Merci, merci. Merci beaucoup. Merci. Veuillez vous asseoir.
D’abord, je voudrais remercier Hillary Clinton qui a tant voyagé ces six derniers mois qu’elle se rapproche d’une nouvelle étape notable - le million de milles des grands voyageurs. (Rires) Je compte sur Hillary tous les jours et je crois qu’elle entrera dans l’histoire de notre pays comme l’un de nos meilleurs secrétaires d’État.
Le département d’État est un lieu particulièrement bien choisi pour marquer un nouveau chapitre de la diplomatie américaine. Depuis six mois, nous sommes témoins des changements extraordinaires qui se produisent au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Place après place, ville après ville, pays après pays, les citoyens se sont dressés pour revendiquer leurs droits fondamentaux. Deux dirigeants se sont écartés. D’autres pourraient les suivre. Et bien que ces pays soient bien éloignés de nos côtes, nous savons que notre propre avenir est lié à cette région par les forces de l’économie et de la sécurité, par l’histoire et par la religion.
Aujourd’hui, je veux d’abord parler de ces changements - des forces qui les guident, et de la manière dont nous pouvons y réagir afin de promouvoir nos valeurs et de renforcer notre sécurité.
Nous avons déjà beaucoup fait pour modifier notre politique étrangère suite à une décennie marquée par deux conflits coûteux. Après des années de guerre en Irak, nous avons retiré 100.000 soldats américains et mis fin à notre mission de combat dans ce pays. En Afghanistan, nous avons brisé l’élan des talibans, nous commencerons en juillet à retirer nos forces et nous poursuivrons la transition des opérations au gouvernement afghan. Et après des années de guerre contre Al-Qaïda et ses groupes affiliés, nous avons asséné un coup dur à Al-Qaïda en tuant son leader - Oussama Ben Laden.
Ben Laden n’était en aucune façon un martyr. C’était un meurtrier de masse, qui diffusait un message de haine : l’insistance que les musulmans devaient porter les armes contre l’Occident, et que la violence contre les hommes, les femmes et les enfants était la seule voie du changement. Il rejetait la démocratie et les droits individuels pour les musulmans au profit d’un extrémisme violent ; son ordre du jour portait sur ce qu’il pouvait détruire et non ce qu’il pouvait bâtir.
Ben Laden et sa vision meurtrière se sont attiré quelques adeptes. Mais dès avant sa mort, Al-Qaïda perdait sa lutte pour la pertinence, car l’immense majorité des gens ont vu que le massacre d’innocents ne répondait pas à leur quête d’une vie meilleure. Au moment où nous avons trouvé Ben Laden, l’ordre du jour d’Al-Qaïda était vu comme une voie sans issue par la vaste majorité de la région, et les peuples du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord avaient déjà pris leur avenir en main.
Cette histoire d’autodétermination a commencé il y a six mois en Tunisie. Le 17 décembre, un jeune marchand ambulant du nom de Mohammed Bouazizi a tout perdu quand un agent de police lui a confisqué son étal. Le cas n’était pas unique. C’est le même genre d’humiliation qui se produit chaque jour dans de nombreuses régions du monde - la tyrannie continue des gouvernements qui refusent à leurs citoyens la dignité. Seulement cette fois-ci, quelque chose d’autre s’est produit. Après que les responsables locaux eurent refusé d’écouter sa plainte, ce jeune homme qui n’avait jamais été particulièrement actif en politique s’est rendu au siège du gouvernement provincial, s’est arrosé d’essence et s’est immolé.
Il y a des moments dans l’histoire où les actes de citoyens ordinaires déclenchent des mouvements pour le changement parce qu’ils témoignent d’une aspiration à la liberté qui grandissait depuis des années. Aux États-Unis, pensez au mouvement de défi de ces patriotes à Boston qui ont refusé de payer des taxes au roi, ou à la dignité de Rosa Parks quand elle a pris son siège avec courage. C’est le même cas en Tunisie : l’acte de désespoir d’un vendeur a réverbéré dans tout le pays. Des centaines de manifestants sont descendus dans les rues, puis des milliers. Et confrontés aux matraques et parfois aux balles, ils ont refusé de rentrer chez eux - jour après jour, semaine après semaine, jusqu’à ce qu’un dictateur au pouvoir depuis plus de deux décennies l’eût enfin quitté.
L’histoire de cette révolution et de celles qui ont suivi ne devrait surprendre personne. Les nations du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord ont obtenu leur indépendance il y a longtemps, mais dans beaucoup trop d’endroits, les populations n’ont pas gagné la leur. Dans trop de pays, le pouvoir est concentré entre les mains d’une petite minorité. Dans trop de pays, un citoyen comme ce jeune marchand n’a nulle part où se tourner - aucun système judiciaire honnête pour présenter son cas ; aucun média indépendant pour faire entendre sa voix ; aucun parti politique crédible pour représenter ses points de vue ; aucune élection libre et juste pour lui permettre de choisir son dirigeant.
