« Nous avons insisté sur la question des armes de destruction massive irakienne pour convaincre la bureaucratie de Washington »
Deputy Secretary Wolfowitz Interview with Sam Tannenhaus
Vanity Fair (États-Unis)
La transcription intégrale de l’interview est diffusée par le service de presse du Pentagone.
[AUTEUR] [Paul Wolfowitz] est vice secrétaire à la Défense états-unien et auteur de la doctrine des frappes préventives. Le texte ci-dessous est un résumé des deux longues interviews qu’il a accordé à Vanity Fair. Nous avons choisi de ne pas traiter toute la partie concernant sa vie privée, son histoire personnelle et ses influences intellectuelles pour nous concentrer uniquement sur ce qui touche aux relations internationales actuelles et à sa vision de la guerre au terrorisme. Vu les fréquents changements de sujet qui émaillent l’interview, le résumé ci dessous ne tient pas compte de l’ordre dans lequel les éléments ont été fournis pour les présenter par thèmes, afin de leur restituer leur cohérence.
[RESUME] Les attentats du 11 septembre sont l’un des dix événements les plus importants, si ce n’est pas l’événement le plus important, de l’histoire de notre pays dans les 100 dernières années. Depuis, tout est différent, même si certains ne l’admettent pas. Ce sont d’ailleurs souvent ces mêmes personnes qui ont caricaturé le plan de politique de défense que j’avais rédigé en 1992 se basant sur un brouillon qui comportait de nombreuses différence avec le texte final.
Le 11 septembre 2001, j’étais dans mon bureau du Pentagone avec deux députés avec qui je m’entretenais de l’importance d’une défense antimissile pour les États-Unis si nous ne voulions pas qu’un jour nous soyons confrontés à une mauvaise surprise. C’est à ce moment-là que nous avons été prévenus de ce qui se passait à New York. Plus tard, nous avons été touchés, mais je n’ai pas tout de suite fait le rapprochement avec ce qui se passait à New York, contrairement à Donald Rumsfeld. Depuis cette date, il est évident que nous devons traiter les questions de terrorisme différemment de ce que nous faisions jusqu’ici et que nous devons régler les problèmes en amont. L’Irak est donc vite apparu en tête des pays qu’il fallait combattre en raison de ses armes de destruction massive et parce que Saddam Hussein était la seule personne publique internationale avec Oussama Ben Laden à avoir des raisons de se réjouir des attentats. Toutefois, le président a d’abord décidé d’attaquer l’Afghanistan, même s’il a accepté la stratégie plus large qui consiste à s’attaquer à tous les gouvernements qui soutiennent le terrorisme, dont l’Irak.
Si nous avons insisté sur la question des armes de destruction massive pour attaquer l’Irak, cela a surtout à voir avec la bureaucratie de Washington. En effet, il y avait trois raisons pour lesquelles nous devions attaquer l’Irak : les armes de destruction massive, les liens avec les terroristes et la façon dont était traité le peuple irakien. Concernant le traitement du peuple irakien, tout le monde était d’accord pour les aider, mais pas pour risquer la vie des enfants de l’Amérique ; les liens avec le terrorisme, bien qu’évidents, ont suscité de nombreuses polémiques dans l’administration Bush ; c’est pourquoi nous avons insisté sur la question des armes. Pourtant, cette guerre permet surtout de mettre un terme à l’instabilité que provoquent les dictatures, au contraire des démocraties.
Aujourd’hui que nous sommes en Irak, nous allons pouvoir retirer nos troupes d’Arabie saoudite. Notre présence militaire a suscité d’énormes difficultés pour ce régime ami et a permis à Ben Laden de recruter. La guerre est terminée depuis 50 jours et nous avons déjà accompli des choses remarquables. Nous avons surtout évité de nombreuses catastrophes que certains prétendaient que nous allions provoquer. Nous ignorons pourquoi les armes de destruction massive, n’ont pas été utilisées, mais cela a peut-être à voir avec notre rapidité d’action qui a surpris Saddam Hussein.
