À Beyrouth, le Peuple a parlé. Le clan Hariri qui occupe illégalement les palais gouvernementaux depuis le 11 novembre 2006 est apparu pour ce qu’il était : une puissance financière certes colossale, mais dépourvue de soutien populaire hors de sa clientèle appointée. Il a été contraint d’accepter une capitulation feutrée à Doha, laquelle se résume ainsi : il garde les voitures officielles, mais il perd la réalité du pouvoir. Le moment est venu de changer les règles du jeu, affirme Issa El-Ayoubi et d’écarter en douceur de la scène politique, les agents de l’étranger et les maîtres de la corruption.
Tout le monde au Liban affirme qu’aujourd’hui n’est pas hier, on s’accuse mutuellement et, comme d’habitude, on mélange causes et conséquences. La chose semble naturelle dans un cas comme celui de la situation libanaise où sont imbriqués éléments internes et externes. Internes parce que les Libanais n’en ont pas fini avec la guerre et que des dossiers restent ouverts. Il est certain que Beyrouth aujourd’hui ne ressemble pas à hier, mais la question qui se pose est la suivante : comment faire pour que demain ne soit pas comme hier, pour que demain ne soit pas tel qu’il a été programmé ? Questions que beaucoup se posent au Liban pour que le peuple libanais ne revive pas une tragédie, lui qui mérite mieux que le sort que lui font des dirigeants qui ont créé et accaparé un pouvoir à leur profit.
Pour qu’hier ne se reproduise pas, il semble évident que la meilleure manifestation de démocratie serait d’ouvrir les dossiers tels qu’ils sont, dans leur intégralité et avec précision, et de les dévoiler devant le peuple libanais. Il faut que le peuple sache bien qui sont ses dirigeants, qui sont ceux qui se disent démocrates, ceux qui portent un projet d’État, comme Samir Geagea, Amine Gemayel, Walid Jumblat, Fouad Siniora, Saad Hariri, et naturellement Marouane Hamadé, Ahmed Fatfat, et un grand nombre de députés vassaux.
Pour que demain ne soit pas pareil au passé tout récent, pour que ne se répète pas la tragédie de Beyrouth, il semble évident qu’il faut interdire à Mohamed Kabbani de se produire sur les écrans de télévision ; il faut que cessent la propagation de la haine et du ressentiment et la propagande confessionnelle et religieuse ; il faut que de tels actes relèvent des tribunaux et que soit levée toute immunité sociale, politique et religieuse, concernant des actes de cette sorte.
Pour que demain ne soit pas comme hier et que s’ouvre devant les Libanais la voie vers la démocratie, la liberté et la souveraineté, le seul moyen, c’est de demander à ceux qui se proclament les dirigeants au Liban : « D’où vous vient tout cet argent alors que votre peuple n’a rien à se mettre sous la dent ? » On ne peut se contenter de la réponse : « Nous sommes riches », mais dans un Liban souverain, démocratique, tel qu’on le rêve, on demanderait quelle est la source d’une telle richesse.
Comme le dit le président Salim El-Hoss, le Liban a beaucoup de liberté et peu de démocratie. Les observateurs ont remarqué qu’en pratique, cette liberté va à l’encontre de la démocratie et la détruit, qu’elle est utilisée par un seul parti, le parti du mensonge. Si hier nous avons bien vu qui mentait, aujourd’hui, nous voyons que c’est la tête du pouvoir et un groupe qui mentent. Qui détient la parole ? Qui sont les gens qui, détenteurs du pouvoir, appartiennent à un seule chapelle, celle du mensonge ? Siniora déclare que la décision gouvernementale n’a pas été publiée, pas plus que les documents envoyés aux intéressés dans les ministères et les cercles gouvernementaux, alors que, selon des membres de son gouvernement, ces documents ont été publiés, il n’est ni possible ni permis de revenir dessus, ils ont également été adressés aux Nations Unies, à l’administration états-unienne et à son ambassade à Beyrouth, nullement concernés par l’affaire. Ces mensonges et ces impostures montrent bien comment le pouvoir au Liban se conduit avec son peuple. Ainsi Samir Geagea a parlé de la détermination du Beyrouth de la Résistance, se posant en défenseur de la ville. Mais il a trompé les Libanais, oubliant de dire où il était quand l’armée israélienne assiégeait et occupait pour la première fois une capitale arabe. N’était-il pas l’allié et le principal soutien d’Ariel Sharon ? Pour que demain ne soit pas comme hier et pour qu’une tragédie ne se répète pas pour les Libanais, il faut écarter de tels individus des cercles du pouvoir dans ce pays.
Pour que demain ne soit pas comme hier, que demain ne suive pas le chemin tracé hier, il semble évident que les Libanais doivent appréhender avec précision la vérité de l’Histoire, l’accepter telle qu’elle est, et non pas selon leurs idéologies, leurs a priori ou leurs appartenances politiques. Il est certain que ce qui se passe à Beyrouth est un évènement historique. C’est le résultat d’un accumulation de fautes et d’erreurs depuis bien longtemps et pas seulement depuis l’arrivée de Fouad Siniora à la tête du pouvoir au Liban. L’arrivée même de Siniora résulte d’un régime fondé sur l’irresponsabilité et une philosophie politique qui consacre le mensonge comme outil et méthode de gouvernement. Cette stratégie est parvenue à son extrême limite, avec ce gouvernement issu d’un régime qui ne fait pas le lien entre la démocratie et les urnes.
Ce qui s’est passé est dû au fait que les forces libanaises sont inféodées à l’étranger, inféodation fondée sur un jeu de poker menteur réciproque : elles ont fait croire à l’étranger qu’elles contrôlaient la rue et le pouvoir ; or il est apparu rapidement qu’elles ne contrôlaient pas la rue, et par conséquent qu’elles ne contrôlaient pas le pouvoir réel et ses fondements. L’étranger sur lequel elles s’appuient, leur a fait croire qu’il les défendrait contre la colère populaire et elles l’on cru, sans voir qui il est : celui qui paie parce qu’il a besoin d’être protégé, ou celui qui n’a jamais tenu la moindre promesse envers un ami ou un allié, sinon en leur faisant payer le prix fort.
Assurément demain ne sera pas comme hier au Liban si les Libanais comprennent que les équilibres sur lesquels était érigé le pouvoir au Liban ne sont plus utiles pour son avenir, en tant que nation, État, ou peuple et qu’il leur faut inventer un équilibre plus réaliste.
Éditorial initialement publié dans Al-Watan (Damas) du 17 mai 2007.
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