L’absence d’autodétermination - de la chance de faire de votre vie ce que vous désirez - s’applique aussi à l’économie de la région. Oui, certains pays sont dotés de richesses pétrolières et gazières, ce qui a créé des poches de prospérité. Mais dans une économie mondiale fondée sur le savoir, fondée sur l’innovation, aucune stratégie de développement ne saurait se baser uniquement sur ce qui sort du sol - tout comme un peuple ne peut réaliser son potentiel quand il n’est pas possible de lancer une entreprise sans payer des pots-de-vin.
Face à ces défis, trop de dirigeants de la région ont tenté d’orienter les doléances de leur peuple contre d’autres. Ils ont blâmé l’Occident pour toutes sortes de maux, un demi-siècle après la fin du colonialisme. L’antagonisme contre Israël était devenu la seule expression politique acceptable. Les divisions entre les tribus, les groupes ethniques et les sectes religieuses étaient manipulées pour en faire un moyen de s’agripper au pouvoir, ou de s’en emparer.
Mais les événements des six derniers mois nous ont montré que les stratégies de répression et les stratégies de diversion n’allaient plus réussir. Les télévisions par satellite et l’Internet offrent une fenêtre sur un monde plus vaste - un monde de progrès ahurissants dans des endroits tels que l’Inde, l’Indonésie et le Brésil. Les téléphones portables et les réseaux de médias sociaux permettent aux jeunes gens de se connecter et de s’organiser plus que jamais. Une nouvelle génération a ainsi émergé. Et leurs voix nous disent que les changements ne sauraient leur être refusés.
Au Caire, nous avons entendu la voix d’une jeune mère qui disait : « C’est comme si je pouvais enfin respirer de l’air frais pour la première fois. »
À Sanaa, nous avons entendu les étudiants scander : « La nuit doit s’achever. »
À Benghazi, nous avons entendu un ingénieur déclarer : « Nous sommes libres de nos paroles aujourd’hui. C’est une sensation qu’on ne peut pas expliquer. »
À Damas, nous avons entendu un jeune homme dire : « Après le premier cri, après la première clameur, vous ressentez de la dignité. »
Ces cris de dignité humaine se font entendre dans toute la région. Et par la force morale de la non-violence, les peuples de la région ont accompli plus de changements en six mois que les terroristes en l’espace de plusieurs décennies.
Bien sûr, des changements d’une telle ampleur ne se réalisent pas facilement. De nos jours et à notre époque d’informations 24 heures sur 24 et de constantes communications, les gens s’attendent à ce que la transformation de la région s’achève en quelques semaines. Mais il faudra des années avant que cette épopée ne touche à sa fin. Tout au long, il y aura de bons jours et il y en aura de mauvais. Dans certains endroits, les changements seront rapides, dans d’autres, graduels. Et comme nous l’avons déjà vu, l’appel au changement peut donner lieu à des disputes féroces pour le pouvoir.
La question devant nous est de savoir quel rôle les États-Unis joueront au fur et à mesure que ces événements se produiront. Pendant des décennies, les États-Unis ont visé un ensemble d’intérêts centraux dans la région : contrer le terrorisme et stopper la prolifération d’armes nucléaires ; assurer la libre circulation du commerce, et préserver la sécurité de la région ; défendre la sécurité d’Israël et œuvrer pour la paix arabo-israélienne.
Nous continuerons à faire cela, dans la ferme conviction que les intérêts des États-Unis ne vont pas à l’encontre des espérances des populations mais qu’ils leur sont essentiels. Nous sommes convaincus que personne ne profiterait d’une course aux armements nucléaires dans la région, ou des attaques brutales d’Al-Qaïda. Nous sommes convaincus que les gens verraient partout leur économie paralysée par l’interruption des approvisionnements en énergie. Et comme nous l’avons montré pendant la guerre du Golfe, nous ne tolérerons pas d’agression transfrontalière, et nous nous acquitterons de nos engagements envers nos amis et partenaires.
Nous devons reconnaître cependant qu’une stratégie fondée uniquement sur la poursuite étroite de ces intérêts ne remplira pas un estomac vide ni ne permettra à qui que ce soit de s’exprimer librement. En outre, ne pas tenir compte des aspirations plus vastes des citoyens ordinaires ne fera que renforcer leur suspicion, qui couve depuis des années, que nous poursuivons nos intérêts aux dépens des leurs. Comme cette méfiance est mutuelle - du fait que la conscience des Américains a été marquée par des prises d’otages, par des paroles violentes et par des attaques terroristes qui ont tué des milliers des leurs - l’absence de changement d’approche risque de provoquer une spirale de plus en plus profonde de division entre les États-Unis et le monde arabe.
