organisation les 19 août et 22 septembre. Je tiens une fois encore à rendre hommage au personnel international et national qui a travaillé à sa réalisation.
53. Toutes les responsabilités qui restaient à assumer au titre du programme " pétrole contre nourriture " ont été déférées à l’Autorité mais celle-ci a demandé à plusieurs organismes des Nations Unies de lui prêter encore leur concours dans certains domaines qui en relevaient auparavant. C’est le cas par exemple du soutien technique et logistique qu’apporte le PAM au système public de distribution ou de l’appui fourni par l’OMS au Ministère de la santé.
D. Conseil international consultatif et de contrôle
54. Comme le prévoyaient le paragraphe 12 de la résolution 1483 (2003) et le paragraphe 23 de la résolution 1511 (2003) du Conseil de sécurité, les attributions du Conseil international consultatif et de contrôle ont été convenues entre les quatre institutions qui y siègent le 21 octobre ; le Conseil de sécurité en a pris note le 24 octobre. La première réunion d’organisation du Conseil doit se tenir le 5 décembre. Selon l’objectif fixé dans la résolution 1483 (2003) du Conseil de sécurité, plus précisément au paragraphe 14, le Conseil international consultatif et de contrôle veillera à ce que le Fonds de développement pour l’Irak soit utilisé dans la transparence et à ce que les ventes de pétrole, de produits pétroliers et de gaz naturel exportés d’Irak se fassent selon les meilleures méthodes en usage sur le marché international.
V. Principaux événements politiques survenus depuis le 19 août
55. Il s’est produit des événements politiques importants depuis le 19 août, surtout en ce qui concerne les dispositions de la résolution 1483 (2003) :
a) la nomination de ministres intérimaires et l’achèvement du rapport de la Commission constitutionnelle préparatoire ; b) l’adoption par le Conseil de sécurité de la résolution 1511 (2003) ; c) la conclusion d’un accord entre le Conseil de gouvernement de l’Irak et l’Autorité provisoire de la Coalition sur la transition politique.
A. Nomination de ministres intérimaires et travaux de la Commission constitutionnelle préparatoire
56. Le 1er septembre, le Conseil de gouvernement a annoncé la nomination de ministres intérimaires chargés de superviser les activités courantes de 25 ministères. De nouveaux ministères des droits de l’homme, de l’environnement, de l’immigration et des réfugiés, des affaires militaires, de l’électricité et des finances et des banques ont été créés et les ministères de la défense, de l’information, et de la dotation et des affaires religieuses ont été dissous. La composition du cabinet reflétait les orientations politiques et religieuses du Conseil de gouvernement, qui comprend une petite majorité chiite (13) et un nombre égal de Kurdes (5) et d’Arabes sunnites (5). Les minorités chrétienne et turkmène étaient aussi représentées. Une seule femme a été nommée ministre intérimaire (alors que le Conseil de gouvernement compte trois femmes). Le Cabinet a pris ses fonctions le 3 septembre après avoir prêté serment devant Ibrahim al-Ja’afari, Jalal Talabani et Ahmad Chalabi, membres du Conseil de gouvernement. Les nouveaux ministres devaient coopérer avec le Conseil de gouvernement et un conseiller nommé par l’Autorité provisoire de la Coalition devait rester en poste dans chaque ministère.
57. Parallèlement, le Conseil de gouvernement s’est efforcé de nouer des contacts avec les pays voisins et ceux de la région, ainsi qu’avec des organisations internationales et régionales. Le 9 septembre, le Ministre intérimaire des affaires étrangères, M. Hoshyar Zebari, a représenté l’Irak à une réunion des ministres des affaires étrangères des pays de la Ligue des États arabes qui s’est tenue au Caire. La Ligue des États arabes a accepté de reconnaître le Ministre intérimaire des affaires étrangères pour un an, mais a aussi reçu à son siège, au Caire, une délégation d’Irakiens pour lesquels le Conseil de gouvernement ne pouvait légitimement représenter l’Irak. De même, au cours du sommet de l’Organisation de la Conférence islamique qui s’est tenu en Malaisie, le Président de la Malaisie a reçu le Président par intérim du Conseil de gouvernement, mais aussi des Irakiens représentant des groupes n’appartenant pas au Conseil de gouvernement. Le 2 octobre, le Président par intérim du Conseil de gouvernement a pris la parole à l’Assemblée générale des Nations Unies au nom du Conseil, et aucun État Membre n’a soulevé d’objection.
58. Le 20 septembre, Mme Akila al-Hashimi, une des trois femmes membres du Conseil de gouvernement, a été assassinée, ce qui a bien mis en évidence les graves dangers que courraient les Irakiens qui prenaient part au processus mené sous l’égide de l’Autorité provisoire de la Coalition. Depuis, les membres du Conseil de gouvernement, les ministres intérimaires et les représentants des autorités au niveau des gouvernorats et des municipalités ont continué de faire l’objet de menaces et d’attentats. Ainsi, le vice-maire de Bagdad, M. Faris Al-Assam, a été assassiné le 26 octobre.
59. Étant donné ce climat de violence persistante, j’ai dit aux États Membres - d’abord à l’occasion d’une réunion avec les ministres des affaires étrangères des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, qui s’est tenue à Genève le 13 septembre, puis lors de rencontres avec d’autres membres du Conseil de sécurité et des pays voisins de l’Irak, notamment des rencontres de haut niveau en marge du débat général de l’Assemblée générale à la fin septembre - que la situation en Irak était loin d’être propice, dans l’immédiat, à l’organisation de consultations nationales générales concernant une nouvelle constitution ou à la tenue d’élections. L’Organisation des Nations Unies savait, pour en avoir fait l’expérience dans diverses situations d’après conflit, qu’en voulant enclencher des processus aussi importants prématurément et dans de mauvaises conditions, on risquait d’accentuer encore les clivages plutôt que d’amener l’ensemble du pays à reconnaître comme siennes les nouvelles dispositions constitutionnelles et de conférer une complète légitimité à ces dispositions. Toutefois, prolonger l’occupation de l’Irak pour que ces processus puissent être menés à bonne fin n’était pas non plus une bonne solution, et risquait d’ailleurs de ne pas être possible.
