Monsieur le président,
Mesdames, messieurs,
Un Premier ministre français à la City, c’est presque un événement. Un Premier ministre français socialiste à la City, c’est une révolution ! Et je ne doute pas un seul instant que cette rencontre suscitera, surtout en France, de nombreux commentaires.
…
Mais venir ici à Guildhall, dans ce symbole de la City, dans ce lieu plusieurs fois détruit mais toujours reconstruit, dans ce quartier qui fait de votre ville un centre des affaires européen et mondial, quoi de plus normal, quoi de plus logique !
Je remercie the City of London Corporation et Madame la Lord Mayor de m’accueillir.
Je sais qu’en anglais, on utilise le mot français "cliché". Permettez-moi de voir dans cet exemple une illustration supplémentaire de la force de la langue de Molière … Si ce mot français "cliché" a tant de succès, c’est peut-être parce que la France en a fait une spécialité …
Il y a notamment un cliché tenace qui voudrait que la gauche soit fâchée avec l’entreprise. Et que par conséquent, un Premier ministre socialiste ne devrait pas rencontrer des entrepreneurs, des institutions financières, pire des banquiers. Rien n’est plus faux.
J’estime au contraire que mon rôle, dans les fonctions qui sont les miennes, c’est d’aller au-devant des acteurs économiques, de tous ceux qui créent les richesses dont nous avons besoin. Ces richesses sans lesquelles il n’y a ni emplois ni progrès social possible.
Cette vérité, je l’ai dite en France. Je l’ai dite, la semaine dernière, en Allemagne. Et je suis heureux – merci pour votre invitation ! – de pouvoir l’exprimer avec force devant vous.
Ma présence ici, c’est l’occasion de vous expliquer les reformes que mène mon gouvernement. Celle aussi de vous tenir un langage de vérité sur l’avenir du projet européen et sur la place que doit continuer d’y prendre la Grande Bretagne.
Une France qui avance
Mesdames, messieurs,
Je lis votre presse ; je regarde et j’écoute ce qui se dit sur la France. Et je sais faire la part des choses entre ce qui relève de la caricature et de la vérité. Mais je dois admettre que je vois trop souvent, dans certains de vos journaux, des préjugés, des partis-pris, des attaques ! C’est ainsi. Comme si pour certains, la France et le Royaume-Uni avaient besoin d’entretenir cette soi-disant rivalité …
Mais cela ne m’empêche pas de dire la vérité et d’examiner la situation avec lucidité, telle doit être l’exigence.
C’est celle que j’ai pour mes compatriotes ; c’est celle que j’entends avoir pour vous ce matin.
Je voudrais vous parler d’un pays. D’un pays dans lequel les déficits publics sont trop élevés. D’un pays dont l’industrie a souffert depuis plusieurs décennies. D’un pays dont la perte de compétitivité des entreprises s’est traduite par la chute continue de leurs parts de marché. De quel pays s’agit-il ? De la France ? Du Royaume-Uni ? En fait des deux à la fois …
Oui, nous faisons face aux mêmes défis. Mais nous évoluons dans un cadre différent. La France est dans la zone euro, ce n’est pas votre cas. En France, les impôts ont augmenté sur les entreprises et sur les ménages : 60 milliards en 4 ans, 30 millions entre 2010 et 2012 avec un gouvernement de droite, et 30 milliards entre 2012 et 2014 avec un gouvernement de gauche. C’est trop, c’est beaucoup trop et j’ai déjà eu l’occasion de le dire. Il faut réduire les impôts en France, notamment ceux qui pèsent sur les ménages, c’est ce que nous sommes en train de faire en 2014 et en 2015, mais d’abord et surtout sur les impôts qui pèsent sur nos entreprises. J’y reviendrai.
Vous, vous avez choisi de ne pas les augmenter. Et votre déficit public est largement supérieur au nôtre. Mais la reprise économique a gagné en vigueur depuis un an dans votre pays. Et c’est une bonne chose ! 3% de croissance en 2014, c’est le prix de vos efforts ! Ceux que la France doit entreprendre désormais et vite.
Aujourd’hui, en France, cette panne prolongée de la croissance génère des doutes, des interrogations sur le plan politique comme sur le plan économique. Et cette défiance pèse également sur la croissance. Car vous le savez bien ici, l’économie et la confiance sont intimement liées.
Faut-il se résigner à cela ? Baisser les bras ?
Non !
La France est un grand pays, je veux le rappeler notamment à cet entrepreneur britannique, qui pris tout à coup par une vision très sidérante, a annoncé que c’était la fin de la France. Il s’est excusé depuis et je l’en remercie, parce qu’il avait sans doute oublié que la France est la cinquième économie au monde et la deuxième de l’Europe.