C’est pourquoi il y a deux ans au Caire, j’ai commencé à élargir notre engagement sur la base d’intérêts mutuels et du respect mutuel. J’étais convaincu alors et je suis convaincu aujourd’hui que notre intérêt réside non seulement dans la stabilité des nations mais aussi dans l’autodétermination des individus. Le statu quo ne peut pas perdurer. Les sociétés maintenues en place par la peur et la répression offrent peut-être une illusion de stabilité pendant un certain temps, mais elles sont construites sur des lignes de faille qui finiront par les disloquer.
Une occasion historique s’offre donc à nous. Nous avons la possibilité de montrer que l’Amérique se soucie plus de la dignité du marchand de rue à Tunis que de la force brute du dictateur. Que l’on n’en doute pas : les États-Unis d’Amérique se réjouissent du changement qui fait avancer l’autodétermination et les chances de réussir. Certes, des moments périlleux accompagneront à l’occasion la promesse de cette perspective. Mais après avoir accepté pendant des dizaines et des dizaines d’années le monde tel qu’il est dans la région, nous avons maintenant l’occasion de chercher à construire le monde tel qu’il devrait être.
Évidemment, il nous faut procéder avec humilité. Ce ne sont pas les États-Unis qui ont fait descendre les gens dans la rue à Tunis ou au Caire - ce sont les gens eux-mêmes qui ont lancé ces mouvements, et c’est à eux qu’il appartient de déterminer quelle en sera l’issue.
Tous les pays ne suivront pas nécessairement notre forme particulière de démocratie représentative, et il y aura des moments où nos intérêts à court terme ne s’aligneront pas parfaitement sur notre conception à long terme de la région. Mais nous pouvons - et devons - proclamer un ensemble de principes clés, de principes qui ont guidé notre réaction aux événements survenus au cours des six derniers mois :
Les États-Unis s’opposent à l’usage de la violence et de la répression contre les peuples de la région. (Applaudissements)
Les États-Unis appuient un ensemble de droits universels. Ces droits regroupent la liberté d’expression ; la liberté de se réunir pacifiquement ; la liberté de religion ; l’égalité des hommes et des femmes dans un État de droit ; et le droit de choisir ses propres dirigeants - que l’on vive à Bagdad ou à Damas, à Sanaa ou à Téhéran.
En outre, nous soutenons au Moyen-Orient et en Afrique du Nord une réforme politique et économique qui soit capable de satisfaire les aspirations légitimes des simples gens dans l’ensemble de la région.
Notre soutien à ces principes ne relève pas d’un intérêt secondaire - aujourd’hui, je veux faire clairement comprendre qu’il s’agit d’une toute première priorité qui doit se traduire par des actions concrètes et être appuyée par tous les outils diplomatiques, économiques et stratégiques à notre disposition.
Je vais être précis. En premier lieu, les États-Unis auront pour politique de promouvoir la réforme à travers la région et d’appuyer les transitions vers la démocratie. Cette démarche commence en Égypte et en Tunisie, où les enjeux sont élevés - parce que la Tunisie a formé l’avant-garde de cette vague démocratique et que l’Égypte est à la fois un partenaire de longue date et le plus grand pays du monde arabe. Ces deux pays peuvent être un excellent modèle en donnant l’exemple d’élections libres et honnêtes ; d’une société civile dynamique ; d’institutions démocratiques responsables et efficaces ; et d’un engagement régional responsable. Mais nous devons aussi soutenir les pays où la transition reste à s’accomplir.
Malheureusement, dans trop de pays, la violence a été jusqu’à présent la réponse aux appels au changement. L’exemple le plus extrême est celui de la Libye, où Mouammar Kadhafi est parti en guerre contre ses propres concitoyens en promettant de les chasser comme des rats. Comme je l’ai dit lorsque les États-Unis ont formé une coalition internationale pour intervenir, nous ne pouvons pas prévenir chaque injustice perpétrée par un régime contre son peuple, et notre expérience avec l’Irak nous a appris à quel point il est coûteux et difficile d’essayer d’imposer un changement de régime par la force - indépendamment des meilleures intentions que l’on puisse avoir.
Mais en Libye, nous avons vu la perspective d’un massacre imminent, nous avions un mandat d’action et nous avons entendu l’appel à l’aide du peuple libyen. Si nous n’étions pas intervenus avec nos alliés de l’OTAN et nos partenaires régionaux de la coalition, des milliers de personnes auraient péri. Le message aurait été clair : pour rester au pouvoir, on n’a qu’à massacrer autant de gens qu’il le faut. Le temps joue contre Kadhafi. Il n’a pas le contrôle de son pays. L’opposition a organisé un conseil de transition qui est légitime et crédible. Et quand Kadhafi quittera inévitablement le pouvoir ou sera forcé de le faire, des décennies de provocations cesseront et la transition vers une Libye démocratique pourra commencer.
