Où sont aujourd’hui les Bertrand Russel appelant au désarmement en pleine Guerre froide puis s’opposant aux exactions américaines au Vietnam en créant le Tribunal international contre les crimes de guerre ? Où sont les femmes bravant la loi condamnant l’avortement dans l’appel des 343 ? Où sont les Stephan Zweig où les Heinrich Böll bravant le pouvoir ? Où sont les Henri Curiel refusant de fuir l’Égypte face à l’Afrikakorps, puis faisant 18 mois de prison à Fresnes pour avoir dénoncé le colonialisme. Où sont les Gandhi payant de leur personne pour accélérer la chute de l’Empire britannique ? Où sont les 121 justifiant l’insoumission ? Les Albert Londres dénonçant le bagne ? les bat’ d’Af’ dénonçant les errements de l’URSS naissante ? Où sont les Foucault, Bourdieu, Harendt, Castoriadis, Machado ou Garcia Lorca ?
Une chape de guimauve s’est abattu sur les esprits. L’uniformisation du discours n’a d’égal que son simplisme ; Toutefois, des hommes et des femmes continuent de se battre pour ouvrir une brèche dans la pensée dominante. C’est pour leur apporter son soutien que les Amis du Monde diplomatique ont créé le « Prix des Amis du Monde diplomatique contre la pensée unique » et que nous en devenons les parrains.

Source
Le Courrier de Genève (Suisse)

« Ouvrir une brèche », par Dario Fo, José Saramago, Costa Gavras et José Luis Sampedro, Le Courrier de Genève, 9 décembre 2003.