Nous allons maintenant nous atteler à la reconstruction de l’Irak et à la résolution du conflit israélo-arabe. Les chiites irakiens sont à la fois une source de danger et une opportunité pour Téhéran, mais cette communauté est surtout un danger car la dernière chose que l’Iran veut voir apparaître en Irak, c’est une communauté chiite représentée dans un pays démocratique et pro-occidental. La diplomatie ne peut fonctionner qu’avec des personnes qui partagent les mêmes valeurs que vous, sans ça il faut des moyens de pression, et la menace du recours à la force est un moyen de pression. C’est comme ça que nous traiterons avec la Syrie, l’Iran et la Corée du Nord.
« La Grande Bretagne ne doit pas se faire avoir une seconde fois par la Maison Blanche »
Britain must not be suckered a second time by the White House
The Independent (Royaume-Uni)
[AUTEUR] Robin Cook est ancien ministre travailliste des Affaires étrangères et des Relations avec le Parlement britannique. Il a démissionné du gouvernement de Tony Blair juste avant la guerre en Irak pour marquer son opposition au conflit.
[RESUME] Avant la guerre, Donald Rumsfeld a affirmé que l’Irak détenait des stocks d’armes de destruction massive, mais aujourd’hui, il explique qu’on n’en trouve aucune parce que Saddam les aurait détruites avant la guerre. Ainsi, Saddam aurait détruit son moyen de défense à la veille d’une invasion. Il est plus probable que l’Irak n’avait pas de stock d’armes et de toute façon nous savons qu’il n’avait pas de missiles de longue portée permettant des destructions massives.
Avant la guerre, il n’y avait aucune information nouvelle permettant d’affirmer que l’Irak représentait une menace pour nos intérêts. Le dossier d’accusation ignorait même le fait que les agents chimiques ou biologiques n’avaient pas une durée de vie illimitée et que les stocks d’armes que Saddam Hussein avait possédé avant 1991 était nécessairement périmés. Aujourd’hui Wolfowitz déclare que le thème des armes de destruction massive a été choisi pour des raisons bureaucratiques car c’était un thème qui permettait d’obtenir un accord général. Ce qui veut dire, une fois décodé, que c’est ce qui a permis de convaincre Tony Blair et Colin Powell n’y a jamais cru et qu’il est bien incapable aujourd’hui de prouver ses affirmations d’avant-guerre.
Cela pose un problème pour Tony Blair qui maintient que des armes de destruction massive seront bientôt trouvées. Il devrait plutôt concéder que nous sommes partis en guerre pour des raisons de politiques étrangères états-uniennes et dans l’intérêt des seuls républicains. Une telle franchise permettrait que nous ne nous fassions pas avoir une seconde fois et que nous ne soyons pas entraînés dans une nouvelle guerre, contre l’Iran cette fois, pays avec lequel nous commençons à engager des discussions.
« La course à l’espace »
The race into space
Washington Times (États-Unis)
[AUTEUR] Robert S. Walker est l’ancien président de la commission des Sciences de la Chambre des représentants. Il a été, l’année dernière, président de la Commission sur le futur de l’industrie aérospatiale états-unienne. Il est à présent président de Wexler and Walker Public Policy Associates.
[RESUME] Après une année d’audition et de travaux, la Commission sur le futur de l’industrie aérospatiale états-unienne est arrivée à la conclusion que si les Européens tentent de contester notre suprématie dans le domaine de l’aviation commerciale, ce sont les Chinois que nous devons craindre dans le domaine spatial. En effet, Pékin développe une stratégie agressive qui doit les mener à la construction d’une base permanente sur la Lune. Cette situation a poussé le Japon et l’Inde à développer eux aussi des projets lunaires.
D’après moi, les Chinois seront sur la Lune d’ici une décennie, mais d’après un parlementaire japonais que j’ai rencontré, ce sera dans trois ou quatre ans. Les Américains ne s’intéressent plus à la conquête spatiale, mais pour nos stratèges, un alunissage chinois aurait un profond impact sur l’équilibre des pouvoirs car la Chine aurait alors acquis une technologie, un prestige et un accès à des ressources sans précédents.
Nous ne devons pas passer à côté de la lutte pour la domination spatiale au XXIème siècle et nous devons relancer notre programme.
« Monopole ou démocratie ? »
Monopoly or Democracy ?
Washington Post (États-Unis)
[AUTEUR] Ted Turner est le fondateur de CNN et le président de Turner Enterprises Inc.