Si elle a été le théâtre d’une violence sans précédent par son ampleur, la Libye n’est toutefois pas le seul pays où les responsables ont recours à la répression pour rester au pouvoir. L’exemple le plus récent est celui de la Syrie, dont le régime a choisi la voie du meurtre et de l’arrestation en masse de ses citoyens. Les États-Unis ont condamné ces actions, et en œuvrant de concert avec la communauté internationale nous avons intensifié nos sanctions contre le régime syrien, ayant notamment annoncé hier l’imposition de sanctions contre le président Assad et son entourage.
Le peuple syrien a donné la preuve de son courage en exigeant une transition vers la démocratie. Le président Assad est maintenant face à un choix : il peut diriger la transition ou s’écarter. Le gouvernement syrien doit cesser d’ouvrir le feu sur les manifestants et autoriser les protestations pacifiques ; il doit libérer les prisonniers politiques et mettre fin aux arrestations injustes ; il doit autoriser l’accès des observateurs des droits de l’homme aux villes telles que Daraa ; et il doit engager un dialogue sérieux pour faire avancer une transition démocratique. Faute de quoi, le président Assad et son régime continueront d’être contestés de l’intérieur et isolés à l’étranger.
À ce jour, la Syrie a suivi l’Iran, son allié, et sollicité l’assistance de Téhéran quant aux tactiques de répression à appliquer. Ceci révèle l’hypocrisie du régime iranien, qui dit soutenir les droits des manifestants à l’étranger, alors qu’il réprime ses compatriotes sur son territoire. N’oublions pas que les premières manifestations pacifiques se sont déroulées dans les rues de Téhéran, où le gouvernement a brutalisé des femmes et des hommes et jeté des innocents en prison. Nous entendons encore les échos des slogans scandés se répercuter de toit en toit à Téhéran. L’image d’une jeune femme agonisant dans la rue reste gravée dans notre mémoire. Et nous continuerons d’insister que le peuple iranien mérite le respect de ses droits universels et un gouvernement qui n’étouffe pas ses aspirations.
Nul n’ignore notre opposition à l’intolérance et aux mesures répressives de l’Iran - ainsi qu’à son programme nucléaire illicite et à son soutien du terrorisme. Mais pour que les États-Unis soient crédibles, nous devons reconnaître que par moments nos amis dans la région n’ont pas tous réagi aux revendications pour le changement de manière conforme aux principes que j’ai esquissés aujourd’hui. C’est vrai au Yémen, où le président Saleh doit tenir l’engagement qu’il a pris de céder le pouvoir. Et c’est vrai aussi, aujourd’hui, au Bahreïn.
Le Bahreïn est un partenaire de longue date, et nous sommes acquis à sa sécurité. Nous sommes conscients que l’Iran a tenté de tirer parti du mouvement de contestation dans ce pays et que le gouvernement bahreïnien a un intérêt légitime dans l’État de droit.
Néanmoins, nous avons insisté à la fois en public et en privé sur le fait que les arrestations en masse et la force brute ne cadraient pas avec les droits universels des citoyens bahreïniens et que de telles mesures ne feraient pas disparaître les appels légitimes à la réforme. La seule voie possible, c’est que le gouvernement et l’opposition nouent un dialogue, et on ne peut pas vraiment dialoguer quand une partie de l’opposition pacifique est en prison. (Applaudissements) Le gouvernement doit créer les conditions propices au dialogue, et l’opposition doit participer à la création d’un avenir juste pour tous les Bahreïniens.
De fait, l’une des grandes leçons à tirer de cette période, c’est que les divisions sectaires ne dégénèrent pas nécessairement en conflit. En Irak, nous voyons la promesse d’une démocratie multiethnique et multiconfessionnelle. Les Irakiens ont rejeté les périls de la violence politique en faveur d’un processus démocratique, alors même qu’ils assument l’entière responsabilité de leur sécurité. Bien sûr, comme c’est le cas de toutes les nouvelles démocraties, ils connaîtront des revers. Mais l’Irak est prêt à jouer un rôle moteur dans la région s’il persiste dans la voie du changement pacifique. Et quand ce sera le cas, nous serons fiers de nous tenir résolument à ses côtés.
Dès lors, dans les mois à venir, les États-Unis doivent user de toute leur influence pour encourager la réforme dans la région. Tout en reconnaissant que chaque pays est un cas particulier, nous devons parler honnêtement des principes qui font partie de nos convictions, avec nos amis comme avec nos ennemis. Notre message est simple : si vous assumez les risques qui découlent de la réforme, vous aurez le soutien total des États-Unis.