60. Pour toutes ces raisons, j’ai préconisé que l’on envisage de dissocier les processus constitutionnel et électoral de la formation d’un gouvernement Irakien provisoire mais souverain, pour que l’occupation puisse prendre fin au plus vite. J’ai demandé aux membres du Conseil de sécurité que, quel que soit le rôle qu’ils envisageaient de confier à l’Organisation des Nations Unies dans le cadre du processus de transition politique, ils tiennent compte des événements et des conditions de sécurité qui avaient conduit au retrait du personnel international de l’Organisation.
61. La Commission constitutionnelle préparatoire, formée le 11 août, est parvenue à des conclusions concernant les modalités possibles de rédaction et d’adoption d’une nouvelle constitution Irakienne. Dans le rapport qu’elle a présenté au Conseil de gouvernement le 30 septembre, elle a recommandé que le projet de constitution soit rédigé par un organe élu au scrutin direct (une conférence constitutionnelle) et que, par la suite, soit soumis à l’ensemble de la population dans le cadre d’un référendum général. Elle a préconisé que l’on demande à l’Organisation des Nations Unies de superviser l’élection des membres de la Conférence constitutionnelle. Tout en se rendant compte que cette démarche demanderait au moins un à deux ans, la Commission la trouvait préférable à d’autres plus rapides - par exemple la rédaction de la constitution par un organe dont les membres seraient nommés ou élus en partie seulement - car elle permettrait à l’ensemble du pays de reconnaître véritablement comme sien le produit final.
B. Adoption de la résolution 1511 (2003)
62. Le 16 octobre, le Conseil de sécurité a adopté à l’unanimité sa résolution 1511 (2003). Pour rappel, les paragraphes 7, 9, 10 et 11 en particulier contenaient des dispositions importantes pour les futures activités politiques de l’ONU en Irak. J’ai été particulièrement reconnaissant aux auteurs de la résolution d’avoir introduit dans le texte les termes " si les circonstances le permettent " à propos de l’exécution des projets initiaux de la MINUA et de l’élaboration et de l’application d’un calendrier et d’un programme pour la rédaction d’une nouvelle constitution et la tenue d’élections, avec le soutien de l’ONU si le Conseil de gouvernement de l’Irak en faisait la demande. Ils ont ainsi tenu compte du fait que je voulais éviter que l’Organisation ne soit chargée de tâches qu’elle ne pourrait pas mener à bien.
63. Comme je l’ai dit à plusieurs reprises et à différentes tribunes, pour que l’action des Nations Unies soit efficace, il faut tout d’abord prendre les mesures voulues pour assurer la sécurité du personnel. J’ai dit aussi que pour pouvoir jouer un rôle efficace dans le processus politique, l’ONU devait avoir l’appui de tous les membres du Conseil de gouvernement, des principales personnalités Irakiennes extérieures au Conseil, des puissances occupantes, des principaux États de la région, d’un Conseil de sécurité uni et des principaux pays donateurs.
C. Accord du 15 novembre sur le processus politique
64. Le 15 novembre 2003, M. Jalal Talabani, alors Président du Conseil de gouvernement, et les Ambassadeurs L. Paul Bremer et David Richmond, au nom de l’Autorité provisoire de la Coalition, ont conclu un accord sur le calendrier et le programme pour la rédaction d’une nouvelle constitution et la tenue d’élections conformément à cette constitution - documents que le Conseil de sécurité avait, au paragraphe 7 de sa résolution 1511 (2003), demandé à recevoir, pour examen, au plus tard le 15 décembre - et sur les dispositions qui seraient prises pour restituer intégralement au peuple Irakien, au plus tard le 1er juillet 2004, la responsabilité de gouverner l’Irak. Le Secrétaire d’État des États-Unis, Colin Powell, Sir Jeremy Greenstock, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, et M. Jalal Talabani, m’ont chacun appelé pour m’informer de ce qui avait été convenu. Bien que l’accord du 15 novembre ne fasse pas expressément référence à un éventuel rôle de l’Organisation des Nations Unies, tous - en particulier M. Talabani - m’ont dit souhaiter que l’ONU prenne une part active à son application.
65. En bref, l’accord du 15 novembre prévoit des collèges électoraux qui se réuniront dans les 18 gouvernorats de l’Irak sous la supervision de l’Autorité provisoire de la Coalition, éliront une " Assemblée nationale de transition " au plus tard le 31 mai 2004, et que cette assemblée élira les membres de l’exécutif et nommera les ministres. Au plus tard le 30 juin 2004, l’Autorité provisoire de la Coalition transférera intégralement à la nouvelle administration de transition - dont les pouvoirs et la structure seront définis dans une " loi fondamentale " devant être approuvée par l’Autorité et le Conseil de gouvernement le 28 février 2004 au plus tard - la responsabilité de gouverner l’Irak. L’Autorité et le Conseil de gouvernement seront alors dissous. L’accord contient aussi un calendrier précis pour le processus constitutionnel qui sera fixé dans la loi fondamentale, les élections à la conférence constitutionnelle devant se tenir le 15 mars 2005 au plus tard et le référendum populaire devant être organisé pour l’adoption de la constitution. L’élection du nouveau gouvernement prévu par la constitution devra avoir lieu le 31 décembre 2005 au plus tard, et la loi fondamentale viendra à expiration à ce moment. En ce qui concerne la sécurité, le document du 15 novembre prévoit la signature entre l’Autorité provisoire de la Coalition et le Conseil de gouvernement, au plus tard à la fin mars 2004, d’un accord de sécurité portant surtout sur le statut des forces de la Coalition en Irak.
