Les humiliations sexuelles à la prison d’Abu Ghraib sont si choquantes qu’elles risquent de cacher les autres pratiques d’interrogatoire états-uniennes, elles aussi répréhensibles. Les outrages d’Abu Ghraib ne sont pas le fruit d’un petit groupes de soldats malades et mal dirigés, ils sont le produit logique de la politique de l’administration Bush qui a permis des techniques d’interrogatoire employant la tension et la coercition. Les abus sexuels sont la conséquence prévisible de cette autorisation.
Le Pentagone a autorisé 72 pratiques dont les détenus peuvent être victimes, cela passe par la nudité, la privation de sommeil, les positions inconfortables, l’expositions à des bruits assourdissants ou à des lumières aveuglantes, à la chaleur extrême ou au froid. Les pires de ces mesures doivent d’abord recevoir l’aval de la hiérarchie, mais presque toutes sont utilisées bien qu’aucune ne soit légale en vertu des Conventions de Genève et de la loi états-unienne. Il s’agit d’une interdiction absolue des traitements cruels et dégradants que même la menace terroriste ne justifie pas.
Il s’agit en outre de techniques contre-productives qui font raconter n’importe quoi aux détenus et qui accroissent le dégoût pour la politique américaine. L’argument selon lequel la torture peut permettre d’empêcher un attentat imminent est un argument élastique qui peut finir par tout justifier. Si on commence à justifier la torture, on légitime tout le système. Tous les efforts qui ont été menés par des gouvernements pour encadrer la torture et les pressions physiques ont été voués à l’échec. Il faut donc interdire toutes les pressions lors des interrogatoires.

Source
Washington Post (États-Unis)
Quotidien états-unien de référence, racheté en août 2013 par Jeff Bezos, fondateur d’Amazon.

« Time to Stop ’Stress and Duress’ », par Kenneth Roth, Washington Post, 13 mai 2004.