La bataille sur le serment d’allégeance a entraîné une controverse vigoureuse sur une question centrale de l’identité américaine. Les opposants au « Under God » [1] affirment que les États-Unis sont un pays laïque et que le premier amendement interdit un soutien rhétorique ou matériel de l’État à toute religion. Ses partisans au contraire font remarquer que cette expression (rajoutée en 1954 dans le serment d’allégeance) est dans la logique des pères fondateurs et que rien n’oblige les non-croyants à la réciter. Michael Newdow, qui a demandé à la cour californienne de statuer sur ce point estime que son athéisme n’a pas à le transformer en étranger et la cour californienne lui a donné raison. La Cour suprême n’a pas répondu directement à l’argument de M. Newdow quand elle a annulé le jugement de la cour californienne mais M. Newdow a raison : les athées sont bien des « étrangers » à la communauté américaine.
L’Amérique est une nation historiquement religieuse. Si rien n’oblige les athées à réciter le serment d’allégeance, ils n’ont pas non plus à imposer leur athéisme. L’Amérique n’est pas seulement une nation religieuse, c’est une nation chrétienne, les non-chrétiens peuvent donc également s’y sentir étrangers, tout comme les chrétiens en Israël, en Inde, en Thaïlande ou au Maroc. Les États-Unis ont été fondés par des communautés religieuses chrétiennes pour des raisons religieuses et la Révolution a été menée au nom de la religion. Même des non-croyants ou des déistes comme Jefferson et Paine ont jugé nécessaire d’invoquer la religion pour justifier la Révolution.
La déclaration d’indépendance fait référence à plusieurs reprises à Dieu même si ce n’est pas le cas de la Constitution. Toutefois, cette absence n’occulte pas que dans l’esprit des pères fondateurs, le système républicain ne pouvait pas fonctionner si le gouvernement n’étais pas attaché à une morale religieuse. Si l’État est séparé de l’Église aux États-Unis, c’est que les pères fondateurs voulaient limiter la puissance de l’État en ne créant pas une Église nationale. Cette mesure visait à libérer les religions, pas à libérer des religions.
En 2003, 92 % des Américains croyaient en l’existence de Dieu et une forte majorité d’Américains estime que la religion est importante dans leur vie. Ils vont à l’église ou à la synagogue et prient régulièrement. La possibilité d’un vote en faveur d’un membre d’une minorité ne cesse de croître aux États-Unis (90 % des Américains affirment qu’ils pourraient voter pour un noir, un juif ou une femme à l’élection présidentielle et 59 % pour un homosexuel), mais 49 % seulement des Américains affirment qu’ils pourraient voter pour un athée. Cette religiosité ne serait pas aussi importante si elle était la même dans tous les pays développés, mais ce n’est pas le cas. Un sondage international dans 17 pays, réalisé en 1991, démontrait que les Américains étaient encore plus religieux que les Polonais ou les Irlandais alors que dans ces deux pays la religion fait partie de l’identité nationale.
Dans l’histoire, la Cour suprême a rappelé à plusieurs occasions que les États-Unis sont une nation chrétienne. La proportion de chrétiens aux États-Unis est plus élevée que la proportion de musulmans en Égypte, de juifs en Israël, d’hindous en Inde ou d’orthodoxes en Russie. Ceux qui affirment que les États-Unis deviennent une nation multireligieuse ou athée et matérialiste se trompent. L’accroissement du nombre de croyants d’autres religions n’est pas significatif et l’immigration aux États-Unis tend à renforcer notre identité chrétienne. Par ailleurs, rien ne vient prouver que nous avons désormais des comportements moins religieux.
« Under God », par Samuel Huntington,Wall Street Journal, 16 juin 2004.
[1] NDLR : Cette expression signifiant à la fois « sous l’attention de Dieu » ou « sous le commandement de Dieu » étant difficilement traduisible, nous avons décidé de la laisser telle quelle. Le « serment d’allégeance » est récité tous les jours par les écoliers américains et présente les États-Unis comme une nation « Under God ».
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