Je pense qu’il était de la responsabilité de Jacques Chirac de dire quel était l’enjeu des élections européennes, puis d’expliquer pourquoi il n’avait rien obtenu au sommet de Bruxelles du 18 juin. Pourquoi a-t-il laissé les Belges se battre seuls pour l’intégration de la notion de service public dans le Traité ? Il affirme que le moment n’était pas venu de défendre cette notion : je pense qu’il a tort et qu’il aurait dû expliquer aux Français ce qu’il partait défendre à Bruxelles.
Je défend une Europe politique et ce texte n’est pas à la hauteur de cette ambition, tout reste à accomplir en la matière mais j’apprécie que des personnalités du Parti socialiste comme François Hollande, Bertrand Delanoë, Martine Aubry, Michel Rocard, Jacques Delors, Jean-Paul Huchon, Gérard Collomb ou Jack Lang aient courageusement décidé de défendre le oui. Je demande à Laurent Fabius de reconsidérer sa position sur le Traité constitutionnel. Sans verser dans le grandiloquent, je souhaite que le sens de l’histoire finisse par l’emporter dans un débat interne qui ne doit pas être tactique.
Je comprends les militants partisans d’une Europe forte qui considèrent que ce texte ne va pas assez loin, mais pas ceux qui ne croient pas en l’Europe ; ceux là, je les combats. Je demande à tous de réfléchir à deux arguments : on ne peut condamner un pas en avant sous prétexte qu’on n’a pas obtenu satisfaction sur la totalité de ses voeux et si, comme tout le monde le dit, ce Traité est meilleur que celui de Nice, pourquoi avoir approuvé ensemble le premier et se diviser maintenant sur celui qui l’améliore ?
Libération (France)
Libération a suivi un long chemin de sa création autour du philosophe Jean-Paul Sartre à son rachat par le financier Edouard de Rothschild. Diffusion : 150 000 exemplaires.
« Je demande à Laurent de dire oui », par Dominique Strauss-Kahn, Libération, 6 juillet 2004. Ce texte est adapté d’une interview.
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