D’ordre de mon gouvernement, je vous fais part de toute urgence des observations suivantes en réponse aux propos inquiétants, irresponsables et dangereux pour la paix, la stabilité et la sécurité du Moyen-Orient et du monde entier tenus le 21 mars 2019 par le Président des États-Unis d’Amérique, Donald Trump, et aux déclarations formulées avant cela par des membres du Congrès et des responsables de l’Administration américaine au sujet du statut du Golan arabe syrien occupé :
• Le 21 mars 2019, le Président Trump, a publié sur son compte Twitter la phrase suivante : « Après 52 ans, le moment est venu pour les États-Unis de reconnaître pleinement la souveraineté d’Israël sur le plateau du Golan, point stratégique qui revêt une importance cruciale pour la sécurité de l’État d’Israël et la stabilité régionale ».
• Le 11 mars 2019, le Président de la Commission judiciaire du Sénat, Lindsey Graham, a fait un geste de provocation en se rendant dans le Golan arabe syrien occupé, en compagnie de l’ambassadeur des États-Unis en Israël et du Premier Ministre d’Israël, Puissance occupante. À cette occasion, le sénateur a tenu des propos dévastateurs : « Je ne peux pas concevoir, ni maintenant ni à l’avenir, que l’État d’Israël abandonne le Golan ».
Compte tenu de la gravité de ces déclarations, je me permets d’avancer ce qui suit :
a) Le Gouvernement syrien dénonce vigoureusement les propos du Président Trump, relatifs au statut juridique du Golan arabe syrien occupé, qualifié par l’Organisation des Nations Unies de territoire occupé dans plusieurs résolutions de l’Assemblée générale portant sur la question ainsi que dans la résolution 497 (1981) du Conseil de sécurité, dans lesquelles il est également indiqué que toute mesure prise par les autorités d’occupation israéliennes sur ce territoire est nulle et non avenue et sans effet juridique.
À cet égard, la République arabe syrienne affirme que les États-Unis sont le pire État voyou au monde et celui qui pose la plus grande menace contre la paix et la sécurité internationales. En adoptant de telles positions, le pays s’est fait l’ennemi des Syriens et de tous les peuples du monde qui sont attachés à la légitimité internationale, qui rejettent les politiques de domination, de colonisation et d’usurpation des droits des États et qui s’opposent aux violations des dispositions de la Charte des Nations Unies et des résolutions de la légitimité internationale.
Insensée et arrogante, l’Administration américaine n’a en réalité aucun droit ni aucun mandat pour décider du sort du Golan arabe syrien occupé. Tout acte de reconnaissance ou autre mesure portant préjudice au droit qu’a la République arabe syrienne de se voir restituer le territoire occupé et d’y imposer sa souveraineté constitue une mesure illégale sans conséquence et une violation des engagements pris par les États-Unis en tant que membre permanent du Conseil de sécurité à l’égard des dispositions de la Charte des Nations Unies et des principes du droit international et confirme que ce pays ne mérite pas de siéger au Conseil.
b) La République arabe syrienne condamne la visite de provocation et les déclarations du sénateur Lindsey Graham et s’inquiète de ce que ces propos polémiques ont été prononcés en présence d’un représentant de l’Administration américaine, qui a gardé le silence. À ces déclarations s’est ajoutée la publication, le 13 mars 2019, du rapport sur les pratiques des pays en matière de droits de l’homme (Country Reports on Human Rights Practices) établi par le Département d’État américain, dans lequel, pour la première fois, l’adjectif « occupé » a été omis dans la section relative au Golan syrien occupé. En outre, les États-Unis ont voté pour la première fois contre la résolution sur le Golan syrien adoptée par l’Assemblée générale à sa soixante-treizième session et contre la résolution relative au Golan syrien occupé adoptée par l’Assemblée dans le cadre des travaux de la Commission des questions politiques spéciales et de la décolonisation (Quatrième Commission).
Bien que le Gouvernement syrien ne reconnaisse aucune conséquence juridique ou concrète aux déclarations du Chef de l’Administration américaine ou aux rapports politisés du Département d’État des États-Unis, il estime que la suppression de l’adjectif « occupé » en ce qui concerne le Golan syrien dénote une nouvelle propension politique dangereuse de la part de ce gouvernement à aggraver la situation et à contrevenir ouvertement aux résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale portant sur la question.
c) Vous n’êtes pas sans savoir que les États-Unis ont voté en faveur de la résolution 497 (1981) du Conseil de sécurité, adoptée à l’unanimité, selon laquelle le Golan arabe syrien est un territoire occupé, la décision prise par l’occupant israélien usurpateur d’annexer ce territoire est nulle et non avenue et sans effet juridique et la Puissance occupante n’est en droit de prendre aucune mesure conduisant à modifier la démographie et la véritable identité du Golan syrien occupé.