Il n’y a jamais de position acquise, mais moi je veux me donner un objectif pour mon gouvernement, refaire de la France la première puissance économique en Europe. Et, je veux le dire tout particulièrement aujourd’hui, dans ce moment de tension internationale.
Nous en avons parlé avec le Premier Ministre Cameron. La France possède une diplomatie et des armées qui comptent. Elles nous permettent d’agir quand c’est nécessaire. Et même d’agir ensemble comme c’est le cas en ce moment même en Irak face à la menace terroriste.
La France a de nombreux atouts, je pense à sa jeunesse, à notre démographie positive et dynamique. Et je sais que nous avons la force et les ressources pour relancer l’économie et redresser notre pays.
Provoquer le sursaut, réformer la France, œuvrer pour le redressement : voilà ma feuille de route, ma mission, celle qui m’a été confiée il y a 6 mois par le Président de la République, et par l’Assemblée nationale qui, par deux fois déjà, m’a accordé sa confiance.
Réformer, c’est savoir où l’on veut amener le pays. C’est fixer le cap. C’est faire ce que l’on dit et dire ce que l’on fait. C’est donner de la cohérence à l’ensemble des réformes et des choix budgétaires qui sont les nôtres. C’est donc tenir ses engagements.
Et le premier engagement, c’est restaurer la compétitivité de nos entreprises.
C’est le sens du pacte de responsabilité et de solidarité annoncé par François Hollande au début de l’année et que nous mettons en œuvre. Un effort sans précédent de 40 milliards d’euros sur 4 ans pour les entreprises en France, et qui doit permettre de baisser le coût du travail, de restaurer les marges, et de permettre à nos entreprises – notamment les petites et les moyennes entreprises – d’investir, d’innover, de repartir à la conquête de marchés et d’embaucher.
Au 1er janvier 2015, ce sera près de 10 points d’allègement de cotisations sociales pour nombre d’entreprises que l’on pourra constater. Et nous allons poursuivre sur 3 ans avec une très grande volonté de visibilité pour le monde économique quant à la baisse de la fiscalité ; je pense notamment à la baisse de l’impôt sur les sociétés. Certains appellent cela politique de l’offre. Les termes ont, je le crois, peu d’importance. Ce qui compte, c’est le résultat, ce qui compte c’est l’efficacité, la croissance, la création d’emplois. Et je sais que ce message porte, ici au Royaume-Uni, où le pragmatisme n’est pas un vain mot.
J’ai dit en France que j’aimais les entreprises. En disant aimer les entreprises, je disais que l’entreprise c’est la vie car c’est là où travaillent, se forment les salariés. Aimer l’entreprise, c’est saluer l’engagement des entrepreneurs, des cadres, des ingénieurs, des techniciens, des salariés, des ouvriers, c’est là où l’on passe une grande partie de sa vie.
Ce sont les entreprises qui créent la richesse et donc l’emploi. Je l’ai même dit en allemand, à Berlin et toute la presse française s’attend à ce que je le dise en anglais chez vous. Bon ! Je vais la décevoir.
J’aime les entreprises, grâce à la traduction vous l’entendez, mais je veux le dire en anglais d’une autre manière, parce que c’est important de le dire, ici, à la City : my government is pro-business. Et il faut le dire à chaque fois parce qu’il faut bien comprendre que la France veut faire du soutien aux investissements et à l’entreprise la condition fondamentale de son redressement économique.
Le deuxième engagement, c’est le sérieux budgétaire.
Depuis trop longtemps - 40 ans ! - la France vit au-dessus de ses moyens. La réduction de la dépense publique qui représente 57 % de notre PIB, de notre richesse – est donc indispensable, même si nous avons de grands services publics de qualité que l’on nous reconnaît partout.
Un plan d’économie de 50 milliards d’euros est prévu sur trois ans, et ce ne sont pas que des mots, dès 2015 ce plan d’économie représente 21 milliards. Ils viennent d’être présentés il y a une semaine par le ministre des Finances.
Et là aussi, c’est un effort sans précédent. Certains, qui étaient encore au pouvoir en France il y a moins de trois ans, critiquent l’insuffisance de cet effort. Et pourtant, à l’époque, ils n’ont rien fait pour améliorer la situation. Ils ont laissé filer la dette publique. Proposer quand on est dans l’opposition 100 ou 150 milliards d’économie, c’est facile ! Mais réformer oui, régresser non ! Nous baissons la dépense publique, et en même temps nous maintenons nos priorités. Et la première des priorités, c’est l’école, c’est l’éducation, c’est la formation. Nous ne pouvons pas accepter qu’une partie de notre jeunesse ne soit pas formée pour affronter les grands défis du monde.
