Monsieur le Président, très cher ami,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
C’est un plaisir, et c’est un honneur, pour Paris, de souhaiter la bienvenue au Président de l’Etat d’Israël.
Aujourd’hui, c’est un authentique ami qui nous rend visite. Un ami de la France, avec laquelle, tout au long de votre immense carrière d’homme d’Etat, vous vous êtes attaché à tisser de puissants liens d’affection, de confiance et de solidarité. Un ami des Français et en particulier de celui qui fut le premier d’entre eux, François Mitterrand, qui n’avait de cesse de rendre hommage à l’ardeur et à la grandeur de votre fidélité.
Et, permettez-moi de le dire, un ami personnel, à qui me lient tant de souvenirs, et avec qui je sais que nous partageons bien plus qu’une sensibilité politique : une volonté commune d’essayer d’appréhender le monde.
Votre venue ici, à l’Hôtel de Ville, est d’abord pour moi l’occasion de célébrer le rôle éminent des Juifs de Paris, que je salue chaleureusement, pour leur contribution au rayonnement, à la vitalité et à l’identité intellectuelle et spirituelle de notre capitale. Leur présence nourrit la fraternité qui unit les peuples d’Israël et de France, et participe ainsi de l’affirmation d’un héritage inextricablement commun. Entre Paris et l’âme juive, comme entre la France et Israël, s’est écrite une longue histoire, qui est celle d’un amour, parfois blessé, parfois même trahi, mais d’un amour réel, entre deux formes d’universalisme.
Entre le peuple des droits de l’Homme et le peuple des dix commandements, le lien est indéfectible. Pour exprimer l’intensité de ce lien et la profondeur de son histoire, je pense à une anecdote d’Eliezer Ben Yehuda, le fondateur de l’hébreu moderne, qui raconte dans quelles circonstances la langue hébraïque est sortie de deux mille années de sommeil : « C’est dans une rue de Paris, écrit-il, à une terrasse de café, que je me mis à parler l’hébreu pour la première fois, assis avec un ami à une table ronde où étaient servies deux tasses de café noir. Et les sons étranges de cette belle langue orientale, morte, se mêlaient à la rumeur joyeuse de la langue française, vivante, belle, riche ». On voudrait que ce fût non seulement un symbole, mais un présage : c’est rue Montmartre que votre langue a recommencé à vivre. Cet héritage, nous sommes chargés, ensemble, de lui donner toute sa force.
Dans ce temps partagé, s’inscrit la tragédie qui frappa les Juifs d’Europe. Notre ville conserve, jusque dans sa chair, le souvenir de ceux qui furent arrachés à la vie par la plus monstrueuse coalition de la haine et de l’indifférence. Dans chaque école de Paris, là où des enfants furent déportés vers les camps, des plaques le rappellent à tous les écoliers. La mémoire est l’humble dignité qui reste aux survivants que nous sommes tous devenus. Elle est le plus précieux des guides pour bâtir l’avenir. Elle est une invitation permanente à la responsabilité et au courage.
Elle nous rappelle aussi, Monsieur le Président, que l’Etat d’Israël est né d’un deuil comme aucun peuple au monde n’en avait jamais connu.
Ce peuple, en voulant bâtir sur la terre de son histoire ancestrale, un petit pays où il lui fût permis de parler sa langue, de planter ses arbres et de prier son dieu, a écrit, tout simplement, une nouvelle page du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Le droit de vivre de ce vieux peuple offensé, son droit d’avoir sa place, après des siècles d’humiliations, sous le soleil de son ciel retrouvé, soyez sûrs que Paris, ville de la liberté, s’en proclame solidaire.
Je suis très heureux, Monsieur le Président, d’être auprès de vous l’année du 60ème anniversaire de la naissance d’Israël. Cette histoire là demeure un exemple et un espoir pour ceux qui croient qu’il n’y a pas de fatalité à l’oppression : Ia création de votre Etat atteste qu’en dépit de tout, le droit et la liberté demeurent accessibles à la volonté.
C’est pour rendre hommage à ce miracle accompli, que nous avons tenu à donner le nom d’une place de Paris à l’inspirateur de l’Etat d’Israël, Theodor Herzl, celui qui, en assistant, dans la cour de l’Ecole militaire, à la dégradation du capitaine Dreyfus, comprit que les Juifs ne pourraient avoir une existence digne et libre que le jour où ils disposeraient d’une patrie. Cette patrie, qui est pour la conscience juive à la fois consolation et espérance, et qui justifie la formule d’Elie Wiesel : « Les Juifs peuvent vivre en-dehors d’Israël, mais ils ne pourraient pas vivre sans Israël ».
