Une nouvelle génération de résistants se lève en Palestine. Elle agit selon un mode opératoire nouveau : dynamitage du mur frontalier égytien ; destruction de véhicule blindé léger puis d’un hélicoptère ; attaque contre un centre de formation idéologique sioniste. Pour l’éditorialiste Abdel Bari Atouan, la compassion occidentale à deux poids deux mesures entretient le cycle de la violence, dont les Palestiniens sont les premières victimes, mais dont ils sortiront un jour victorieux.
Que le président Georges Bush ait condamné l’attaque contre l’école religieuse juive située à l’ouest de Jérusalem occupée, c’était prévisible, rien d’étonnant de sa part, pas plus que de la part du président palestinien Mahmoud Abbas ; mais qu’il éprouve du dégoût parce que certains Palestiniens dans la bande de Gaza se sont réjouis de l’opération et ont manifesté leur joie, cela révèle un point de vue raciste et un mépris évident pour les victimes arabes et musulmanes.
Ni le président Bush ni ses alliés français, Nicolas Sarkozy, et allemand , Angela Merkel, n’ont eu un mot de compassion pour les martyrs palestiniens tués dans les attaques israéliennes, lors d’agressions impitoyables dont la dernière victime est Amira Abu Asr, un bébé âgé de moins d’un mois.
Parti pris évident pour les victimes regardées comme d’une race supérieure, silence honteux sur toutes les autres victimes, telle est la principale raison qui conduit à la montée de la violence et du désordre dans le monde entier et alimente les groupes extrémistes.
Pour venger les victimes du 11 Septembre, le président états-unien Georges Bush a lancé deux guerres, en Irak et en Afghanistan, qui on coûté à l’humanité plus d’un million de victimes, et au Trésor US plus de huit cents milliards de dollars à ce jour. Alors qu’attend-il de gens qui, en trois jours, ont perdu cent vingt cinq des leurs et de leurs enfants au cours des attaques de ses alliés israéliens ?
Israël a agressé la population de la bande de Gaza avec des tanks, des avions et des missiles, après l’avoir affamée, lui avoir coupé l’approvisionnement en carburant, en nourriture et en médicaments, lui avoir fermé tous les accès au monde extérieur, l’avoir menacée d’une Shoah encore plus grande ; et pourtant, pas un mot de condamnation n’est sorti de la Maison-Blanche, mais un série de justifications à ces châtiments collectifs, au nom du droit à l’autodéfense. Bien plus, le représentant états-unien au Conseil de Sécurité a osé faire obstacle à une résolution condamnant Israël et ses crimes.
Nous n’approuvons pas la violence et la mort de civils, mais nous ressentons de l’amertume devant cette hypocrisie occidentale, et plus particulièrement états-unienne, envers nos victimes, hypocrisie qui donne à Israël le feu vert pour continuer à massacrer les Palestiniens, massacre qui dure depuis plus de soixante ans.
Ces gouvernements occidentaux hypocrites ont créé des États pour tous les peuples opprimés de la terre, depuis le Timor oriental jusqu’au Kosovo ; mais lorsqu’il s’agit des Palestiniens, toutes les valeurs morales dont ils se réclament pour créer ces États indépendants sont mises de côté, parce qu’Israël est une vache sacrée à laquelle il ne faut absolument pas toucher.
Nous posons à l’administration états-unienne et à tous les gouvernements occidentaux qui lui sont liés, une question précise : pourquoi considèrent-ils l’attaque d’une école religieuse juive au cœur de Jérusalem comme un acte terroriste, alors qu’ils regardent l’attaque contre une école musulmane fondamentaliste au Pakistan ou en Afghanistan, comme un acte héroïque, légitime, digne d’éloges, dont les auteurs méritent honneurs et décorations ? L’école juive qui a été l’objet de l’attaque à Jérusalem occupée est la plus importante pépinière d’extrémisme et d’extrémistes juifs, à l’image de Baruch Goldstein, l’auteur du massacre de la mosquée Ibrahimi à Elkhalil (Hébron, ndt), qui a surgi à l’aube dans la mosquée et tiré par derrière sur les fidèles, tuant plus de vingt d’entre eux, sans autre motif que le ressentiment, la haine religieuse et le racisme.
Cette école et ses pareilles produisent les colons extrémistes qui accaparent les terres arabes par la force pour y construire des colonies, qui essaient à nouveau d’incendier la mosquée Alsharif à Jérusalem, qui, sous prétexte de chercher le temple de Salomon, encouragent les fouilles qui ébranlent les fondations de la mosquée, qui terrorisent des innocents désarmés à Elkhalil, Naplouse, Tulkarem, Kafr Kassem, Nazareth et ailleurs.
Nous le savons bien, la lutte est inégale : le peuple palestinien, assiégé et affamé, qui ne possède ni avions, ni chars, ni missiles modernes, est confronté à deux sièges en même temps : le siège imposé par Israël, avec le soutien américano-occidental, et le siège mené par les régimes arabes complices qui participent à son étranglement et à son humiliation. Mais il ne reste à ce peuple d’autre choix que celui de résister.
