Communiqué du Procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno-Ocampo, sur la situation en Palestine
1. Le 22 janvier 2009, Ali Khashan, en sa qualité de Ministre de la justice du Gouvernement palestinien, a déposé au titre de l’article 12‐3 du Statut de Rome une déclaration par laquelle son gouvernement consent à ce que la Cour pénale internationale exerce sa compétence à l’égard d’« actes commis sur le territoire de la Palestine à partir du 1er juillet 2002 [1] ».
2. Conformément à l’article 15 du Statut de Rome, le Bureau du Procureur a amorcé un examen préliminaire afin de déterminer s’il est raisonnablement fondé à ouvrir une enquête. Dans un souci d’équité, le Bureau a donné à toutes les parties concernées la possibilité de se faire entendre. La Commission indépendante d’établissement des faits sur Gaza de la Ligue des États arabes a présenté son rapport lorsqu’elle s’est rendue au siège de la Cour. Le Bureau a permis à la Palestine d’exposer sa position en détail à l’oral et à l’écrit et a également examiné plusieurs rapports présentant des thèses contradictoires [2]. En juillet 2011, la Palestine a confirmé au Bureau qu’elle avait fait valoir ses principaux arguments, sous réserve du dépôt de pièces justificatives complémentaires.
3. Dans le cadre d’un examen préliminaire, il convient d’abord de déterminer si les conditions préalables à l’exercice de la compétence de la Cour au regard de l’article 12 du Statut de Rome sont réunies. Une fois ces critères remplis, le Bureau peut procéder à l’analyse des informations recueillies sur les crimes allégués et des autres conditions régissant l’exercice de la compétence énoncées aux articles 13 et 53‐1.
4. La compétence de la Cour n’est pas fondée sur le principe de la compétence universelle : il revient au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (article 13‐b) ou à un « État » (article 12) de lui attribuer cette compétence. L’article 12 prévoit qu’un « État » peut le faire en devenant partie au Statut de Rome (article 12‐1) ou en acceptant expressément ladite compétence par voie de déclaration (article 12‐3).
5. La question qui se pose alors est de savoir à qui il revient de définir ce qu’est un « État » aux fins de l’article 12 du Statut ? Conformément à l’article 125, le Statut de Rome est ouvert à l’adhésion de « tous les États », et tout État souhaitant devenir partie au Statut doit déposer un instrument d’adhésion auprès du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies. Dans les cas où la question de savoir si le requérant peut être considéré ou non comme un « État » est sujette à controverse ou fait débat, le Secrétaire général suit habituellement les recommandations de l’Assemblée générale, dont les résolutions fournissent à ce titre des indications permettant d’y répondre
[3]. La responsabilité de définir le terme « État » au sens de l’article 12 incombe donc en premier lieu au Secrétaire général de l’ONU, lequel s’en remettra aux recommandations de l’Assemblée générale en cas de doute. En vertu de l’article 112‐2‐g, l’Assemblée des États parties au Statut de Rome peut également décider d’examiner cette question en temps utile.
6. Dans son interprétation et application de l’article 12 du Statut de Rome, le Bureau a estimé que c’était aux organes compétents de l’Organisation des Nations Unies ou à l’Assemblée des États parties qu’il revenait de décider, en droit, si la Palestine constitue ou non un État aux fins d’adhésion au Statut de Rome et, par conséquent, d’exercice de la compétence de la Cour visée à l’article 12‐1. Aucune disposition du Statut n’autorise le Bureau du Procureur à adopter une méthode visant à définir le terme « État » au regard de l’article 12‐3 qui s’écarterait de celle établie aux fins de l’article 12‐1.
7. Le Bureau prend acte du fait que la Palestine a été reconnue comme un État dans le cadre de relations bilatérales par plus de 130 gouvernements et par certaines organisations internationales dont des organes onusiens. Il n’en reste pas moins que le statut qui lui est actuellement conféré par l’Assemblée générale des Nations Unies est celui d’« observateur » et non pas d’« État non membre ». Le Bureau croit comprendre que, le 23 septembre 2011, la Palestine a demandé à devenir membre des Nations Unies en qualité d’État en vertu de l’article 4 2) de la Charte des Nations Unies, mais que le Conseil de sécurité ne s’est pas encore prononcé sur ce point. Cette procédure ne se rapporte pas directement à la déclaration déposée par la Palestine, mais elle nous éclaire sur le statut juridique actuel de cette dernière aux fins d’interprétation et d’application de l’article 12.
8. Le Bureau n’exclut pas la possibilité d’examiner à l’avenir les allégations de crimes commis en Palestine si les organes compétents de l’ONU, voire l’Assemblée des États parties, élucident le point de droit en cause dans le cadre d’une évaluation au regard de l’article 12 ou si le Conseil de sécurité lui attribue compétence en déférant cette situation conformément aux dispositions de l’article 13‐b.
[3] Cette thèse est présentée dans les dispositions interprétatives adoptées par l’Assemblée générale lors de sa 2202ème séance plénière du 14 décembre 1973 ; voir Précis de la pratique du Secrétaire général en tant que dépositaire de traités multilatéraux, ST/LEG/7/Rev. 1, par. 81‐83.
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