66. On se souviendra que le 21 novembre, le Représentant permanent des États-Unis d’Amérique a exposé plus en détail aux membres du Conseil de sécurité les dispositions de l’accord politique du 15 novembre (voir S/PV.4869).
67. On se souviendra aussi que dans une lettre adressée au Président du Conseil de sécurité le 23 novembre, M. Talabani a officiellement communiqué au Conseil la réponse du Conseil de gouvernement à la demande figurant au paragraphe 7 de la résolution 1511 (2003). Le calendrier et le programme pour la rédaction d’une nouvelle constitution et l’élection d’un nouveau gouvernement qui étaient présentés dans cette lettre étaient ceux que prévoit l’accord du 15 novembre, bien qu’il ne soit pas fait référence à cet accord. M. Talabani réaffirmait aussi un certain nombre de principes qui figurer dans la loi fondamentale - laquelle devait être élaborée par le Conseil de gouvernement - notamment la création d’un système fédéral démocratique multilatéral unifié qui respecte l’identité musulmane de la majorité des Irakiens tout en garantissant les droits des autres religions et sectes.
68. Peu après que M. Talabani eut envoyé sa lettre, le Grand ayatollah Ali al-Sistani a exprimé certaines préoccupations concernant l’élection des membres de l’assemblée nationale de transition par des collèges électoraux et indiqué qu’un scrutin direct serait selon lui préférable. La question continue d’être examinée au sein du Conseil de gouvernement, ainsi que par le Conseil avec d’autres dirigeants Irakiens et avec l’Autorité provisoire de la Coalition.
VI. L’avenir des activités des Nations Unies en Irak
69. L’évolution récente de la transition politique pourrait avoir des incidences importantes sur le rôle que les Nations Unies joueront en Irak. Comme la mise en place du gouvernement de transition souverain est prévue pour le 30 juin 2004 au plus tard, il me faut envisager les activités que les Nations Unies pourraient jouer dès à présent, sans attendre la formation de ce gouvernement.
70. L’assistance humanitaire, le relèvement d’urgence, l’assistance technique aux ministères chargés de ces questions et le lancement des activités de reconstruction les plus importantes ne peuvent et ne doivent pas attendre. Certains besoins pressants doivent être satisfaits d’urgence. Qui plus est, les programmes mis en place pour répondre à ces besoins pourraient créer des conditions plus favorables pour les processus politiques encore à venir. Il y a énormément de choses à faire dans l’immédiat et, comme je l’ai expliqué en détail plus haut, les organismes, fonds et programmes des Nations Unies continuent de jouer un rôle très actif, selon les demandes de leurs homologues Irakiens et en étroite collaboration avec eux, ainsi qu’en étroite consultation avec l’Autorité provisoire de la Coalition. L’Organisation des Nations Unies pourrait progressivement renforcer son action, comme prévu au paragraphe 8 de la résolution 1511 (2003) du Conseil de sécurité, pourvu que les circonstances le permettent.
71. Il convient aussi de souligner que la société civile, en particulier les organisations qui s’occupent des droits de l’homme, les associations de femmes et les médias, ont un rôle important à jouer dans la concertation politique relative à l’avenir du pays. Les Nations Unies ont beaucoup d’expérience et de compétences en matière d’appui à la société civile. Comme je l’ai dit au paragraphe 98 de mon rapport du 17 juillet 2003, ce devait être là un des principaux domaines d’activités de la MANUI. Il faut trouver les moyens de permettre à la Mission et aux organismes des Nations Unies de jouer ce rôle aussi efficacement que possible et dès que possible, pourvu que les circonstances le permettent.
72. Sur le plan politique, dans le court à moyen terme, il reste à voir si les Irakiens et l’Autorité provisoire de la Coalition souhaitent que les Nations Unies jouent un rôle dans la formation de l’Assemblée nationale de transition d’ici au 31 mai 2004, et quel serait ce rôle, quel pourrait être le degré d’implication des Nations Unies, compte tenu des risques évidents sur le plan de la sécurité, et si, dans les circonstances actuelles, les Nations Unies pourraient jouer un rôle efficace si on faisait appel à elles. Il faudrait pouvoir se faire une idée claire de ce que l’on attendra éventuellement des Nations Unies ainsi que des nouvelles responsabilités respectives.
73. Dans une lettre du 10 novembre, M. Jalal Talabani, alors Président du Conseil de gouvernement, m’a instamment demandé d’envisager de nommer un nouveau Représentant spécial pour l’Irak, lequel ne serait pas nécessairement en poste en Irak mais se rendrait régulièrement dans le pays lorsque sa présence serait nécessaire pour des consultations. Le 21 novembre, j’ai répondu à M. Talabani que je restais déterminé à ce que les Nations Unies continuent d’aider le peuple Irakien, tant de l’intérieur que de l’extérieur, selon que les circonstances le permettraient. Je lui ai aussi fait savoir que je comptais nommer un Représentant spécial pour l’Irak assez prochainement.
74. Il convient de rappeler que dans plusieurs de ses résolutions, le Conseil de sécurité a, comme moi, souligné que non seulement les Nations Unies, mais aussi le reste de la communauté internationale, notamment les pays de la région et les organisations régionales, devaient aider à faire progresser rapidement le processus de transition en Irak.
75. C’est pourquoi j’accueille avec satisfaction la réunion des ministres des affaires étrangères des pays de la région qui s’est tenue à Damas les 1er et 2 novembre et suis favorable à d’autres réunions de ce type. Par ailleurs, j’ai créé un groupe consultatif sur l’Irak, composé de représentants des pays voisins, de l’Égypte et de membres du Conseil de sécurité, dans le but d’engager un dialogue informel et de voir si nous pourrions arrêter ensemble des prémisses à partir desquelles aborder la situation en Irak. Je compte aussi intensifier les contacts entre l’ONU et les pays et organisations de la région afin de renforcer la confiance à trois niveaux : entre l’Irak et ses voisins, entre les pays de la région et entre la région et le reste de la communauté internationale.
