M. Amr Moussa, de la Ligue arabe, a déclaré en sortant de chez le président syrien que ce dernier était disposé à appliquer les accords de Taëf, mais cette histoire traîne depuis 15 ans. Il faut immédiatement constituer un gouvernement d’union nationale au Liban et démanteler l’appareil sécuritaire syrien conjoint avec les Libanais. Les garanties fournies par M. Moussa sont totalement insuffisantes. La Syrie est quelque part responsable de la mort d’Hariri et elle couvre un gouvernement libanais fantoche. Quand on parle de gouvernement libanais, c’est d’un gouvernement simplement géré par le Gauleiter syrien, dans la Bekaa. On ne peut pas négocier avec la bande de criminels de Damas, il nous faut des assurances quant au retrait syrien.
Il faut d’abord des élections libres, ensuite le départ d’Émile Lahoud et Omar Kamaré, puis établir un calendrier précis concernant le retrait syrien. Les discussions sur le retrait syrien dans le parlement libanais ne mèneront à rien car, hormis l’opposition, ce parlement est à la solde des Syriens. Il faut également une enquête internationale sur la mort de Rafic Hariri et la commission internationale d’enquête désignée par Kofi Annan est une excellente chose, mais il faut que le commissaire irlandais Fitzgerald puisse interpeller les plus hauts responsables syriens et libanais, et les hommes politiques.
Le point de rupture avec les Syriens a été la tentative d’assassinat contre Marouane Hamadé, en octobre 2004, juste après que l’on a pacifiquement osé dire non à la décision de Bachar Al-Assad de prolonger le mandat présidentiel de M. Lahoud. Ils, c’est-à-dire Syriens et Libanais, ont essayé de tuer Marouane. Puis, quand on a demandé l’application de Taëf, ils ont assassiné Hariri. Nous ne réclamons pas une intervention militaire de la France ou des États-Unis : nous ne sommes pas des traîtres. Nous demandons, en tant que citoyens libres et libanais, le respect des Droits de l’homme. Nous voulons un Liban indépendant et libre, ni plus ni moins. Il faut que le président syrien comprenne que le mur de Berlin est tombé, que l’empire soviétique est tombé. Je sais que je prends un risque en demandant cela, mais je me souviens de mon père et que le sacrifice doit être accepté pour l’indépendance de ce pays.

Source
Le Monde (France)

« Il n’est pas question de discuter avec un pouvoir fantoche », par Walid Joumblatt, Le Monde, 23 février 2005. Ce texte est adapté d’une interview.