Il ne m’a pas fallu plus de cinq minutes pour m’adapter à mon poste de ministre de la Sécurité. De toute façon, en prison, j’avais des contacts avec l’extérieur et me tenais informé de ce qui se passait. La vie en prison était dur à cause du froid mais j’y retournerai de moi même, une fois l’ordre revenu, si ma condamnation n’est pas annulée. Mais j’ai bon espoir d’être acquitté, car les poursuites contre moi étaient clairement politiques.
La révolution au Kirghizistan n’a pas vraiment commencé. Le régime s’est effondré très vite et il y a eu une vacance du pouvoir qui a été comblée par un appel à Kurmanbek Bakiev . Faible et divisée, l’opposition n’était pas prête à s’emparer du pouvoir. Du coup, la situation politique est loin d’être clarifiée. Mais il n’est plus possible de revenir en arrière. Compte tenu des circonstances, je ne sais pas si je me présenterai à l’élection du 26 juin. Si ma candidature devait entraîner de nouveaux affrontements et que j’estime que des personnes dignes se présentent, avec de bons programmes, il ne sera pas forcément nécessaire que je sois également candidat. J’ai d’excellents rapports avec Bakiev, même s’il était Premier ministre lorsqu’on m’a jeté en prison. À l’époque, il s’occupait surtout des questions économiques ; nous verrons quel est son programme aujourd’hui.
Le Kirghizistan est un petit pays, enclavé et disposant de peu de ressources, nous devons donc recevoir l’aide de tout le monde, Russes comme États-uniens. Les États-uniens veulent que notre pays se démocratise : qu’il ne devienne pas une nouvelle menace pour le monde, un foyer du terrorisme ou du trafic de drogue. Mais nous ne pouvons pas vivre sans la Russie. Sur les 5 millions d’habitants du Kirghizistan, entre 800 000 et un million travaillent en Russie. On ne peut pas se fâcher avec Moscou et, en outre, j’ai du respect pour Vladimir Poutine.
Libération (France)
Libération a suivi un long chemin de sa création autour du philosophe Jean-Paul Sartre à son rachat par le financier Edouard de Rothschild. Diffusion : 150 000 exemplaires.
« La révolution kirghize n’a pas encore vraiment commencé », par Felix Koulov, Libération, 26 mars 2005. Ce texte est adapté d’une interview.
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