76. À plus long terme, si les Irakiens en font la demande et si les circonstances le permettent, l’Organisation des Nations Unies mettra ses compétences à la disposition du peuple Irakien, comme prévu dans la résolution 1511 (2003), pour faciliter les processus constitutionnel et électoral qui devraient se dérouler au cours de la deuxième moitié de 2004 et tout au long de 2005.
77. L’ONU a beaucoup d’expérience en matière d’assistance technique et d’organisation d’élections transitoires. Elle a l’habitude de fournir une assistance électorale à divers niveaux. Premièrement, pour la création du cadre juridique nécessaire, notamment la définition du système électoral, en particulier le type d’organes à élire et la représentation au sein de ces organes ; les conditions à remplir pour voter et être éligible et l’autorité ou les autorités responsables du processus. Deuxièmement, pour la création d’une administration électorale, qui nécessite la mise en place de bureaux, le recrutement de personnel et l’élaboration de procédures. Troisièmement, pour la préparation, la planification et la conduite des diverses opérations électorales, notamment la création d’un registre d’électeurs, l’enregistrement des partis politiques et des candidats, l’éducation civique, le scrutin, le comptage des voix et l’annonce des résultats.
78. Pour que les élections générales soient crédibles, il faudra peut-être qu’une assistance soit apportée à ces trois niveaux. Toutefois, pour que l’on puisse déterminer quelle assistance électorale l’ONU apportera, il faut d’abord que les États Membres adressent une demande précise à l’Organisation, et que celle-ci lance une mission d’évaluation des besoins, comme elle a coutume de le faire. C’est sur la base de l’évaluation des besoins qu’une recommandation est faite quant au type d’assistance qui sera éventuellement apportée, suivant la situation du pays demandeur.
79. La constitution d’une nation doit énoncer les principes essentiels sur lesquels elle se fonde, notamment définir ses pouvoirs souverains et la façon dont elle entend les exercer. Il s’ensuit que ce document doit être l’oeuvre du seul peuple Irakien, qui doit pleinement la reconnaître comme sienne. La constitution doit tenir compte des vues et des aspirations de tous les Irakiens sur les questions importantes, notamment la structure du gouvernement et le rôle de la religion, et définir une série de droits et de principes fondamentaux qui régiront l’existence des Irakiens.
80. Mon regretté Représentant spécial avait commencé à faire part au peuple Irakien des enseignements tirés de l’appui fourni par l’ONU à divers pays sortis de conflits qui devaient se doter d’une nouvelle constitution, afin de les aider à décider sur la base d’une information suffisante de la façon de procéder pour que le processus soit véritablement participatif. L’ONU est prête à mobiliser ses ressources pour faciliter un processus constitutionnel obéissant à une logique interne, une fois que les travaux de rédaction d’une constitution permanente commenceront.
81. Quelle que soit la contribution directe de l’ONU au processus politique, dans l’immédiat ou à long terme, il est clair que les possibilités abondent pour que les Nations Unies continuent à jouer un rôle important en Irak. Le plus important est d’élaborer un plan d’action détaillé qui tienne compte des conditions devant être réunies pour qu’elles puissent jouer efficacement le rôle qui leur est confié, tant dans le pays qu’en dehors. Il serait bon que les institutions politiques Irakiennes qui se remettent en place et l’Autorité provisoire de la Coalition indiquent clairement la façon dont la MANUI pourrait se rendre utile pendant la transition.
82. C’est dans cette perspective qu’un exercice de planification précise a été mis en route lors d’une réunion qui s’est tenue à Nicosie, à Chypre, du 11 au 15 novembre, avec la participation de représentants de 20 départements du Secrétariat et organismes, fonds et programmes des Nations Unies, y compris des membres de l’équipe de pays des Nations Unies pour l’Irak et de la MANUI. La réunion de Nicosie et les débats qui ont suivi au Siège ont abouti à un plan d’activités en Irak pour le court à moyen terme, portant sur : a) la sécurité ; b) le déploiement de la MANUI et c) les critères devant régir les modifications de la stratégie des Nations Unies pour les secours, le relèvement et la reconstruction en Irak en 2004.
A. Sécurité
83. Aux fins de planification, les hypothèses qui ont sous-tendu l’examen de fond du programme d’activités des Nations Unies en Irak ont été les suivantes :
a) La situation au regard de la sécurité ne s’améliorera probablement pas à court terme, et pourrait encore se dégrader ;
b) Pour l’avenir prévisible, les Nations Unies resteront une cible prisée en Irak, les activités terroristes les visant pouvant avoir un grand retentissement.
84. Le Coordonnateur des Nations Unies par intérim pour les questions de sécurité a estimé que les risques auxquels s’expose à l’heure actuelle le personnel des Nations Unies en Irak étaient " élevés " à " critiques " (correspondant aux phases de sécurité IV/V), mais qu’avec le temps l’amélioration progressive de la situation de la sécurité en conjonction avec la réalisation intégrale de toute une gamme de mesures de protection pourraient les ramener de " moyens " à " élevés " (phases de sécurité III/IV). Les mesures en question sont notamment les suivantes :
a) Protection dans l’ensemble du pays par une force armée spécialement attachée au personnel des Nations Unies, très mobile, soudée, à réaction rapide ;
b) Élaboration et application intégrale de normes minimales de sécurité de fonctionnement, comprenant des plans et des procédures de sécurité, et des améliorations substantielles des bâtiments (bureaux et logements). Aucun des bâtiments des Nations Unies en Irak ne répond encore entièrement à de telles normes ;
c) Mise en place d’une structure de direction et de coordination de la sécurité, efficace, dotée de personnel entraîné et de matériel, avec des liaisons d’excellente qualité avec les sources d’information et les moyens voulus pour analyser les informations correspondantes ;
d) Formation du personnel de tout niveau aux questions de sécurité ;
e) Composante de soutien médical d’urgence hautement qualifiée et dotée de moyens de réaction rapide ;
f) Véhicules protégés ;
g) Stratégie d’information ambitieuse et étendue, en phase sur les considérations de sécurité et expliquant clairement (aux personnes non informées) le rôle, les moyens et les objectifs des Nations Unies.