Nous donnons davantage de moyens à la sécurité et à la justice, on peut le comprendre, notamment face à la montée de la délinquance ou de la menace terroriste. Nous relançons la construction de logements et je sais que cela a été un élément important, ici comme ailleurs, pour la relance de la croissance. Et nous préservons notre système de santé dont vous êtes les premiers en Grande Bretagne à souligner les qualités.
J’ai évoqué le mot fiscalité. Et la vérité, c’est dire qu’il y a désormais trop d’impôts en France. Oui, il y a un risque de décourager l’envie d’entreprendre et de créer. Et je sais que cette question de la fiscalité française a un écho particulier à Londres, et plus particulièrement ici, dans la City.
Je sais que cette décision de taxer les très hauts revenus, il y a deux ans, à 75 %, a suscité des commentaires ici, parfois des caricatures. Beaucoup oubliaient de mentionner qu’elle n’était que temporaire, pour deux ans. Cette taxe exceptionnelle, je veux le rappeler à chacun et, sinon, vous délivrer un scoop, n’existera plus dès le 1er janvier 2015.
Et pourtant, beaucoup ne s’y trompent pas. Ils savent que la France - et pas seulement son premier ministre – est un pays qui aime ses entreprises et qui aime aussi ses entrepreneurs… Entrepreneur, là encore, un joli mot français, que votre langue a d’ailleurs adopté.
Xavier Niel, l’un de nos plus brillants créateurs d’entreprises, a d’ailleurs récemment qualifié la France – il exagérait peut être – de « paradis fiscal » pour les créateurs d’entreprises. Je lui laisse le choix de ce terme. Mais je sais que l’homme est intelligent ! Et sans doute pensait-il aussi au dispositif du « crédit impôt recherche », l’un des plus attractifs en Europe. Par ailleurs, je veux le dire devant vous– la aussi peut être vous révéler un scoop ! – que les journalistes ici présents écoutent bien : un créateur d’entreprise cédant ses parts est désormais moins taxé en France qu’au Royaume-Uni !
Cela ne veut pas dire que nous n’avons pas encore des efforts à faire, j’ai rencontré ce matin beaucoup d’entreprises françaises qui sont présentes ici à Londres et qui investissent, et qui me disent qu’il faut davantage aider en France les entreprises à créer rapidement leur entreprise et à créer – j’y reviendrai tout à l’heure – un écosystème favorable à l’implantation des entreprises dans notre pays.
Le troisième engagement, c’est mettre en œuvre les réformes structurelles attendues depuis si longtemps mais toujours repoussées.
Un exemple l’illustre : la réforme territoriale. À la fin de cette année, le nombre de régions françaises sera passé de 22 à 13 ! Il y a bien sûr des blocages, des oppositions, beaucoup pensait que cela ne se ferait pas mais nous sommes en train de réussir à dépasser les conservatismes. Cela veut bien dire que l’on peut réformer en France et qu’on peut le faire rapidement. Cette réforme des régions va nous permettre de réorganiser la carte territoriale, mais aussi la carte de l’organisation de l’Etat, pour gagner en efficacité et pour faire des économies.
C’est dans le même esprit que d’ici novembre, nous déposerons un projet de loi visant à lever les freins qui entravent notre économie, qui pèsent sur l’esprit d’initiative. Le nouveau ministre de l’Economie Emmanuel Macron, monsieur le président, pourra venir si vous le souhaitez ici même vous le présenter. Ceci passe par des propositions concernant le travail du dimanche, notamment pour favoriser l’ouverture de nos grands magasins dans les zones touristiques.
On me dit que la France est toujours la première grande destination touristique. Nous avons beaucoup de touristes chinois qui viennent à Paris, mais dès le samedi soir ils prennent l’Eurostar et ils viennent à Londres parce que les magasins sont ouverts. J’ai une mauvaise nouvelle à vous donner ici à Londres, dans peu de temps les magasins seront aussi ouverts à Paris, en tout cas je le souhaite et je ferai tout pour cela. Et nous allons aussi ouvrir nos grands musées 7 jours sur 7. Vous voyez, nous aussi nous pouvons nous préparer à la concurrence avec des grandes villes, et avancer avec ces réformes, donc nous allons poursuivre dans ce domaine-là.
La simplification dans les entreprises de ce que nous appelons les "seuils sociaux", le rôle accru des accords d’entreprise par rapport à la loi, la modification des réglementations de plusieurs professions… Voilà les chantiers que nous ouvrons et sur lesquels nous avançons rapidement, pour débloquer la société française et créer davantage d’énergie.
