Il y a quelques années, j’avais assisté à la conférence annuelle des ambassadeurs qui se penchaient sur la question suivante : à terme était il préférable pour l’Europe d’intégrer l’État d’Israël, et, pour faire bonne mesure, le futur État palestinien, dans l’Union européenne ou bien de réintégrer les juifs d’Israël en les considérant individuellement comme ce qu’ils étaient dans leur grande majorité, des Européens ? Volontairement provocateur, l’un des participants s’était prononcé catégoriquement pour que l’Europe « retrouve ses juifs ».
Aujourd’hui, la boutade d’hier prend un autre sens et on assiste de plus en plus à une insidieuse dé-légitimation de l’État d’Israël qui n’émane plus que du monde arabo-musulman. C’est comme si on considérait de plus en plus que la création d’un État juif avait été une « fausse bonne idée » et qu’on pourrait repartir de zéro en reprenant les juifs en Europe. Ce à quoi on est en train d’assister en Europe n’est pas une montée de l’antisémitisme comparable à celle des années 30, mais un désamour croissant à l’égard d’un État qui a beaucoup déçu.
Toutefois, on ne répare pas une injustice par une autre. Cet État existe et seule une faible part des Israéliens se sent européenne. Depuis la fin de la Guerre froide, on a assisté à la naissance de nombreux États, pourquoi remettre l’existence du seul Israël en cause ? Certes son attitude est critiquable, mais c’est le cas d’autres pays. Au lieu de se résigner à la disparition d’Israël, l’Union européenne doit pousser Israël à accepter la solution des deux États.
« L’Europe et la légitimité d’Israël », par Dominique Moïsi, Le Monde, 2 mars 2004.
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