85. Les mesures strictes recommandées par les professionnels de la sécurité aux Nations Unies correspondent à la lettre et à l’esprit des conclusions du Groupe d’enquête indépendant sur la sécurité et la sûreté du personnel des Nations Unies en Irak. Mais elles prendront plusieurs mois à instituer et auront pour effet de restreindre celles des activités des Nations Unies qui exigent que le personnel soit accessible et se déplace dans l’ensemble du pays pour rencontrer les partenaires nationaux et les bénéficiaires.
86. Les mesures de protection recommandées auront des incidences financières substantielles, surtout pour ce qui est de la mise en conformité des installations aux normes minimales pour ce qui est de fournir le matériel de l’importance voulue, de continuer à assurer la sûreté de l’accès par voie aérienne (actuellement rendu possible grâce à un avion militaire belge équipé de protections), et de déployer les agents de sécurité supplémentaires et les spécialistes des questions logistiques qui dirigeront les travaux de construction.
87. Le nombre de postes étant limité et les besoins en matière de sécurité étant ce qu’ils sont à l’échelle mondiale, le Coordonnateur des Nations Unies pour les questions de sécurité ne peut à l’heure actuelle nommer que deux coordonnateurs des mesures de sécurité sur le terrain pour l’Irak. Des contributions volontaires des États Membres au Fonds d’affectation spéciale pour la sécurité des fonctionnaires des Nations Unies permettent de financer quatre autres postes de coordonnateurs des mesures de sécurité sur le terrain. Les sommes en question servent à couvrir des dépenses de personnel, de matériel et de fonctionnement. Pour ramener la sécurité à un niveau qui permette le retour en Irak de fonctionnaires recrutés sur le plan international en nombre notable, il faudrait au minimum 19 coordonnateurs des mesures de sécurité sur le terrain, un centre d’information pour les opérations de sécurité et un centre de formation. Il faut aussi des formateurs supplémentaires pour la formation spéciale qu’il sera nécessaire de dispenser à l’ensemble du personnel des Nations Unies avant son retour en Irak pour qu’il soit à même de faire face aux risques élevés de cette situation. Le Coordonnateur des Nations Unies pour les questions de sécurité continue, avec l’aide de mon Représentant spécial par intérim, à rechercher des contributions volontaires pour pourvoir à ces nécessités.
88. En outre, à chaque étape de ce processus, il faudra des discussions détaillées avec les forces de la coalition ou la force multinationale pour savoir comment elles évaluent ce qui est faisable au plan opérationnel. Il faudrait à terme des accords en bonne et due forme entre les Nations Unies et l’Autorité provisoire de la coalition concernant la protection, les échanges d’informations, les évacuations médicales d’urgence et au besoin, l’utilisation éventuelle des équipements de la coalition ou de la Force multinationale.
89. En résumé, il faudra beaucoup de temps et d’argent pour créer les conditions de sécurité nécessaires. Il est donc, dans ces circonstances, difficile d’envisager que dans un avenir proche les Nations Unies aient en Irak un nombre important de fonctionnaires recrutés sur le plan international, à moins que la situation globale de la sécurité ne s’améliore fortement, ce qui serait inattendu.
90. En conséquence, les Nations Unies devront, au cours des prochains mois, compter au maximum sur le personnel recruté dans le pays pour exécuter les programmes qui y sont réalisés - dans la mesure où il le pourra compte tenu de la sécurité et des autres conditions qui y prévaudront.
91. Il restera ardu pendant quelque temps d’assurer la sécurité et la sûreté du personnel, tandis que les organismes des Nations Unies poursuivent les activités essentielles d’assistance sur le terrain. Un élément central de cet effort consistera à mettre en place des installations sécurisées et d’autres mesures d’amélioration de la protection physique. Mais il est manifeste aussi que l’Organisation des Nations Unies, avec tous ses organismes, fonds et programmes, devra repenser ses modes de fonctionnement. La capacité internationale des Nations Unies en Irak restera limitée par les contraintes de sécurité, tout du moins à court et moyen terme. Les organismes des Nations Unies devront donc oeuvrer en liaison plus étroite que jamais entre eux, pour tirer le meilleur parti de cette capacité limitée. Pour être le moins exposés possible, ils travailleront en équipe intégrée et adopteront des conceptions novatrices de l’usage des services communs. J’ai donné pour instruction au Bureau de l’appui aux missions du Département des opérations de maintien de la paix d’assumer les fonctions de chef de file pour la mise en place d’un cadre de services communs pour la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Irak et les organismes connexe.
B. Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Irak
92. Il n’a jamais été envisagé de faire de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Irak une grande opération dotée d’une structure complexe. Avant le 19 août, elle devait compter au départ un effectif total de moins de 400 fonctionnaires (déployés dans l’ensemble du pays dans l’une des trois principales composantes : Bureau du Représentant spécial, Bureau du Représentant spécial adjoint chargé des activités de secours, de relèvement et de reconstruction des Nations Unies, ou composante d’appui administratif et logistique), dont la moitié environ devaient être recrutés dans le pays. L’effectif devait augmenter s’il était demandé par la suite aux Nations Unies de jouer un rôle important pour les élections.