[RESUME] Lundi, la Federal Communication Commission (FCC) va sans doute adopter des règles qui vont étendre la domination des cinq entreprises de presse qui contrôlent déjà la plupart de ce que les Américains lisent, voient et entendent. Je suis actionnaire principal de la plus grosse de ces cinq entreprises et pourtant, à titre personnel et pas au nom de AOL-Time Warner, je suis opposé à cette directive qui permettra aux entreprises existantes de posséder plus de journaux et de télévision, rendant encore plus difficile l’émergence de nouveaux concurrents.
Un marché où les petites entreprises ne peuvent plus se créer, perd son innovation et la prise de risque car c’est seulement le profit à court terme qui est perçu. En outre, l’absence de concurrence pourrait permettre à ces groupes d’influencer la couverture de l’information dans un sens favorisant leurs intérêts financiers ou politiques. Je ne dis pas qu’ils ont l’intention de le faire, mais il ne faut pas qu’ils en aient même la possibilité.
Il faut préserver la liberté d’expression et le pluralisme. Pour cela, même si la FCC adopte le texte lundi, nous devrons continuer à nous battre. Le Congrès a le pouvoir d’amender ce texte.
[CONTEXTE] La FCC est actuellement présidée par Michael K. Powell, fils du général-secrétaire d’État Colin Powell, lui même ancien membre du conseil d’administration de AOL-Time Warner. On trouvera un dossier très complet sur les projets de concentration des télécoms et des médias aux États-Unis sur un site dédié du Center for Public Integrity.
« À présent, l’Irak peut rassembler la communauté internationale »
Now Iraq can bring the world community together again
The Times (Royaume-Uni)
[AUTEUR] Igor Ivanov est ministre des Affaires étrangères de Russie.
[RESUME] Avec l’adoption de la résolution 1483 sur l’abandon des sanctions contre l’Irak, la voie est désormais ouverte pour un avenir meilleur pour les Irakiens et un rassemblement de la communauté internationale.
Cette résolution permet de traiter à nouveau de la question irakienne dans le cadre légal de l’ONU. En proposant ce texte, les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Espagne ont fait preuve de responsabilité et les pays qui s’étaient opposé à cette guerre y ont répondu de façon constructive. Aujourd’hui, la communauté internationale ressoudée doit coordonner son action pour reconstruire l’Irak. Le texte rappelle l’attachement du Conseil de sécurité au respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté irakienne et, par le biais du représentant spécial du secrétaire général de l’ONU en Irak, l’ONU se voit confier un rôle substantiel dépassant le seul cadre humanitaire. Le texte prévoit également de maintenir la continuité de la politique de désarmement de l’Irak qui est confiée à l’United Nations Monitoring, Verification and Inspection Commission et à l’International Atomic Energy Agency.
l’Irak, après nous avoir divisé, doit à présent nous rassembler alors que notre union est indispensable pour traiter des questions comme le terrorisme international, la prolifération des armes de destruction massive et le crime organisé. La Russie est prête à collaborer avec les différentes instances internationales sur ces questions. Les rencontres entre George W. Bush et Vladimir Poutine à Evian et Saint-Petersbourg vont permettre de renforcer notre partenariat.
« Une nouvelle Europe »
A New Europe
Moscow Times (Russie)
[AUTEURS] Costas Simitis est le Premier ministre grec et Romano Prodi est président de la Commission européenne.
[RESUME] La célébration du tricentenaire de Saint-Petersbourg, fenêtre de la Russie sur l’Europe, était l’occasion rêvée d’y préparer le XXIème sommet entre l’Union européenne et la Russie.
La Russie et l’Union européenne partagent un héritage commun et des valeurs qui nous permettent d’avancer pas à pas vers une plus grande coopération et intégration de nos peuples. L’élargissement de l’UE ouvre une nouvelle voie dans les relations avec la Russie, puisque nous avons des frontières communes. Cela va nous permettre de développer nos liens sur les questions de sécurité, de politique étrangère, de recherche, d’éducation et de commerce. Les investissements de l’UE en Russie sont élevés et nous importons la moitié des exportations russes.
En outre, l’appui de l’Union dans les réformes en Russie est important, c’est pourquoi nous soutenons l’entrée de la Russie dans l’OMC. Lors du sommet, l’Union fera également des propositions pour établir des fondations solides pour résoudre les crises internationales ensemble.
