Pour Abdel Bari Atouan, les dons offerts à l’Autorité palestinienne lors de la Conférence de Paris n’ont d’autre finalité que de payer la liquidation de la résistance palestinienne. Ils sont empoisonnés.
Les pays donateurs qui ont participé à la Conférence de Paris, ont promis d’apporter à l’Autorité Palestinienne des aides financières qui s’élèvent à sept milliards et demi de dollars. Soit deux milliards de plus que ce qu’elle réclamait dans un élan de générosité qui suscite beaucoup de doutes, et soulève des points d’interrogation sur ces aides et sur le prix qu’aura à payer le peuple palestinien en échange.
Il n’y a pas d’objection sur une offre d’argent à l’autorité du président Mahmoud Abbas à Ramallah, à condition que ce ne soit pas un pot de vin en échange des concessions sur des droits immuables du peuple palestinien, ou le début d’une incursion d’envergure des chars israéliens dans la bande de Gaza pour y commettre de nouveaux massacres sous prétexte de liquider l’autorité du Hamas ou de stopper le tir des roquettes contre Sdérot.
Israël sera le grand bénéficiaire de cet argent que ce soit directement ou indirectement. Car il contrôle de facto la Cisjordanie et il encercle la bande de Gaza. Et ces deux régions forment un marché prospère pour ses marchandises et sa production. Par conséquent, toute amélioration économique dans ces régions signifie plus de consommation et plus d’importation de ces produits. De plus, ceci implique que les pays donateurs sont en train d’affranchir l’État d’Israël de ses devoirs en tant que pays occupant responsable directement de la population et des territoires sous son contrôle, selon la IV° Convention de Genève relative aux prisonniers de guerre, une responsabilité qui inclut d’assurer des services publics, la sécurité et du travail.
Ces aides financières iront au président Abbas et pour financer un plan élaboré par son Premier ministre Salam Fayyad qui a été désigné pour une période provisoire et exceptionnelle, et voilà qu’il devient un Premier ministre permanent, voire plus puissant et plus influent que le président de l’Autorité vu ses solides relations avec l’administration états-unienne, les États européens et les organisations financières internationales.
Le plan que M. Fayyad a présenté à la Conférence des pays donateurs et qui a porté le nom du développement et de la réforme, ce plan vise la réalisation de quatre objectifs principaux qui sont la gouvernance bien guidée, le développement social (la santé, l’enseignement et les affaires sociales), le soutien du secteur privé et finalement la reconstruction des infrastructures de l’économie palestinienne.
La gouvernance bien guidée signifie l’établissement de l’État, d’institutions sur des fondements démocratiques et l’élargissement du cercle de participation au pouvoir. Mais nous ne pensons pas que les pratiques du gouvernement de Ramallah concrétisent ces ambitions. Car M. Fayyad est devenue une institution par soi-même bien qu’il ne représente qu’un groupe de deux membres parmi cent trente cinq membres de l’Assemblée législative palestinienne, et son gouvernement n’a même pas été agréé par cette assemblée, ni pas aucune autre institution sauf le président Abbas et l’administration états-unienne, si on veut bien considérer cette dernière ainsi [comme une institution palestinienne].
Et comment cette gouvernance pourrait être bien guidée alors qu’elle ignore complètement la Bande de Gaza qui représente tout de même le tiers de la population totale de l’intérieur [de la Palestine], et elle désigne les habitants de cette Bande comme des Gazaouites tandis qu’elle considère les habitants de la Cisjordanie comme de vrais citoyens palestiniens, ce qui est une discrimination sans précédent dans l’histoire de peuple palestinien et de sa lutte ?
Dans tous les États du monde, le gouvernement retient les salaires des fonctionnaires qui s’absentent ou qui font grève, sauf le gouvernement de M. Fayyad qui fait exactement le contraire. Car il paye les salaires des fonctionnaires qui restent chez eux et ne vont pas faire leur travail dans les services de l’Autorité dans la bande de Gaza, et tout fonctionnaire qui va à son bureau ou qui laisse pousser sa barbe voit sa paye immédiatement coupée par ce gouvernement, même si ce fonctionnaire fait partie de Fatah. Où elle est la bonne gouvernance dans ces pratiques ?
Et ce qui est remarquable c’est que le plan de M. Fayyad demandait aux pays donateurs de réserver un montant de quatre cents millions de dollars pour la « bonne gouvernance » contre cinq cents millions de dollars pour les programmes sociaux comme l’enseignement, la santé et les services essentiels.