Je voudrais, enfin, dire un mot de l’importance que la France accorde à la question de l’attractivité.
Attractivité pour les investisseurs étrangers ; attractivité pour les sièges sociaux étrangers ; attractivité pour les talents étrangers… Attractivité pour tous ceux qui veulent venir s’installer en France.
Je tiens à le dire au maire de Londres : si les Français sont les bienvenus à Londres, sachez que les Britanniques sont encore plus bienvenus en France ! Et notamment à Paris qui reste et entend rester la première capitale européenne pour l’accueil de sièges d’entreprises !
Alors je sais qu’il faut régler quelques problèmes d’accessibilité, comme rénover la gare du Nord, un chantier qui est en cours, comme lancer le plus vite possible – nous y travaillons beaucoup – la ligne rapide entre Roissy, entre l’aéroport Charles de Gaulle et le cœur de Paris. Ce que vous avez fait en quelques années, nous pouvons aussi le faire bien évidemment à Paris.
Et ici, au cœur de la City, je veux vous le rappeler, Paris est la première place financière de la zone euro et la 7ème au monde. Elle dispose d’atouts majeurs que l’on a tendance à occulter, une épargne abondante, le taux d’épargne des Français est de 16 %, la présence de grandes entreprises françaises et internationales. Euronext représente 40 % de la capitalisation boursière de la zone euro, des banques à la pointe de la technologie financière, beaucoup sont également à Londres, je sais que des représentants des établissements français sont parmi vous aujourd’hui.
L’intégration toujours plus forte de la zone euro est de mon point de vue une chance pour Paris. Et je vous invite, vous représentants de la place de Londres, à venir investir en France. Nos entreprises ont besoin de capitaux, la France a un tissu industriel solide que nous renforçons grâce aux 34 plans ciblés sur les technologies d’avenir, un cadre juridique stable, une politique d’innovation qui encourage les start-up. Nous développons une "french tech" particulièrement dynamique et qui nous est reconnue par tous dans le monde. Je rappelle que la deuxième communauté étrangère dans la Silicon Valley est composée des Français et notamment de nos jeunes ingénieurs qui sont particulièrement bien formés. La France occupe la première place en Europe pour l’accueil des investissements étrangers dans les activités industrielles, alors n’attendez pas pour investir.
Mesdames, messieurs,
Mon message est simple : la France est en mouvement. Elle se réforme. Bien sûr, réformer, ce n’est pas toujours facile, ce n’est pas toujours évident, mais la volonté est là, quand les objectifs sont clairement expliqués, il est possible d’avancer.
Je suis convaincu qu’avec avec le président du Conseil italien Matteo Renzi, nous incarnons cette volonté qui est celle d’avancer, de réformer et de le faire vite. J’ai deux ans et demi devant moi, avec la confiance du président de la République et du Parlement, je suis convaincu que nous pouvons rattraper notre retard, par volontarisme mais surtout parce que le pays l’exige.
Agir pour réformer la France, c’est agir pour l’Europe.
Nous réformons la France, parce que la France en a en effet besoin, mais l’Europe, aussi, a besoin de réformes.
Pour dire les choses simplement : je crois que l’Union européenne se trouve à la croisée des chemins ; qu’elle vit l’un de ces moments historiques qui décident de ce que sera l’avenir.
Nous avons devant nous une alternative très claire : se résigner à sortir, pas à pas, de l’histoire ou, au contraire, nous ressaisir pour demeurer, face aux géants de demain, un continent de référence. Un continent capable de peser d’un point de vue économique, industriel, technologique, scientifique. Mais aussi – je le rappelais – diplomatique et militaire. C’est indispensable face aux menaces qui déstabilisent le monde. Et je pense, en premier lieu, une nouvelle fois, à la menace terroriste. Et là, chacun le reconnaît, la France assume pour elle-même et parfois pour d’autres, c’est-à-dire pour l’Europe, ses responsabilités.
Pour peser, il nous faut d’abord, nous Européens, rester unis et forts. C’est-à-dire ensemble. L’Europe s’affaiblit lorsque les nations se divisent ou que le régionalisme divise ses nations. Notre Europe a connu trop de fractures pour s’en autoriser de nouvelles.
Les électeurs écossais viennent d’ailleurs de faire le choix de l’union. A titre personnel, je m’en félicite. L’Ecosse et la France ont une très belle relation historique. Mais nous préférons que l’Ecosse reste dans la Grande-Bretagne, car, sinon, c’était un mouvement dont personne n’aurait véritablement maitrisé les conséquences pour l’Europe.
