La mondialisation, la victoire de l’information, de la communication et de la technologie sur les frontières, le temps et la distance, génèrent des opportunités et des risques. L’Europe saura-t-elle en profiter et s’adapter ?
Dans le scénario optimiste, l’Union européenne devient un géant économique qui fait profiter les autres de ses ressources et utilise ses moyens économiques, diplomatiques et militaires dans le respect de l’ordre juridique international. Dans le scénario pessimiste, l’Europe sombre dans la suffisance et laisse s’échapper les opportunités. La marge de manœuvre de l’Union sera alors réduite à une peau de chagrin. La part de l’Asie ne cesse d’augmenter dans le PIB mondial et, exprimée en dollars, l’économie chinoise aura bientôt dépassé les trois économies les plus puissantes d’Europe. Si elle ne veut pas être totalement dépassée, l’Europe doit se réveiller car, sans cela, combiné à la passivité européenne, le caractère industrieux des Asiatiques privera pour toujours l’Union de ses emplois et de son expertise.
Si la richesse croissante de l’Asie profite à l’Europe et au reste du monde, l’augmentation effrénée de la demande mondiale d’énergie (qui devrait avoisiner les 60 % en 2030) ne cesse d’inquiéter. Il importe d’éviter un conflit pour la maîtrise des ressources naturelles. L’Europe serait donc bien avisée de s’en tenir à l’approche fair-play, à condition de s’appuyer sur sa puissance économique, le consensus politique et la crédibilité militaire. L’Union européenne doit intrinsèquement avoir un poids démographique, économique, politique et militaire suffisant pour compter sur la scène internationale. C’est la raison pour laquelle j’espère qu’elle englobera quelque 35 États d’ici 20 à 30 ans et que la Turquie en fera partie. L’Europe doit rester une puissance économique en étendant et en perfectionnant le marché intérieur, en réformant la Politique agricole commune et en gérant efficacement le problème du vieillissement de sa population. Si elle veut figurer au rang des have et non des have not, nous devons aussi investir généreusement dans la connaissance et la haute technologie. Nous devons profiter de l’examen à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne, les 22 et 23 mars 2005, pour réitérer notre volonté de rendre l’Europe plus compétitive.
L’Union doit élaborer de toute urgence une stratégie énergétique cohérente. Face à une Asie toujours plus avide de pétrole et de gaz naturel, alors que diminuent les sources d’approvisionnement et les réserves européennes, l’UE voit sa dépendance énergétique grandir. À cela s’ajoutent les problèmes environnementaux. Cela signifie développer l’énergie solaire et éolienne tout en préservant la possibilité de recourir à une énergie propre : l’énergie nucléaire.
La vertigineuse montée en puissance de l’Asie doit sonner le réveil de l’Europe.

Source
Le Monde (France)

« La politique énergétique, clé de la construction européenne », par Bernard Bot, Le Monde, 22 mars 2005.