93. Il est impossible à ce stade de prévoir si les circonstances permettront - et dans l’affirmative, quand - de déployer entièrement la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Irak. Il faudra manifestement reconstituer l’opération graduellement, selon un rythme et avec une ampleur qui ne peuvent pas encore être définis. Dans le même temps, la prudence impose d’avoir un plan d’action en place pour que les Nations Unies puissent réagir le plus rapidement possible au cas où le peuple Irakien leur demanderait leur aide si les circonstances le permettent.
94. J’ai donc décidé d’entamer la mise en place graduelle de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Irak en créant l’ossature de la Mission hors d’Irak. La majeure partie en sera temporairement implantée à Nicosie. Des effectifs supplémentaires pour la Mission seront déployés à Chypre, en Jordanie, au Koweït et dans d’autres lieux de la région selon les besoins. Je prévois une équipe restreinte intégrée comptant au total environ 40 fonctionnaires recrutés sur le plan international - spécialistes des affaires politiques, des droits de l’homme, de l’information, des activités humanitaires et du développement, ainsi que de la sécurité et de l’appui administratif et logistique - qui serait en place au début de 2004. Cet effectif serait porté à un maximum de 60 fonctionnaires recrutés sur le plan international (protection rapprochée et collaborateurs directs) lorsque aura été nommé un nouveau Représentant spécial.
95. Cette équipe restreinte sera d’abord dirigée par Ross Mountain, qui assumera les fonctions de Représentant spécial par intérim en attendant que le nouveau Représentant spécial soit nommé.
96. L’équipe restreinte de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Irak sera responsable de la planification opérationnelle visant à terme le déploiement de la Mission en Irak, coordonnera les activités des organismes et les encadrera. En outre, les spécialistes des affaires politiques et des droits de l’homme rencontreront des Irakiens en déplacement dans la région pour discuter avec eux de la situation politique et de celle des droits de l’homme en Irak. Les spécialistes des affaires politiques intensifieront aussi les échanges et la concertation avec les États de la région. Selon ce que permettront les conditions de sécurité, des membres de l’équipe se rendront en Irak pour rencontrer des responsables Irakiens et des représentants de l’Autorité provisoire de la coalition. C’est également l’équipe restreinte de la Mission qui aura la responsabilité de définir puis d’appliquer une solide stratégie d’information par l’intermédiaire des médias basés dans la région et du personnel recruté au plan national en Irak.
C. Secours et assistance au relèvement et à la reconstruction
97. Les consultations de Nicosie ont permis de bien avancer la définition des modalités de réalisation de cette conception intégrée des activités de secours, de relèvement et de reconstruction des Nations Unies. Les activités d’assistance des Nations Unies seront définies en fonction de la stratégie pleinement intégrée de l’équipe de pays pour 2004, qui recevra sa forme définitive en janvier 2004, et sera revue tous les trois mois compte tenu des besoins nouveaux et de l’évolution de la situation. Les activités et les stratégies des Nations Unies dans un secteur donné seront intégrées et coordonnées par des équipes sectorielles et des chefs de projet, selon un mode d’intervention qui avait bien fonctionné lors de l’évaluation des besoins réalisée plus tôt cette année. L’exécution des programmes des Nations Unies sur le terrain sera encadrée par une équipe intégrée de réalisation.
98. Il est manifeste par ailleurs qu’il nous faut doter de moyens d’action accrus notre personnel recruté dans le pays, qui porte la responsabilité principale de la réalisation de nos programmes. Cela suppose que nous leur donnions plus d’autorité pour la gestion des questions financières et les questions de personnel, et que des consultations suivies portent sur toutes les questions de principe et tous les aspects opérationnels. Il faudra aussi nous assurer qu’en donnant plus d’autorité à nos collègues Irakiens, nous ne les exposions pas plus aux menaces. Je suis profondément préoccupé par la sécurité de notre personnel recruté dans le pays, en particulier parce qu’il est rendu plus visible par l’absence du personnel international dans la majeure partie du pays. Des mesures ont déjà été prises, et on en prévoit d’autres, pour améliorer leur sûreté, non seulement au travail, mais aussi chez eux.
99. La stratégie d’assistance intégrée n’est pas encore définitivement mise au point, mais certains critères et priorités fondamentaux se dessinent déjà. Premièrement, nos capacités étant limitées, les organismes des Nations Unies devront faire encore plus attention à faire porter leur action sur les domaines où leur avantage comparatif est manifeste, et où elle peut avoir un impact réel sur le terrain, même dans les conditions actuelles. Deuxièmement, notre aide devra cibler les groupes les plus vulnérables, non seulement dans les grands centres urbains, mais aussi dans les agglomérations de taille plus modeste et les zones rurales dans le dénuement. Troisièmement, nous assurerons un appoint aux moyens dont disposent les institutions nationales et locales, ainsi que la société civile. Pour cela, nous intensifierons nos échanges avec nos partenaires Irakiens, ministères, municipalités, associations professionnelles, organisations non gouvernementales Irakiennes et secteur privé.