Nous devons aussi prolonger nos efforts visant à élargir notre engagement par-delà les élites pour atteindre les gens qui façonneront l’avenir, en particulier les jeunes. Nous devons continuer à tenir les engagements que j’ai pris au Caire - l’engagement de construire des réseaux de créateurs d’entreprises et d’élargir les programmes d’échanges dans l’enseignement ; d’encourager la coopération scientifique et technologique et de combattre les maladies. À travers la région, nous comptons fournir une assistance à la société civile, y compris aux groupes qui pourraient ne pas être reconnus officiellement et qui disent des vérités qui dérangent. Et nous utiliserons la technologie pour être plus près des gens et nous mettre à leur écoute.
Le fait est que la vraie réforme ne vient pas seulement des urnes. Par nos efforts, nous devons appuyer ces droits fondamentaux que sont la liberté de donner librement son avis et celle d’avoir accès à l’information. Nous soutiendrons le libre accès à l’Internet et le droit des journalistes d’être entendus, qu’il s’agisse d’une grande organisation de presse ou d’un blogueur solitaire. Au XXIe siècle, savoir, c’est pouvoir ; on ne peut pas cacher la vérité ; et la légitimité des gouvernements repose en fin de compte sur des citoyens actifs et bien informés.
Un discours ouvert de cette nature est important même si son contenu ne cadre pas avec notre conception du monde. Comprenez-moi bien : les États-Unis respectent le droit qu’ont tous les citoyens pacifiques et respectueux des lois de faire entendre leur voix, même s’ils ne sont pas d’accord avec eux. Et nous sommes parfois en désaccord total avec eux.
Nous sommes prêts à travailler avec tous ceux qui se rallient à une démocratie véritable et participative. Ce à quoi nous nous opposons, c’est à toute tentative, par quelque groupe que ce soit, de restreindre les droits d’autrui et de conserver le pouvoir au prix de la coercition - et non du consentement des gouvernés. Car la démocratie repose non seulement sur les élections, mais aussi sur la présence d’institutions robustes et responsables et sur le respect des droits des minorités.
Une telle tolérance s’avère particulièrement importante quand il s’agit de religion. Place Tahrir, nous avons entendu des Égyptiens de toutes les couches de la société qui scandaient : « Musulmans, chrétiens, nous ne faisons qu’un ». Les États-Unis feront leur part pour que cet esprit l’emporte - que toutes les confessions soient respectées et que des passerelles soient construites entre elles. Dans une région qui est le lieu de naissance de trois religions mondiales, l’intolérance ne peut que déboucher sur la souffrance et la stagnation. Et pour que cette saison de changement triomphe, les chrétiens coptes doivent avoir le droit de pratiquer librement leur culte au Caire, tout comme les chiites ne doivent jamais voir leurs mosquées détruites au Bahreïn.
Ce qui s’applique aux minorités religieuses s’applique aussi aux droits des femmes. L’histoire montre que les pays sont plus prospères et plus pacifiques lorsque les femmes sont autonomes. C’est pourquoi nous ne cesserons d’insister pour que les droits universels s’appliquent aux femmes comme ils s’appliquent aux hommes. Nous nous emploierons notamment à concentrer notre assistance sur la santé infantile et maternelle ; à aider les femmes à se lancer dans l’enseignement ou à monter une entreprise ; à défendre leur droit d’être entendues et de briguer des postes électifs. La région ne réalisera jamais pleinement son potentiel quand plus de la moitié de sa population est privée du droit de réaliser le sien.
Mais quand bien même nous encourageons la réforme politique, quand bien même nous encourageons les droits de l’homme dans la région, nous ne pouvons pas nous arrêter là. La deuxième voie par laquelle nous devons appuyer un changement positif dans la région, c’est celle du développement économique des pays qui effectuent la transition vers la démocratie.
Après tout, il n’y a pas que la politique qui a fait descendre les gens dans les rues. Ce qui a fait basculer beaucoup d’eux, c’est l’inquiétude constante de ne pas pouvoir nourrir leur famille ni subvenir à ses besoins. Trop de gens dans cette région n’ont pratiquement qu’une espérance quand ils se lèvent le matin, celle de pouvoir tenir le coup un jour de plus, et peut-être de voir leur chance tourner. Dans l’ensemble de la région, beaucoup de jeunes ont une éducation solide, mais ils n’arrivent pas à trouver du travail dans ces économies fermées. Ce ne sont pas les idées qui manquent aux entrepreneurs, mais la corruption les empêche de les mettre à profit. (Applaudissements)
La plus grande ressource la plus négligée au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, c’est le talent de sa population. Lors des manifestations récentes, nous voyons ce talent s’afficher quand les gens exploitent la technologie pour faire bouger le monde. Ce n’est pas un hasard si l’un des meneurs place Tahir était cadre chez Google. Il faut maintenant canaliser cette énergie, pays après pays, pour que la croissance économique puisse cimenter les succès de la rue. Car tout comme les révolutions démocratiques peuvent être déclenchées par un manque de débouchés pour les individus, les transitions démocratiques réussies ont besoin de l’expansion de la croissance et d’une prospérité largement partagée.
