Dans le débat autour de la rencontre entre George W. Bush et Vladimir Poutine depuis la réélection du premier, le thème central a été à nouveau l’identité des amis et des ennemis de la Russie. Ce débat est un héritage de la Guerre froide mais aussi une façon de réifier la relation Est-Ouest et éviter les discussions sur le caractère de plus en plus autoritaire de la Russie. Il faut sortir de cette façon de voir.
Le paradigme hégémonique dans cette discussion divise les responsables et les commentateurs en deux camps. Le premier est défini comme le camp des réalistes, qui estiment que l’on peut discuter avec la Russie quel que soit son régime et qu’il ne faut tenir compte que de la puissance de cet État. Les réalistes sont vus comme des amis de la Russie car ils sont prêts à coopérer avec Moscou sur la guerre au terrorisme et la non-prolifération et ne s’intéressent pas aux Droits de l’homme ou à la Tchétchénie. Ce camp regroupe les élites diplomatiques russes et les Républicains. L’autre camp est composé des idéalistes ou libéraux wilsoniens qui envisagent les relations entre États comme des relations entre régimes. Ceux-là pensent que les démocraties ne se font pas la guerre et qu’il faut faire la promotion de ce régime. Ces libéraux wilsoniens ou ces néo-conservateurs reaganiens sont perçus comme des ennemis de la Russie. A Washington, on considère qu’ils regroupent traditionnellement les démocrates et quelques rares membres des élites diplomatiques russes.
Il y a du vrai dans cette division mais en réalité, il n’y a pas deux groupes, il y en a quatre. Parmi les réalistes, il y a ceux qui veulent une coopération à tout prix et se moquent du régime en Russie, et ceux qui se méfient des intentions réelles de l’autre camp et n’ont donc pas une grande soif de coopération. Ce dernier type de réalisme consiste à vouloir figer l’asymétrie de puissance entre les États-Unis et la fédération de Russie. En Russie, ce type de réalistes veulent affaiblir les États-Unis. Parmi les idéalistes, certains partagent les buts des seconds réalistes et utilisent les Droits de l’homme pour isoler la Russie. Enfin, il y a les libéraux, qui comme moi veulent une Russie forte, qui soit un vrai partenaire, mais également une démocratie. Nous ne sommes pas les ennemis de la Russie, les vrais ennemis sont ceux qui utilisent le pragmatisme pour soutenir l’autoritarisme et le désengagement.
« Finding Russia’s True Friends and Foes », par Michael McFaul, Moscow Times, 18 février 2005.
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