La plus mortelle des illusions concernant la guerre est que son objectif est la victoire militaire. Son vrai but est en réalité l’accomplissement des objectifs politiques, économiques et sécuritaires pour laquelle elle a été entreprise. Dans une guerre comme celle d’Irak, nous ne pouvons pas gagner en étant victorieux. L’objectif des États-Unis est la création d’un État stable qui n’abrite pas de terroristes et qui ne menace pas ses voisins, dans l’idéal un État démocratique. J’ai démissionné du corps diplomatique états-unien car je ne croyais pas que ce minimum recherché était réalisable car nous ne disposions d’aucune légitimité, pas plus que les George Washington irakiens qui se cachaient derrière nos tanks d’ailleurs.
Mais aujourd’hui, nous sommes engagés dans ce conflit et notre problème de légitimité n’est pas résolu. En fait, il n’existe aucun mouvement qui dispose aujourd’hui d’une légitimité sur tout l’Irak. Si les États-Unis se retiraient aujourd’hui, ils laisseraient un pays comparable à l’Afghanistan, se déchirant entre factions. Si nous restons, nous pouvons assurer un minimum de sécurité en doublant le nombre de troupes et un minimum de prospérité en faisant des dons énormes, mais le gouvernement que nous mettrons en place ne sera pas légitime.
Le vrai problème est la division de la société irakienne, or cette division s’amenuise avec la lutte contre les États-Unis qui a permis l’unification des sunnites et des chiites contre nous. C’est la clé de notre succès. Nous devons choisir un dirigeant de la résistance dont nous allons faire un héro qui nous aura chassé du pays. Nous allons lui accorder des successions de victoires tactiques tout en combattant durement les autres dirigeants irakiens. Les Irakiens se rallieront alors à cet homme grâce à ses succès et nous évacuerons progressivement le pays devant l’avancée de ses partisans tout en l’intégrant progressivement au travail de l’ONU.
Cette solution posera des problèmes intérieurs aux États-Unis et sera délicate pour le Kurdistan. En outre, un tel dirigeant ne sera sûrement pas pro-occidental, mais si l’Irak se sent victorieux, il acceptera beaucoup plus facilement l’aide à la reconstruction de l’ONU, voire des États-Unis. Malheureusement, la réluctance des États-Unis à prendre des décisions politiques difficiles pourrait nous imposer une décennie de présence en Irak.
Washington Post (États-Unis)
Quotidien états-unien de référence, racheté en août 2013 par Jeff Bezos, fondateur d’Amazon.
« To Win the Peace, We Must ’Lose’ the War », par John Brady Kiesling, Washington Post, 9 mai 2004.
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