Nous concluons des leçons apprises de par le monde qu’il importe de miser sur le commerce, et non pas seulement sur l’aide. Nous devons tendre vers un modèle où le protectionnisme cède le pas à l’ouverture, où les rênes du commerce passent d’une petite minorité au plus grand nombre et où l’économie produit des emplois pour les jeunes. L’appui des États-Unis à la démocratie visera en conséquence à assurer la stabilité financière, à promouvoir la réforme et à intégrer des marchés dynamiques les uns aux autres et au sein de l’économie mondiale - à commencer par la Tunisie et l’Égypte.
Tout d’abord, nous avons demandé à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international de présenter au sommet du G8, la semaine prochaine, un plan sur ce qu’il faut faire pour stabiliser et moderniser les économies tunisienne et égyptienne. Ensemble, nous devons les aider à se remettre de la perturbation causée par leur soulèvement démocratique et appuyer les gouvernements qui seront élus plus tard cette année. Et nous appelons d’autres pays à aider l’Égypte et la Tunisie à satisfaire leurs besoins financiers à court terme.
Deuxièmement, nous ne souhaitons pas voir l’Égypte accablée par ses dettes passées. C’est pourquoi nous allégerons à concurrence de 1 milliard de dollars la dette d’une Égypte démocratique et nous nous associerons à nos partenaires égyptiens en vue d’investir ces ressources à l’appui de la croissance et de la création d’entreprises. Nous aiderons l’Égypte à recouvrer son accès aux marchés en garantissant à hauteur de 1 milliard de dollars des emprunts nécessaires au financement de l’infrastructure et à la création d’emplois. En outre, nous aiderons les nouveaux gouvernements démocratiques à récupérer les avoirs qui avaient été volés.
Troisièmement, nous œuvrons avec le Congrès pour créer des Fonds d’entreprise aux fins d’investissements en Tunisie et en Égypte. Ceux-ci seront calqués sur des fonds qui ont appuyé les transitions en Europe de l’Est après la chute du mur de Berlin. L’OPIC lancera prochainement un mécanisme doté de 2 milliards de dollars à l’appui des investissements privés à travers la région. Enfin, nous travaillerons avec nos alliés à réorienter la Banque européenne pour la reconstruction et le développement afin qu’elle apporte aux transitions démocratiques et à la modernisation économique du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord le même soutien qu’elle a apporté à l’Europe.
Quatrièmement, les États-Unis lanceront en faveur du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord une grande Initiative de partenariat pour le commerce et l’investissement. Abstraction faite des exportations pétrolières, cette région qui compte plus de 400 millions d’habitants exporte à peu près autant que la Suisse. C’est pourquoi nous nous emploierons, de concert avec l’Union européenne, à favoriser le commerce régional, à étoffer les accords existants en vue de promouvoir l’intégration de la région aux marchés américain et européen, et à ouvrir aux pays ayant adopté des critères rigoureux de réforme et de libéralisation commerciale la voie à l’établissement d’un arrangement commercial régional. De même que l’adhésion à l’Union européenne a servi d’incitation à la réforme en Europe, de même la perspective d’une économie moderne et prospère devrait-elle susciter un puissant élan de réforme au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
La prospérité exige également que s’abattent les murs qui barrent la route au progrès : la corruption d’élites qui volent le peuple ; les formalités administratives qui empêchent une idée de devenir une entreprise ; le favoritisme qui distribue la richesse sur des bases tribales ou confessionnelles. Nous aiderons les gouvernements à s’acquitter de leurs obligations internationales et à s’investir contre la corruption ; nous soutiendrons les parlementaires qui mettront en œuvre des réformes et les militants qui emploieront la technologie pour augmenter la transparence et responsabiliser les pouvoirs publics. Il s’agit de politique et de droits de l’homme ; de réforme économique...
Permettez-moi, pour conclure, d’aborder une autre pièce maîtresse de notre approche à l’égard de cette région, à savoir la recherche de la paix.