Certains objecteront peut-être que la résistance pacifique, comme les manifestations et la désobéissance civile prônée par Mahatma Gandhi, est la plus adaptée dans un rapport de forces si déséquilibré. Nous ne sommes pas opposés à ce choix et, intellectuellement, nous en voyons le bien-fondé, mais il nous faut rappeler en même temps que ceux qui occupent la terre palestinienne, ceux qui tuent sa population, ce n’est pas la Suède, la Suisse ou même la Grande-Bretagne ; c’est un ennemi qui jubile en tuant des enfants, en détruisant des maisons habitées, dont le Ministre de la Défense menace de Shoah si ne cessent pas les actes de résistance et l’envoi de missiles rudimentaires sur les colonies israéliennes au Nord de la bande de Gaza.
Le président Mahmoud Abbas, avec son entourage, choisit la voie pacifique et renonce à la résistance ; il en condamne les opérations qu’il qualifie de méprisables et en juge les missiles dérisoires. Qu’a-t-il gagné en douze ans de discussion avec les Israéliens, sinon le mépris, l’humiliation, l’augmentation des colonies, des barrages, des meurtres contre son peuple, les expéditions militaires jusque sous les fenêtres de sa chambre à coucher à Ramallah ?
Israël, qui veut la paix, œuvre en même temps à la torpiller en se livrant à des massacres provocateurs et sanglants à l’encontre des fils du peuple palestinien, en refusant toute trêve qui ne réponde pas aux conditions exorbitantes et humiliantes qu’il exige, en décrédibilisant ses partenaires dans le processus de paix, qu’ils soient arabes ou palestiniens.
Le massacre de Gaza a eu lieu pour échapper aux échéances du processus de discussions : arrêt de la colonisation, fin des barrages, libération des prisonniers, -points qui figurent dans la feuille de route-, et pour faire avorter la conférence de paix d’Annapolis, réunie à l’initiative du président états-unien Georges Bush lui-même et qui a rassemblé la plupart des gouvernements arabes, représentés par leurs ministres des Affaires étrangères ; et nous n’avons pas entendu de la part de l’initiateur de cette conférence un seul mot pour condamner les atrocités de ses alliés.
À l’aube, demain, après-demain, peut-être Ehud Olmert enverra à nouveau ses chars vers la bande de Gaza pour se venger et assouvir l’appétit des extrémistes juifs assoiffés de sang palestinien, surtout après que le mouvement Hamas ait annoncé, par l’intermédiaire de l’un de ses porte-parole, qu’il revendiquait l’attaque contre l’école juive à Jérusalem. Mais qu’il le sache : même s’il extermine la population de Gaza, même s’il la met dans des fours à gaz modernes, les Israéliens ne connaîtront pas la paix et la stabilité et la résistance se poursuivra par tous les moyens.
Si Israël a réussi, grâce à la pression des murs de séparation, aux barrages militaires humiliants en Cisjordanie (620 barrages à ce jour), à mettre fin pour une courte période aux opérations suicides, les résistants leur ont substitué des missiles qui ont atteint la ville d’Ashkelon (ma ville, en l’occurrence) ; et voilà que les opérations-suicides reviennent en force, l’une sur le marché central de la ville de Dimona en plein désert du Néguev, et l’autre au cœur de Jérusalem ouest, les deux villes les plus protégées d’Israël.
L’erreur est dans l’intelligence supérieure des dirigeants d’Israël qui diabolisent les Palestiniens auprès de leurs alliés occidentaux à travers des campagnes de mensonges, de calomnies, de déformation de la vérité ; et tant que durera cette erreur, les tueries dureront de part et d’autre, dans la proportion de vingt Palestiniens pour un Israélien.
65 % des Israéliens réclament de leur gouvernement des discussions avec le Hamas en vue d’une trêve, mais ce gouvernement qui se dit la seule démocratie au Moyen-Orient, refuse et se livre à des guerres, des massacres, des châtiments collectifs, tue des enfants et des bébés, tout simplement parce qu’il obéit à la mainmise d’un groupe d’extrémistes juifs qui décide de son destin à la Knesset.
Lorsque dans des rues obscures à cause des coupures d’électricité, des jeunes de la bande de Gaza dansent de joie et lancent des feux d’artifices, alors qu’ils savent qu’ils risquent d’être à tout moment la cible d’attaques israéliennes et d’être tués par dizaines, voire par centaines, cela signifie qu’il y a un peuple qui n’a plus peur de la mort, qui n’envisage pas les suites : c’est là que gît le véritable drame d’Israël et la grande erreur de calcul de ses élites.
Les massacres de Gaza marquent peut-être le début du compte à rebours de l’écroulement et de l’anéantissement d’Israël, parce que ses élites ont choisi la guerre plutôt que la paix, qu’ils ont dénié tout humanité à leurs victimes et qu’ils ont, malheureusement, trouvé des gens pour les aider à disparaître.
Première parution en arabe dans Al-Quods Al-Arabi du 8 mars 2008.
Version française : Anne-Marie.
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