Nous devons poursuivre ce chemin que la France et le Royaume-Uni empruntent ensemble depuis votre adhésion à l’aventure européenne en 1972.
Je suis attentivement les débats qui agitent l’opinion britannique. Je connais les échéances des prochaines années qui pourraient vous amener à vous exprimer sur votre destin et sur votre avenir. Et je vous le dis sereinement et sincèrement : la France souhaite que le Royaume-Uni reste dans l’Union européenne. Je l’ai dit ce matin à votre Premier ministre David Cameron ; je le dirai cet après-midi à Ed Miliband.
Etre membre d’une telle Union, c’est un avantage. Cela confère également des responsabilités. Et c’est au Royaume-Uni de savoir quelle place il souhaite avoir, et quel rôle il souhaite jouer.
Je prendrai un exemple de circonstance … puisque je m’exprime au cœur de la City : celui des règles financières. Depuis le début de la crise, l’Europe a accompli, dans ce domaine, des pas de géant. Elle a créé des autorités communes pour superviser les banques, les assurances, les fonds de pension. Elle a contraint les banques à renforcer leurs fonds propres. Elle a mis en place des règles pour encadrer les rémunérations, pour renforcer la transparence et la protection des investisseurs.
Aujourd’hui, avec la mise en œuvre de l’Union bancaire, les Etats-membres de la zone euro et des pays qui souhaitent s’y associer vont plus loin. Avec le temps, les marchés financiers de la zone euro seront donc encore plus intégrés. Les règles seront de plus en plus communes.
Quel sera alors, dans l’avenir, le rôle de la place financière de Londres ? Je veux le dire clairement, car je sais que vous me comprendrez : le Royaume-Uni, et tout particulièrement la City, perdrait beaucoup à vouloir tourner le dos à l’Europe. Ce choix, il vous appartient.
Il y a cependant un choix que nous pouvons, et que nous devons faire ensemble : réformer l’Europe, pour remettre la croissance, la compétitivité et l’emploi au cœur de ses priorités, plus de simplification, moins de bureaucratie au service de ce projet-là.
La zone euro ne peut pas être la seule zone au monde où la croissance fait défaut. C’est pour cela qu’il faut une politique monétaire plus adaptée, car l’euro est trop cher. La BCE a fait un pas important. Il a permis une baisse de l’euro de l’ordre de 10 %. C’est un coup de pouce bienvenu.
Mais il faut également une relance de l’investissement. Les besoins sont immenses. Dans le numérique, où nous n’avons pas su créer les champions européens aptes à rivaliser avec les géants américains. Dans le secteur de l’énergie, où tous nos pays sont confrontés au défi de la transition écologique. C’est d’ailleurs un secteur où les Français et les Britanniques ont tant à faire ensemble. Je pense en particulier à nos investissements communs dans le nucléaire avec le projet si important des réacteurs de nouvelle génération à Hinckley Point. Et nous le devons bien sûr à l’engagement d’EDF, dans les infrastructures, secteur dans lequel nos deux pays ont su porter de grands projets à l’image du tunnel sous la Manche.
Relancer l’investissement en Europe, telle est la tâche à laquelle doit s’atteler la nouvelle commission. Son président, Jean-Claude Juncker, a proposé un plan de 300 milliards d’euros. Ce plan, qui doit solliciter les investissements publics et privés, il s’agit à présent, sans tarder, de le mettre en œuvre avec des projets concrets, nous venons d’en présenter un en France avec le lancement des travaux pour le Canal Seine Nord, qui est très important pour nos grands ports situés sur la Manche, sur le Nord de la France, là aussi, l’Europe peut parfaitement jouer son rôle.
Relancer la croissance en Europe ne signifie en rien renoncer à notre politique de sérieux budgétaire. La maîtrise de la dépense publique, la réduction des déficits, demeurent des impératifs. Mais – c’est tout le débat que nous avons aujourd’hui – il faut savoir tenir compte de la situation exceptionnelle dans laquelle se trouvent les économies européennes. Il ne s’agit pas seulement de la France. Et c’est d’ailleurs ce message que j’ai adressé à la Chancelière allemande, lors de notre rencontre à Berlin. L’absence de croissance, l’absence d’inflation rendent plus difficile la réduction des déficits. Il faut par conséquent en adapter le rythme pour ne pas verser dans l’austérité. La France ne demande pas d’échapper à ses obligations. Des obligations qui sont d’abord des choix qu’elle fait pour elle-même. La France, qui veut se réformer, veut simplement que l’on applique toutes les souplesses prévues par les traités.
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