Depuis des décennies, le conflit entre les Israéliens et les Arabes jette une ombre sur la région. Il fait vivre les Israéliens dans la crainte que leurs enfants ne soient pulvérisés par un explosif placé dans un car ou par une roquette tirée sur leur logement, et dans la douleur de savoir qu’on apprend à d’autres enfants de la région à les haïr. Il fait subir aux Palestiniens l’humiliation de l’occupation et de ne jamais vivre dans un État à eux. De plus, ce conflit inflige des coûts plus étendus à travers le Moyen-Orient puisqu’il entrave les partenariats qui pourraient apporter une sécurité, une prospérité et des possibilités accrues à tout un chacun.
Depuis plus de deux ans, mon gouvernement s’efforce avec les parties intéressées et la communauté internationale à mettre fin à ce conflit, en s’appuyant sur les dizaines d’années de labeur des gouvernements précédents. En dépit de cela, les attentes restent déçues. Les activités israéliennes d’implantation se poursuivent. Les Palestiniens se sont retirés des pourparlers. Le monde contemple ce conflit qui ne fait que traîner, encore et toujours, et il n’y voit que l’impasse. À tel point que d’aucuns estiment que, vu tous les changements et toute l’incertitude dans la région, il est tout simplement impossible d’avancer.
Je n’en crois rien. À un moment où les peuples du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord se libèrent des fardeaux du passé, l’élan vers une paix durable qui mettra fin au conflit et réglera toutes les revendications est plus urgent que jamais. Cela est assurément vrai pour les deux parties impliquées.
Pour les Palestiniens, les efforts visant à délégitimer Israël échoueront. Les actions symboliques destinées à isoler Israël aux Nations unies en septembre ne vont pas leur créer un État indépendant. Les chefs palestiniens ne parviendront pas à la paix et à la prospérité si le Hamas insiste pour suivre le chemin de la terreur et le rejet. Et les Palestiniens n’obtiendront jamais leur indépendance en refusant à Israël le droit à l’existence.
Quant à Israël, notre amitié est profondément enracinée dans une histoire et dans des valeurs partagées. Notre engagement envers la sécurité d’Israël est inébranlable. Nous nous opposerons à toutes les tentatives en vue d’en faire la cible de critiques au sein des instances internationales. Toutefois, en raison même de notre amitié, il importe que nous lui disions la vérité : le statu quo est insoutenable et Israël doit agir avec audace afin de favoriser une paix durable.
Le fait est qu’un nombre croissant de Palestiniens vivent à l’ouest du Jourdain. La technologie compliquera la tâche qu’a Israël de se défendre. La transformation profonde qui s’opère dans la région entraînera un populisme où ce seront des millions de personnes, et non plus seulement un ou deux dirigeants, qui devront se persuader que la paix est possible. La communauté internationale est lasse d’un processus interminable qui ne donne jamais rien. Le rêve d’un État juif, démocratique, est irréalisable dans le contexte d’une occupation permanente.
En fin de compte, c’est aux Israéliens et aux Palestiniens qu’il incombe d’agir. Aucune paix ne peut leur être imposée, ni par les États-Unis, ni par personne d’autre. Mais ce n’est pas en retardant l’échéance à l’infini qu’on fera disparaître le problème. Ce que l’Amérique et la communauté internationale peuvent faire, c’est de déclarer franchement ce que tout le monde sait : toute paix durable met en jeu deux États, pour deux peuples, Israël en tant qu’État juif et patrie du peuple juif, et l’État de Palestine en tant que patrie du peuple palestinien, chaque État jouissant de l’autodétermination, de la reconnaissance mutuelle et de la paix.
Dès lors, tandis que les questions fondamentales devront faire l’objet de négociations, la base de ces dernières est claire : une Palestine viable, un Israël sûr. Les États-Unis sont d’avis que les négociations doivent aboutir à deux États, avec des frontières palestiniennes permanentes avec Israël, la Jordanie et l’Égypte, et avec des frontières israéliennes permanentes avec la Palestine. Nous pensons que les frontières d’Israël et de la Palestine doivent se baser sur les lignes de démarcation de 1967 dans le cadre d’échanges mutuellement agréés, de façon à ce que des frontières sûres et reconnues soient établies pour les deux États. Le peuple palestinien doit avec le droit de se gouverner et d’atteindre son plein potentiel à l’intérieur d’un État souverain et contigu.
Quant à la sécurité, tout État a droit à l’autodéfense et Israël doit pouvoir se défendre, tout seul, contre toute menace. Les dispositions doivent également être assez rigoureuses pour prévenir toute réapparition du terrorisme, pour empêcher l’infiltration d’armes et assurer une sécurité efficace aux frontières. Le retrait complet, par étapes, des forces militaires israéliennes doit être coordonné avec la prise de responsabilité par la Palestine de la sécurité dans un État souverain, non militarisé. La durée de cette période de transition doit être convenue, et l’efficacité des arrangements sécuritaires doit être démontrée.