100. Les organismes et les programmes des Nations Unies planifient pour 2004 une gamme très étendue d’activités d’assistance qui s’inscriront dans la stratégie intégrée et le programme de pays. On en trouvera ci-après quelques exemples caractéristiques de la conception globale :
a) Relevant de l’aide alimentaire, un programme d’alimentation dans les écoles pour 60 000 enfants est prévu dans deux gouvernorats du centre et du sud du pays, s’ajoutant au programme déjà en cours dans les trois gouvernorats du nord. Parallèlement, le PAM et l’UNICEF se sont joints à l’Institut Irakien de recherche sur la nutrition pour démarrer un projet d’alimentation complémentaire. Les activités d’alimentation complémentaire se poursuivront dans les trois gouvernorats du nord, où elles visent 14 000 enfants souffrant de malnutrition et 43 000 femmes enceintes et mères allaitantes ;
b) Dans le secteur sanitaire, l’OMS doit progressivement consacrer le gros de ses activités à développer les moyens dont disposent le Ministère de la santé et les bureaux sanitaires de gouvernorat pour faire fonctionner un système sanitaire qui offre des services accessibles et équitables à prix abordable, en faisant appel aux groupes communautaires, aux professionnels de la santé et à d’autres participants essentiels ;
c) Coordonnant les activités visant l’eau et l’assainissement, l’UNICEF prévoit de se consacrer surtout à améliorer l’accès à l’eau potable et la couverture des services d’assainissement ;
d) La protection et l’assistance viseront les déplacés les plus vulnérables et les communautés où ils comptent rentrer. Il s’agira par exemple pour le HCR de coordonner les avis donnés aux autorités Irakiennes en ce qui concerne le retour des déplacés et des réfugiés, ou encore pour le Programme des Nations Unies pour les établissements humains d’assurer des projets pilotes fournissant un logement aux familles les plus vulnérables dans certaines communautés de déplacés et de réfugiés rentrant au village ;
e) Le PNUD compte soutenir des organisations locales de la société civile, et aider à renforcer la gouvernance à l’échelon local, notamment la gestion municipale et l’urbanisme. Les activités visant la création rapide d’emplois seront étendues aux zones rurales ;
f) L’aide de la FAO au secteur agricole visera la remise en état des équipements essentiels et le redémarrage des services et des institutions cruciaux, notamment des réseaux d’irrigation et de drainage, et des centres d’élevage et de production de semences qui ont été endommagés ;
g) L’UNESCO aidera à créer l’Université nationale populaire Irakienne, qui utilisera l’enseignement à distance pour dispenser une éducation de qualité et une formation professionnelle visant spécialement les groupes défavorisés, y compris les femmes et les handicapés.
101. Nombre des activités prévues peuvent être réalisées par notre personnel recruté dans le pays, soutenu par le personnel recruté au plan international déployé dans les pays voisins. Comme ils le font à l’heure actuelle, les organismes des Nations Unies comptent mener des opérations transfrontières pour acheminer des fournitures essentielles, faire réaliser des projets par le personnel recruté dans le pays et des entrepreneurs Irakiens, et rester en contact suivi avec le personnel Irakien de contrepartie, notamment grâce à des réunions régulières hors du pays. D’autres activités, telles que l’appui direct aux ministères Irakiens pour le renforcement de leurs capacités ou la protection des déplacés et d’autres groupes vulnérables, devront être renforcées après que d’autres fonctionnaires recrutés sur le plan international auront pu retourner en Irak.
VII. Observations
102. Je reconnais que des progrès très réels ont été accomplis en Irak au cours des derniers mois dans de nombreux domaines, parmi lesquels la promotion des droits fondamentaux - tels que la liberté d’expression et d’assemblée politique -, le fonctionnement des services de base et la reconstitution de la police locale. Il importe de ne pas sous-estimer ces progrès et de ne pas méconnaître les efforts déployés par l’Autorité provisoire de la Coalition et les nouvelles institutions Irakiennes.
103. Ceci dit, le danger que posent des insurgés dont les attentats sont devenus de plus en plus sophistiqués et ambitieux au cours des derniers mois est bien réel. Les activités de ces insurgés - dont il faudrait mieux connaître les allégeances - ont infligé de lourdes pertes à l’ONU, à la communauté diplomatique, aux organisations non gouvernementales, au Comité international de la Croix-Rouge et aux forces de la Coalition, et fait de nombreux morts dans la population Irakienne.
104. Pour réduire les chances de voir cette insurrection prendre de l’ampleur tant sur le plan qualitatif que sur le plan quantitatif, un certain nombre de mesures devront être prises.
105. Premièrement et surtout, nous devons reconnaître que le problème posé par l’insécurité croissante ne peut pas être réglé exclusivement par des moyens militaires, et nous devons en tirer les conséquences. Ce problème demande une solution politique. Une telle solution implique d’ouvrir le processus de transition politique et d’y inclure des groupes et personnalités qui en ont jusqu’à maintenant été exclus, ou qui s’en sont exclus d’eux-mêmes. Elle implique aussi de donner véritablement aux institutions Irakiennes les moyens de prendre les décisions qui détermineront l’avenir politique et économique de leur pays. Et si l’on veut que ces institutions aient l’appui de la population, il faudra qu’elles fonctionnent de façon efficace et transparente. Des mesures politiques de ce type montreraient plus clairement que l’occupation étrangère en Irak sera de courte durée et laissera bientôt la place à un véritable gouvernement Irakien doté des moyens nécessaires pour mettre en oeuvre un projet lui aussi Irakien, ce qui rendra plus difficile auxinsurgés de trouver des appuis. Dans ce contexte, le fait que l’accord du 15 novembre prévoie un calendrier détaillé et une date précise pour la formation d’un gouvernement Irakien souverain et la dissolution de l’Autorité provisoire de la Coalition représente un pas important dans la bonne direction.
106. Deuxièmement, l’élaboration d’un projet national qui soit perçu comme vraiment représentatif de toutes les composantes de la société Irakienne et qui respecte l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Irak présuppose la réconciliation nationale. Ce qu’il faut, c’est une politique d’unité nationale, et non de vengeance et de châtiment collectif. Je suis convaincu que les Irakiens de toute obédience sont plus que capables de subsumer leurs diverses identités régionales, ethniques et de groupe dans leur identité nationale. Cela ne sera certes pas facile, surtout à un moment où les Irakiens ont des comptes à régler avec les abus et la violence des dernières décennies, mais j’ai bon espoir qu’ils se montreront à la hauteur de ce défi. Ils savent que c’est l’avenir de leur nation qui est en jeu, et ce pour plusieurs générations.
