En dépit de leur importance, les crises régionales comme l’Irak et la Corée du Nord paraissent bénignes face au transfert fondamental du pouvoir dans le système international. Les historiens estiment que l’émergence d’une Allemagne unifiée, il y a plus d’un siècle, a déséquilibré le système européen en y introduisant un État plus fort que chacun de ses voisins. Disraeli estimait que cet événement était plus significatif que la Révolution française. A notre époque, c’est l’émergence de la Chine comme une possible superpuissance qui est l’événement majeur. En effet, cela pourrait occasionner un transfert du centre de gravité des affaires mondiales de l’Atlantique au Pacifique.
Il est heureusement improbable que la Chine s’appuie sur sa puissance militaire pour acquérir un statut international, car les dirigeants chinois sont plus subtils et plus posés que ne l’étaient les impétueux dirigeants allemands après la retraite de Bismarck. Avec la technologie moderne, la guerre entre grandes puissances est un ultime recours, non plus une option politique. Les États-Unis doivent maintenir leur traditionnelle opposition aux visées hégémoniques en Asie, mais les relations avec la Chine ne doivent pas être conçues dans la perspective d’un duel final. La différence entre les États-Unis et la Chine est la même qu’entre les échecs et le go. Les échecs ont pour objectifs de prendre un avantage absolu sur son adversaire tandis que le go cherche l’avance stratégique persistant.
Il est difficile de savoir ce que feront les dirigeants à l’avenir mais il est possible de les influencer. Il faut mettre en place un dialogue stratégique permanent et éviter que la question taiwanaise ne s’envenime. Toutefois, cela ne sera pas suffisant si tous n’ont pas un accès équitable aux ressources énergétiques et aux matières premières. Si un pays en est privé, nous reviendrons aux conflits coloniaux, le pipeline remplaçant le territoire comme objectif de guerre. Il faut éviter cette situation en tentant de construire un ordre international.
« China se afirma como la próxima superpotencia », par Henry Kissinger, Clarin, 8 novembre 2004.
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