En lisant certains commentaires sur l’élection du 2 novembre, on pourrait croire que les Américains étaient à deux doigts d’une seconde guerre de Sécession. D’un côté il y a, paraît-il, l’Amérique républicaine du centre rural du pays, symbolisée en rouge, de l’autre, en bleu, l’Amérique démocrate des côtes fortement urbanisées. On nous dit que la campagne présidentielle a été si rude que ces deux Amériques sont plus séparées qu’à n’importe quelle époque depuis la Seconde Guerre mondiale. Les deux Amériques censées être en guerre sont brillamment caricaturées dans mon film préféré de l’année, Team America : World Police où les Républicains sont des fous de la gachette qui détruisent accidentellement la tour Eiffel et les pyramides pour « mettre à genoux » les ennemis de la liberté et les démocrates des cabotins libéraux et sentimentaux de la Film Actors Guild qui se laissent convaincre par Kim Jong-Il d’assister à une conférence de paix bidon.
Malgré les divisions, l’idée toute faite selon laquelle l’Amérique a été déchirée par cette élection m’apparaît comme fondamentalement fausse. La polarisation de l’Amérique n’a rien d’inquiétant, c’est la manifestation de la vitalité de la démocratie sur une terre qui reste fondamentalement un tout. Pour un « étranger non résident » comme moi, la chose la plus frappante dans ce vaste pays demeure, non pas ses divisions politiques, mais son étonnante homogénéité. Tout le monde partage la foi en la démocratie et les Américains ont aussi en commun une véritable ambivalence au sujet de la puissance des États-Unis à l’étranger. Tous ne sont pas des intégristes, mais la plupart sont chrétiens. Souvenons nous qu’il n’y aurait pas d’États fluctuants s’il n’y avait pas un nombre presque égal de républicains et de démocrates dans 15 États sur 50, 11 États seulement ont été remportés haut la main par l’un des deux partis lors des huit dernières élections présidentielles (Jimmy Carter a remporté le Texas en 1976 et Ronald Reagan le Massachusetts en 1980). Il ne faut pas non plus réduire les divisions politiques à des divisions ethniques. Le point le plus important concernant la prétendue polarisation d’aujourd’hui est peut-être que personne ne semble jamais en venir aux mains (comparé à la Grande-Bretagne des années 80, il n’y a pas de polarisation). Plus exactement, ce qui s’est passé mardi a simplement montré que les Américains ont enfin atteint un niveau normal d’engagement politique après des décennies de faible participation. La mesure la plus parlante de cette nouvelle vigueur politique, est l’extraordinaire santé de la satire politique américaine ces derniers temps.
« A Split Nation ? Don’t Believe It », par Niall Ferguson, Los Angeles Times, 3 novembre 2004.
« Estas elecciones no partieron en dos a los Estados Unidos », Clarin, 4 novembre 2004.
« Une nation divisée ? N’y croyez pas ! », Le Monde, 5 novembre 2004.
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