107. Troisièmement, si les forces de la Coalition montrent clairement qu’elles respectent scrupuleusement les prescriptions du droit humanitaire international et du droit des droits de l’homme - même lorsqu’elles sont confrontées à des provocations et à des attentats terroristes délibérés, parfois dirigés contre des civils vulnérables et sans défense - les insurgés auront beaucoup plus de mal à mobiliser des appuis à leur cause. À cet égard, le recours à la force meurtrière par les forces de la Coalition - que ce soit en réponse à des menaces dirigées contre elles, pour disperser des manifestations, pour perquisitionner dans des habitations privées, lors de confrontations ou à des postes de contrôle - doit, conformément au droit international humanitaire, faire preuve de proportionnalité et de discernement. Dans ce contexte, les plus grandes précautions doivent être prises pour éviter de faire des victimes parmi les civils Irakiens innocents. De surcroît, et bien qu’ils puissent appartenir à plusieurs catégories différentes (prisonniers de guerre, détenus politiques, suspects de droit commun et individus soupçonnés d’attentats contre les forces de la Coalition), tous les prisonniers - ils seraient au nombre de plusieurs milliers - doivent bénéficier de la protection de la loi Irakienne et des Conventions de Genève.
108. De façon plus générale, il faudrait encourager vigoureusement la création d’institutions Irakiennes dans les domaines de la défense des droits de l’homme et de la garantie de l’état de droit, notamment en mettant en place un organisme national indépendant chargé des droits de l’homme et en formulant un plan d’action national pour les droits de l’homme. Comme il est dit dans mon rapport précédent, l’Organisation continuera d’appuyer les efforts en ce sens aussitôt que la situation le permettra.
109. Quatrièmement, il importe au plus haut point que tous les membres de la communauté internationale qui sont en mesure de le faire soutiennent la mise en oeuvre d’un projet de gouvernement Irakien, et qu’on leur donne la possibilité de le faire. Aucun d’entre nous ne peut se permettre de rester sur la touche. Il est impératif d’asseoir le relèvement de l’Irak sur de solides fondations, faute de quoi les conséquences pourraient être désastreuses pour la population Irakienne, la population de la région et l’ordre international dans son ensemble.
110. À ce sujet, bien que je me sois vu contraint de transférer provisoirement hors d’Irak la plupart des fonctionnaires de l’Organisation recrutés sur le plan international, l’ONU ne se désolidarisera pas de ce pays. La meilleure preuve en est que, même après les tragiques événements du 19 août 2003, l’ONU a fait distribuer une aide considérable, en grande partie grâce à la compétence et à l’héroïsme de son personnel Irakien ainsi que du personnel international transféré à Amman, Koweït et ailleurs dans la région. En outre, j’ai donné l’ordre de mettre en place dans la région l’élément central de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Irak, afin que l’Organisation puisse retourner rapidement dans ce pays si le peuple Irakien sollicite son aide et si la situation sur le terrain le permet.
111. Sur le plan politique, j’ai eu d’étroites consultations avec des chefs d’État et de gouvernement et des ministres des affaires étrangères du monde entier en vue d’aider à dégager un consensus international sur la marche à suivre. Ce consensus, dans lequel les pays voisins de l’Irak, les États concernés de la région et le monde islamique ont un rôle essentiel à jouer, est indispensable si nous voulons pouvoir mettre au service de la population Irakienne, qui en a le plus grand besoin, toute la gamme de l’aide internationale. C’est pour favoriser l’émergence de ce consensus que j’ai convoqué, le 1er décembre, une réunion d’acteurs régionaux et internationaux. Dans le même but, j’examine en ce moment les moyens de faire en sorte que nos consultations avec les pays voisins de l’Irak et les organisations régionales soient étroites et permanentes.
112. Il va sans dire que, en ce qui concerne sa présence physique en Irak, l’Organisation continuera d’avoir à composer avec de lourdes contraintes au cours des prochaines semaines et des prochains mois. Je ne peux pas me permettre de compromettre la sécurité de notre personnel international et national. Au moment de prendre les difficiles décisions qui s’annoncent, je me poserai la question de savoir si l’importance du rôle attribué aux Nations Unies est à la mesure des risques que l’on nous demandera de prendre, si le processus politique est transparent et sans exclusive, et si les missions humanitaires prévues sont vraiment vitales ou non. Je demanderai aussi, comme je le fais toujours, ce que les Irakiens eux-mêmes attendent des Nations Unies et si nos activités répondent effectivement au souci de leur rendre le plus tôt possible la pleine maîtrise de leur destin et de leurs ressources.
113. En attendant, et bien que le contexte de son déploiement soit appelé à changer bientôt - et il faut qu’il change -, il est vraisemblable que l’Irak continuera pendant un certain nombre d’années de solliciter une aide sous la forme d’une présence militaire substantielle. Il faut donner aux Irakiens l’assurance que, lorsqu’un nouveau gouvernement Irakien sollicitera cette aide au nom du peuple Irakien, elle leur sera fournie, et ceci non seulement par les pays qui contribuent actuellement des contingents à la coalition pilotée par les États-Unis, mais aussi par de nombreux autres pays.
114. Pour conclure, je tiens à dire ma conviction que c’est l’avenir d’une nation de plus de 26 millions d’habitants et d’une région fragile qui est en jeu. Il n’est pas question que l’entreprise de rétablissement de la paix et de la stabilité en Irak puisse échouer. Les conséquences d’un tel échec pour les Irakiens, pour la région et pour la communauté internationale tout entière seraient en effet désastreuses. Trop d’Irakiens et de représentants de la communauté internationale, parmi lesquels des collègues des Nations Unies profondément respectés et extrêmement compétents, ont sacrifié leur vie. Il ne faut pas que leur sacrifice ait été vain.
115. Je tiens à leur rendre un profond hommage pour ce sacrifice. Je transmets mes condoléances les plus attristées aux familles et aux amis qu’ils ont laissés derrière eux. Et je proclame mon indéfectible gratitude pour le don de leur vie. Ils ne seront jamais oubliés.
Onu : S/2003/1149
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