Ces principes constituent une base de départ à des négociations. Les Palestiniens doivent connaître les contours territoriaux de leur État ; les Israéliens doivent savoir que leurs préoccupations fondamentales de sécurité seront satisfaites. Je suis conscient que ces mesures, à elles seules, ne vont pas résoudre le conflit, car il restera deux problèmes déchirants et névralgiques : l’avenir de Jérusalem, et le sort des réfugiés palestiniens. Mais en avançant dès maintenant sur les fronts des territoires et de la sécurité, on disposera d’une fondation pour résoudre ces deux problèmes d’une manière qui sera juste et équitable, et qui respectera les droits et les aspirations tant des Israéliens que des Palestiniens.
Maintenant, permettez-moi de dire ceci : le fait de reconnaître qu’on doit commencer les négociations par les questions de territoire et de sécurité ne signifie pas qu’il sera facile de revenir à la table. En particulier, l’annonce récente d’un accord entre le Fatah et le Hamas soulève des questions profondes et légitimes pour Israël : comment peut-on négocier avec un parti qui refuse de vous reconnaître le droit d’exister ? Dans les semaines et les mois à venir, les dirigeants palestiniens devront fournir une réponse crédible à cette question. Entre-temps, les États-Unis, leurs partenaires au sein du Quatuor et les États arabes devront continuer de prodiguer tous les efforts possibles pour surmonter l’impasse actuelle.
Je mesure la difficulté de cette entreprise. La suspicion et l’hostilité se sont transmises pendant des générations et elles se sont parfois durcies. Mais je suis convaincu que la majorité des Israéliens et des Palestiniens préféreraient se tourner vers l’avenir, plutôt que de rester prisonniers du passé. Nous voyons cet esprit animer le père israélien dont le fils a été tué par le Hamas et qui a aidé à fonder une organisation réunissant des Israéliens et des Palestiniens qui avaient perdu des êtres chers. Le père avait déclaré : « Je me suis rendu compte, peu à peu, que le seul espoir de progrès, c’était de reconnaître le vrai visage du conflit. » Nous le voyons dans les actions d’un Palestinien qui a perdu trois filles sous les obus israéliens à Gaza : « J’ai le droit d’être en colère, disait-il. Tant de gens s’attendaient à ce que je haïsse. Je leur réponds que je ne haïrai pas. Notre espoir doit résider, a-t-il dit, dans un lendemain. »
Tel est le choix qui devra être fait - non pas simplement dans le conflit israélo-palestinien, mais dans toute la région : un choix entre la haine et l’espoir ; entre les chaînes du passé et la promesse de l’avenir. C’est un choix qui appartient aux dirigeants et aux peuples, et c’est un choix qui définira l’avenir d’une région qui a été à la fois le berceau de la civilisation et un creuset de conflit.
En dépit de ces défis, nous voyons de nombreuses raisons d’être optimistes. En Égypte, nous en voyons dans l’engagement des jeunes qui ont dirigé les manifestations. En Syrie, nous en voyons dans le courage de ceux qui ont bravé les balles tout en scandant le refrain « pacifique, pacifique ». À Benghazi, ville menacée de destruction, nous en voyons sur la place de la justice où les gens se massent pour célébrer les libertés qu’ils n’avaient jamais connues. À travers la région, ces droits que nous tenons pour acquis sont revendiqués dans la joie par ceux qui desserrent l’étau tenu d’une main de fer.
Aux yeux du peuple des États-Unis, les scènes de soulèvement dans la région peuvent paraître troublantes, mais les forces qui les entraînent ne lui sont pas étrangères. Notre propre nation s’est formée lors d’une rébellion contre un empire. Notre peuple a traversé une douloureuse guerre civile qui a apporté liberté et dignité à ceux qui étaient asservis. Je ne serais pas ici devant vous aujourd’hui si les générations passées ne s’étaient pas tournées vers la force morale de la non-violence comme moyen de parfaire notre union - s’organisant, manifestant, protestant pacifiquement et ensemble afin de donner corps aux paroles qui ont façonné notre nation : « Nous tenons ces vérités pour évidentes en soi, que tous les hommes naissent égaux. »
Ces mots doivent guider notre réaction aux changements qui transforment le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, ces mots qui nous disent que la répression échouera, que les tyrans tomberont et que tout homme et toute femme est doté de certains droits inaliénables.
Ce ne sera pas facile. Il n’existe pas de ligne droite vers le progrès et les difficultés accompagnent toujours une saison d’espoir, Mais les États-Unis d’Amérique ont pour principe fondateur que les peuples doivent se gouverner par eux-mêmes. À présent, nous ne saurions hésiter à nous placer fermement du côté de ceux qui aspirent à leurs droits, sachant que leur réussite donnera naissance à un monde plus paisible, plus stable et plus juste.
Je vous remercie tous. Merci.
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