Le 18 juin, les négociations entre la Grèce et l’Eurogroupe ont une nouvelle fois piétiné. La Troïka insiste sur le fait que le ministre des Finances, Yánis Varoufákis, doit présenter un plan de réforme « crédible » pour les créanciers, autrement dit, de terminer de détruire le droit du travail, renforcer l’austérité et ainsi, donner la plus grande priorité au remboursement de la dette. Le temps passe et la confiance placée en Syriza commence à manquer, et de ce fait, il n’a jamais été aussi clair que maintenant que la Grèce a besoin de chercher le soulagement ailleurs que dans l’Union monétaire.
La Banque centrale de Grèce a surpris tant ses habitants que les étrangers en publiant son rapport de politique monétaire 2014-2015. En effet, en plus de révéler les conséquences de l’« asphyxie économique » imposée par Bruxelles, celle-ci a conclu que dans le cas où un accord avec ses partenaires européens ne serait pas trouvé dans les plus brefs délais, une crise gigantesque éclaterait.
Elle juge qu’ « une crise gérable de la dette, comme celle que nous à laquelle nous faisons face actuellement avec l’aide de nos partenaires, deviendra une crise incontrôlable, qui préfigure de grands risques pour le système bancaire et pour stabilité financière » [1].C’est la première fois que cette institution envisage sérieusement que la Grèce sorte de la zone euro.
Immédiatement, les médias principaux ont signalé que, selon un sondage récemment publié par GPO, la majorité de la population (environ 70 %) refuse d’abandonner l’Union monétaire. Étant donné que pour garder la « monnaie unique », il faut adopter les normes du Traité de Maastricht, la presse occidentale conclue que le peuple grec est bel et bien disposé à accepter les contraintes des autorités européennes : l’austérité est la conséquence de l’adhésion à la zone euro.
Cependant, les grands médias oublient de mentionner que cette même majorité s’oppose aux mesures que la Troïka (formée par le Fonds monétaire international, la Banque centrale européenne et la Commission européenne) tente d’imposer. De plus, cette même majorité est actuellement convaincue que le plan de sauvetage initial de 245 milliards d’euros n’a fait qu’entraîner des difficultés économiques. L’augmentation de l’inégalité et de la pauvreté, le manque de logement, les maladies mentales et les suicides, sont des preuves de la « crise humanitaire » que les Grecs subissent jour après jour [2].
En matière économique, un changement de stratégie devient urgent. En ce sens, le gouvernement grec s’est plus attaché à répondre aux besoins immédiats (relance des investissements, création d’emplois, meilleur répartition des revenus, etc.) qu’à renégocier les termes de la dette. Malgré cela, Bruxelles a bloqué tout accord qui mettrait le redressement en avant ; les remboursements de la dette constituent la plus grande priorité [3].
Le Premier Ministre Alexis Tsipras, se trouve presque « pieds et poings liés » pour mettre en place une autre politique économique. Cette situation, contrairement à sa volonté, sape petit à petit la confiance placée en son parti politique, Syriza.
À la veille de la réunion avec l’Eurogroupe, les propos méprisants entre le gouvernement grec et la Troïka, ne se sont pas faits attendre. Face à son groupe parlementaire, Aléxis Tsípras a dénoncé la « responsabilité criminelle » du Fonds monétaire international (FMI) dans la crise. Par ailleurs, il réaffirmé que son gouvernement ne céderait pas aux pressions de la Troïka, dont la proposition, selon ses dires, a pour objectif « d’humilier le peuple grec ». À partir de cela, il s’est engagé à toujours refuser les « plans d’ajustement » [4].
Le ministre des Finances, Yánis Varoufákis a confirmé cette ligne d’argumentation, en refusant de présenter devant l’Eurogroupe des propositions qui incluraient finalement une liste d’engagements « crédibles » pour les créanciers : relèvement de l’« excédent primaire », augmentations d’impôts (TVA), démantèlement du système de retraites, etc [5].
En conséquence, les négociations ont de nouveau piétiné. La Troïka maintient son intransigeance en imposant sa batterie de « réformes structurelles » quoi qu’il en coûte, alors qu’Aléxis Tsípras refuse de trahir les exigences du peuple grec. Par là même, la négociation a une fois de plus été reportée.
Le gouvernement grec a un délai de 10 jours pour s’acquitter des 4 mensualités du FMI (1,54 milliards d’euros) et débuter un nouveau plan de financement de 5,2 milliards d’euros. Pour le prochain mois de juillet, Athènes devra payer 3,5 milliards d’euros à la Banque centrale européenne (BCE), 465 millions d’euros au FMI, et 2 milliards d’euros à d’autres créanciers.
Dette et plus d’austérité finissent par imposer plus d’austérité, situation qui place la Grèce dans une « spirale dépressive » qui parait éternelle. Comment se dotera-t-elle des ressources nécessaires pour respecter ses engagements ?
Il est certain que si Tsípras se décide à abandonner l’euro, les conséquences seront dramatiques, tant pour l’économie grecque que pour le reste des économies de la région [6], avec bien sûr, la France et l’Allemagne. Berlin craint une propagation à grande échelle. Si la Grèce s’effondre, les spéculateurs miseront contre les pays dont les fragilités financières sont les plus grandes : La Finlande, l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, etc.
Très diminuée par la faiblesse de la croissance économique et par la déflation (chute des prix), la zone euro devrait encore plus perdre la confiance des investisseurs internationaux. L’« aversion [croissante] pour le risque » de sortie de la Grèce devrait provoquer des augmentations du rendement des obligations souveraines (qui sont actuellement à des niveaux minimes). Face à des situations de panique, les taux d’intérêt devraient s’envoler, contractant sévèrement la liquidité entre pays.
L’incertitude devrait augmenter et les flux de capitaux seraient victime d’un « effet papillon » : légers accroissements de la volatilité des marchés de la dette souveraine, légères chutes boursières, ou un changement de politique monétaire seraient suffisants pour déclencher d’énormes turbulences dans les circuits de crédit.
Malgré tout, la Troïka semble décidée à détruire le programme économique de la gauche. Syriza a inauguré les défaites électorales du néo-libéralisme en Europe et voilà la raison pour laquelle il est devenu la proie favorite des prêteurs, disposés à imposer leur volonté à n’importe quel prix. Nonobstant, les Grecs doivent avoir confiance en eux, établir des alliances au-delà de leurs frontières continentales et miser sur l’utopie.
La démocratie est née dans la Grèce antique, et c’est dans cette même Grèce que devront se construire les ciments d’une Europe sans « dictature des créanciers », si cela est possible...
Jean-François Rey
Traducteur professionnel. Master de traduction de l’Université d’Orléans. Maîtrise en civilisation hispano-américaine de l’Université de la Sorbonne.
[1] « Report on Monetary Policy 2014-2015 », The Bank of Greece, June 17, 2015.
[2] « Los griegos se alistan para nuevas penurias », Nektaria Stamouli & Marcus Walker, The Wall Street Journal, 16 de junio de 2015.
[3] « The Looming Austerity Package », Costas Lapavitsas, Jacobin, June 12, 2015.
[4] « Greek exit real prospect as eurozone hardens towards belligerent Athens », Larry Elliott, Ian Traynor & Helena Smith, The Guardian, June 16, 2015.
[5] « Greece will not present new reform proposals at Eurogroup : Bild », Michael Nienaber, Reuters, June 16, 2015.
[6] « Greek crisis : why policy makers in emerging markets should worry », Alan Beattie, The Financial Times, June 18, 2015.
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