Conférence de presse de John Kerry et Guido Westerwelle à Berlin, le 26 février.

Lors de son discours annuel sur l’état de l’Union, le président Barack Obama a annoncé unilatéralement l’ouverture de négociations sur un Partenariat global transatlantique de commerce et d’investissement avec l’Union européenne (12 février). Quelques heures plus tard, ce scoop était confirmé par une déclaration conjointe du président US et des présidents du Conseil européen, Herman van Rompuy, et de la Commission européenne, José Manuel Barroso.

Le projet de Zone de libre-échange transatlantique a officiellement vu le jour en marge des négociations du traité de Zone de libre-échange nord-américaine (ALENA), en 1992. Suivant un processus d’expansion, Washington voulait étendre cet espace à l’Union européenne. Cependant à l’époque, des voix s’étaient élevées aux États-Unis mêmes pour reporter cette absorption, le temps que l’Organisation mondiale du Commerce soit mise en place et stabilisée. Elles craignaient que les deux projets se téléscopent au lieu de se renforcer.

La création d’un marché transatlantique n’est qu’un volet d’un projet plus vaste, incluant la création d’un véritable gouvernement supra-institutionnel avec un Conseil économique transatlantique, un Conseil politique transatlantique, et une Assemblée parlementaire transatlantique. Ces trois organes ont déjà été créés de manière embryonnaire sans qu’aucune publicité leur soit donnée.

Leur architecture renvoie à un très ancien projet de création d’un vaste bloc capitaliste réunissant tous les États sous influence anglo-américaine. On en trouve la trace dans les clauses secrètes du Plan Marshall et surtout dans le Traité de l’Atlantique Nord (article 2). C’est pourquoi, on parle indifféremment d’Union transatlantique ou d’OTAN économique.

De ce point de vue, il est symptomatique de noter que, côté US, ce projet n’est pas suivi par le département du Commerce, mais par le Conseil de sécurité nationale.

On a un aperçu de ce que sera le fonctionnement de l’Union transatlantique en observant la manière dont ont été résolus les conflits sur le partage des données nominatives. Les Européens ont des normes de protection de la vie privée très exigeantes, tandis que les États-uniens peuvent faire n’importe quoi au motif de la lutte contre le terrorisme. Après diverses navettes, les Européens se sont couchés devant les États-uniens qui ont imposé leur modèle à sens unique : ils ont copié les données européennes, tandis que les Européens n’ont pas eu accès aux données états-uniennes.

En matière économique, il s’agira d’abroger les droits de douanes et les barrières non-tarifaires, c’est-à-dire les normes locales qui rendent impossible certaines importations. Washington veut vendre tranquillement en Europe ses OGM, ses poulets traités au chlore, et ses bœufs aux hormones. Il veut utiliser sans se gêner les données privées de Facebook, Google, etc.

A cette stratégie à long terme s’ajoute une tactique à moyen terme. En 2009-2010, Barack Obama avait constitué un Comité de conseillers économiques présidé par l’historienne Christina Romer. Cette spécialiste de la Grande dépression de 1929, avait développé l’idée que la seule solution à la crise actuelle aux États-Unis est de provoquer un déplacement des capitaux européens vers Wall Street. Dans ce but, Washington a fait fermer la plupart des paradis fiscaux non-anglo-saxons, puis a joué avec l’euro. Cependant, les capitalistes à la recherche de stabilité ont rencontré des difficultés à transférer leur argent aux États-Unis. L’OTAN économique rendra la chose plus facile. Les USA sauveront leur économie en attirant les capitaux européens, donc au détriment des Européens.

Au-delà du caractère inégal de ce projet et du piège qu’il représente dans l’immédiat, le plus important est que les intérêts des États-Unis et de l’Union européenne sont en réalité divergents. Les États-Unis et le Royaume-Uni sont des puissances maritimes qui ont un intérêt historique au commerce transatlantique. C’était même leur objectif exprimé dans la Charte de l’Atlantique lors de la Seconde Guerre mondiale. Au contraire, les Européens ont des intérêts continentaux communs avec la Russie, notamment en matière énergétique. En continuant à obéir à Washington comme durant la Guerre froide, Bruxelles dessert les Européens.

Source
Al-Watan (Syrie)