L’industrie de défense européenne n’est pas sur la bonne voie car les gouvernements européens, dans leur désir de protéger une industrie nationale de défense, sont en train de faire régresser tout le secteur. En Europe, on compte quatre grandes compagnies qui dominent ce marché : BAE System (majoritairement britannique), Thales (majoritairement français), EADS (consortium franco-germano-espagnol) et Finmeccanica (majoritairement italien). Elles font partie des quatre plus grandes compagnies de défense au monde et ont un revenu cumulé de 40 milliards de dollars en 2003. Les quatre compagnies états-uniennes ont pour leur part un revenu cumulé de 93 milliards de dollars la même année.
Ces compagnies digèrent encore les acquisitions effectuées dans les années 90 et n’ont pas assez d’économies et leurs structures complexes en les aident pas. En outre, chaque compagnie, à l’exception d’EADS, a une identité nationale bien définie et toute concentration obligerait donc l’un d’eux à abandonner son champion national sur ce marché. Comme ils sont fragmentés, les budgets de recherche et développement sont faibles comparés aux États-Unis. Il y a trois scénarios possible pour l’avenir :
 Les quatre compagnies ne deviennent plus que deux grâce au développement de la politique extérieure et de défense européenne, ce qui entraîne la constitution d’un acheteur unique sur le marché européen. Cela est peu probable car cela implique des changements majeurs en Europe.
 Les compagnies se fractionnent sous l’impulsion de leurs actionnaires et ne deviennent plus que des sous-traitants de l’industrie de défense états-unienne. Cela aurait pour conséquence une dépendance forte vis-à-vis des États-Unis, une situation intenable politiquement.
 Les entreprises fusionnent lentement tout en rationalisant leur production alors que les États continuent de financer leurs investissements en recherche et développement et l’écart technologique continue de se creuser avec les États-Unis.
Ce troisième scénario est le plus probable, mais le moins souhaitable pour l’Union européenne et les États-Unis. Ce n’est cependant pas inévitable si les États européens perdent l’envie de garder des champions nationaux.

Source
Financial Times (Royaume-Uni)

« Europe Must Set Its Defence Industry Free », par Katia Vlachos Dengler, Financial Times, 7 septembre 2004.