Alors que beaucoup s’interrogent sur la possibilité du Proche-Orient musulman de devenir démocratique, il faudrait plutôt se demander si les États-Unis sont prêts à tolérer la démocratie dans ces pays.
Lors d’une discussion avec des journalistes égyptiens qui lui demandaient ce que feraient les États-Unis si des pays arabes, devenus des démocraties, s’opposaient à leurs intérêts, l’ambassadeur états-unien David Welsh a répondu qu’ils agiraient comme ils le font déjà avec toutes les démocraties qui sont en désaccord avec eux : ils discuteraient. Toutefois, la situation serait très différente au Proche-Orient par rapport aux autres démocraties. En effet, les régimes démocratiques de la région devraient faire face à des populations se sentant humiliées par l’Occident et qui sont donc sensibles aux arguments de politiciens pouvant utiliser le ressentiment contre Israël, les divisions ethniques et religieuses. Cela pourrait entraîner la constitution de gouvernements ayant des définitions différentes du terrorisme que celle des États-Unis ou la ré-émergence de groupes islamistes. On pourrait alors assister à des politiques s’opposant à la présence états-unienne, aux efforts contre les armes de destruction massive, aux efforts états-uniens dans le processus de paix israélo-palestinien ou aux initiatives en faveur des Droits de l’homme.
Les États-Unis pourraient empêcher qu’une telle situation se produise en Irak, mais cela saperait leur légitimité. Ils peuvent aussi déclarer que les États-Unis travailleront avec tout gouvernement issu d’une vraie élection démocratique, mais le Congrès, les cercles politiques états-uniens et une large partie de la population ne tolèreraient pas des politiques qui menaceraient les intérêts états-uniens. On a bien vu les réactions contre la France, l’Allemagne ou la Turquie suite à des décisions prises lors de processus démocratiques.
En Irak et en Afghanistan, les intérêts états-uniens sont confrontés à la démocratie et il faudra étudier l’attitude de Washington et comment les États-Unis tolèrent des politiques contraires aux intérêts états-uniens.

Source
Christian Science Monitor (États-Unis)

« Is the US ready for democracy ? », par David Newsom, Christian Science Monitor, 7 janvier 2004.