Depuis mardi 21 janvier 2003, une coordination de la propagande internationale, sobrement baptisée « Bureau des communications globales », se réunit tous les jours à la Maison-Blanche. Alastair Campbell, l’homme qui a créé l’image de Tony Blair, y participe par vidéo-conférence depuis le 10 Downing Street. Le Royaume-Uni s’associe donc aux État-Unis dans leurs opérations de corruption de journalistes et de désinformation, dont la France et l’Allemagne sont des cibles prioritaires.
Le président George W. Bush a signé le 21 janvier 2003 un décret officialisant le fonctionnement d’un Bureau des communications globales (Office of Global Communications - OGC) à la Maison-Blanche.
L’OGC sera dirigé par Tucker Eskew, un jeune communicant qui commença sa carrière, en 1984, dans l’équipe de campagne de Ronald Reagan et George Bush père.
Ce Bureau coordonnera la communication des divers départements et agences des États-Unis à l’étranger pour mieux relayer les orientations de la présidence. George W. Bush entend ainsi reprendre le contrôle d’un dispositif qui était en train de lui échapper à la faveur des rivalités opposant les départements d’État et de la Défense. La Maison-Blanche ne veut évidemment pas être impliquée de quelque manière que ce soit dans les opérations de corruption de journalistes et de désinformation que conduit Donald Rumsfeld, mais elle souhaite en être informée.
La création de l’OGC n’est en fait que la partie visible d’un iceberg en cours de constitution. La Maison-Blanche met en place secrètement une Structure de coordination de la propagande (Public Diplomacy Coordinating Structure - PDCS) qui devrait disposer à terme d’une autorité comparable à celles du Conseil de sécurité nationale (National Security Council - NSC) et du Conseil de sécurité de la patrie (Homeland Security Council). Six départements ministériels (État, Commerce, Défense, Justice, Trésor, Sécurité de la patrie) y seront associés, ainsi que trois agences (CIA, USAID, BBG) et l’état-major interarmes.
D’ores et déjà, chaque jour à l’issue des réunions du PDCS en cours de formation, le Bureau des communications globales adresse un mail à tous les cabinets ministériels, les directeurs d’agences et les ambassades. Intitulé « The Global Messenger », ce document précise les axes de communication de la présidence.
On ignore comment les journalistes de la Voice of America, qui disposent statutairement d’une indépendance éditoriale, se plieront à ces instructions quotidiennes et ce qu’il adviendra en cas de conflit.
Tony Blair prête son mentor à George W. Bush
La plus grande originalité du dispositif est d’intégrer des États alliés dans la communication officielle des États-Unis. Ainsi, le chargé de communication du Premier ministre britannique, Alastair Campbell, participe chaque jour par vidéo-conférence ou par téléphone à la réunion du PDCS. Ancien rédacteur de magazines pornographiques, puis directeur politique du Daily Mirror, avant de devenir le gourou du « nouveau parti travailliste », M. Campbell est aussi un bon connaisseur du système de propagande des États-Unis. En 1999, il avait été chargé par Tony Blair et Bill Clinton de reprendre en main la communication de la salle de presse de l’OTAN, en pleine guerre du Kosovo.
On ignore si Alastair Campbell participe à la partie de la réunion au cours de laquelle l’officier de liaison du Pentagone donne compte-rendu des actions offensives de désinformation entreprises contre la France et l’Allemagne, mais il semble peu probable que ce ne soit pas le cas.
Par ailleurs, anticipant l’effet dévastateur potentiel de la télévision qatarie Al-Jazeera pour l’image des États-Unis pendant des bombardements en Afghanistan, la Maison-Blanche a menacé l’émir du Qatar, sheikh Hamad bin Isa al-Khalifa al-Thani, de le renverser si sa station refusait de coopérer. Une unité de coordination entre le Bureau des communications globales et Al-Jazeera a été installée à Londres.
L’OGC, qui a commencé progressivement son action, est à l’origine da la plaquette publiée par le Foreign Office de Londres, « Saddam Hussein : crimes et violations des droits de l’homme ». Elle utilise des extraits de rapports d’associations de défense des Droits de l’homme, les place hors contexte et les manipule pour justifier la guerre.
Mais, les premières publications revendiquées par l’OGC auront été deux plaquettes. La première, « La Machine à mensonge, la désinformation et la propagande de Saddam, 1990-2003 », oppose des démentis à divers arguments irakiens, en assénant une parole d’autorité sans aucune référence permettant d’en vérifier l’authenticité. La seconde, « À quoi ressemble le désarmement ? », fait reproche à l’Iraq de se soumettre de mauvaise grâce à son désarmement forcé en comparant sa situation avec celle d’États qui en avait fait le choix politique.
La technique de propagande choisie est d’un déconcertant classicisme : occuper le terrain médiatique pour imposer ses propres problématiques, masquer une source unique derrière une multiplicité d’émetteurs et faire prendre des rumeurs pour des certitudes par la seule force de leur répétition.
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