« La feuille de route est un piège pour l’Amérique, aussi »
A road trap for America, too
National Post (Canada)
[AUTEUR] [Frank J. Gaffney Jr] est président du Center for Security Policy, le think tank qui rassemble les principaux « faucons » états-uniens. Le Réseau Voltaire lui a consacré une enquête : « Le Centre pour la politique de sécurité : les marionnettistes de Washington ».
[RESUME] Ariel Sharon a pris la décision fatidique d’accepter la « feuille de route », un texte conçu par quatre entités qui sont hostiles à Israël (l’ONU, l’Union européenne, la Russie et le département d’État) et qui prévoit qu’Israël fasse des concessions concernant sa sécurité en échange de promesses creuses de non-agression de la part des Arabes.
Ce plan va avoir un coût terrible pour les Israéliens, mais aussi pour les Américains, surtout si un refuge pour les terroristes appelé « Palestine » se forme. La création d’un État palestinien aurait au moins trois conséquences pour les États-Unis :
– Ce serait un mauvais signal à envoyer au monde car cela signifierait que le terrorisme peut payer. Les terroristes redoubleront ainsi leurs efforts pour détruire Israël et attaquer les démocraties, dont les États-Unis. Les efforts que nous avons faits en Afghanistan et en Irak auront alors été vains.
– Cela affaiblira Israël, un allié fort dont les États-Unis ont besoin.
– Cela sapera le principe moral derrière cette guerre : les terroristes et les victimes ne peuvent pas être traités de la même façon. Alors que George W. Bush a affirmé qu’il n’y aura pas de négociations avec des dirigeants liés au terrorisme, Colin Powell veut minimiser la portée de son affirmation.
« Ne blâmez pas Mugabe pour tout »
Don’t blame Mugabe for everything
The Guardian (Royaume-Uni)
[AUTEUR] Thabo Mbeki est président d’Afrique du Sud.
[RESUME] Notre expérience au sein du Congrès National Africain (ANC), nous pousse à croire que la solution aux problèmes du Zimbabwe ne peut venir que du peuple du Zimbabwe. Diaboliser et punir aveuglément ce pays n’est pas la solution.
Les accords de paix de Londres qui ont entraîné l’indépendance du Zimbabwe ont malheureusement introduit la notion raciste de direction de la majorité noire et de droits de la minorité blanche, afin de préserver leurs possessions. Suite à l’indépendance, le nouveau gouvernement s’est lancé dans une politique visant à assurer plus d’égalité entre citoyens en développant les services publics, ce qui n’a été possible qu’en augmentant le déficit de l’État et la dette vis-à-vis de l’étranger, politique intenable.
Quoi qu’on en dise aujourd’hui, la situation actuelle du Zimbabwe n’est pas dûe à la corruption d’une classe politique entourant Robert Mugabe, mais d’un désir réel de pourvoir aux besoins des noirs pauvres. Il faut maintenant pour résoudre la crise que la stabilité revienne et pour cela, l’Afrique du Sud encourage les différentes parties en présence à négocier pour le bien de leur pays et pour que le Zimbabwe puisse enfin profiter des fruits de son indépendance durement acquise.
« Pourquoi j’ai décidé de démissionner du poste de Gouverneur général »
Why I decided to resign as Governor-General
The Age (Australie)
[AUTEUR] Peter Hollingworth est gouverneur général d’Australie démissionnaire et ancien archevêque anglican du diocèse de Brisbane. Cette tribune est une transcription de son discours de démission à la nation australienne.
[RESUME] J’ai décidé de démissionner du poste de Gouverneur général après une longue hésitation car je ne suis plus en mesure d’assumer ma fonction. Quand j’ai pris mon poste, il y a deux ans, je ne pensais pas que mon ministère passé poserait un problème pour moi ou pour d’autres.
Je considère que tous les cas d’abus sexuel et particulièrement sur des enfants sont inexcusables et ce d’autant plus qu’ils sont commis par des personnes exerçant des responsabilités. Lorsque j’étais archevêque du diocèse de Brisbane, j’ai été confronté à plusieurs cas. Le diocèse a mené une enquête que j’ai approuvée et qui m’a blanchi de toutes les accusations, sauf dans ma gestion d’un cas particulier.
Vu la situation, j’estime que je ne peux pas rester en fonction en l’état actuel des choses car cela affaiblirait la fonction que j’occupe. J’espère que ma démission démontrera mon attachement au service des Australiens, mais aussi la nécessité de placer la priorité sur la protection des enfants.
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