La Russie et l’Union européenne doivent bâtir un partenariat capable de surmonter les tempêtes du XXIième siècle. Nous sommes liés par la géographie et par un patrimoine culturel commun mais surtout par l’absence d’une autre solution crédible. La mondialisation ainsi que nombre de menaces et de défis nouveaux imposent un agenda qu’aucun acteur international sérieux ne peut gérer à lui seul.
L’Union européenne considère la Russie comme une grande puissance contribuant à la préservation de la paix et de la stabilité internationales. Elle est un partenaire indispensable dans tout effort visant à démanteler les filières des trafics illégaux qui aboutissent dans l’Union européenne. La Russie a également besoin de l’UE, une entité qui rassemble 455 millions de citoyens, pour un PIB total de plus de 10 000 milliards de dollars et qui " grandit " également sur le plan politique. L’UE croit, comme la Russie, en un système multilatéral efficace, centré autour d’une ONU forte, où le pouvoir politique est régi par l’État de droit. En plus de cette vision commune du monde, nous avons besoin l’une de l’autre.
Cela commence par notre combat commun contre le terrorisme qui fédère toutes les sociétés civilisées. L’UE et la Russie doivent intensifier leurs échanges d’informations et conjuguer leurs efforts de démantèlement de l’infrastructure financière des mouvements terroristes. Dans le même temps, nous devons reconnaître que la seule action efficace contre le mal terroriste consiste à combattre à la fois ses effets visibles et ses foyers d’infection sous-jacents et Vladimir Poutine a eu raison de pointer le chômage massif dans le Caucase comme facteur d’incitation au terrorisme. Nous devons également collaborer sur le plan économique. Une Russie prospère et moderne profite à l’UE, car prospérité et modernité impliquent plus d’échanges commerciaux, plus d’investissements, plus d’innovation et moins de pollution environnementale, c’est pour cette raison que l’Union européenne a donné à la Russie le statut de " nation plus favorisée " et que l’UE a soutenu les efforts de la Russie pour qu’elle entre dans l’OMC. C’est encore pour cette même raison que l’UE a applaudi à la décision du gouvernement russe de transmettre le projet de ratification du protocole de Kyoto à la Douma. Il faut cependant que la Russie améliore son climat d’investissement.
Il existe cependant un troisième niveau de préoccupation : la démocratie et l’État de droit. Quand les Européens parlent de démocratie, ils ne parlent pas que d’élection majoritaire mais bien d’une combinaison de démocratie et d’État de droit. De nombreux Parlements au sein de l’UE s’inquiètent de voir la Russie sacrifier précisément cette précieuse combinaison aux fins de lutte contre le terrorisme alors que dans le même temps, les parlementaires russes trouvent l’Union européenne trop bureaucratique et arrogante. Face à ces incompréhensions, il est important d’apprendre à se connaître et de multiplier les échanges économiques, culturels et universitaires.

Source
Le Figaro (France)
Diffusion 350 000 exemplaires. Propriété de la Socpresse (anciennement créée par Robert Hersant, aujourd’hui détenue par l’avionneur Serge Dassault). Le quotidien de référence de la droite française.

« Russie, Union européenne : chacune a besoin de l’autre », par Bernard Bot, Le Monde, 18 octobre 2004.
« Why Russia and the EU Need Each Other », Moscow Times, 21 octobre 2004.