A l’exception de la phase militaire initiale, l’aventure irakienne de George W. Bush aura conduit à une accumulation d’échecs. Il n’y avait pas d’armes de destruction massive en Irak et les preuves de leur existence ont été largement fabriquées. Il semble également évident que Bush n’avait pas de plan d’après guerre et, au lieu d’instaurer la paix et la démocratie, la situation en Irak est devenue si dangereuse que l’instabilité est la raison invoquée par L. Paul Bremer pour justifier l’absence d’élections.
Les priorités en terme d’ordre dans le pays montrent bien les préoccupations de Washington. Ainsi, après la chute de Bagdad, le ministère du pétrole a été immédiatement protégé alors qu’on laissait les hôpitaux et les musées se faire piller. Cette guerre a également profité à Halliburton dont l’ancien PDG est Dick Cheney.
Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à dire que la reconstruction du pays est la tâche essentielle à accomplir mais là encore le biais idéologique de l’administration Bush risque de mener au fiasco. En effet, la Maison-Blanche semble être sur le point d’administrer, sans se souvenir des leçons du passage des anciens pays communistes à l’économie de marché, une thérapie de choc, c’est à dire la libéralisation brutale de l’ensemble de l’économie irakienne. Les pays de l’ancien bloc soviétique qui ont utilisé cette méthode s’en sont moins bien sortis que ceux qui avaient été plus en douceur et ne sont pas devenus des démocraties exemplaires. Mais les partisans de cette politique affirment que l’augmentation de la pauvreté et les faibles résultats économiques sont dus au fait que la thérapie n’était pas assez brutale et qu’en Irak il faudra donc aller encore plus loin.
Pourtant, compte tenu de la situation de l’économie irakienne, les privatisations seront problématiques. Elles se feront à bas prix, rapporteront donc peu à l’économie irakienne et elles apparaîtront comme illégitimes. Elles ne feront à terme que développer la dette d’un pays qui en est déjà criblé. La communauté internationale devrait donc investir dans la construction d’écoles et d’hôpitaux plutôt que de soutenir financièrement les desseins états-uniens.

Source
Taipei Times (Taïwan)

« If Bush has his way, Iraq’s next shock will be shock therapy », par Joseph Stiglitz, Taipei Times, 16 février 2004.