Ainsi, le Gouvernement américain, qui se considérait comme un médiateur dans tous les processus de paix aux Moyen-Orient, a officiellement renoncé à ce rôle et s’est aligné sur les autorités d’occupation israéliennes, faisant preuve du même mépris à l’égard du droit international et des résolutions de l’ONU sur la question, qu’il n’a de cesse de violer, en particulier la résolution 497 (1981) du Conseil de sécurité.
d) Les déclarations du Président des États-Unis et la suppression de l’adjectif « occupé » s’agissant du Golan syrien dans un rapport du Département d’État concordent dans l’ensemble avec la politique de l’Administration américaine d’exploitation des droits des peuples syrien et palestinien au service de campagnes préélectorales dont l’objectif est de s’assurer l’appui et le financement de lobbies américains favorables à l’occupation israélienne.
e) Le Gouvernement syrien souligne que les postures agressives du Président des États-Unis et de certains responsables des organes exécutifs et législatifs dans son administration sont dénuées de fondement moral ou juridique et contraires au droit international. Elles émanent d’une partie qui n’a l’autorité morale et le statut juridique pour décider du sort d’aucun peuple au monde ou manipuler les droits historiques d’aucun autre pays. Depuis les déclarations irresponsables du Président Trump, il est évident que la communauté internationale tout entière rejette la position américaine et reconnaît uniquement la résolution 497 (1981) du Conseil de sécurité et les autres résolutions pertinentes de l’ONU, qui affirment la souveraineté de la République arabe syrienne sur le Golan syrien occupé. Toutefois, l’action de l’ONU et les relations internationales traversent actuellement une crise effroyable due au fait que les États-Unis détournent en paroles et en actes la légitimité internationale, au point que l’Organisation se trouve dans l’incapacité totale d’exercer son mandat de maintien de la paix et de la sécurité internationales et de faire appliquer ses résolutions sur la question.
f) Le Gouvernement syrien demeure donc plus que jamais convaincu que le Conseil de sécurité a délaissé ses devoirs et attributions en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales, que l’ONU a renoncé à faire appliquer ses résolutions relatives au règlement du conflit arabo-israélien et que le processus de paix a été systématiquement sabordé du fait de l’hostilité de l’attitude et des politiques d’Israël, que l’Administration américaine soutient de manière irréfléchie et auxquelles il se soumet. Tous ces éléments fondamentaux dangereux continuent de susciter un vide sur la scène mondiale, qui est comblé par le terrorisme et par l’extrémisme, comme en témoigne essentiellement le comportement de plus en plus hostile d’Israël, qui multiplie les violations de la légitimité internationale avec l’appui et la connivence d’un membre permanent du Conseil de sécurité.
g) Le Gouvernement syrien souligne que le Golan arabe syrien occupé fait partie intégrante du territoire syrien et que le reprendre aux mains de l’occupant israélien par tous les moyens prévus par le droit international demeure, plus que jamais, une priorité politique nationale. C’est un droit éternel qui ne sera pas bradé, abandonné ou sujet à prescription.
Dans ce contexte, le Gouvernement estime que les citoyens arabes syriens du Golan occupé, qui ont refusé la décision israélienne illégale d’annexer le Golan en 1981 et qui ont déclaré au monde entier leur attachement perpétuel et inébranlable à la nation arabe syrienne, méritent un soutien sans faille dans leur combat permanent et courageux visant à mettre fin à l’occupation par Israël de leur terre et à y rétablir la souveraineté de leur mère patrie, la Syrie.
h) Le Gouvernement syrien demande au Secrétaire général de l’ONU de faire une déclaration officielle sans équivoque pour réaffirmer la position immuable de l’Organisation sur la question de l’occupation israélienne du Golan arabe syrien.
i) La République arabe syrienne exhorte le Conseil de sécurité à prendre des mesures concrètes pour s’acquitter du rôle et du mandat qui lui reviennent directement s’agissant de la mise en œuvre des résolutions imposant à Israël de se retirer de tout le Golan syrien occupé jusqu’à la ligne du 4 juin 1967, notamment les résolutions 242 (1967), 338 (1973) et 497 (1981).
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir faire distribuer le texte de la présente lettre comme document du Conseil de sécurité.
Source : Onu S/2019/256
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