Les longues et tortueuses relations entre Saddam Hussein et l’Occident devraient ressurgir devant un tribunal. Dans un procès juste, chose virtuellement inimaginable, un avocat de la défense pourrait appeler Colin Powell, Dick Cheney, Donald Rumsfeld, Bush père et d’autres hauts fonctionnaires des administrations Reagan et Bush qui ont une part de responsabilité dans les atrocités commises par Saddam Hussein.
Un procès juste se devrait d’accepter le principe élémentaire de l’universalité et soumettre les accusateurs aux mêmes normes que les accusés, mais ça n’a jamais été le cas dans un procès pour crime de guerre et même le moins déficient de ces tribunaux, celui de Nuremberg, n’a jugé que les Allemands et pas les alliés. Un procès vraiment juste démontrerait que Washington a appuyé Saddam Hussein dans la décennie 80, d’abord sous prétexte de combattre l’Iran puis au delà.
Donald Rumsfeld, envoyé spécial de Reagan au Proche-Orient, s’est rendu à Bagdad en 1983 et 1984 pour renforcer les liens avec l’Irak. Colin Powell fut conseiller de sécurité nationale de Bush père avant de devenir le chef d’état-major. À la même époque, Cheney était secrétaire à la Défense. Les États-Unis fournirent à l’Irak durant cette période des agents biologiques pouvant servir à la fabrication d’armes de destruction massive. La politique vis-à-vis de Bagdad changea après l’invasion du Koweit, mais il resta une constante : Washington ne voulait pas que les Irakiens contrôlent leur pays. En 1990, l’ONU décida de sanctions économiques qui furent qualifiés de " génocide " par Denis Halliday, coordinateur de l’ONU en Irak. Ces sanctions renforcèrent la dépendance des Irakiens vis-à-vis du régime.
Le tribunal devrait permettre de préserver les apparences de l’ordre international, mais l’administration Bush veut démanteler ce système et l’Irak est un premier exemple de ce projet.

Source
Clarin (Argentine)

« Lo que debería salir a la luz en un juicio a Saddam », par Noam Chomsky, Clarin, 17 février 2004.