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Il y a moins de trois mois, le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies a demandé, à l’unanimité de ses membres, au Bureau du Procureur (le « Bureau ») de la Cour pénale internationale d’intervenir en ouvrant une enquête impartiale à propos des crimes commis en Libye. Aujourd’hui, le Bureau a présenté aux juges de la Cour pénale internationale les éléments de preuve qu’il a recueillis et leur a demandé de procéder à la délivrance de mandats d’arrêt.
Les éléments de preuve rassemblés montrent que Mouammar Kadhafi a personnellement ordonné les attaques qui ont été dirigées contre des civils libyens non armés. Ses forces ont attaqué des civils libyens dans leurs foyers et dans des lieux publics, réprimé des manifestations en tirant à balles réelles sur la foule, utilisé des armes lourdes contre des personnes qui participaient à des cortèges funèbres et positionné des tireurs isolés pour tuer des personnes qui quittaient la mosquée après la prière.
Les éléments de preuve disponibles attestent que des actes de persécution se poursuivent à l’heure où je vous parle, dans les zones sous le contrôle de Kadhafi, dont les hommes préparent des listes de dissidents présumés qui sont actuellement arrêtés, emprisonnés, torturés et font l’objet de disparitions forcées.
La majorité des victimes sont des Libyens mais les attaques généralisées et systématiques dont ils font l’objet touchent l’ensemble de la communauté internationale. Les crimes commis sont des crimes contre l’humanité. C’est pourquoi la Ligue des États arabes et l’Union africaine étaient préoccupés par la situation et que le Conseil de sécurité a estimé que l’intervention de la Cour pénale internationale était nécessaire. La situation en Libye reflète également les changements qui ont eu lieu dans la région toute entière. La coopération des Etats de la région a été indispensable pour l’enquête, de même que la contribution des citoyens qui ont joué un rôle fondamental dans l’assistance aux victimes libyennes et à faire en sorte que leur histoires parviennent à la Cour.
Le Bureau a identifié, sur la base des éléments de preuve qu’il a rassemblés, les personnes qui portent la responsabilité pénale la plus lourde.
Les éléments de preuve recueillis par le Bureau attestent que Kadhafi s’appuie sur son entourage immédiat pour mettre en œuvre des garde-fous visant à supprimer systématiquement toute remise en cause de son autorité. Son deuxième fils, Saïf Al Islam, exerce les fonctions de Premier ministre dans les faits et AL-Sanousi, son beau-frère, est son bras droit et le chef du renseignement militaire.
Le Bureau a recueilli des éléments de preuve directs attestant que Mouammar Kadhafi a lui-même donné des ordres, que Saïf Al Islam a organisé le recrutement de mercenaires et qu’Al Sanousi a participé aux attaques lancées contre des manifestants. En outre, le Bureau dispose d’informations selon lesquelles tous les trois ont tenu des réunions dont le but était de planifier ces opérations.
Mouammar Kadhafi a commis ces crimes dans le but de préserver son pouvoir absolu. En tant que Guide de la Révolution, il jouit d’un pouvoir absolu conformément à la loi libyenne ; ses ordres ont force obligatoire, même pour le Congrès ; s’opposer à lui, l’insulter ou remettre en cause son autorité est considéré comme un crime.
Sur la base des éléments de preuve en sa possession, l’Accusation a déposé une requête à la Chambre préliminaire I aux fins de la délivrance de mandats d’arrêt contre Mouammar Mohammed Abu Minyar Kadhafi, Saïf Al-Islam Kadhafi et Abdullah Al-Sanousi.
Il appartient désormais aux juges de se prononcer. Ils peuvent faire droit à la requête, la rejeter ou demander au Bureau du Procureur de rassembler davantage d’éléments de preuve.
Entre-temps, le Bureau du Procureur poursuivra ses enquêtes : nous nous intéresserons en premier lieu aux allégations de viols commis en Libye. Aucune impunité ne sera tolérée pour les crimes à caractère sexiste commis dans le pays. En second lieu, il conviendra d’enquêter à propos des attaques dont ont fait l’objet des Africains sub-sahariens considérés à tort comme des mercenaires. En troisième lieu, nous prévoyons d’enquêter à propos des allégations de crimes de guerre qui auraient été commis par les différentes parties au cours du conflit armé qui a éclaté vers la fin du mois de février. Le Bureau reste en contact avec la commission d’enquête internationale constituée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU qui présentera son rapport au Conseil début juin.
Le Bureau ne sollicite pas l’intervention des forces internationales pour exécuter les mandats d’arrêt. Si la Cour délivre effectivement ces mandats et que les trois personnes qui en font l’objet demeurent en Libye, il incombera en premier lieu aux autorités libyennes de les arrêter. La Libye, en tant que membre de l’Organisation des Nations Unies, se trouve dans l’obligation de se conformer à la Résolution 1970 du Conseil de sécurité.
Lorsque le moment sera venu, l’exécution des mandats d’arrêt sera le moyen le plus efficace d’assurer la protection des civils qui font l’objet d’attaques en Libye et ailleurs. Comme dans toutes les autres affaires pénales, elle aura un effet dissuasif sur d’autres dirigeants qui envisageraient de recourir à la violence pour accéder au pouvoir ou s’y maintenir.
Merci de votre attention.
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