Paris prendra toute sa part à la célébration de cet anniversaire. Notamment, à travers l’inauguration d’une fontaine sur la place de Paris à Jérusalem et, le lancement, à Haïfa, de l’exposition conjointe des photographes israélien Pavel Wolberg et du Palestinien Raed Bawayah, qui avaient été accueillis ici même dans cet Hôtel de Ville. Le Festival du film israélien se tiendra du 27 avril au 1er mai, au moment précis du 60ème anniversaire. Une contribution exceptionnelle au Musée d’art et d’histoire du judaïsme, ainsi que l’organisation du Festival des cultures juives qui se clôturera, le 19 juin, par une grande soirée à l’Hôtel de Ville, donneront à ce 60ème anniversaire tout l’éclat qu’il mérite.
De ces six décennies, cher Shimon Peres, vous êtes le grand témoin, vous dont la vie se confond non seulement avec l’édification d’Israël, mais avec l’établissement de sa puissance industrielle, économique et militaire. En pionnier, vous avez compris la nécessité de l’innovation et d’une créativité sans cesse renouvelée pour la survie et la prospérité de votre pays. Et vous avez mesuré ce qui fait la grandeur d’une nation : ce n’est pas la force, c’est l’esprit. Tout dans votre parcours exprime ainsi la passion qui est la vôtre pour votre peuple. Une passion qui est aussi celle de la paix.
Le monde vous a rendu hommage en vous décernant en 1994 le titre le plus noble qui soit : le prix Nobel de la Paix.
Vous avez reçu ce prix aux côtés de Yasser Arafat et d’Itshak Rabin, dont un jardin de Paris, lieu de beauté et de sérénité, porte aujourd’hui le nom. Dans votre combat inlassable pour la réconciliation des peuples, nous sommes à vos côtés. Car telle est notre conviction : Israël a le droit inaliénable à la sécurité, ce qui signifie que chacun doit non seulement accepter son existence mais lui reconnaître le droit de la garantir ; le peuple palestinien, au nom de ce droit des peuples à disposer d’eux-mêmes que j’évoquais il y a un instant, doit pouvoir vivre dans la liberté et la dignité, ce qui suppose la création rapide d’un Etat souverain et viable. Chacun sait comment se terminera ce conflit que personne ne peut gagner : un jour, il y aura, auprès d’Israël, sur la terre partagée, un Etat arabe de Palestine.
La seule question est de savoir dans combien de temps, et j’ose à peine le dire, hélas, dans combien de morts ?
Comment nier l’ampleur de la tâche ? Comment masquer les doutes que chaque drame, au quotidien, vient renforcer inexorablement ?
En cet instant, je pense avec émotion aux victimes de l’odieux attentat de jeudi, à Jérusalem : ces étudiants tués par la haine et par la passion de la mort, Paris porte leur deuil avec vous. Pourtant, la flamme de l’espoir ne doit pas cesser d’éclairer les hommes de bonne volonté, dont vous êtes l’un des inspirateurs.
Monsieur le Président, Israël est une grande démocratie, un Etat jeune, dynamique, créatif.
Ce « jeune pays ancien », comme l’appelait Herzl, cette nation qui a à la fois soixante ans et trois mille ans, n’a pas fini d’étonner le monde. Témoigne de sa vitalité intellectuelle et culturelle la place d’invité d’honneur qui lui est accordée cette année au Salon du Livre de Paris. Amos Oz, David Grossman et tant d’autres noms résonnent ainsi dans l’imaginaire de la France et du monde comme autant d’alliances de l’intelligence, de la soif de dialogue et de paix comme seule la culture, dans son partage et son universalité, sait en créer.
Monsieur le Président, pour votre peuple, pour vous, pour l’éclat de cette lumière venue du plus profond de l’histoire, permettez moi une fois de plus d’exprimer mon admiration ainsi que mes vœux les plus chaleureux, d’harmonie, de stabilité et de prospérité. Et j’y ajoute, vous n’en serez pas surpris, mon affection.
Longue vie au peuple d’Israël !
Am Israel haï ! (Am Israël Raï)
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