Même si on suppose que ce gigantesque pot de vin n’est pas miné et ne contient aucune condition, comment va-t-il donner ses fruits en relevant l’économie palestinienne de sa chute actuelle sous les contraintes imposées par l’Autorité Palestinienne sur les Palestiniens et leurs mouvements en Cisjordanie, comme la présence des cinq cents barrières et les cent trente colonies sauvages autres que les colonies « légales » établies par le gouvernement israélien ?
Cet argent sera réservé à un groupe très limité parmi les requins du secteur privé et quelques-uns qui rodent autour du bureau du Président Abbas et qui profite de son pouvoir. Mais le peuple palestinien ne verra pas ses conditions de vie changer, car il ne restera pour lui que les miettes.
Cet argent est attribué théoriquement pour la Cisjordanie et la Bande de Gaza, et nous avons entendu M. Abbas parler avec beaucoup d’émotion du blocage de la Bande, et Mlle Condoleezza Rice a failli pleurer durant son discours en parlant de la souffrance des ses habitants, mais aucun parmi eux ne nous a pas dit comment il va faire dans les circonstances actuelles de cette Bande, et comment on va lui transmettre cet argent en présence du gouvernement du mouvement Hamas qui est rejeté, et par les États-uniens et les Israéliens et par Abbas ?
Deux scénarii sont possibles pour sortir de ce piège qui s’appelle la Bande de Gaza. Le premier est de recommencer le dialogue entre l’autorité de M. Abbas et l’autorité de M. Ismaïl Haniyeh à Gaza en vue d’aboutir à un accord de réconciliation et à un retour de solidarité entre les territoires occupés sous un gouvernement d’unité nationale forte. Et le deuxième c’est une incursion israélienne d’envergure dont Ehud Barak, son metteur en scène, pense qu’elle lui permettra de détruire le Hamas et les autres brigades de résistance, et de rendre la Bande à l’Autorité de Ramallah sur un plateau de sang.
Le premier scénario, c’est-à-dire le retour au dialogue, est complètement exclu, car Israël a laissé à Abbas le choix entre le dialogue soit avec lui, soit avec Hamas. Il a alors choisi le premier et a complètement tourné le dos au deuxième, et il a mis tous ses œufs dans le panier de la conférence d’Annapolis et les négociations qui en seront issues, dans l’espoir de parvenir à l’État palestinien qu’il veut, quelle que soit sa forme et son image. Par conséquent le scénario de l’incursion d’envergure est le plus probable, d’ailleurs Barak a déjà menacé la veille qu’il mettrait fin à la question de tir de roquette de la Bande de Gaza d’une manière définitive.
Les quarante milliards que les gouvernements égyptiens successifs ont obtenus après les accords de Camp David, à raison de deux milliards de dollars par an, étaient le prix pour isoler l’Égypte et le détacher militairement de la question palestinienne. Les milliards que vont obtenir le président Abbas et son Premier ministre Salam Fayyad sont eux aussi en échange de l’abandon du droit de retour et de la grande partie de Jérusalem occupée, et l’acceptation des grandes colonies israéliennes qui l’entourent.
Nous retenons notre souffle, car ce qui se passe actuellement fait partie des accords secrets, et n’est qu’une application des études détaillées réalisées préalablement avec un financement occidental en vue d’introduction à la solution des deux États, la dernière de ses études étant celle préparée par le groupe d’Aix et qui décrit avec un détail lassant comment appliquer ses accords sur le terrain. Cette étude a été réalisée par deux équipes, l’une israélienne sous la responsabilité du professeur Arye Arnon de l’université de Ben Gourion et l’autre palestinienne sous la responsabilité de Saeb Bamya, secrétaire du ministère de l’Économie de l’Autorité palestinienne, et sous la présidence du professeur Gilbert Benhayoun de l’université Paul Cézanne. Ce groupe a été financé par le ministère des Affaires étrangères français.
Nous avons le rapport de ce groupe sous les mains, et il contient des détails effrayants sur l’annulation du droit de retour en le considérant impraticable. Il prévoit huit milliards de dollars pour installer et dédommager les réfugiés. Encore une fois, nous disons que c’est une générosité états-unienne et européenne minée, si ce n’est empoisonné. Et il se peut que ce soit un acompte contre l’abandon de tout ce qui reste de la Palestine et des fondements nationaux immuables.
Première publication dans Al-Qods Al-Arabi du 19 décembre 2007. Traduit de l’arabe par I.A.
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